Château de Brunoy
Le château de Brunoy est une demeure détruite qui était située sur la commune de Brunoy.
Il possédait de merveilleux jardins "à la Française" et fut la résidence-fétiche du comte de Provence, futur Louis XVIII. Le domaine se composait du "Grand Château" et du "Petit Château", situé de l'autre côté du vallon.
Château de Brunoy | |
Restitution du point de vue depuis le premier étage du grand château de Brunoy sur les jardins au milieu du XVIIIe siècle. | |
Coordonnées | 48° 42′ 02″ nord, 2° 29′ 52″ est |
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Pays | France |
Région | Île-de-France |
Département | Essonne (département) |
Localité | Brunoy |
Histoire
Avant le XVIIIe siècle
La première version féodale du château date du XIIe siècle : Louis VI Le Gros attribue le domaine à un de ses proches avec la consigne de « surveiller » le comte de Champagne tout proche. Ce nouveau seigneur local prit le nom de son fief, soit « Brunayo ».
Le château de Jean Pâris de Monmartel
En 1722, le fief de Brunoy est vendu au gardien du Trésor royal, Jean Pâris de Monmartel, l'un des frères Pâris, financiers d'origine pauvre passés tous quatre dans le petit clan des très grosses fortunes grâce, en ce qui concerne Montmartel, à la traite des noirs.
Ce domaine est érigé en marquisat en 1757.
Le fantasque marquis de Brunoy
Son fils Armand, le fameux marquis de Brunoy, prend la relève à sa mort. Son oncle maternel, Armand-Louis Ier marquis de Béthune-Chabris (Maison de Béthune), organise le mariage d'Armand, le , avec Émilie de Perusse d'Escars. Mal accepté par la cour pour sa basse extraction, il finit par s'en retirer, écœuré par l'hypocrisie, pour vivre à Brunoy. Moitié par provocation moitié par goût de sincérité, il entretient un comportement qualifié d'extravagance - mais de toutes les terres environnantes, la sienne est la seule sans crimes car il nourrit ses pauvres en abondance, ce qui est l'une des "extravagances" que ses pairs et sa famille lui reprochent. Il travaille avec ses ouvriers, autre extravagance, à rehausser le château d'un étage[1].
C’est à cette époque que le château féodal qui borde l’Yerres atteint la munificence : une aile y est ajoutée, les appartements richement décorés et les grandes eaux de Brunoy sont créées[1] sur la pente qui va du plateau de la forêt de Sénart vers l’Yerres. Les eaux viennent à la fois de la forêt elle-même et de l’Yerres grâce à un système de pompes. Le parc comporte plusieurs bassins, des massifs de fleurs, des statues, un long canal et une cascade, animée grâce à la machine de Laurent. Les visiteurs sont nombreux : Louis XV, la marquise de Pompadour séjournent à Brunoy.
Armand décore très richement l'humble église de Brunoy, entre autres objets superbes d'un dais de métal que Louis XV avait admiré mais refusé d'acheter - après l'avoir retenu pour l'église de Choisy - car il le trouvait trop cher[2]. Armand ne fait pas que nourrir les pauvres et décorer l'église (ce qui met les prêtres de son côté malgré la provocation) : il dépense l'argent sans compter - mais cela, seule sa famille le lui reproche. Entre autres nombreux exemples, à la mort de son père il drape château et ville de noir : domestiques, château, arbres, fontaines et canal coulant de l'encre, chevaux[3].
En 1770 sa mère fait nommer quatre avocats pour former un conseil, mais cet acte n'est pas appliqué[4]. En il décore entièrement et fastueusement le village sous prétexte d'une procession religieuse le jour de la Fête-Dieu, imitant les fastes absurdes des fêtes de cour - appliqués à un village[5]. Par ailleurs il se rapproche fort des ecclésiastiques, du moins de ceux qui sont pauvres, qu'il nourrit comme les autres gens de son domaine (c'est-à-dire bien nourris), comptant sur ces liens pour défendre sa position - car il sait qu'il va droit à la confrontation[6]. Sa mère meurt. Sa famille, notamment les Béthune et d'Escars, qui veulent son argent, complote avec le comte de Provence qui lui convoite le château. Car il a pour voisin Monsieur, futur Louis XVIII, qui possède Gros-Bois à partir de 1776[7],[8] et qui lorgne sans vergogne le château de Brunoy[9]. Les comploteurs prennent le prétexte de l'extravagante procession de la Fête-Dieu, qui a eu un retentissement européen, pour le convoquer devant le tribunal du Châtelet.
Dès qu'il a vent de ce fait, Armand décide de "finir en beauté" et convoque une croisade - grande réunion tapageuse à Brunoy - pour laquelle le roi interdit que l'on signe les passeports mais qui fait également grand bruit dans les cours. Le il comparaît devant le lieutenant civil du Châtelet[10], qui l'interdit[10] (avec confiscation des biens à la clé, château attribué au comte de Provence[11]) sans autre justification que la pression de sa famille et de ses pairs ; il en appela au parlement, qui cassa le jugement du Châtelet[12].
De retour à Brunoy, il eut le malheur de trop boire et de se faire abuser en signant dans cet état un acte de cession de Brunoy en faveur de Monsieur, qui acquit ainsi le château convoité en 1774[10]. Il alla à son château de Varise, d'où une lettre de cachet le tira pour le faire emprisonner, cloîtré sur Saint-Germain-en-Laye au prieuré des Génovéfains d'Elmont[note 1] puis aux Loges[note 2] où il mourut en mars 1781 à 33 ans[13].
Le comte de Provence (futur Louis XVIII) et son théâtre
Louis Stanislas Xavier, comte de Provence, frère du roi Louis XVI, et futur Louis XVIII y reçut plusieurs fois Marie-Antoinette. Monsieur résida au Petit Château qu’il transforma en une belle demeure (actuelle école rabbinique), selon son goût. Surtout, il fit construire un grand théâtre, où il fit représenter des pièces au répertoire scabreux.
Un édit donné à Versailles en 1777 érigeait la seigneurie de Brunoy en duché-pairie, mais il ne fut pas exécuté.
En 1780, une crue emporta le pont, qui fut reconstruit par un architecte de renom, Jean-Rodolphe Perronet.
Monsieur et son frère le Roi aimaient chasser en forêt de Sénart et Soufflot fut chargé d’y construire un obélisque, la Pyramide actuelle.
La destruction et le démantèlement
Après la Révolution, le Grand Château fut rasé et le domaine démantelé; Brunoy attira alors des personnages célèbres, tel l’acteur François-Joseph Talma (venu à Brunoy comme dentiste).
De nos jours
Une petite partie des anciens jardins du château a été restaurée, mais l'urbanisation de Brunoy a morcelé l'ensemble des anciens jardins. Il reste quelques anciennes dépendances du château, à savoir :
- l’ancienne orangerie, située à l’angle de la rue Monmartel et de la rue du Pont Perronet (côté rivière) ;
- l’ancienne conciergerie, que l’on peut seulement apercevoir à partir de l’entrée du moulin (propriété privée non visitable) ;
- toute la barre de bâtiments qui ferme la face Sud de la place Saint-Médard représentent les communs du château reconstruit vers 1730 par l’architecte Jean Mansart de Jouy (petit-fils de Jules Hardouin- Mansart). De l’ensemble original il ne reste que deux bâtiments à peu près intacts aux deux extrémités : à l’angle de la place, face à l’église et à l’autre bout, à droite d’un porche qui permet l’accès à une cour intérieur. Les autres bâtiments ont été plus ou moins modifiés ;
- l’ancienne boulangerie, au no 11 de la rue du Réveillon ;
- l’ancienne bergerie, partie de la ferme seigneuriale, au 19 de la rue du Réveillon.
Description détaillée du domaine
Le Petit Château
Sur le coteau qui longe la rive gauche de l’Yerres, entre les rues du Petit Château, des Glaises et des Godeaux, s’étendait au XVIIe siècle un domaine qui appartient successivement à plusieurs hauts personnages gravitant dans l’entourageroyal.
Les embellissements effectués par Jean-Baptiste Brunet, garde du Trésor royal et son fils Pierre, Président de la Chambre des Comptes, en avaient fait un ensemble tout à fait remarquable qui s’étendait, avec son parc et ses jardins, sur une vingtaine d’hectares, et avait inspiré des vers dithyrambiques à l’abbé Maumeret dans le numéro de du Mercure Galant.
Une "exceptionnelle paire d'encoignures" de Jean-François Leleu, commandée pour le Grand Château avant 1781 a figuré dans une vente publique à Neuilly-sur-Seine le 19/12/2007 (reprod. coul. dans "La Gazette de l'Hôtel Drouot", n°34 - 2/11/2007, p. 9).
En 1774, le Comte de Provence se portait acquéreur du Petit Château, le choisissait comme sa résidence préférée à Brunoy - il possédait aussi le Grand - et confiait à son architecte Chalgrin le soin d’y réaliser un certain nombre de transformations. Contrairement au Grand Château, le Petit ne fut pas entièrement démoli à la Révolution de 1789 : il en subsista l’aile Est et une partie des dépendances.
Au début du XXe siècle, il fut habité par Josepha Gutierrez de Estrada, petite-fille du général San Martin.
Le Petit Château, conservé après transformations, est occupé par une institution israélite, "Yeshiva Brunoy"[14].
Au Musée de Brunoy, on peut voir un tableau de Jean-Baptiste Génillon (vers 1785) qui donne une très belle vue du Petit Château au temps du Comte de Provence.
Notes et références
Notes
- Prieuré d'Elmont : il y a à Aiglemont une chapelle Saint-Quentin qui est l'ancienne église d'Elmont. Voir Les journées du patrimoine, 2016.
- Le couvent des Loges de Saint-Germain-en-Laye a été fondé en 1644 par Anne d'Autriche. En 1781 il ne pouvait pas être "desservi par des Picpus" comme le dit Gozlan, car les Picpuciens n'ont été créés qu'en 1793 à Poitiers.
Références
- Gozlan 1835, p. 11.
- Gozlan 1835, p. 38.
- Gozlan 1835, p. 12-13.
- Gozlan 1835, p. 43.
- Gozlan 1835, p. 39-40.
- Gozlan 1835, p. 29-30, 31.
- Gozlan 1835, p. 18.
- « Gros-Bois, carte de Cassini » sur Géoportail.
- Gozlan 1835, p. 37.
- Gozlan 1835, p. 45.
- Gozlan 1835, p. 44.
- Gozlan 1835, p. 50.
- Gozlan 1835, p. 52.
- Yeshiva Brunoy.
Voir aussi
Bibliographie
- Léon Gozlan, Châteaux de France, t. 6, La Haye, Vervloet, (lire en ligne), « Marquisat de Brunoy (pp. 5-54) », p. 12-13.
- Philippe Curtat, Inventaire révolutionnaire des biens du comte de Provence à Brunoy dressé par Louis Jacques Venteclef (-), 2ème supplément du bulletin de la Société d'Art, Histoire, Archéologie de la vallée de l'Yerres, 1990
- Robert Dubois-Corneau, Le comte de Provence à Brunoy, Jean Schemit, 1909
Articles connexes
Liens externes
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