Châtelet (Caen)

Le Châtelet, ou pont Saint-Pierre, était un pont fortifié et une des portes de la ville de Caen, construite au XIIIe siècle et démolie au milieu du XVIIIe siècle. Élément des fortifications de Caen, la porte fortifiée servait également d’hôtel de ville.

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Histoire

La construction de la porte

Le pont Saint-Pierre était le seul point de passage entre Bourg-le Roi et l’île Saint-Jean. Les personnes voulant traverser la ville était obligées de passer par le pont Saint-Pierre ; depuis le nord, on entrait dans la ville par la porte Saint-Julien, on descendait la rue Cattehoule, ou rue de Geôle, pour arriver au carrefour Saint-Pierre où l’on rejoignait le flot de circulation en provenance de la grande rue Saint-Pierre qui drainait les flux en provenance de l’ouest entrés dans la ville par la porte Saint-Martin ; on devait alors traverser le pont Saint-Pierre, descendre la rue Exmoisine, ou Saint-Jean, franchir la porte Millet, puis le pont de Vaucelles avant de se diriger vers l’est par la rue d’Auge ou vers le sud par la rue de Falaise.

En 1203, Jean sans Terre affranchit la commune de Caen qui put se doter d’un beffroi, d’une cloche, d’un sceau et d’un hôtel municipal ; on bâtit alors sur le Pont Saint-Pierre un châtelet logeant l’hôtel de ville. La première mention directe à la maison de ville date de 1307 ; cependant, un texte du début du XIIIe siècle fait référence au parvis pratis de catellione pré dessus le castillon »), ce qui semble prouver que le Châtelet existait déjà à cette époque[1]. En 1314, une des premières horloges mécaniques, réalisée par Beaumont, est installée[2]. En 1346, le Châtelet fut détruit pendant la prise de la ville par Édouard III d'Angleterre et reconstruit immédiatement[3].

La destruction de la porte

Le , Loguet, ingénieur de la généralité de Caen, dresse un procès-verbal en présence du président du bureau des finances et du procureur du roi dans lequel il constate que le Châtelet est lézardé dans toute sa hauteur ; estimant que le poids du bâtiment affaiblit la structure du pont, il conclut qu'il est nécessaire de le démolir « jusqu'à trois pieds de dessus du pavé dudit pont »[4]. Cette démolition s'inscrit en fait dans le grand plan de François-Jean Orceau de Fontette, intendant depuis 1752, qui souhaite améliorer la circulation dans la ville. Bien que les édiles aient progressivement désertés la maison commune au profit de l'hôtel d'Escoville depuis 1733, ils refusent de démolir ce symbole de leurs libertés communales, mises à mal par la montée en puissance de l'administration royale. Les architectes de la ville produisent une contre-expertise affirmant la solidité de l'ouvrage et la municipalité propose de rénover les façades en s'inspirant du beffroi de l'hôtel de ville de Rennes[4]. Les édiles s'adressent au Daniel-Charles Trudaine, directeur de l'Assemblée des inspecteurs généraux des ponts et chaussées ; ce dernier charge le contrôleur général des finances de trancher. Finalement Jean Moreau de Séchelles confirme la première expertise[4]. Le , le bureau des finances de Caen déclare[5] :

« attendu qu'il résulte des faits contenus dans les procès verbaux, qu'il est au moins douteux que le pont Saint Pierre soit solide ; que d'un autre côté le passage est trop étroit et dangereux ; que les différens plans produits et proposés par les maire et échevins sont in suffisans pour procurer un élargissement convenable, nous avons ordonné que les bâtimens étant sur ledit pont seront démolis dans trois mois de la signification de la présente, faute de quoi après ledit temps expiré il y sera pourvu ainsi qu'il appartiendra. »

Le , le carillon de l'horloge, installée 441 ans plus tôt, sonne pour la dernière fois le Regina cœli[5] avant d’être déplacé dans l’hôtel d'Escoville[6] et les travaux de destruction commencent[7]. La démolition de la vielle porte, supprimant un point de congestion important sur la route entre Paris et Cherbourg, est achevée en [8].

Le corps de garde du Châtelet, attesté au début du XVIIIe siècle, n'est démoli qu'au milieu du XIXe siècle lors du réaménagement de la place Saint-Pierre[9].

Architecture

Le Châtelet, était une tour carrée flanquée de quatre tourelles circulaires. Le rez-de-chaussée était ouvert par des arcades afin de permettre le passage des charrois. Dans les deux niveaux supérieurs, on trouvait également des magasins, des lieux de stockage, un corps de garde et un cachot. Son carillon, symbole de la liberté communale, rythmait la vie de la cité. Il était également surnommé, comme à Rouen, le Gros Horloge car sa façade était ornée d’un cadran doré qui marquait les heures et les phases de la lune ; cette horloge monumentale était égayée d'une inscription[10] :

« Puisqu'ainsi la ville me loge
Sur ce pont pour servir d'auloge
Je feray les heures ouïr
Pour le commun peuple esjouïr »

Sur les murs, était également inscrit la devise de la ville : un Dieu – un Roy, une Foy – une Loy.

Au XVIe siècle, Charles de Bourgueville le décrit en ces termes :

« de fort ancienne et admirable structure, de quatre estages en hauteur, en arcs-boutans fondez dedans la rivière sur pilotins, laquelle flue par trois grandes arches ; et aux coings de cest édifice et maison sont quatre tours qui se joignent par carneaux, en l’une desquelles (qui faict le befroy) est posée la grosse orloge: ceste quelle maison, pont et rivière, séparent les deux costez de la ville, de façon que les quatre murailles d’icelle commencent, finissent et aboutissent sur ce pont, anciennement appelé de Darnetal, comme il se treuve par certaine chartre, estant au matrologe ou chartrier de la ville, de l’an 1365. »

 Sieur De Bras[11].

Références

  1. Georges Huard, « La Paroisse et l'église Saint-Pierre de Caen, des origines au milieu du XVIe siècle » dans Mémoires de la société des antiquaires de Normandie, Fascicule 1, Série 4, Volume 5, 1928, p. 38
  2. Henry Havard, Les arts de l'ameublement : l'horlogerie, Paris, Charles Delagrave, 1891-1897, p. 72 [lire en ligne]
  3. Christophe Collet, Pascal Leroux, Jean-Yves Marin, Caen cité médiévale : bilan d'archéologie et d'histoire, Calvados, Service Département d'archéologie du Calvados, 1996, p. 53
  4. Pascal Liévaux, « Les architectes du roi et l'architecture communale des villes atlantiques » dans Hélène Rousteau-Chambon (dir.) Jacques V Gabriel et les architectes de la façade atlantique, Actes du colloque de Nantes du 26-28 septembre 2002, Paris, Éditions Picard, 2004, pp. 179-181
  5. Grégoire-Jacques Lange, Éphémérides normandes, Caen, Imprimerie de Bonneserre, 1833, tome 1, pp. 95–96
  6. Robert Patry, Une ville de province : Caen pendant la Révolution de 1789, Condé-sur-Noireau, Éditions Charles Corlet, 1983, p. 11
  7. Grégoire-Jacques Lange, op. cit., p. 324
  8. Georges le Vard, « Hôtel le Valois d'Escoville », dans le Bulletin de la société des antiquaires de Normandie, tome XXXIII, Caen, 1918, p. 66
  9. Christophe Collet, Pascal Leroux, Jean-Yves Marin, op. cit., p. 230
  10. Revue des arts décoratifs, 1888–1889, p. 18 [lire en ligne]
  11. Charles de Bourgueville, sieur de Bras, Les Recherches et antiquitez de la province de Neustrie, à présent duché de Normandie, etc., Caen, 1833, p. 9

Articles connexes

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