Edouard Chevardnadze

Edouard Chevardnadze (en géorgien : ედუარდ შევარდნაძე)[Note 2] ou Eduard Amvrossievitch Chevardnadze[Note 3] (en russe : Эдуард Амвросьевич Шеварднадзе), né le à Mamati[Note 4] en Géorgie et mort le à Tbilissi[1], est un homme d'État soviétique et géorgien. Il a été ministre des Affaires étrangères de l'Union soviétique de 1985 à 1990 puis président de Géorgie de 1992 à 2003.

Edouard Chevardnadze
ედუარდ შევარდნაძე

Edouard Chevardnadze en 1997.
Fonctions
Président de la Géorgie[Note 1]

(11 ans, 8 mois et 13 jours)
Élection
Réélection 9 avril 2000
Premier ministre Tenguiz Sigoua
Otar Patsatsia
Ministre d'État Nikoloz Lekichvili
Vaja Lortkipanidze
Guiorgi Arsenichvili
Avtandil Djorbenadze
Prédécesseur Zviad Gamsakhourdia
Successeur Nino Bourdjanadze (intérim)
Mikheil Saakachvili
Président du Parlement

(3 ans et 21 jours)
Prédécesseur Akaki Asatiani
Successeur Zurab Zhvania
Biographie
Nom de naissance Eduard Amvrossievitch Chevardnadze
Date de naissance
Lieu de naissance Mamati, RSS de Géorgie (URSS)
Date de décès
Lieu de décès Tbilissi, Géorgie
Nationalité Géorgienne
Parti politique PCUS puis
Union des citoyens de Géorgie
Conjoint Nanouli Chevardnadze
(1929-2004)

Présidents de Géorgie

Biographie

L’époque soviétique

Fiche originale de la CIA sur Chevardnadze récupérée en 1979 à l'ambassade des États-Unis de Téhéran par des étudiants iraniens.

Edouard Chevardnadze adhère au Parti communiste de l'Union soviétique (PCUS) en 1948. En 1959, il obtient un diplôme d’historien politologue à l’institut pédagogique de Koutaïssi.

De 1965 à 1968, il est ministre de l’Ordre public de la république socialiste soviétique (RSS) de Géorgie, puis de 1968 à 1972, ministre de l’Intérieur de la RSS de Géorgie. En 1972, il est nommé premier secrétaire du Comité central du PC géorgien, poste qu'il occupe jusqu'en 1985. C'est à ce titre qu'il fait arrêter en 1977 les dissidents Merab Kostava et Zviad Gamsakhourdia[2].

De 1976 à 1991, il est membre du Comité central du PCUS. Et en 1978, il entre au Politburo sous Léonid Brejnev.

De 1985 à 1990, il est ministre des Affaires étrangères de Mikhaïl Gorbatchev. Alors, partisan de la perestroïka et de la « nouvelle pensée » politique, il devient l’un des artisans de la reprise du dialogue avec les États-Unis, organise le retrait des troupes soviétiques de l’Afghanistan, et participe aux négociations de désarmement. En , durant le putsch de Moscou, il soutient Boris Eltsine dans sa résistance aux putschistes qui ont déposé Mikhaïl Gorbatchev, et lance des appels à l’Occident, en compagnie d’Alexandre Iakovlev, pour la constitution de comités de soutien.

Coup d'État

Le , des partisans armés de l'opposition organisent un coup d'État contre le président élu Zviad Gamsakhourdia. Un conseil militaire composé des opposants de Gamsakhourdia forme dès lors un gouvernement provisoire. Une de ses premières actions est de déposer officiellement le président Gamsakhourdia. Il se transforme ensuite en Conseil d'État et offre le 10 mars 1992 le poste de président de ce Conseil au vieux rival de Gamsakhourdia, Edouard Chevardnadze[3]. On ne procède à aucune élection ou référendum pour avaliser le changement. Chevardnadzé gouverne de facto comme président. Le , il est élu président du Parlement.

Des accrochages entre les forces pro- et anti-Gamsakhourdia continuent durant les années 1992 et 1993. Des sympathisants de Gamsakhourdia font prisonniers des membres du gouvernement entraînant des raids de représailles des forces gouvernementales. Un des plus sérieux incidents a lieu à Tbilissi le lorsque des sympathisants armés de Gamsakhourdia envahissent les bureaux de la télévision d'État. Ils parviennent à diffuser un message radio déclarant : « le gouvernement légitime a été réinstallé. La junte rouge touche à sa fin ». Cependant, ils furent évacués après quelques heures par la Garde nationale. Ils espèrent ainsi entraîner un soulèvement massif contre le gouvernement de Chevardnadze, mais c'est un échec[4].

Le gouvernement de Chevardnadze impose un régime extrêmement répressif dans toute la Géorgie pour supprimer le « Zviadisme ». Les forces de sécurité et la milice pro-gouvernementale Mkhedrioni procèdent à des arrestations massives et à un harcèlement des militants pro-Gamsakhourdia. Bien que les atteintes faites aux droits de l'Homme soient critiquées par la communauté internationale, le prestige personnel de Chevardnadze lui permet d'être accepté par la communauté internationale[5]. Le 14 août 1992, les troupes gouvernementales entrent en Abkhazie afin de déloger les sympathisants de Gamsakhourdia présents dans cette région[6], déclenchant ainsi la guerre d'Abkhazie. Cependant les atteintes aux droits de l'Homme ne firent que détériorer un peu plus les relations inter-ethniques déjà tendues. En septembre 1993, la guerre entre les forces géorgiennes et les séparatistes abkhazes prend fin. Ce conflit se termina par une défaite du gouvernement, entraînant le départ d'Abkhazie des forces gouvernementales et de 300 000 Géorgiens ainsi que la mort d'environ 10 000 personnes[7].

Guerre civile de 1993

Gamsakhourdia saisit rapidement l'occasion de renverser Chevardnadze. Le , il retourne en Géorgie et établit un gouvernement « en exil » dans la ville de Zougdidi, dans l'ouest du pays. Il annonce qu'il souhaite continuer la « lutte pacifique contre la junte militaire illégale » et se concentre sur la formation d'une coalition anti-Chevardnadze basée sur le soutien des régions de Samegrelo (Mingrélie) et d'Abkhazie. Il crée également une force armée importante, capable d'agir relativement librement face aux faibles forces de sécurité du gouvernement[8]. Après avoir initialement demandé la tenue immédiate d'élections, Gamsakhourdia profite de la déroute de l'armée géorgienne pour récupérer d'importantes quantités d'armes, abandonnées lors du retrait des forces gouvernementales[9]. Une guerre civile embrase l'ouest du pays à partir d'octobre 1993. Les forces de Gamsakhourdia prennent plusieurs villes clefs ainsi que d'importants nœuds ferroviaires et routiers. Les forces gouvernementales se replient dans le désordre, laissant peu d'obstacles entre les forces de Gamsakhourdia et la capitale Tbilissi. Cependant, la capture par Gamsakhourdia de Poti, port géorgien situé sur la mer Noire et vital pour l'économie de la région, menace les intérêts de la Russie, de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie (pays totalement enclavé dont les échanges dépendent des ports géorgiens)[10]. Dans un apparent, et très controversé, quiproquo, les trois pays apportent leur soutien au gouvernement de Chevardnadze qui en retour accepte d'adhérer à la CEI. Alors que le soutien de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan n'est que purement politique, la Russie mobilise rapidement des troupes pour aider le gouvernement géorgien. Le 20 octobre, environ 2 000 soldats russes se déploient en Géorgie pour protéger le réseau ferroviaire géorgien. Ils apportent également un soutien logistique et matériel aux forces gouvernementales, mal équipées[11]. Le soulèvement organisé par Gamsakhourdia échoue rapidement et la ville de Zougdidi tombe le 6 novembre[12].

Président de Géorgie

Le 5 novembre 1995, il est élu président de Géorgie.

Durant son mandat, il échappe à plusieurs attentats, notamment en 1995 et en 1998, alors que l’opposition s’organise autour de l’Institut de la Liberté soutenu par des capitaux étrangers, surtout américains dont ceux du financier George Soros et l’USAID.

Il est réélu président en 2000, avec 80 % des suffrages exprimés. Ses adversaires dénoncent une « farce électorale ».

En 2002, il obtient des États-Unis l’envoi de 200 instructeurs pour former des bataillons de l’armée géorgienne à la lutte antiterroriste.

Événements de 2003

Les élections législatives du 2 novembre 2003 voient la victoire des candidats progouvernementaux. Mais cette victoire est contestée par l’opposition du Mouvement national de Mikheil Saakachvili, du Parti travailliste de Chalva Natelachvili et du Bloc démocratique de Nino Bourdjanadze et Zourab Jvania. Ceux-ci réclament la démission d'Edouard Chevardnadze, appellent le peuple à la désobéissance civile et à descendre dans la rue. Le 4 novembre, des milliers d’opposants défilent dans la capitale Tbilissi. Le 9 novembre, les discussions entre le président et l’opposition pour mettre fin aux troubles post-électoraux échouent. Le 20 novembre, les résultats définitifs publiés, créditant la coalition présidentielle de plus de 40 % des voix.

Le 22 novembre, les manifestants envahissent le Parlement, contraignant Edouard Chevardnadze à interrompre son discours d’ouverture et à déclarer l'état d’urgence. Le lendemain, le ministre russe des Affaires étrangères, Igor Ivanov, Russe de Géorgie, tente une ultime médiation qui aboutit, le jour même, à la démission du président Chevardnadze. Nino Bourdjanadze, en tant que présidente du Parlement, devient présidente de Géorgie par intérim.

Après la présidence

Après son départ du pouvoir, Edouard Chevardnadze accuse George Soros, via ses fondations Open Society Institute et Liberty Institute, d'avoir financé et organisé un « coup d'État » (en particulier Kmara)[13].

Edouard Chevardnadze meurt à l'âge de 86 ans des suites d'une longue maladie, le 7 juillet 2014, à Tbilissi. Il est enterré le 13 juillet suivant.

Il était membre honoraire du Club de Rome[14].

Héritage

Si pour Levan Ramichvili, président de l'Institut des libertés (qui a joué un rôle important lors de la révolution de 2003), Edouard Chevardnadze « n'a été qu'un opportuniste, en pur produit du système soviétique. Il n'a pas agi par conviction », Nicolas Jallot, biographe de l'ancien président nuance ces propos : « C'était certes un "Soviétique", mais dès les années 1980, il souhaite la fin de l'URSS et l'indépendance de la Géorgie. [...] Il me disait qu'il n'avait pas été un philosophe politique, mais plutôt un politicien opportuniste, pragmatique et impitoyable ». Sa chute, en 2003, était attendue par une population vivant avec seulement quelques heures d'électricité par jour, dans un régime corrompu. La perte de l'Abkhazie en 1993 lui est également reprochée. En revanche, il est mis à son crédit d'avoir redressé le pays après son indépendance, miné par une guerre civile et des séparatistes, l'arrimant dans le camp occidental (en coopérant avec l'OTAN et construisant trois pipelines à partir des hydrocarbures de la mer Caspienne)[15]. A l'époque soviétique en mars 1989, il fut la seule personnalité étrangère à avoir jamais été reçu à Qom par l'Imam Khomeiny.

Notes et références

Notes

  1. Président du Conseil d'État du au .
  2. La transcription en langue française des patronymes géorgiens a été stable jusqu’à la fin du XXe siècle : les règles constituées par l’intermédiation de la langue russe, confirmées par la Légation de la République démocratique de Géorgie en France (1921-1933) et proches de la prononciation en langue géorgienne, étaient utilisées sans exception ; elles le sont encore aujourd’hui par le ministère français des Affaires étrangères et par la plupart des universitaires français s’intéressant à la Géorgie. L’usage a progressivement changé avec l’intermédiation de la langue anglaise et la définition d’une translittération latine proche de la transcription anglaise (2002). Ainsi ედუარდ შევარდნაძეე donne Edourad Chévardnadzé en transcription française et Eduard Shevardnadze en transcription anglaise (et en translittération latine).
  3. D’autres transcriptions se rencontrent : Chévardnadzé, Chevardnadzé, Chevarnadzé, Shevardnadze, Ševardnadze, etc.
  4. მამათი donne Mamati en transcription française et anglaise (et en translittération latine)

Références

  1. « L'ex-président géorgien Edouard Chevardnadzé, artisan de la perestroïka dans les années 1980, est mort », francetvinfo.fr, 7 juillet 2014.
  2. Christoph Zürcher, The Post-Soviet Wars: Rebellion, Ethnic Conflict, and Nationhood in the Caucasus, New York University Press, 2007, page 128
  3. Shevardnadze to Head Georgia's Ruling Body; Ex-Soviet Official Hopes to `Save' Homeland sur le Washington Post du 11 mars 1992
  4. Supporters of Ousted Georgian President Fail in Attempt to Topple State Council sur le Christian Science Monitor du 25 juin 1992
  5. Baker Detours to Visit an Old Friend in Need sur le Washington Post du 26 mai 1992
  6. SHEVARDNADZE SAYS VIOLENCE MUST STOP GEORGIA'S LEADER SAID HE WOULD QUIT IF ETHNIC AND POLITICAL WARFARE BLOCKED ELECTIONS NEXT MONTH sur le Philadelphia Inquirer du 22 septembre 1992
  7. LETTER OF HUMAN RIGHTS WATCH/HELSINKI TO GEORGIAN HEAD OF STATE AND PARLIAMENTARY CHAIRMAN EDUARD SHEVARDNADZE sur le site Human Rights Watch
  8. Georgia's former leader hopes people will return him to power sur le Washington Times du 16 octobre 1993
  9. GEORGIA'S EX-LEADER EMERGES AS NEW THREAT ZVIAD GAMSAKHURDIA HAS ORGANIZED A MILITARY FORCE AND IS DEMANDING THAT EDUARD SHEVARDNADZE RESIGN. sur le Philadelphia Inquirer du 30 septembre 1993
  10. REBELLION BREAKS OUT IN GEORGIA FORMER PRESIDENT GAMSAKHURDIA'S FORCES TOOK A PORT CITY. THE PORT, POTI, IS THE LAST MAJOR ENTRY FOR GOODS. sur le Philadelphia Inquirer du 3 octobre 1993
  11. Yalta II sur le Washington Post du 24 juillet 1994
  12. EMBATTLED CITY EMBODIES GEORGIANS' SPLIT LOYALTIES sur le Philadelphia Inquirer du 8 novembre 1993
  13. Régis Genté, « Les ONG internationales et occidentales dans les « révolutions colorées » : des ambiguïtés de la démocratisation », Revue Tiers Monde, Armand Colin, no 193, (ISBN 9782200924614, lire en ligne)
  14. (en) Liste des membres honoraires du Club de Rome
  15. Régis Genté, « Disparitions - Edouard Chevardnadze, ancien président géorgien », Le Figaro, mardi 8 juillet 2014, page 11.

Voir aussi

Bibliographie

  • Nicolas Jallot, Le Renard blanc du Caucase, Belfond, 2005.

Article connexe

Liens externes

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