Croix huguenote
La croix huguenote est un symbole protestant, originaire du Sud de la France, en forme de croix de Malte aux pointes garnies de perles. Des fleurs de lys ou des cœurs s'insèrent entre les branches de la croix à laquelle est suspendue une colombe du Saint-Esprit ou un pendentif en forme d'ampoule ou de larme appelé « trissou ». La croix huguenote est portée autour du cou, suspendue à une chaîne.
Elle aurait été créée vers 1688, après la révocation de l'édit de Nantes, par un orfèvre nîmois, Maystre.
Symbolique
La croix de Malte est similaire à la croix de Saint-Jean et à celle l'ordre du Saint-Esprit. Les huguenots qui la portaient étaient donc irréprochables aux yeux de la loi, même à l'époque des persécutions des XVIIe et XVIIIe siècles. Les différents éléments du symbole ont un sens politique et spirituel et permettaient d'affirmer en même temps la loyauté à l'égard du roi (« mal conseillé ») et de l'État, ainsi qu'une vraie foi évangélique. Louis XIV avait interdit aux protestants tout insigne ; ces derniers, en signe d'insoumission, utilisèrent pour leur croix la croix de Malte fleurdelisée.
La croix est un symbole éminemment chrétien puisque renvoyant à la mort du Christ, et aussi à sa victoire sur la mort et l'impiété. Elle est « boutonnée », les huit pointes renvoyant aux huit Béatitudes (Bible, Évangile selon Matthieu, chapitre 5, versets 3 à 10), règles de vie du chrétien, de celui qui est persécuté pour sa foi[1]. Les douze points symbolisent les douze disciples de Jésus-Christ, mais combinés au cercle autour de la croix, ces points représentent la couronne d'épines que Jésus-Christ portait sur la croix.
Entre les bras de la croix sont insérées des fleurs de lys (lesquelles, sur les armoiries de France, représentent la Trinité). Stylisées, elles font penser à des morceaux de la couronne d'épines du Christ, et délimitent avec les bras de la croix quatre cœurs (ces deux symboles renvoient aux souffrances du Christ, puis des chrétiens). Les quatre cœurs représentent également les quatre évangiles (de Matthieu, Marc, Luc et Jean, soit les quatre premiers livres du Nouveau Testament)[2]. Les quatre lys à trois pétales (soit un total de douze pétales) pourraient aussi représenter les douze apôtres.
En pendentif, la colombe est le symbole du Saint-Esprit, « qui témoigne à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu » (La Bible, Épître aux Romains, chapitre 8, verset 16). Elle pend de la croix car elle représente le don de paix et du Saint-Esprit sur la Terre fait par le sacrifice de Jésus Christ sur la croix. C'est la même colombe, présente au baptême du Christ, qui aurait apporté le saint chrême pour le sacre des rois de France.
Parfois, c'est la représentation de la sainte ampoule contenant cette huile qui remplace la colombe en pendentif de la croix huguenote. Cette ampoule a une forme de goutte, parfois appelée « trissou » en occitan. Mais ce trissou peut avoir au moins deux autres origines, les larmes de la persécution, ou la langue de feu descendue sur la tête des disciples le jour de la Pentecôte (ce qui ramènerait à l'Esprit Saint). La colombe peut être remplacée par une perle en pendentif de la croix huguenote afin de symboliser la persécution encourue par les huguenots.
On peut interpréter les quatre cœurs comme une évocation de l'amour du Père. Certains voient aussi le symbole du Père, le Créateur, dans les rayons qui partent du centre dans chaque bras de la croix, comme un soleil. Ainsi, les trois éléments de la Trinité sont représentés : le Père, le Fils (la croix) et l'Esprit Saint (la colombe).
Histoire
La croix huguenote apparaît en Languedoc, peu après la révocation de l'Édit de Nantes. Une famille de bijoutier nîmois, les Maistre, serait la première en 1688 à en avoir réalisé en or. La mode de ce bijou féminin se répand rapidement en pays réformé.
Après un oubli de plus d'un siècle, ce bijou connaît un regain d'intérêt grâce aux travaux des érudits et collectionneurs protestants, comme Raoul Allier, professeur à la faculté de théologie protestante de Paris, qui en possédait cent six. Avec l'ouverture du musée du Désert à Mialet (Gard) en 1911, la croix huguenote devient l'objet d'expositions et d'articles dans la Société de l'histoire du protestantisme français et suscite de nombreuses rééditions en or, en argent et en métal. La librairie générale et protestante de Paris en vend à partir de 1912. Dans l'entre-deux-guerres, la croix huguenote commence à remplacer le pendentif en forme de cœur qui était offert aux jeunes filles lors de la confirmation. Elle s'affirme depuis la Seconde Guerre mondiale, et son utilisation dans l'insigne des résistants protestants, comme le bijou protestant par essence et son usage se diffuse y compris dans les territoires luthériens. Elle est aujourd'hui portée à la fois par les hommes et les femmes[3],[4].
Utilisation
De nos jours, quatre localités françaises, Saint-Mards-en-Othe (dans l'Aube), Kirrberg, Ratzwiller[5] et Rauwiller (dans le Bas-Rhin), ont un blason moderne qui comporte une croix huguenote en rappel de leur passé protestant.
Elle était présente sur le logo de l'Église réformée de France.
Notes et références
- Marc Pernot, « La Croix Huguenote », sur Temple protestant de l'Oratoire du Louvre, (consulté le )
- « La croix huguenote », sur Musée virtuel du protestantisme (consulté le )
- « Le Musée du Désert - La Croix huguenote », sur www.museedudesert.com (consulté le )
- « La croix huguenote : qu'est-ce que c'est ? », sur www.protestants.org, (consulté le )
- Pour Ratzwiller, seule la croix est présente, sans sa colombe appendue.
Bibliographie
- Mireille-Bénédicte Bouvet, Protestantismes - Vocabulaire typologique, Paris, Éditions du Patrimoine, , 344 p. (ISBN 9782757705612)
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