Bernard Journu-Auber

Bernard Journu-Auber(t), comte de Tustal (né le et décédé le ), est un armateur, savant, magistrat et homme politique français.

Pour les autres membres de la famille, voir Famille Journu.

Biographie

Les Journu, simples marchands droguistes, viennent de Lyon et s'installent à Bordeaux dans l'armement de navires au début du XVIIIe siècle. Bernard Journu est le fils de Bonaventure Journu (1717-1781)[1],[2]. La maison Journu était propriétaire de 6 navires négriers pour son activité commerciale avec les colonies et la traite négrière (entre 1787 et 1792)[3],[4]. Grâce à ses affaires florissantes, Bonaventure Journu put acheter une charge anoblissante de Conseiller-secrétaire du Roi.

Le 18 août 1742, Bonaventure épouse Claire Marie Fonfrède, fille de Pierre Fonfrède, marchand, et de Jeanne Boyer. Il s'installe dans le nouveau quartier de Bordeaux au Chapeau-Rouge qui rassemblent les plus riches négociants de la ville[5]. Bonaventure décède en 1781. Il est notamment l'oncle de Bernard-Auguste Journu.

Bernard Journu épouse en secondes noces le à Bordeaux une demoiselle Monique-Geneviève (ou Geneviève-Monique) Auber (morte en 1783), riche créole de Port-de-Paix, à Saint-Domingue, mariage qui apporte au couple 1,4 million de livres et une dot de 290 000 livres[6]. Leur fille épousera Jean-Baptiste-Jacques Legrix de La Salle.

Traite négrière : une ignominie parmi d'autres : extrait du livre de bord du navire Le Patriote, capitaine Paul-Alexandre Brizard[7] lors de l'expédition de 1788, au profit de Journu Frères[8]

C’est lui qui ajoute le nom de sa femme au sien et permet au négociant Bernard de devenir aussi planteur[6]. Il est associé à la traite des Noirs en participant au négoce familial conduit par son père Bonaventure Journu, par le biais de la société bordelaise Journu Frères qui organise cinq expéditions de traite négrière entre 1787 et 1792[9],[10].

Il mène de front les carrières d’armateur, de magistrat, de représentant, mais aussi de fermier et savant. Ainsi reçoit-il la médaille de la Société des sciences pour sa ferme modèle et pour avoir été l’auteur en 1789 d’un Mémoire sur l’infertilité des Landes et sur les moyens de les mettre en valeur. Il écrit aussi un Mémoire sur l’Amélioration des bêtes à laine dans le département de la Gironde qui est couronné par l’Académie de Bordeaux le 15 Thermidor de l’an XII (1804).

Il est consul de la Bourse de Bordeaux de 1778 à 1780. En 1789, il participe à l’assemblée de la Noblesse et de la Sénéchaussée aux États généraux pour le compte de sa tante, Madame Boyer-Fonfrède, dame de la Tour Blanche, et de son frère. Il siège à l’Assemblée législative en 1791-1792 en tant que député de Gironde (il est élu le ), dans les rangs des Feuillants (il appartient à leur club de tendance monarchiste constitutionnelle) et exprime à cette occasion des réserves sur la politique de la République naissante face aux colonies et à l’esclavage (ses discours à l’assemblée montrent en effet assez bien ses préoccupations et sa défiance vis-à-vis de l’émancipation des Noirs : Bonaparte aurait d’ailleurs été sensible à ses propos[11]). Toutefois, en tant que membre de la Société des amis de la Constitution (autre nom du Club des Feuillants), il est favorable à l'émancipation aux hommes de couleur nés de parents libres, en 1791[6]. Il est dans le même temps président du Tribunal de Commerce de Bordeaux (1792-1793). Mais, modéré et monarchiste, son engagement lui vaut de croupir quelque temps, pendant la Terreur, au Fort du Hâ à Bordeaux.

Il applaudit au coup d'État du 18 brumaire (9 novembre 1799) et devient sénateur le . Sa carrière reprend de plus belle sous le Consulat et l’Empire : il est l’un des fondateurs et censeur de la Banque de France (il est élu au deuxième siège de censeur de la Banque de France le ).

Il est aussi fait Commandeur de la Légion d'honneur le et Comte de Tustal en 1808. Tustal vient du nom d’un conseiller du roi au XVe siècle, et dont le blason est « d’azur à un aigle de carnation posé sur un nuage et fixant à dextre un soleil d’or et à une étoile d’argent à sénestre en chef ».[réf. nécessaire]

Texte fondateur du Museum d'histoire naturelle de Bordeaux

Journu-Auber fait partie des rares financiers, négociants et manufacturiers à recevoir un titre de noblesse d’Empire en tant que « Comte sénateur ». Ce titre est en principe innommé et vient s’ajouter au nom, mais dans son cas, on associe le titre de Comte de Tustal au nom de Journu-Auber, titre qui correspond, en temps normal, à une propriété comprise dans le majorat du titulaire.

Partisan de Napoléon Ier jusque-là, il vote pourtant sa déchéance le , et siège le mercredi , au Sénat conservateur lors de la délibération sur le projet de constitution présenté par le Gouvernement Provisoire de Fouché et Talleyrand, en exécution de l’acte du Sénat du premier avril 1814 décrétant que « le Peuple français appelle librement au trône de France Louis-Stanislas-Xavier de France, frère du dernier Roi », Louis XVIII. Il est nommé Pair de France par ledit Roi le , peu de temps avant sa mort, qui surviendra le 28 janvier 1815, c’est-à-dire juste avant les Cent-Jours.

Apports culturels

En tant que sénateur de Bordeaux, Bernard Journu-Auber participe à la commission d’attribution qui permet l’arrivée de 29 peintures au musée des Beaux-Arts de Bordeaux en 1803. Ce musée, l’un des quinze musées français créés par Bonaparte avec l’arrêté consulaire du qui fait suite au rapport Chaptal, est particulièrement pauvre en œuvres remarquables. Le sénateur parvient à faire affecter à sa ville des œuvres majeures de Titien, Bassano, Véronèse, Rubens, Guerchin, Van Dyck ou Jordaen. Il lègue à la ville ses riches collections d’histoire naturelle, qui constituent le premier fonds du Museum d’histoire naturelle de Bordeaux[12].

Château du Tustal

Il achète en 1791 pour la somme de 250 000 lt l'ex baronnie de Calamiac devenue château de Tustal à Sadirac dans l'Entre deux Mers. Une tentative d'élevage de moutons mérinos sera entreprise pour éviter aux armées françaises d'acheter la laine de ces moutons en Espagne. Une production qui servait à confectionner les uniformes des militaires mais l’expérience capotera.

Notoriété

Il obtient « en 1864 son nom de rue en raison de sa position notabiliaire » : cours Journu Auber dans le quartier des Chartrons[12].

À l'occasion de la journée internationale pour l’abolition de l’esclavage du , la mairie de Bordeaux présente les plaques explicatives pour six voies portant des noms de négriers, dont celle du cours Journu-Aubert, qui seront soit remplacées, soit détaillées pour prendre une dimension pédagogique[13]. La plaque du cours Journu-Auber sera toutefois la seule à ne pas être apposée, contrairement au cinq autres[14].

Titres

Distinctions

Armoiries

Figure Blasonnement
Armes du comte de Tustal et de l'Empire

De sinople, au bélier d'argent mérinos, marchant ; étoile d'or en chef, quartier du Sénat.[17],[18]

  • Livrées : bleu, blanc, jaune et verd dans les galons seulement[17].
Armes du comte de Tustal, pair « à vie »

De sinople, au bélier mérinos d'argent, surmonté d'une étoile d'or.[19],[20].

Ou
D'azur à une aigle de carnation posée sur un nuage et fixant à dextre un soleil d'or, et à une étoile d'argent à senestre en chef.[15]

Notes et références

  1. Silvia Marzagalli et Hubert Bonin, Négoce, ports et océans, XVIe-XXe siècles : mélanges offerts à Paul Butel, Presses Univ de Bordeaux, , 454 p. (ISBN 978-2-86781-247-7, présentation en ligne)
  2. « Généalogies Journu », sur www.genea-bdf.org (consulté le )
  3. Romuald Szramkiewicz, Les régents et censeurs de la Banque de France nommés sous le Consulat et l'Empire, Librairie Droz, , 422 p. (ISBN 978-2-600-03373-2, présentation en ligne)
  4. « La mémoire de l’esclavage et de la traite négrière à Bordeaux », Rapport final 2018. Lire en ligne
  5. Pétrissans-Cavaillès 2004.
  6. « Bernard Journu-Auber - Mémoire de l'esclavage et de la traite négrière - Bordeaux », sur www.memoire-esclavage-bordeaux.fr (consulté le )
  7. « Bordeaux port négrier : 20 ans pour faire connaître l'histoire de l'esclavage », sur France TV Outre-mer, .
  8. Saugera 2002, p. 358.
  9. « Bernard Journu-Auber - Mémoire de l'esclavage et de la traite négrière - Bordeaux », sur www.memoire-esclavage-bordeaux.fr (consulté le )
  10. Des navires négriers des Journu participent à la traite : Le Patriote collecte des Noirs au Mozambique et les transporte à Saint-Domingue en février-mai 1790, l’Hypolite débarque 419 Noirs aux Cayes-Saint-Louis à Saint-Domingue-Haïti en 1792. Lire en ligne
  11. Voir à ce propos Yves Benot, La démence coloniale sous Napoléon, Paris, Éditions de la découverte, coll. « série histoire contemporaine »,
  12. « Bernard Journu-Auber - Mémoire de l'esclavage et de la traite négrière - Bordeaux », sur www.memoire-esclavage-bordeaux.fr (consulté le )
  13. « Esclavage : poursuite du travail de mémoire », sur bordeaux.fr, (consulté le )
  14. « Bordeaux et son passé négrier : cinq plaques de rue explicatives installées en toute discrétion », sur SudOuest.fr (consulté le )
  15. François Velde, « Armory of the French Hereditary Peerage (1814-30) », Lay Peers, sur www.heraldica.org, (consulté le )
  16. A. Lievyns, Jean Maurice Verdot, Pierre Bégat, Fastes de la Légion d'honneur, biographie de tous les décorés accompagnée de l'histoire législative et réglementaire de l'ordre, [détail de l’édition] (notice BnF no FRBNF37273876)
  17. « BB/29/974 page 104. », Titre de comte accordé à Bernard Journu-Aubert. Bayonne ()., sur chan.archivesnationales.culture.gouv.fr, Centre historique des Archives nationales (France) (consulté le )
  18. Grix de Lassalle (Le)/Journu - Aubert de Salafoy
  19. Jean Baptiste Pierre Jullien de Courcelles, Histoire généalogique et héraldique des pairs de France : des grands dignitaires de la couronne, des principales familles nobles du royaume et des maisons princières de l'Europe, précédée de la généalogie de la maison de France, vol. 7, L'auteur, (lire en ligne)
  20. Jean-Baptiste Rietstap, Armorial général, t. 1 et 2, Gouda, G.B. van Goor zonen, 1884-1887 Armorial de J.B. RIETSTAP - et ses Compléments sur www.euraldic.com

Voir aussi

Sources

  • Hervé Ferrière, Biographie de Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent, Thèse d'histoire Paris-1
  • Vida Azimi, Les premiers sénateurs français, consulat et premier empire, 1800-1814, Picard,
  • Gérard Le Bouedec, Activités maritimes et sociétés littorales de l’Europe atlantique, 1690-1790, Armand Collin
  • Paul Butel, Les négociants bordelais, l’Europe et les îles au XVIIIe siècle, Aubier-Montagne,

Bibliographie

  • Romuald Szramkiewicz, Les régents et censeurs de la Banque de France nommés sous le Consulat et l'Empire, Librairie Droz, , 422 p. (ISBN 978-2-600-03373-2, présentation en ligne) ;
  • Jules Martin, « Journu-Aubert, comte de Tustal », dans A. Lievyns, Jean Maurice Verdot, Pierre Bégat, Fastes de la Légion d'honneur, biographie de tous les décorés accompagnée de l'histoire législative et réglementaire de l'ordre, vol. I, [détail de l’édition] (notice BnF no FRBNF37273876, lire en ligne), p. 354-358 lire en ligne ;
  • « Journu-Aubert (Bernard), comte de Tustal », dans Adolphe Robert et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français, Edgar Bourloton, 1889-1891 [détail de l’édition] [texte sur Sycomore] ;
  • Jean Baptiste Pierre Jullien de Courcelles, Histoire généalogique et héraldique des pairs de France : des grands dignitaires de la couronne, des principales familles nobles du royaume et des maisons princières de l'Europe, précédée de la généalogie de la maison de France, vol. 7, L'auteur, (lire en ligne), Journu-Aubert, (N... .), comte de Tustal ;

Articles connexes

Liens externes

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