Djokhar Doudaïev

Djokhar Moussaïevitch Doudaïev (en russe : Джохар Мусаевич Дудаев, en tchétchène : Дудин Муса кIант Жовхар), né le à Ialkhoroï et mort le à Gekhi-Chu, est un ancien général de l'armée de l'air soviétique d'origine tchétchène et homme d'État, médaillé de l'ordre de Lénine. Il est le premier président de la République tchétchène d'Itchkérie de 1991 à 1996.

Jeunesse et carrière militaire

Doudaïev voit le jour au village de Ialkhoroï dans la République socialiste soviétique autonome (RSSA) de Tchétchénie-Ingouchie, peu de temps avant que Staline ordonne la déportation de nombreuses populations (Tchétchènes, Ingouches, Balkars, Kalmouks, Tatars de Crimée) sous l'accusation de collaboration avec les nazis. Il grandit au Kazakhstan soviétique, où sa famille a été déportée.

Les déportés sont autorisés à rentrer en 1957 par Khrouchtchev, ce que fait sa famille. Il prend des cours du soir pour devenir électricien. Après deux ans à étudier l'électronique à Vladikavkaz, il entre en 1962 à l'école de pilotage militaire de Tambov et est diplômé en 1966. Il prétend à cette époque être Ossète pour éviter les discriminations contre les Tchétchènes. Il rejoint le Parti communiste en 1968 et étudie à la prestigieuse académie Gagarine de 1971 à 1974. Il épouse à cette époque Alla, une poétesse russe, avec qui il aura trois enfants.

Il sert dans une escadrille de bombardiers lourds de l'armée de l'air en Sibérie et en Ukraine, et participe à la guerre d'Afghanistan [1]. Il monte régulièrement en grade et devient commandant de la base de Tartu, en Estonie, en 1987, avec le grade de major-général. Il apprend l'estonien et montre une grande tolérance pour le nationalisme local notamment lorsqu'il ignore l'ordre de fermer la télévision et d'arrêter les révolutionnaires dans le Parlement estonien.

En 1990, sa division est retirée d'Estonie à la suite de la « révolution chantante », prélude à l'indépendance de ce pays. Il démissionne de l'armée en mai et retourne à Grozny, pour se lancer en politique.

Carrière politique

En novembre 1990, il est élu chef du Comité exécutif du Congrès national tchétchène, qui réclame la souveraineté tchétchène et la formation d'une république séparée de l'URSS pour la RSSA de Tchétchénie-Ingouchie (rétablie en 1957, bien qu'avec des frontières différentes de celles de 1944).

En août 1991, Dokou Zavgaïev, le leader communiste de la RSSA exprime publiquement son soutien au putsch de Moscou contre Gorbatchev. Après l'échec du putsch, l'URSS va commencer à se désintégrer en républiques indépendantes, sans que Gorbatchev puisse s'y opposer. Doudaïev va profiter de cette désagrégation pour s'en prendre à l'administration de Zavgaïev. Le , les militants du Comité exécutif du Congrès national tchétchène surgissent dans une session du Soviet de Tchétchénie-Ingouchie et obtiennent la dissolution du gouvernement.

Indépendance

Après une élection, en octobre 1991, qui confirme Doudaïev comme président de la nouvelle république tchétchène, il déclare unilatéralement l'indépendance en novembre 1991. Boris Eltsine envoie des troupes à Grozny, mais elles doivent se retirer au bout de seulement trois jours face à une résistance imprévue. La Russie refuse de reconnaître l'indépendance, mais hésite à utiliser la force contre les indépendantistes. L'Itchkérie est de facto un État indépendant.

La Tchétchénie sécessionniste noue rapidement des relations diplomatiques avec la Géorgie et son premier président Zviad Gamsakhourdia. Quand ce dernier est expulsé fin 1991, Doudaïev lui accorde l'asile, et il assiste à son intronisation comme président. À Grozny, il participe à l'organisation de la première Conférence caucasienne à laquelle sont conviés des groupes indépendantistes de toute la région. L'Itchkérie n'aura aucune reconnaissance internationale en dehors de celle de la Géorgie. Les Ingouches forment la République d'Ingouchie, qui ne revendique pas son indépendance et est officiellement intégrée à la Fédération de Russie en 1992.

La Tchétchénie réaffirme son indépendance « totale » en 1993. Les deux frères envoyés en Grande-Bretagne pour faire imprimer la monnaie tchétchène seront assassinés à Londres.

Difficulté du régime

Un exode massif des populations non-tchétchènes (estimé à 29 % de la population totale) serait provoqué par la non-réaction du gouvernement face à des mouvements anti-russes[2]. Plus de 310 000 Russes et Juifs qui s'étaient installés en Tchétchénie après leurs déportation en mai 1944, auraient ainsi quitté la Tchétchénie entre 1991 et 1993[réf. nécessaire].

En 1993, le parlement essaie d'organiser un référendum sur la confiance que les Tchétchènes accordent à Doudaïev, pour prouver qu'il a échoué à consolider l'indépendance. Ce dernier réplique en dissolvant le parlement et d'autres organes du pouvoir. Des groupes armés tchétchènes se constituent, et à plusieurs reprises au cours de l'année 1994, des coups de force, soutenus par les Russes, sont tentés contre Doudaïev mais ils échouent, notamment en novembre (opération appelée première bataille de Grozny). Après ces échecs, la Russie prépare une nouvelle opération militaire.

Première guerre (1994-1996)

Le les forces fédérales russes bombardent l'aéroport de Grozny et détruisent l'aviation (des avions d'entrainement réquisitionnés en 1991). En réponse l'Itchkérie déclare la guerre à la Russie et mobilise ses troupes. Le , cinq jours après que Doudaïev et le ministre de la défense russe Pavel Gratchev sont tombés d'accord pour désamorcer le conflit, les troupes russes envahissent l'Itchkérie.

Avant la chute de la ville en mars 1995, Doudaïev, dont un des deux fils est tué dans les premiers jours de la guerre, se replie dans le sud avec ses forces et continue à combattre jusqu'en 1995, depuis, d'après ce que l'on sait, un silo à missiles proche de la capitale historique tchétchène, Vedeno (55 km au sud-est de Grozny). Malgré la défaite, il continue à croire à la victoire de ses troupes après la fin de la guerre conventionnelle en juillet 1995, et la guérilla tchétchène continue à attaquer les troupes fédérales russes. Un jihad est déclaré à la Russie par le mufti d'Itchkérie, Akhmad Kadyrov, et des volontaires étrangers débarquent en masse dans le pays, la plupart venant des républiques à forte majorité musulmane du Caucase (comme le Daghestan).

Mort

Plaque commémorative à l'hôtel Barclay de Tartu.

Il est tué le . Plusieurs versions de cette mort existent, et la Russie n'a jamais clairement donné sa version détaillée des faits. La version communément admise est celle de deux missiles guidés par laser alors qu'il utilisait un téléphone par satellite. Sa localisation aurait été faite par un avion de reconnaissance russe qui avait intercepté le signal du téléphone. D'autres avions sont déployés (un Su-24 MR et un Su-25) pour le localiser et tirer le missile. Doudaïev aurait été en conversation avec un député libéral de la Douma, Konstantin Borovoï. Des avions de reconnaissance russes dans la zone surveillaient depuis quelque temps les communications satellite, cherchant à identifier sa voix, à partir d'extraits de ses discours.

Une théorie avance que la NSA serait impliquée, avec l'utilisation d'un de ses satellites ROEM pour faire la triangulation[3].

Une autre théorie évoque l'attaque combinée d'un missile et d'un "booby trap" [4].

Sa mort est annoncée trois jours plus tard par Chamil Bassaiev[5]. Son vice-président Zelimkhan Iandarbïev lui succède temporairement, et ensuite Aslan Maskhadov, vainqueur des élections de 1997.

Hommages

Diverses rues et places portent le nom de Djokhar Doudaïev :

  • Ankara : Cahar Dudayev Meydanı (Place de Djokhar Doudaïev)
  • Goražde : Ulica generala Džohara Dudajeva (Rue du Général Djokhar Doudaïev)
  • Khmelnytsky : Вулиця Джохара Дудаєва (Rue de Djokhar Doudaïev)[6]
  • Ivano-Frankivsk : Вулиця Джохара Дудаєва (Rue de Djokhar Doudaïev)
  • Izmir : Cahar Dudayev Bulvarı (Boulevard de Djokhar Doudaïev)
  • Lviv : Вулиця Джохара Дудаєва (Rue de Djokhar Doudaïev)
  • Riga : Džohara Dudajeva gatve (Rue de Djokhar Doudaïev)
  • Varsovie : Rondo Dżochara Dudajewa (Rond-point de Djokhar Doudaïev)
  • Vilnius : Džocharo Dudajevo skveras (Place de Djokhar Doudaïev)

Lors de la guerre du Donbass, qui a débuté au printemps 2014, un bataillon paramilitaire de volontaires pro-ukrainiens a été nommé d'après Djokhar Doudaïev et était dirigé par l'ancien général tchétchène Isa Munayev. Il s'agit du bataillon Djokhar Doudaïev.

Références

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes


  • Portail de la politique
  • Portail de la Russie
  • Portail de l’URSS
  • Portail du Caucase
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.