Bouffon

Le bouffon, fou du roi, ou fou, est un personnage comique, dont la profession était de faire rire les gens. Les plus connus sont les fous des rois et les fous des seigneurs. Citons Triboulet, fou du roi François Ier. Il y a aussi des femmes « fous » ou « folles », par exemple Cathelot, folle de Catherine de Médicis[1]. Les fous font rire. Ils divertissent, et utilisent l'insolence.

« Fou du roi » et « Bouffon » redirigent ici. Pour les autres significations, voir Le Fou du roi, Bouffon (homonymie) et Fou.

Histoire

Les rois avaient leur bouffon attitré, seul personnage pouvant sans conséquence se moquer du souverain, quoique la satire constituât toujours un risque voire un péril pour l’artiste. Les spectacles avaient souvent lieu lors de grands banquets où plusieurs vassaux festoyaient au côté de leurs seigneurs. La Cour, dans des châteaux plus ou moins luxueux, avait son opérette de bouffons dont le comique restait souvent trivial, proche de la commedia dell'arte, bien que le « jeu » de ces premiers comédiens fût beaucoup moins travaillé que celui des artistes des « farces » du XVIIe siècle.

Un des premiers écrits où l’humour du bouffon est relaté est celui de Priscus, historien grec, en 449 : Attila avait déjà à son service un fou pour distraire les convives[réf. nécessaire]. C'est la première fois qu'on parle d'un fou du roi — bien qu'on puisse soupçonner qu'il en existât déjà bien avant —, mais aucune preuve n'en atteste jusqu'au XIVe siècle, où les comptes d'argenterie des rois de France mentionnent régulièrement les dépenses, parfois élevées du ou des bouffons de la cour ou faites pour eux.

Le dernier bouffon, L'Angély, vécut sous Louis XIII et un peu sous Louis XIV.

Étymologie et symbolique

Bouffon avec sa marotte[2], son costume traditionnel bicolore (rouge et vert) garni de grelots, son bonnet surmonté d'oreilles d'âne, sa grande collerette dentelée et ses chaussures pointues[3].

Le substantif masculin « bouffon » est un emprunt à l'italien buffone, lui-même dérivé du radical onomatopéique buff- qui exprime le gonflement des joues[4],[5].

Sur un plan mythologique, le fou du roi est plus ancien encore : Momos est le bouffon des dieux de l'Olympe.

Le mot même est une déformation des bouphonies, les « sacrifices du bœuf » dans la Grèce antique : après l'exécution de la victime, une « comédie sacrée » avait lieu pour « dépasser la mort » de l'animal : d'abord, la hache qui avait servi aux hiérophantes à tuer le bovin était jugée et condamnée au Prytanée puis exilée ; ensuite, la peau de l'animal sacrifié était empaillée et placée à côté d'un bœuf vivant pour tirer sous le même joug un sillon symbolique, comme si le sacrifié vivait toujours sous une nouvelle forme[6].

Érasme souligne l'importance des bouffons auprès des rois dans Éloge de la folie, XXXVI : « Les plus grands rois les goûtent si fort que plus d'un, sans eux, ne saurait se mettre à table ou faire un pas, ni se passer d'eux pendant une heure. Ils prisent les fous plus que les sages austères, qu'ils ont l'habitude d'entretenir par ostentation… les bouffons, eux, procurent ce que les princes recherchent partout et à tout prix : l'amusement, le sourire, l'éclat de rire, le plaisir. ». Mais Érasme fait également quelques allusions à un second rôle échu au bouffon : celui de révélateur, de miroir grotesque. Rôle attesté par le fait que les bouffons suivaient une réelle formation, qui était plus adaptée aux hommes d'esprit qu'aux réels crétins. Il semble que certaines associations discrètes n'y furent pas étrangères, d'après Bernard Roger, dans À la découverte de l'alchimie[7].

Le bouffon est révélateur de la dualité de chaque être et de sa face bouffonne. Bien compris et assumé il est un facteur de progrès, rejeté il symbolise un arrêt dans l'évolution ascendante[8].

La fête des Fous serait une survivance de fêtes rituelles bien plus anciennes, s'apparentant aux Saturnales.

Le fou est aussi, en alchimie, un symbole pour représenter le dissolvant, l'action de décomposition (œuvre au noir).

Dans le tarot de Marseille, l'arcane du Mat est aussi appelée « le Fou », et représente l'errance, la folie, mais aussi la liberté et l'insouciance.

Le mot « bouffon » s'emploie de plus en plus dans la langue parlée familière pour nommer une personne peu sérieuse, par extension le mot est utilisé comme insulte.

Les différents types de bouffon

Les bouffons étaient classés en deux variétés : celle du bouffon dite « naturelle », concernant un individu simple d'esprit ou atteint d'une maladie mentale, et celle du bouffon dite « artificielle », qui n'est théoriquement qu'une copie imparfaite de la première variété, mais pourtant qui est présent en premier dans la littérature européenne certainement grâce à l'image archétypale du Fripon[9].

Le bouffon « naturel »

Il est aussi appelé fol naturel ou fol naïs[10] en ancien français, il est réellement atteint de folie et pouvait servir à la cour d'un roi pour distraire ce dernier. Cependant il est bon de noter que rire d'un bouffon de cour naturel n'est pas un acte anodin, cela peut être perçu comme un manque de charité voire de l'avidité envers des plaisirs futiles[9].

Le bouffon « artificiel »

Il est considéré comme une reproduction de moindre qualité du fol naturel, à la renaissance on lui préférera le terme de "plaisant" pour le désigner. Néanmoins malgré son supposé caractère de copie, il émerge avant le fol naïs dans la littérature européenne, certainement grâce aux caractéristiques communes qu'il a avec le fripon[9], décrit par Mircea Eliade comme « à la fois intelligent et stupide, proche des Dieux par sa « primordialité » et ses pouvoirs, mais plus voisins des hommes par sa faim gloutonne, sa sexualité exorbitante, son amoralisme »[11].

Dans d'autres cultures

  • L'atsara tibétain[12]

Liste non-exhaustive des Bouffons

[réf. nécessaire]

Triboulet tenant sa marotte, médaille gravée par Francesco Laurana, 1461.

Bouffons de fiction

Littérature

Cinéma

Théâtre et opéra

  • Yorik est un bouffon dans la pièce Hamlet de William Shakespeare.
  • Rigoletto bouffon du duc de Mantoue dans l'opéra du même nom de Giuseppe Verdi, adapté de la pièce de Victor Hugo Le roi s'amuse où il est nommé Triboulet, nom réel du bouffon de François 1er.
  • Le théâtre de Ghelderode met souvent en scène des bouffons et s'inspire de leur humour trivial et grotesque. La pièce Escurial met en scène un roi et son bouffon, Folial.

Bibliographie

  • Guillaume Berthon, « « Triboulet a frères et sœurs » : fou de cour et littérature au tournant des XVe et XVIe siècles », Babel, no 25 « Images de la folie au tournant du Moyen Âge et de la Renaissance », (lire en ligne).
  • (en) Sandra Billington, A Social History of the Fool, The Harvester Press, 1984, (ISBN 0-7108-0610-8).
  • (en) John Doran, History of Court Fools, 1858, lire en ligne.
  • Anna Fontes Baratto, « Le bouffon et le courtisan », dans Anna Fontes Baratto (dir.), De qui, de quoi se moque-t-on ? Rire et dérision à la Renaissance, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2005, p. 41-62.
  • (it) Bianca Maria Fratellini, « Da Marcolfo a Bertoldo : raffigurazioni e ritratti di nani e buffoni dal XIV al XVIII secolo », dans Augusto Gentili, Philippe Morel et Claudia Cieri Via (éd.), Il Ritratto e la memoria : materiali, Rome, Bulzoni, 1989-1993, t. III, p. 123-160.
  • Jean-Marie Fritz, Le Discours du fou au Moyen Âge (XIIe-XIIIe siècles) : étude comparée des discours littéraire, médical, juridique et théologique de la folie, Paris, Presses universitaires de France, 1992.
  • A. Gazeau, Les Bouffons (reproduction en fac-similé), Coudray-Macouard, Cheminements, (1re éd. 1882, Hachette), III-263 p. (ISBN 978-2-84478-495-7 et 2-84478-495-X, lire en ligne).
  • Carlo Ginzburg, « Le peintre et le bouffon : le Portrait de Gonella de Jean Fouquet », Revue de l’art, no 111, , p. 25-39 (lire en ligne).
  • Bernard Guenée, « Fous du roi et roi fou. Quelle place eurent les fous à la cour de Charles VI ? », Comptes rendus de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, no 2, , p. 649-666 (lire en ligne).
  • (en) Richard Hillman, « (Im)politic Jesting : Lear's Fool — and Henri III's », Theta X, Théâtre Tudor, , p. 203-216 (lire en ligne).
  • (en) Conrad Hyers, The Spirituality of Comedy : comic heroism in a tragic world, Transaction Publishers, 1996, (ISBN 1-56000-218-2).
  • Maurice Lever, Le sceptre et la marotte : histoire des fous de cour, Paris, Fayard, , 350 p. (ISBN 2-213-01232-6, présentation en ligne), [présentation en ligne].
    Réédition : Maurice Lever, Le sceptre et la marotte : histoire des fous de cour, Paris, Hachette, coll. « Pluriel », , 306 p., poche (ISBN 2-01-011145-1)
    Réédition : Maurice Lever, Le sceptre et la marotte : histoire des fous de cour, Paris, Fayard, , 355 p. (ISBN 2-213-60640-4).
  • Jules Mathorez, Histoire de Chicot, bouffon de Henri III, Paris, Librairie Henri Leclerc, , 39 p. (lire en ligne)
    Extrait du Bulletin du bibliophile.
  • (en) Beatrice K. Otto, Fools are everywhere : The Court Jester around the World, Chicago, Chicago University Press, , XXIII-420 p. (ISBN 0-226-64091-4, présentation en ligne), [présentation en ligne].
  • Pierre Ronzeaud, « Du "plaisant" burlesque au bouffon "grotesque" : Scarron/Hugo », dans R. Galli Pellegrini, I. Merello, F. Robello, S. Poli (a cura di), La Guirlande de Cecilia, Fasano, Schena, 1996, p. 317-332.
  • (en) John Southworth, Fools and Jesters at the English Court, Sutton Publishing, 1998. (ISBN 0-7509-1773-3)
  • André Stegmann, « Sur quelques aspects des fous en titre d’office dans la France du XVIe siècle », dans Folie et déraison à la Renaissance, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1976, p. 53-68.
  • (en) Enid Welsford, The Fool : His Social and Literary History, 1935.

Notes et références

  1. « Les bouffons de cour »
  2. Sceptre de bois surmonté d'une tête grotesque
  3. Jean-Claude Guillebaud, Philippe Baudorre, Caroline Casseville, Jean-Claude Ragot, Jean Touzot, Le rire, Confluences, , p. 15
  4. « Bouffon », dans le Dictionnaire de l'Académie française, sur Centre national de ressources textuelles et lexicales [consulté le 5 mai 2017].
  5. Définitions lexicographiques et étymologiques de « bouffon » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales [consulté le 5 mai 2017].
  6. Pausanias I, 24,4 et I, 28,10 cité par M. Detienne, Les Jardins d'Adonis, Gallimard, 1972, p. 106 et suiv., et par Reynal Sorel, L'Orphisme, PUF 1995, (ISBN 2 13 047210 9), p. 93.
  7. éd. Dangles
  8. Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Robert Laffont, , p. 143-144
  9. Tatjana Silec, « LE FOU DU ROI : UN HORS-LA-LOI D’UN GENRE PARTICULIER », , p. 2
  10. Alain Rey, « Dictionnaire Historique de la langue française »
  11. Mircea Eliade, La Nostalgie des origines : méthodologie et histoire des religion, Gallimard, , p. 302-303
  12. Nathalie Gauthard, « Les maîtres-moqueurs du Tibet ou les métamorphoses du rire », L'ethnographie, 2 | 2020, mis en ligne le 20 mars 2020. URL : https://revues.mshparisnord.fr/ethnographie/index.php?id=346
  13. Jules Mathorez, Histoire de Chicot, bouffon de Henri III, 1914, Bibliothèque numérique de l'École nationale des chartes.
  14. François-Xavier Testu ; La Méchanceté par l'auteur, Editions Robert Laffont, Bouquin; p. 743; 2014

Voir aussi

Articles connexes

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