Benoît XIV

Prospero Lorenzo Lambertini, né le à Bologne, est le troisième enfant d'une famille noble des États pontificaux. Fils de Marcello Lambertini et de Lucrezia Bulgarini. Il devient le 247e pape de l’Église catholique en 1740 sous le nom de Benoît XIV (en latin Benedictus XIV, en italien Benedetto XIV). Il meurt le à Rome.

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Benoît XIV

Tableau de Pierre Subleyras (copie du portrait peint en 1740 par Giuseppe Maria Crespi). 1741. Château de Versailles
Biographie
Nom de naissance Prospero Lorenzo Lambertini
Naissance
Bologne, États pontificaux
Décès
Rome, États pontificaux
Pape de l’Église catholique
Élection au pontificat (65 ans)
Intronisation
Fin du pontificat
17 ans, 8 mois et 16 jours
Cardinal de l’Église catholique
Créé
cardinal
in pectore
30 avril 1728 publication
par le pape Benoît XIII
Titre cardinalice Cardinal-prêtre de Sainte-Croix-de-Jérusalem
Évêque de l’Église catholique
Consécration épiscopale par le pape Benoît XIII
Archevêque de Bologne
Archevêque d'Ancône et Numana
Archevêque titulaire de Theodosia

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Jeunesse et carrière

Tout jeune, il se passionne pour la littérature : Dante, le Tasse et l'Arioste sont ses auteurs de chevet. Après des études de droit et de théologie, il est promoteur de la Foi de la Congrégation des rites de 1712 à 1728, année où il est nommé évêque d'Ancône. Benoît XIII le crée cardinal in pectore lors du consistoire du 9 décembre 1726. Sa création est publiée le et il reçoit le titre de cardinal-prêtre de Sainte-Croix-de-Jérusalem. Puis il est nommé archevêque de Bologne, sa ville natale, en 1731. Il s'intéressa particulièrement à la médecine et étudia les cas d'hystérie et d'épilepsie, ce qui lui servit à rédiger un ouvrage sur les canonisations, le De beatificatione et canonisatione servorum Dei, publié à Bologne de 1734 à 1738[1].

Après une sévère épidémie de grippe qui dévaste Ancône en 1730, il rend un hommage public en 1731 au médecin, et rabbin talmudiste Samson Morpurgo qui, malgré l'interdiction faite aux juifs de soigner les chrétiens, s'était dévoué auprès des malades de toutes confessions et particulièrement les indigents[2].

Le pape Clément XII meurt le 6 février 1740. Le conclave élit le cardinal Lambertini à l'unanimité le , après un des plus longs conclaves depuis des siècles : en effet, il ne dure pas moins de six mois et nécessite 254 scrutins.

Quelques mois après son accession au trône de Saint Pierre éclate la Guerre de succession d'Autriche.

Le pape des Lumières

Législateur de l'Église moderne, il a marqué le XVIIIe siècle par son long pontificat de dix-huit ans et par son ouverture d'esprit au siècle des Lumières. C'est un pape moderne qui tente de calmer les querelles religieuses, de ramener l'Église grecque[3] et l'Église arménienne dans le giron de Rome, et, tout en confirmant la bulle Unigenitus, il adoucit les rigueurs que l'on exerçait sur les jansénistes[4]. Il définit les conditions de l'incorruptibilité des corps.

Féru de sciences — en particulier de physique, de chimie, de mathématiques, il autorise les œuvres sur les nouvelles représentations du monde (héliocentrisme à cette époque), et cela en deux temps :

Il crée à Rome une faculté de chirurgie et un musée d'anatomie, encourageant la dissection[5]. Il nomma deux femmes, Maria Gaetana Agnesi et Laura Bassi, à des postes universitaires.

D'esprit ouvert, il témoigne un intérêt pour les relations interreligieuses en adressant une lettre au septième dalaï-lama, Kelzang Gyatso, qu'il remet au père capucin italien Francesco della Penna[6].

Il publie le la lettre apostolique Immensa Pastorum, dans laquelle il déplore les mauvais traitements infligés aux Amérindiens.

Pontife, il écrit de nombreux ouvrages de droit canonique, introduisant plusieurs réformes liturgiques, notamment dans les sacrements de pénitence et de mariage. Il admet notamment la validité du mariage entre catholiques et protestants.

L’encyclique Vix pervenit[7], à l'adresse des évêques d’Italie, est la dernière prise de position doctrinale du magistère catholique au sujet du prêt à intérêt : une condamnation sans appel, qui n'a jamais été révoquée, même si, en 1830, le pape Pie VIII en assouplira la discipline, permettant aux confesseurs d'absoudre les usuriers prêtant de l'argent à intérêt. Ces mesures, bien que réaffirmées en 1917 par le pape Benoît XV, ne seront pas reprises dans le nouveau Code de droit canonique, en vigueur depuis 1983. L'interdiction du prêt à usure comme mesure juridique, ainsi que la condamnation de pratiques usuraires ont été reprises dans le nouveau Catéchisme de l'Église catholique promulgué en 1992 par Jean-Paul II.

Il béatifie Benoît l'Africain en 1743 et proclame en 1754 son lointain prédécesseur Léon Ier « Docteur de l'Église ».

À partir de 1746, année où il canonise Camille de Lellis, Benoît XIV poursuit la réforme des comptes pontificaux lancée par son prédécesseur. Il codifie les modalités de la canonisation équipollente.Au début de son règne, il se montre favorable aux Lumières et entretient des relations avec Frédéric II de Prusse par l'intermédiaire du savant Maupertuis. Voltaire lui dédie en 1745 sa tragédie Le Fanatisme ou Mahomet le Prophète. La lettre de remerciement du pape au philosophe témoigne l'excellence de leurs rapports. Voltaire admirait sincèrement ce pontife cultivé et ouvert aux idées de son temps.

Buste en marbre de Benoît XIV par Pietro Bracci, Musée de Grenoble.

Benoît XIV proclame 1750 année sainte et charge — en vain — l'évêque de Mirepoix de faire cesser l'adultère du roi Louis XV.

Il tient en très haute estime le jésuite Francisco Suarez qui prône le retour à la pensée théologique de saint Thomas d'Aquin.

En 1751, il se montre favorable au projet d'encyclopédie de Diderot et d'Alembert[8]. Mais le 22 mars 1752 Sa sainteté a condamné la thèse soutenue à Paris par l'abbé de Prades[9].

Il réorganise l'Index dans un sens plus libéral, en donnant plus de garanties aux auteurs incriminés, par la constitution Sollicita ac provida, du 9 juillet 1753[10].

Dans la seconde moitié de son pontificat, il se montre plus « conservateur » : soupçonneux à l'égard des initiatives missionnaires des Jésuites, il condamne les Réductions du Paraguay et met fin à la querelle des rites en interdisant définitivement les rites chinois et malabars qu'il juge imprécis, par les lettres apostoliques Ex quo singulari (1742) et Omnium sollicitudinum (1744).

En outre, il renouvelle les réserves pontificales à l'égard de la franc-maçonnerie, condamnée en 1751 dans la bulle Providas romanorum.

Par ailleurs, il soutient la prédication de Léonard de Port-Maurice.

Le 22 février 1755, il béatifie l'enfant Anderl von Rinn, qu'on prétendait avoir été assassiné par des juifs, et en 1758 il innocente les juifs de Yanopol accusés d'un crime rituel, suivant ainsi le rapport que lui a présenté Lorenzo Ganganelli, conseiller du Saint-Office et futur pape Clément XIV.

Benoit XIV fut aussi un des rares hommes de pouvoir à encourager les femmes de science. Encore cardinal Prospero Lambertini, il intervient en soutien à Laura Bassi pour sa soutenance de disputatio de philosophie en 1732. Elle devient en 1733 la seconde femme à être docteur en philosophie et enseigne la physique et les mathématiques à l'université de Bologne. En 1748, il apporte son soutien à Maria Gaetana Agnesi pour qui il fait créer une chaire de mathématiques à l'université de Bologne[11].

Contre la croyance aux vampires

L'archevêque de Léopol ayant écrit sérieusement au pape sur l'existence des vampires reçoit de lui cette réponse :

« C'est sans doute la grande liberté de la Pologne qui vous donne le droit de vous promener après votre trépas. Ici, je vous l'avoue, nos morts sont aussi tranquilles que silencieux et nous n'aurions besoin ni de sbires, ni de barrigel[12], si nous n'avions qu'eux à craindre. L'Impératrice Reine de Hongrie, a dû vous détromper sur l'article des Vampires, que vous nommez communément Eupires. M. Vanswieten, son médecin, d'autant plus croyable qu'il est très instruit, nous apprend que la rougeur de certains cadavres, n'a d'autre cause qu'une espèce de terre qui les gonfle et qui les colore.

Vous avez à Kiovie même, une multitude de corps parfaitement conservés et qui joignent à la souplesse des membres des visages enluminés. J'ai dit à ce sujet, dans mon ouvrage sur la canonisation des Saints[13], que la conservation des corps n'est point un prodige. C'est à vous, comme étant archevêque, qu'il appartient surtout de déraciner ces superstitions. Vous découvrirez, en allant à la source, qu'il peut y avoir des prêtres qui les accréditent, afin d'engager le peuple, naturellement crédule, à leur payer des exorcismes et des messes. Je vous recommande expressément d'interdire, sans différer, ceux qui seraient coupables d'une telle prévarication; et je vous prie de bien vous convaincre qu'il n'y a que les vivants qui ont tort dans cette affaire
[14]. »

Le Pape Benoît XIV, par Pierre Subleyras.

Le mécénat

Il protège les sciences et l'industrie, ainsi que les lettres, qu'il cultive lui-même. Il s'attache à embellir Rome qui lui doit la façade de la basilique Sainte-Marie-Majeure et déclare le Colisée sanctuaire des martyrs (bien qu'il ne soit pas prouvé que les chrétiens aient été suppliciés en ce lieu), car il veut mettre un terme à son démantèlement. Il fait également reconstruire l'église Saint-Apollinaire.

Il a laissé un grand nombre d'ouvrages, publiés à Bassano en 1788, quinze volumes in-folio. Les principaux sont les traités de la Béatification, du Sacrifice de la Messe, des Synodes, ainsi que Sollicitudini nostrae (1745), Lettre rappelant la doctrine de l'Église catholique sur les représentations de Dieu dans l'art[15].

Il meurt le 3 mai 1758 à l'âge de 83 ans et Clément XIII lui succède.

Œuvres

Cette liste des œuvres de Lambertini a été prise de : Tarcisio Bertone, Il governo della Chiesa nel pensiero di Benedetto XIV, éd. L.A.S., Rome, 1978, et de Lazzaro Maria De Bernardis, Le opere giuridiche di Prospero Lambertini, dans Benedetto XIV (Prospero Lambertini): Convegno internazionale di studi storici, Cento, 6-9 dicembre 1979, organisé par Marco Cecchelli :

  • Raccolta di alcune notificazioni, editti e istruzioni, pubblicate per il buon governo della sua Diocesi dall’Em.no e Rev.mo Sig. Cardinale Prospero Lambertini …, Bologne, 1733, 1735, 1740 ; Rome, 1742 ; Venise, 1749, 1760, 1762, 1771, 1790 ; Turin, 1852 ; traduction en latin sous le titre Institutiones ecclesiasticae, Rome, 1747 ; Ingolstadt, 1751 ; Bassano, 1760 ; Lovanio, 1762.
  • De servorum Dei beatificatione et de beatorum canonizatione, 1734-1738.
  • Thesaurus resolutionum S. Congregationis Concilii, 1740 (en seraient dérivées les Quaestiones canonicae et morales, 1767).
  • Annotazioni sopra le feste di Nostro Signore e della Beatissima Vergine secondo l'ordine del calendario romano, 1740-1749 (à partir desquelles émergerait comme travail séparé le De sacrosancto Missae Sacrificio, 1745, également publié séparément dans la version originale italienne en 1772).
  • Bullarium Benedicti XIV, 1746-1754.
  • Opuscula miscellanea nunc primum edita atque in unum corpus collecta, Bassano, 1767.
  • Casus conscientiae, 1747.
  • De synodo dioecesana, Rome, 1748, complété et enrichi dans l'édition de 1755 ; 1767 ; Ferrare, 1753, 1756, 1760 ; Padoue, 1756 ; Parme, 1764 ; Venise, 1765, 1775, 1792 ; Rome, 1806 ; Magonza, 1842. On le trouve dans toutes les éditions des Opera omnia.
  • Opera omnia, en trois éditions :
    • S.S.D.N. Benedicti XIV opera in duodecim tomos distribuita, Rome, 1747-1751 ;
    • Benedicti XIV Papae olim Prosperi Card. De Lambertinis opera omnia in quindecim tomos distribuita, Venise, 1767, 1788, 1892 ;
    • Benedicti XIV Pont. Max opera omnia in tomos XVII distribuita, Prati, 1830-1946.
  • Dans ces collections, il faut ajouter les volumes suivants :
    • S.S.D.N. Benedicti Papae XIVopera omnia in synopsim redacta, Rome, 1766 ;
    • Benedicti XIV acta sive mondum pubblicata sive sparsim edita, nunc primum collecta cura Rafaelis de Martinis, 2 vol., Naples, 1894 ;
    • Benedicti XIV Papae opera omnia inedita, quae primum publicavit Fr. Heiner, Fribourg, 1904 ;
    • Caeremoniale Episcoporum Santissimi D.N. Benedicti Papae XIV iussu editum et auctum, Rome, 1752.

Notes et références

  • Cet article comprend des extraits du Dictionnaire Bouillet. Il est possible de supprimer cette indication, si le texte reflète le savoir actuel sur ce thème, si les sources sont citées, s'il satisfait aux exigences linguistiques actuelles et s'il ne contient pas de propos qui vont à l'encontre des règles de neutralité de Wikipédia.
  1. Georges Minois, L'Église et la science, Histoire d'un malentendu, t. II, Fayard, p. 173-174.
  2. (en) « Morpurgo, Samson ben Joshua Moses », sur Jewish virtual Library
  3. La constitution apostolique Demandatam coelitus humilitati nostrae, du , au patriarche d'Antioche Cyrille VI Tanas et à tous les évêques melkites relevant de sa juridiction vise à protéger et maintenir intègre le rite byzantin au sein de l'Église grecque-catholique melkite.
  4. Olivier Andurand, La Grande affaire. Les évêques de France face à l'Unigenitus, Rennes, Presses universitaires de Rennes, , 398 p. (ISBN 978-2-7535-5390-3)
  5. Du 30 avril au s'est tenue à l'université Washington de Saint-Louis une conférence internationale dont le thème était : « The Enlightenment Pope: Benedict XIV (1675-1758) ». L'annonce rappelait que Benoît XIV avait demandé aux curés d'expliquer aux paroissiens que faire don de son corps à la science était une pratique approuvée par l'Église ; c'est lui qui créa à Bologne le premier musée anatomique d'Italie, abritant huit répliques de cire en grandeur nature, créées grâce à des dissections. Il encouragea les femmes à étudier la médecine et fut le protecteur d'Anna Morandi Manzolini qui effectua des milliers de dissections dans son laboratoire dans le but de créer des répliques précises.
  6. The Story of Father Orazio della Penna.
  7. Vix pervenit.
  8. Georges Minois, L'Église et la science, Fayard, p. 130
  9. « 1752 : interdiction de "L'Encyclopédie" de Diderot et D'Alembert »
  10. Georges Minois, L'Église et la science, Histoire d'un malentendu, Fayard, p. 174
  11. Chantal Grell et Robert Halleux, Sciences, techniques, pouvoirs et sociétés du XVe siècle au XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, coll. « Horizon / Histoire-géographie CAPES-Agrégation », , 464 p. (ISBN 978-2-200-61475-1), p. 200-201
  12. C'est ainsi qu'était désigné le chef des archers.
  13. Traité De servorum Dei beatificatione et de beatorum canonizatione écrit par Benoît XIV alors qu'il était avocat du diable à la Congrégation des Rites
  14. On trouvera cette lettre dans La Vie du Pape Benoit XIV, Prosper Lambertini par Louis-Antoine Caraccioli, Paris, 1783
  15. Voir François Boespflug, Dieu dans l'art. Sollicitudini Nostrae de Benoît XIV (1745) et l'affaire Crescence de Kaufbeuren, Paris, éd. du Cerf, 1984

Voir aussi

Articles connexes

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