Conjuration d'Amboise

La conjuration d'Amboise, également appelée tumulte d'Amboise, de mars 1560, est la tentative d'enlèvement manquée, organisée par des gentilshommes protestants pour s'emparer de la personne du roi François II pour le soustraire à la tutelle des Guise, jugés trop proches de lui. Cet événement annonce les guerres de Religion à venir (1562-1598).

L'entreprise d'Amboise, découverte les 13, 14 et 15 mars 1560.
Gravure de Tortorel et Perrissin, série des Quarante Tableaux, vers 1570.

Le contexte

Le cardinal Charles de Lorraine.

À la mort du roi Henri II le , les protestants espèrent obtenir la fin de la répression, mais le jeune roi François II a confié le gouvernement aux Guise, garants en France de la religion catholique, et partisans d'une politique d'une grande fermeté envers la religion réformée. Le supplice d'Anne du Bourg en décembre marque cette détermination.

Le duc François de Guise et son frère le cardinal Charles de Lorraine sont les oncles maternels de la jeune reine Marie Stuart et exercent par l'intermédiaire de celle-ci un ascendant sur le roi. Ils dirigent l'essentiel de la politique royale et sont convaincus d'être en droit de réprimer le protestantisme en s'appuyant sur l'édit d'Écouen.

Pour se débarrasser des Guise, les protestants comptent sur les deux princes du sang, Antoine de Bourbon et son frère le prince Louis de Condé. Acquis aux idées de la Réforme, les deux princes possèdent la légitimité pour gouverner la France, mais refusent de provoquer un conflit ouvert avec la cour où ils ont leurs intérêts. Devant leur inaction, plusieurs gentilshommes provinciaux décident dès lors de prendre les choses en main. Ils organisent un complot pour s'emparer du roi et de sa famille par la force.

La préparation du complot

Le chef de la conjuration est Jean du Barry, seigneur de La Renaudie, gentilhomme du Périgord, plein d'animosité contre les Guises depuis l'exécution de son beau-frère Gaspard de Heu. Il réunit d'autres gentilshommes venus de toute la France comme le baron Charles de Castelnau-Tursan, Bouchard d'Aubeterre, Edme de Ferrière-Maligny (frère cadet de Jean II de Ferrières), le capitaine Mazères, le capitaine Sainte-Marie, le capitaine Lignières, le capitaine de Cocqueville, Jean d'Aubigné (père d'Agrippa d'Aubigné), Jean Hotman de Villiers, Ardoin des Porcelets de Maillane, François de Barbançon, Charles de La Garaye.

Paulon de Mauvans (dont le frère a été exécuté) rallie les huguenots de Provence à Mérindol, le , promet 2 000 hommes et en envoie 100 à Nantes où les conjurés doivent se réunir[1].

Jean Calvin et la plupart des pasteurs protestants refusent la voie de la violence et condamnent le projet des conjurés. L'amiral Gaspard de Coligny empêche la noblesse protestante de Normandie de s'associer au complot. Le prince de Condé lui-même refuse de participer à la conjuration bien qu'il attende à Orléans de recueillir les fruits du complot ; il est désigné par le terme de capitaine muet dans les courriers des conjurés[2].

Sont également complices des bourgeois des villes d'Orléans, Tours et Lyon. Le , les conjurés se réunirent à Nantes pour décider d'un plan.

L'échec de la conjuration

L'exécution des conjurés.
Gravure de Frans Hogenberg, d'après Tortorel et Perrissin.
Le château tel qu'il était à l'époque.

Au cours du mois de février et de mars, les Guise reçoivent plusieurs avertissements sur l'existence d'un complot. Dans l'ignorance, ils pensent tout d'abord qu'il s'agit d'un complot fomenté par l'étranger[3]. Puis, le 12 février, ils sont informés de la réalité de la conjuration par Pierre des Avenelles, un avocat parisien. Le 22 février, ils décident de transférer le roi et la cour du château de Blois à celui d'Amboise, bien mieux protégé. Les défenses du château sont renforcées.

Les conjurés, qui avaient prévu leur action pour le , la remettent au 16 mars. Grâce à des complicités sur place, certains conjurés arrivés en avance, et préparent l'arrivée du gros des troupes protestantes. Mais les Guise font fouiller les alentours d'Amboise, et les premiers conjurés sont arrêtés le 10 mars. Jusqu'au 16 mars, les arrestations se multiplient, de manière pacifique le plus souvent. Les protestants espèrent pouvoir exprimer au roi leurs doléances avant d'entamer l'action.

Mais l'attaque surprise des huguenots commandés par Bertrand de Chandieu (frère du pasteur Antoine de Chandieu) le 17 mars effraie la cour, et les rebelles, rapidement matés, sont punis avec une extrême sévérité : la plupart des conjurés sont pendus aux balustrades du château, les autres sont noyés dans la Loire ou massacrés par la foule. Le 19 mars, Jean du Barry est tué dans la forêt de Château-Renault par des cavaliers. Son corps est ramené à Amboise. D'abord attaché à une potence sur le pont avec une pancarte indiquant « chef des rebelles », il est ensuite coupé en cinq morceaux et les parties de son corps sont exposées aux portes de la ville[4]. La répression fait 1 200[5] à 1 500 morts[6],[7].

Le 17 mars, le roi François II confie au duc de Guise la lieutenance générale du royaume.

Notes et références

  1. Pierre Miquel, Les Guerres de Religion, Paris, Fayard, , 596 p. (ISBN 978-2-21300-826-4, OCLC 299354152, lire en ligne)., p. 211-212.
  2. Pierre Miquel, Les Guerres de Religion, Paris, Fayard, , 596 p. (ISBN 978-2-21300-826-4, OCLC 299354152, lire en ligne)., p. 211. Histoire et dictionnaire des guerres de religion, Robert Laffont, 1998, p. 61.
  3. Histoire et dictionnaire des guerres de religion, Robert Laffont, 1998, p. 66.
  4. Musée virtuel du protestantisme : conjuration d'Amboise.
  5. Herodote.net. 17 mars 1560 : la conjuration d'Amboise. En ligne , consulté le 19 février 2007.
  6. Pierre Miquel, Les Guerres de Religion, Paris, Fayard, , 596 p. (ISBN 978-2-21300-826-4, OCLC 299354152, lire en ligne)., p. 213.
  7. Google Livres : Jacques-Auguste de Thou, Histoire universelle depuis 1543 jusqu'en 1607. Tome 3, Londres, 1734.

Annexes

Sources primaires

  • Théodore Agrippa d'Aubigné, Histoire universelle, tome 1, Éd. André Thierry, Genève, Droz, 1981-2000, Chapitre XVII, Entreprise d'Amboise et ce qui s'ensuit, p. 268-278.

Bibliographie

  • (en) Philip Benedict, Season of Conspiracy : Calvin, the French Reformed Churches, and Protestant Plotting in the Reign of Francis II (1559-60), Transactions of the American Philosophical Society, vol. 108, 2019, (ISBN 978-1-60618-085-3).
  • Elizabeth A. R. Brown, « La Renaudie se venge : l'autre face de la conjuration d'Amboise », dans Yves-Marie Bercé et Elena Fasano Guarini (dir.), Complots et conjurations dans l'Europe moderne : actes du colloque international, Rome, 30 septembre-2 octobre 1993, Rome, Publications de l'École française de Rome, coll. « Collection de l'École française de Rome » (no 220), , 773 p. (ISBN 2-7283-0362-2, lire en ligne), p. 451-474.
  • Henri Clavier, « La conjuration d'Amboise vue de Strasbourg », Bulletin philologique et historique jusqu'à 1610 du Comité des travaux historiques et scientifiques, Paris, Bibliothèque nationale, vol. II « année 1968, Actes du 93e Congrès national des Sociétés savantes tenus à Tours », , p. 829-844 (lire en ligne).
  • Éric Durot, François de Lorraine, duc de Guise, entre Dieu et le roi, Paris, Classiques Garnier, coll. « Bibliothèque d'histoire de la Renaissance » (no 1), , 884 p. (ISBN 978-2-8124-0610-2, présentation en ligne), chap. IX à XI, [présentation en ligne], [présentation en ligne].
  • Arlette Jouanna, Le Devoir de révolte : la noblesse française et la gestation de l'État moderne, 1559-1661, Paris, Fayard, coll. « Nouvelles études historiques », , 504 p. (ISBN 2-213-02275-5, présentation en ligne), [présentation en ligne], [présentation en ligne], [présentation en ligne].
  • Arlette Jouanna, « Le thème polémique du complot contre la noblesse lors des prises d'armes nobiliaires sous les derniers Valois », dans Yves-Marie Bercé et Elena Fasano Guarini (dir.), Complots et conjurations dans l'Europe moderne : actes du colloque international, Rome, 30 septembre-2 octobre 1993, Rome, Publications de l'École française de Rome, coll. « Collection de l'École française de Rome » (no 220), , 773 p. (ISBN 2-7283-0362-2, lire en ligne), p. 475-490.
  • Arlette Jouanna, Jacqueline Boucher, Dominique Biloghi et Guy Le Thiec, Histoire et dictionnaire des guerres de religion, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1526 p. (ISBN 2-221-07425-4, présentation en ligne).
  • Louis-Raymond Lefèvre, Les Français pendant les guerres de religion : le Tumulte d'Amboise, Paris, Gallimard, , 255 p.
  • Henri Naef, La Conjuration d'Amboise et Genève, Genève, A. Jullien, Georg et Cie, , 407 p. (présentation en ligne)
    Extrait des Mémoires et documents publiés par la Société d'histoire et d'archéologie de Genève, t. XXXII.
  • Charles-Hippolyte Paillard, « Additions critiques à l'histoire de la conjuration d'Amboise », Revue historique, Paris, Librairie Germer Baillière et Cie, t. XIV, , p. 61-108 ; 311-355 (lire en ligne).
  • Lucien Romier, La Conjuration d'Amboise : l'aurore sanglante de la liberté de conscience, le règne et la mort de François II, Paris, Librairie académique Perrin et Cie, , 290 p. (présentation en ligne).
  • (it) Corrado Vivanti, « La congiura d'Amboise », dans Yves-Marie Bercé et Elena Fasano Guarini (dir.), Complots et conjurations dans l'Europe moderne : actes du colloque international, Rome, 30 septembre-2 octobre 1993, Rome, Publications de l'École française de Rome, coll. « Collection de l'École française de Rome » (no 220), , 773 p. (ISBN 2-7283-0362-2, lire en ligne), p. 439-450.

Littérature

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