Bibliothèque Mazarine

La bibliothèque Mazarine, communément appelée la Mazarine, est la plus ancienne bibliothèque publique de France[1].

La bibliothèque Mazarine, quai de Conti (rive gauche) dans le 6e arrondissement de Paris.
Vue de la coupole de l'Institut de France.

Située quai de Conti, dans le quartier de la Monnaie du 6e arrondissement de Paris, elle constitue une « bibliothèque de grand établissement scientifique et littéraire », placée sous la tutelle du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et rattachée administrativement à l'Institut de France[2]. Ses fonds, complétés au fil du temps, sont à l'origine issus de la bibliothèque personnelle du cardinal Mazarin (1602-1661)[1].

Histoire

Les bibliothèques de Mazarin

Boiseries aux armes de Mazarin dans la salle de lecture.

Mazarin, déjà possesseur d'une bibliothèque de plusieurs milliers d'ouvrages à Rome, charge, dès , Gabriel Naudé d'en constituer une seconde à Paris. L'acquisition, en , de la bibliothèque du chanoine Descordes[3] constitue, en quelque sorte l'acte fondateur de cette bibliothèque. Au cours des années suivantes, Naudé continue d'enrichir la bibliothèque par des achats, tant en France que dans les pays voisins ; en 1644 il se rend ainsi en Flandres, en 1645-1646 en Italie, en 1646-1647 en Allemagne, en 1647 en Angleterre et en Hollande. Parallèlement, la bibliothèque s'augmente de quelques belles collections telles la collection de Brienne (deux mille pièces originales concernant les affaires étrangères), celle de Rollan ou celle de Jean Tileman Stella, et des nombreux ouvrages, donnés ou dédiés à Mazarin. La bibliothèque ainsi constituée compte vraisemblablement, vers , environ 40 000 volumes, ce qui en fait la plus importante collection rassemblée jusqu'alors en Europe[4].

La Fronde marque un coup d'arrêt dans le développement de la bibliothèque. Dès , elle est menacée par la décision du Parlement de Paris de confisquer les biens de Mazarin ; finalement, si la vente des meubles et tableaux est autorisée, aucune décision définitive n'est prise en ce qui concerne la bibliothèque, dont la garde est confiée à Naudé. La paix de Saint-Germain () et le retour de Mazarin à Paris sauvent provisoirement la bibliothèque mais, en , le Parlement met à prix la tête de Mazarin pour 150 000 livres et décide, pour se procurer cette somme, de procéder à la vente de tout ce que contient le palais Mazarin, à commencer par la bibliothèque. et celle-ci est dispersée du au . Naudé réussit malgré tout à sauver par divers moyens (soustraction avant la vente ou recours à des prête-nom) une petite part des ouvrages, dans l'idée de pouvoir un jour reconstituer la bibliothèque[1].

Dès son retour triomphal à Paris, en , Mazarin rappelle Naudé – devenu entretemps bibliothécaire de la reine Christine de Suède –, mais celui-ci meurt en route et c'est à son ancien collaborateur, François de la Poterie, que Mazarin confie le soin de reconstituer une bibliothèque. La Poterie s'acquitte au mieux de cette tâche en récupérant les ouvrages sauvés par Naudé, en rachetant la bibliothèque personnelle de celui-ci et en reprenant ses méthodes. En 1661, cette seconde bibliothèque de Mazarin avait pratiquement retrouvé l'importance de la première[1].

La bibliothèque du collège des Quatre-Nations

Salle de lecture de la Bibliothèque (2010).

Souhaitant imiter son prédécesseur Richelieu et éviter que sa bibliothèque ne soit une nouvelle fois dispersée après sa mort, Mazarin décide de la léguer au collège des Quatre-Nations, qu’il fonde par testament en 1661, destiné à l'éducation de soixante jeunes gens originaires des quatre provinces réunies au royaume sous son gouvernement (Alsace, Flandres, Roussillon et Pignerol)[1]. Des Lettres patentes portant règlement pour le collège des Quatre-Nations, données par Louis XIV au mois de , et enregistrées au Parlement le de la même année, confirment ces dispositions en les précisant[1].

La bibliothèque, rouverte en 1689 dans l'aile orientale du bâtiment construit pour abriter le collège, accueille durant tout le XVIIIe siècle collégiens (dont Louis-Sébastien Mercier, qui en fait une description critique dans son Tableau de Paris[5]), visiteurs étrangers et public érudit, tout en continuant d'enrichir ses collections jusqu'à compter, à la fin du XVIIIe siècle, plus de 60 000 volumes.

La bibliothèque Mazarine

Entrée de la bibliothèque.

Durant la Révolution française, la bibliothèque Mazarine est maintenue en activité en raison de son caractère public (Mazarin a indiqué dans son testament qu'il fallait que la bibliothèque restât ouverte au public). Mais le collège fut supprimé[1]. Elle bénéficie même largement des confiscations révolutionnaires, grâce à l'action de son bibliothécaire, Gaspard Michel, dit l'abbé Leblond[6], qui puise largement dans les dépôts littéraires constitués avec les bibliothèques confisquées (la Mazarine possède ainsi, entre autres, une partie des manuscrits et ouvrages du prince François-Xavier de Saxe).

De à , la bibliothèque a fait partie de la Réunion des bibliothèques nationales.

Statut

La bibliothèque Mazarine, bibliothèque patrimoniale d'étude et de recherche dépendant du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, est placée sous l'autorité administrative de l’Institut de France qui occupe, depuis 1805, les anciens bâtiments du collège des Quatre-Nations.

Elle est, depuis 1643, publique et ouverte à tous. La consultation des collections se fait sur place uniquement et celle des ouvrages rares et précieux est soumise à conditions.

Collections

La bibliothèque compte aujourd'hui environ 600 000 volumes. Si son très riche fonds ancien — près de 200 000 volumes — est encyclopédique, son fonds moderne est lui spécialisé en histoire, notamment l'histoire religieuse, littéraire et culturelle du Moyen Âge (XIIe - XVe siècles) et des XVIe - XVIIe siècles, l'histoire du livre et l'histoire locale et régionale de la France.

Si la collection de manuscrits de Mazarin est aujourd'hui — du fait d'un « échange », en 1668, avec la Bibliothèque royale — à la Bibliothèque nationale de France, la bibliothèque compte malgré tout plus de 4 600 manuscrits (dont environ 1 500 manuscrits médiévaux parmi lesquels de nombreux manuscrits enluminés), provenant essentiellement de saisies révolutionnaires ; 2 370 incunables, dont un exemplaire de la bible de Gutenberg — connu sous le nom de bible Mazarine —, et la plus importante collection au monde de mazarinades.

La bibliothèque a également reçu aux XIXe – XXe siècles plusieurs fonds importants parmi lesquels les archives de Pierre-Antoine Lebrun, de Joseph Tastu ou d'Arsène Thiébaut de Berneaud ; la bibliothèque et les archives scientifiques d'Albert Demangeon et de son gendre Aimé Perpillou (géographie) ; la très riche bibliothèque du Dr Marcel Chatillon (histoire des Antilles) ou une partie de celles du chevalier de Paravey (voyages), de Jean-Jacques Ampère (civilisations nordiques), de Prosper Faugère (Pascal et le jansénisme), etc.

La Bibliothèque continue à acheter des livres, manuscrits et s'est spécialisée dans les disciplines historiques.

La Bibliothèque organise des visites guidées gratuites, destinées uniquement aux particuliers. Organisées en fin de journée sous la conduite d'un conservateur, elles durent environ 1 h 30 et sont consacrées à l'histoire de la bibliothèque et de ses collections, à son architecture et à son décor, à la présentation de ses ressources et de ses services.

Personnalités liées

Bibliothécaire de Mazarin

  • Gabriel Naudé, de 1643 à sa mort
  • François de La Poterie, de 1653 à 1689

Bibliothécaires du Collège Mazarin

Administrateurs (puis directeurs) de la Bibliothèque Mazarine

Parmi les conservateurs, bibliothécaires, etc. de la Mazarine, on note :

Notes et références

  1. Source : site de la Bibliothèque Mazarine
  2. « Bibliothèque Mazarine - Politique documentaire », sur www.bibliotheque-mazarine.fr (consulté le )
  3. Bibliothecae cordesianae catalogus, Paris, Vitray, 1643.
  4. F. Queyroux, « Gabriel Naudé et la bibliothèque de Mazarin », dans La Bibliothèque Mazarine, no 222 d’Arts et métier du livre.
  5. L.-S. Mercier, Tableau de Paris, Amsterdam, 1783, t. V, chap. CCCCV, p. 146-148.
  6. Antiquité, Lumière et Révolution. L'abbé Leblond (1738-1809), second fondateur de la Bibliothèque Mazarine, Paris, Bibliothèque Mazarine, 2009.
  7. Docteur en Sorbonne, décédé le 23 février 1760 et auteur du catalogue alphabétique. Voir la préface du catalogue de la Bibliothèque Mazarine par Pierre Desmarais, édité par Alfred Franklin, J. Miard, 1867.

Annexes

Bibliographie

  • A. Franklin, Histoire de la bibliothèque Mazarine, 2e éd., Paris, H. Welter, 1901 (1re éd., 1860)
  • M. Piquard, « La bibliothèque de Mazarin et la Bibliothèque Mazarine, 1643-1804 », dans Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Comptes rendus des séances de l’année 1975, janvier-mars, 1975, p. 129-130.
  • P. Gasnault, « De la bibliothèque de Mazarin à la Bibliothèque Mazarine », dans Histoire des bibliothèques françaises. Les bibliothèques sous l’Ancien Régime, 1530-1789, 1988
  • La Bibliothèque Mazarine, no 222 (-janvier/) d’Arts et métier du livre
  • Y. Sordet, « La première donation au public de la bibliothèque de Mazarin (1650) », Histoire et civilisation du livre, 2014, 10, p. 93-111.
  • Y. Sordet, « D’un palais (1643) l'autre (1668) : les bibliothèques Mazarine(s) et leur décor », Journal des Savants, 2015.

Liens externes

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