Drogön Chögyal Phagpa

Drogön Chögyal Phagpa (tibétain : འགྲོ་མགོན་ཆོས་རྒྱལ་འཕགས་པ་, Wylie : gro mgon chos rgyal ’phags pa, THL : drogön chögyal phagpa) ; aussi écrit Dongon Choegyal Phakpa, Dromtön Chögyal Pagpa, etc., mongol cyrillique : Пагва лам (Pagva lam) ; chinois : 八思巴 ; pinyin : bāsībā), (1235)[1] fut le 5e chef de l’école Sakyapa du Bouddhisme Tibétain. Proche de l'empereur mongol Kubilai Khan dirigeant la Chine sous la dynastie Yuan, celui-ci lui confia la création de l'écriture phagpa et le gouvernement religieux et temporel du Tibet[2].

Le frère de Phagpa, Chakna Dorjé épouse Mokhdun (zh), fille de Godan Khan.[réf. nécessaire]

Carrière

Phagpa suivit en 1244 à l’âge de dix ans son oncle Sakya Pandita au Khökhnuur à la cour du prince Godan (ou Köden), conquérant mongol du Tibet, où ils arrivèrent en 1247. Il avait en chemin prononcé ses vœux de novice au Jokhang de Lhassa devant le bouddha Jowo. Il apprit le mongol qui utilisait, au moins depuis l'époque de Gengis Khan (1155/1162 — 1227), un alphabet inspirée de l’alphabet ouïghour et assista son oncle dans la création d’une nouvelle écriture destinée à transcrire dans cette langue les textes bouddhiques. Sakya Pandita, qui s’était vu confier l’autorité temporelle sur les « 13 myriarchies » (Trikor Chuksum) du Tibet central, fit de Phagpa son héritier[3],[4].

En 1253, Phagpa fut requis auprès de Kubilai Khan qu’il initia au tantra de Hevajra. Érudit et talentueux, il aurait vaincu le taoïste Qiu Chuji en débat en 1255. En 1260, Kubilai devint Khan des Mongols après la mort de son frère Möngke. Il nomma cette même année Chögyal Phagpa chef des affaires bouddhistes (dishi, 帝师 / 帝師, dìshī, titre proche du guoshi). La disparition de Möngke puis la victoire de Kubilai sur Ariq Böke (1264) permirent ainsi aux Sakya de s’établir en tant que pouvoir politique prééminent au Tibet, évinçant leurs concurrents Karma Kagyu menés par Karma Pakshi. Après avoir démarché Kubilai sans succès, ce dernier s’était rapproché des rivaux du Khan et pâtit de leur défaite. Selon les Mongols actuels, Phagpa fut le premier à « inaugurer la théologie politique de la relation entre l'État et la religion dans le monde bouddhiste tibéto-mongol »[5],[6]. Sakya Densa, le monastère siège, resta la capitale du Tibet jusqu'au milieu du XIVe siècle où la province centrale de U fut prise par un myriarche allié aux Phagmodrupa, marquant le « commencement de la fin de la période de pouvoir des Sakyapas au Tibet Central »[7],[3].

En 1264, Kubilai créa la Commission de contrôle à Khanbalik (aujourd'hui Pékin), nommés en chinois 总制院 / 總制院, zǒngzhìyuàn puis 宣政院, xuānzhèngyuàn, chargée des affaires bouddhiques de l’empire et du contrôle administratif et militaire du Tibet, dont Chögyal Phagpa prit la tête, devenant vice-roi du Tibet[citation nécessaire]. Son frère ou cousin Chhana venu avec lui enfant à la cour de Köden, devenu gendre de Kubilai, fut nommé pon chen, gouverneur effectif du pays[8]. Le vice-roi[citation nécessaire], le gouverneur et sa suite, vêtus à la mongole, arrivèrent au Tibet en 1264-65 dotés par le Khan de 16 000 kilos d’or et d’argent et d’une grande quantité de soieries. Un système de 27 relais de poste à travers le Tibet, partant du monastère de Tanduk et aboutissant à celui de Sakya, avait été établi spécialement pour permettre leur voyage[9].

En 1267 la mort prématurée de Chhana fut pour l'école Drikung Kagyu une occasion de révolte, qui fut contrée à l’aide d’une armée mongole (1267-68).

En 1269, après avoir mis en place au U-Tsang l’administration prévue par les Mongols, Phagpa revint à Khanbalik et présenta à l’empereur l’écriture Phagspa qu’il lui avait commandée. En 1270, Kubilai reçut l’initiation et nomma Chögyal Phagpa Précepteur impérial (帝师 / 帝師, dìshī) et Grand Maître du Dharma (大宝法王 / 大寶法王, dàbǎo fǎwáng)- fǎwáng, signifiant pape en chinois est le titre suprême pour le clergé tibétain dans la terminologie chinoise[10]. En 1271, Phagpa se rendit à Lintao, dans l'actuelle province du Gansu, pour se rapprocher de Hezhou, siège du gouvernorat du Tibet, et fit bâtir des monastères Sakya dans la région. Son disciple Tenpa le remplaça provisoirement à la cour[9].

En 1274, il retourna au Tibet où il mourut 4 ans plus tard. Il avait dû affronter l’hostilité du pon chen Kunga Zangpo – pourtant Sakyapa — et ce dernier fut accusé de l’avoir empoisonné. Devant ces signes de lutte interne chez ceux à qui il avait confié le contrôle du Tibet, l’empereur Yuan décida de transférer le gouvernorat sur le territoire même de U-Tsang[9] Le moine Senge († 1291) que Phagpa avait distingué fut nommé à la tête des affaires bouddhistes et Dharmapalaraksita, fils de Chhana, reprit le titre de Précepteur Impérial[8].

Écriture phags-pa

Billet de banque de 1287 et sa matrice, sous la dynastie Yuan, comportant écriture phagspa et hanzi.

Kubilai Khan demanda à Phagpa de concevoir une nouvelle écriture qui permettrait de transcrire toutes les langues de son empire. En réponse, Phagpa modifia l'écriture tibétaine pour créer une nouvelle série de caractères appelée depuis écriture phags-pa, achevée en 1268. Le Khan décida de l’utiliser comme écriture officielle de l'empire, et tenta de l’imposer en Chine, dont il devint empereur en 1271, à la place des idéogrammes[5]. L’écriture phags-pa ne remplaça jamais l’écriture chinoise et tomba en désuétude après l'effondrement de la dynastie Yuan en 1368[5],[6], mais fut utilisée pendant 110 ans sur des documents et commandes officielles qu’elle permet de dater.

Gari Ledyard (en) pense qu’elle a influencé le développement du hangeul, l'écriture coréenne moderne, crée vers 1443 sous le règne de Sejong le Grand.

Marco Polo

Le journal de Phagpa à la date de 1271 mentionne un ami étranger de Kubilai Khan, qui pourrait être un des aînés des Polo ou même Marco Polo lui-même, bien qu’aucun nom ne soit donné[11].

Notes et références

  1. Naissance : année de la chèvre de bois, 6e jour du 3e mois de l’an 2 de l’ère Duanping (zh) (端平) de la dynastie Song du Sud dans la chronologie chinoise ; décès : 22e jour du 12e mois de l’an 17 de l’ère Zhiyuan (zh) (至元) des Yuan.
  2. « Tibet — 3. La théocratie tibétaine (xie siècle-1950) », Larousse (consulté le ) « 1260, Kubilay Khan confie à Phags-pa, supérieur du monastère de Sa-skya, le gouvernement religieux et temporel du Tibet. »
  3. Tsepon W.D. Shakabpa, Tibet: A Political History (1967), p. 86. Yale University Press, New Haven and London.
  4. R. A. Stein (1972) Tibetan Civilization p. 106. Stanford University Press (ISBN 0-8047-0806-1) (ISBN 0-8047-0901-7)
  5. Thomas Laird (2006) The Story of Tibet: Conversations with the Dalai Lama, pp. 114-117.Grove Press, New York. (ISBN 978-0-8021-1827-1)
  6. F. W. Mote. Imperial China 900-1800. Harvard University Press, 1999. p.501
  7. Penny-Dimri, Sandra. "The Lineage of His Holiness Sakya Trizin Ngawang-Kunga." The Tibet Journal, Vol. XX No. 4, Winter 1995, pp. 71-73.
  8. Sakya Tradition dans Tibet Foundation Newsletter
  9. Chen Qingying The Year of the Establishment and the Naming of the Domed (mdo smad) Pacification Commission of the Yuan Dynasty in TibetologyMagazine
  10. Ce titre sera attribué sous les Ming au hiérarque des Kagyupa et désigne actuellement les karmapas ; le chef des Sakyapa reçoit à cette époque le titre de dachengfawang (大乘法王, dàchéng fǎwáng et celui des Gelugpa le titre de dacifawang (大慈法王, dàcí fǎwáng.
  11. Klafkowski, Piotr. (1977). "History of Buddhism in Mongolia—A Preliminary Survey", p. 28 and note. Buddhist Studies. The Journal of the Department of Buddhist Studies, University of Delhi. May, 1977.

Annexes

Bibliographie

  • (en) János Szerb, « Glosses On The Oeuvre Of Bla-Ma 'Phags-Pa: II. Some Notes On The Events Of The Years 1251—1254 », Acta Orientalia Academiae Scientiarum Hungaricae, Budapest, Akadémiai Kiadó, vol. 34, nos 1/3, , p. 263-285 (lire en ligne)

Articles connexes

Liens externes

  • Portail du Tibet
  • Portail de la Mongolie
  • Portail de la Chine
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.