Débaptisation

La démarche de débaptisation consiste, pour une personne, à demander la suppression de son nom sur les registres paroissiaux afin de ne plus être compté comme membre de l'Église concernée. Cette démarche administrative concerne principalement des athées, agnostiques ou déistes et des personnes souhaitant quitter ou ayant quitté l'Église dans laquelle elles ont été baptisées.

La débaptisation est une formalisation de l'apostasie. De 1983 à 2009, l'apostasie a été reconnue par l'Église catholique sous le terme d'« actus formalis defectionis ab Ecclesia catholica ». Toutefois, depuis 2009, il n'existe plus du point de vue de cette Église de moyen formel de renoncer à son baptême[1],[2],[3],[4].

Motivations

La débaptisation peut être une forme de protestation visant à désavouer des prises de positions de responsables religieux[5].

Par exemple, à la suite des déclarations du pape Jean-Paul II en 1996 qualifiant la France de « fille aînée de l'Église », certains Français ont demandé leur radiation des registres baptismaux, refusant d'être comptabilisés comme catholiques[6]. Les prises de positions controversées de Benoît XVI vis-à-vis de la sexualité ou des autres religions[réf. nécessaire], ainsi que le dialogue avec la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X ou les affaires de pédophilie dans l'Église catholique, ont provoqué de nouvelles requêtes de débaptisation de catholiques tenant à s'en démarquer[6],[7]. Les estimations sont difficiles mais selon le journal Libération, il y aurait environ 2000 demandes par an, d'autres sources citant plutôt le chiffre du millier[8], sans que ces chiffres ne soient vérifiables[9].

Certains chrétiens désirent être radiés des registres de leur Église d'origine lorsqu'ils rejoignent une autre Église chrétienne, même si cette dernière n'exige pas une telle démarche.

Cette démarche, qui peut être entreprise individuellement, que l'on ait été baptisé selon le rite catholique, anglican, protestant ou orthodoxe, est aussi encouragée entre autres par des organisations anticléricales ou libertaires[10] ainsi que par le mouvement raëlien[6].

Modalités

En ce qui concerne l'Église catholique, la demande s'effectue uniquement par lettre datée et signée[11], accompagnée d'une photocopie d'une pièce d'identité (portant la même signature), adressée à l'évêché dont dépend la paroisse du baptême. Il est souvent utile d'indiquer le nom de l'église ou de la commune où a eu lieu de le baptême, et la date approximative, si on connaît ces indications ; ainsi que le nom de jeune fille de la mère (cela est utile dans certains cas, rares il est vrai). L'évêché concerné envoie alors une attestation confirmative. Les services de l'évêque portent, en outre, dans le Registre des Baptêmes, la mention de l'apostasie. Il est inutile d'écrire à la paroisse de baptême (qui ferait simplement suivre la demande à l'évêché : c'est une source de complications et de confusions). En Belgique, la pratique est plutôt d'adresser une lettre au vicariat général du lieu de résidence[12].

En général l'Église catholique se contente d'apposer une mention d'apostasie en marge du registre de baptême[13], sans supprimer le nom du registre[14]. La cour d'appel de Caen ainsi que la Cour de cassation ont validé cette pratique[15],[16],[17].

Conséquences religieuses

Du point de vue de la confession catholique, cette démarche administrative constitue un acte grave d'apostasie, de schisme ou d'hérésie selon le cas[14].

Le sacrement du baptême est considéré comme "ineffaçable" par les Églises[18], le code de droit canon de 1983 prévoyant dans son canon 849 le caractère indélébile du baptême. Un apostat qui reviendrait à la foi chrétienne ne sera pas « rebaptisé » s'il a une fois été baptisé validement (en) (quelle que soit l'Église ou la communauté religieuse dans laquelle le baptême a été conféré). En d'autres termes, quelles que soient les mentions qu'on pourrait inscrire sur le registre, le baptême reste valide, puisqu'il n'a pas à être réitéré (en cas de retour à l'Église) : le mot débaptisation est donc totalement inapproprié du point de vue de l'Église, et les mentions inscrites sur un registre n'y changent rien. L'Église préfère utiliser le terme de « renonciation au baptême ».

Cela n'empêche pas qu'une Église puisse attacher certains effets à une telle démarche administrative. Ainsi, le can. 1117 du Code de droit canon de l'Église catholique romaine assimilait, jusqu'en 2009[19], au non-catholique le catholique « ayant quitté l'Église catholique par un acte formel » en ce qui concerne les conditions de forme du mariage.

S'excluant de lui-même de la communauté ecclésiale dans laquelle il a été baptisé, l'apostat ne bénéficie logiquement plus des sacrements de cette Église (notamment eucharistie), ne peut être parrain ou marraine religieux (la personne peut être parrain ou marraine républicain puisque le parrainage civil existe en France) ni de baptême ni de confirmation et ne peut plus bénéficier d'obsèques religieuses. Quant au mariage canonique (sans valeur juridique en France) celui « de la personne qui a rejeté notoirement la foi catholique » (can. 1071 § 1 n° 4 du Code de droit canon) avec un catholique en pleine communion avec son Église est autorisé selon les mêmes critères que ceux applicables à tout non-catholique (can. 1071 § 2[20] du même Code).

Conséquences civiles

En France, du fait de la loi de 1905 (dite « loi de séparation des Églises et de l'État ») cette démarche est sans incidence civile, puisque la laïcité garantit que le lien d'appartenance religieuse n'a en lui-même aucune valeur légale aux yeux de l'État : l'État garantit à tout citoyen, croyant ou non-croyant, son droit à disposer de lui-même. Il n'en serait autrement que dans le cas d'affiliation formelle à une association cultuelle (ce qui est pratiqué par certaines Églises protestantes).

Dans certains autres pays (non laïcs) comme l'Allemagne, l'Autriche et les pays scandinaves ou dans de nombreux cantons suisses, cependant, le statut de fidèle a des conséquences juridiques (obligation juridique de contribution financière, notamment, parfois via la fiscalité). La manière de « quitter » les Églises ou autres entités religieuses est alors réglée par la loi afin de garantir la liberté religieuse (cf. « Sortie de l'Église »).

Conséquences juridiques

La Commission Nationale Informatique et Libertés avait validé dans un avis du le dispositif aux termes duquel une mention marginale était ajouté sur le registre de baptême, estimant d’une part que les informations contenues dans le registre de baptême n’étaient ni inexactes ni périmées, et qu’elles traduisaient un fait historique réel, et d’autre part que le droit d’accès et de rectification aux données concernant les personnes, prévu par l’article 27 de la loi du , avait été respecté en l’espèce par la mention marginale apposée sur l’acte[21].

D'un point de vue juridique, la question revient à s'interroger sur la manière dont l'État peut intervenir dans l'organisation des religions, en particulier au regard de l'article 1er de la loi du (dite loi de séparation) garantissant le libre exercice des cultes[22]. Or, de ce point de vue, le droit français considère qu'il existe une présomption de léicité de l'acte religieux, considérant même que l’appréciation d’une fonction cultuelle n’appartient pas aux juridictions civiles. De son côté, la Cour européenne des Droits de l’Homme de son côté a estimé que le droit à la liberté religieuse suppose le droit des fidèles de s’organiser en communautés et de fonctionner sans ingérence arbitraire de l’État[23]. Selon le Conseil d'État, il revient à celui-ci d'« assurer une application libérale du texte de séparation, en veillant à la mise en œuvre du principe de libre exercice des cultes, sous réserve des restrictions exigées par l’ordre public, ainsi qu’au respect des règles d’organisation de ces cultes. »[24].

La justice civil a eu l'occasion de se pencher sur la débaptisation, et en particulier sur la demande de radiation de la mention du nom de la personne demandant sa débaptisation des registres paroissiaux. Pour faire droit à sa demande, il était fait état d'une part d'une atteinte à la vie privée au titre de l'article 9 du code civil, et d'autre part du non respect des obligations relatives à la loi du Informatique et Liberté pour la tenu de fichier. La Cour de Cassation confirme dans un arrêt du [25] la position de la Cour d'appel de Caen de 2013 (Caen, 1re civ., 10 sept. 2013, n° 11/03427) en considérant qu’aucun comportement fautif attentatoire à la vie privée n’était imputable aux autorités religieuses, ensuite parce que les données à caractère religieux n’étaient accessibles qu’aux membres appartenant à l’église et non aux tiers. Cette décision valide ainsi la pratique mise en place par l'Église catholique de porter une mention en marge du registre des baptêmes, sans pour autant rayer la mention du baptême dudit registre.

Dans un autre arrêt du (Cass. civ. 1, , n° 14-23.724), la Cour de cassation considère que la question du conflit parental relatif au baptême de l'enfant relève du juge aux affaires familiales. Le choix de la religion d'un enfant est un des attributs de l’autorité parentale et relève d’une co-décision parentale. Dans sa décision, la Cour estime qu'en cas de conflit d'autorité parentale relatif au baptême des enfants, celui-ci doit être tranché en fonction du seul intérêt de ces derniers. Cette solution est différente de celle retenue par le droit canonique, spécialement dans le canon 868 disposant qu’il suffit que l’un des parents au moins y consente pour que le baptême d’un enfant soit licite (en).

Dans une décision du (n° 13/04353), la Cour d'appel de Lyon estime que « le baptême est un sacrement, un acte religieux qui n’a aucun effet civil », et qu'en conséquence, refuse d’ordonner la « débaptisation » de l’enfant.

Notes et références

  1. Text in Latin of Omnium in mentem
  2. Luke Coppen's Catholic Herald Blog Pope issues Motu Proprio modifying Canon Law
  3. New papal decree clarifies role of deacons and result of defections on marriage
  4. Diocese of Lafayette, Proper Recording and Retention of Sacramental Records
  5. Le mouvement pro débaptisation tisse sa toile
  6. Dossier du diocèse de Nanterre
  7. L'Église catholique allemande perd des milliers de fidèles Le Figaro, 14/04/2010
  8. Cyber Curé, « "Débaptisation", annulation du baptême et apostasie », sur cybercure.fr
  9. Libération, « Plus de 2000 Français se sont fait débaptiser en 2018 », sur liberation.fr,
  10. Valeurs Actuelles, « Enquête sur ces associations qui veulent “débaptiser” les Français », sur valeursactuelles.com,
  11. Plusieurs sites Internet proposent des lettres-type de demande d'apostasie.
  12. La débaptisation en Belgique
  13. du style « renie la valeur et les effets de son baptême » ou « demande à être radié des registres du baptême » par lettre en date du ../../....
  14. Actus formalis defectionis ab Ecclesia catholica sur le site du Vatican
  15. « L'effacement d'un baptême refusé en appel », sur http://www.liberation.fr, (consulté le )
  16. La Cour de cassation rejette une demande d’effacement des registres de baptême sur le site de La Croix
  17. Civ1, arrêt no 1441 du 19 novembre 2014, 13-25.156
  18. Orthodoxie et catholicisme. Un seul baptême ?
  19. Motu proprio « Omnium in mentem »
  20. Code de Droit Canonique
  21. CNIL, « 14ème Rapport d'activités pour 1993 », sur cnil.fr,
  22. O. Echappé, « Sacrement, état civil et vie privée : un délicat arbitrage par les juges judiciaires », sur cairn.innfo,
  23. CEDH, « aff. Temoins de Jehovah c/ France », sur hudoc.echr.coe.int,
  24. Conseil d'Etat, « Rapport public 2004 - Un siècle de laïcité », sur conseil-etat.fr,
  25. Cour de Cassation, « Arrêt n° 1441 du 19 novembre 2014 (13-25.156) », sur courdecassation.fr

Voir aussi

Articles connexes

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