Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures

La Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures (BAII ; acronyme anglais : AIIB), est une banque d'investissement proposée par la république populaire de Chine dans le but de concurrencer le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement[1] pour répondre au besoin croissant d'infrastructures en Asie du Sud-Est et en Asie centrale. Cette banque s'inscrit dans la stratégie de la nouvelle route de la soie développée par la Chine.

Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures
Bleu foncé : Membres régionaux
bleu clair : membres non régionaux
Situation
Création 24 octobre 2014
Type Banque de développement
Siège Pékin, Chine
Organisation
Membres 86 membres
Dirigeant Jin Liqun

Site web www.aiib.org

Histoire

L'idée de création de cette banque est évoquée pour la première fois en octobre 2013, lors d'une visite du président chinois Xi Jinping en Indonésie. L'objectif est de favoriser le développement des pays asiatiques et l'intégration économique régionale en répondant aux besoins d'infrastructures. Il s'agit également de mettre en place des institutions financières internationales moins dépendantes des États-Unis et de renforcer le rôle des acteurs régionaux dans la prise de décision. Les pays émergents s'estiment en effet sous-représentés dans les institutions financières existantes. La réforme aura fait passer de 4 à 6,4 % les droits de vote de la Chine, ce qui l'aurait placée juste derrière le Japon mais loin encore derrière les États-Unis dont la quote-part n'aurait que légèrement diminué que de 17,7 à 17,4 %. Ceci aurait permis aux pays des BRICS d'être parmi les 10 pays ayant la plus forte quote part, au détriment notamment du Canada. Bien que signé par le président américain Barack Obama en 2010, les Républicains du Congrès des États-Unis ont refusé de ratifier ce projet de réforme du Fonds Monétaire International[2],[3] (FMI). Ce blocage est un élément important qui explique le succès de la BAII[4],[5],[6]. En général la BAII, sur le papier, essaye de réparer des défauts perçus à la Banque mondiale, la Banque de développement d'Asie et d'autres institutions de développement qui ont été critiquées par la Chine pour être trop lourdes et trop contrôlées par les États-Unis et d'autres nations riches[7].

En 2014, les droits de votes des États-Unis au FMI[8] et la Banque Mondiale[9] étaient respectivement de 16,75 % et 16,21 % (seulement de 3,81 % et 4,85 % pour la Chine). Cela donne, de facto, un droit de veto aux États-Unis. Pour la Banque asiatique de développement, les droits de vote des États-Unis et du Japon sont de 15,56 % et 15,67 % respectivement et de 6,47 % pour la Chine. En revanche, aucun pays seul n'aura le droit de veto à la nouvelle BAII[10]. Ce changement de droits de vote a été la clé pour obtenir l'appui européen.

En octobre 2014, une cérémonie de lancement de l'établissement a lieu à Pékin. Vingt et un pays signent un mémorandum d'entente pour construire la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures : la Chine, l'Inde, la Thaïlande, la Malaisie, Singapour, les Philippines, le Pakistan, le Bangladesh, le Brunei, le Cambodge, le Kazakhstan, le Koweït, le Laos, la Birmanie, la Mongolie, le Népal, l'Oman, le Qatar, le Sri Lanka, l'Ouzbékistan et le Vietnam[11].

L'Indonésie signe ce mémorandum d'entente en novembre 2014 et devient le 22e pays fondateur. Ces pays décident d'offrir la possibilité à d'autres pays de devenir membres fondateurs, sous réserve d'acceptation par les membres déjà présents, en déposant une candidature avant le 31 mars 2015.

Le 11 mars 2015, le Luxembourg fut le premier pays non régional à annoncer son souhait de devenir membre fondateur de la Banque. Le lendemain le Royaume-Uni, suivi de la France, l'Allemagne et l'Italie annoncent leur souhait de devenir membres de la banque asiatique d'investissement pour les infrastructures[12]. La Suisse a fait de même quelques jours après[13] et la Russie a également annoncé son accord fin mars 2015[14].

En ce qui concerne les 57 pays membres, le Japon est la seule grande économie en Asie à ne pas demander l'adhésion. Taiwan l'a également demandé, mais celle-ci a été rejetée. Même la Corée du Nord a demandé l'adhésion, mais beaucoup plus de transparence économique aurait été nécessaire pour qu'elle rejoigne la banque. Presque toute l'Europe occidentale, sauf l'Irlande, a officiellement adhéré à la BAII. Les États-Unis, le Canada et le Mexique ont tous refusé d'adhérer, Washington étant particulièrement critique vis-à-vis du nouveau projet, y compris en faisant pression sur ses alliés, pour qu'ils n'adhèrent pas. Quatorze pays européens dont la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne - ont rejoint le projet en ordre dispersé. Pour le chercheur Christophe Jaffrelot, directeur de recherche CERI à l'IEP de Paris, « Beijing arrivera probablement à nouer les alliances qui lui permettront de jouir d'une coalition majoritaire au sein de la BAII. Mais ne pas jouer le jeu de cette initiative aurait été plus contre productif encore[2]. »

Le 19 décembre 2018, le conseil d’administration de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (AIIB), a validé la demande d’adhésion de six nouveaux membres, parmi lesquels l’Algérie, le Ghana, la Libye, le Maroc et le Togo[15].

Le 19 mars 2018, le Canada rejoint officiellement la BAII avec un mandat de 2 ans en tant que l'un des 12 administrateurs du conseil d'administration de la BAII à compter de juillet 2018[16].

Considérations géopolitiques et gouvernance

En ce qui concerne la géopolitique, tous les Etats BRICS - Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud - ont rejoint la banque. Ce projet sera un complément à la Nouvelle Banque de développement proposé par les BRICS en 2014[17]. De plus, l'intérêt de l'Europe occidentale dans la BAII marque un contraste saisissant entre cette région et l'Amérique du Nord[18]. En réussissant à attirer 57 pays comme membres fondateurs le 29 juin 2015, la Chine a remporté un véritable succès diplomatique. En tout cas, la création de la BAII représente un tournant important majeur de l'insertion de la Chine dans l'ordre international .

La gouvernance de la nouvelle BAII n'a pas encore été déterminée, bien que la Chine soit censée soutenir un partage de 75 % entre les membres asiatiques et 25 % pour les pays non-asiatiques, avec des droits de vote au sein de chaque groupe alloués en fonction du Produit Intérieur Brut (PIB). Avec cette structure de gouvernance, la Chine aurait 43 % des voix, près de cinq fois plus que l'Inde. Mais, les alliés des États-Unis  le Royaume-Uni, l'Allemagne, la France et d'autres nations européennes, l'Australie et la Corée du Sud dans l'Asie-Pacifique  auraient, ensemble, seulement 28 % des voix.

Le dernier jour avant la date limite pour devenir membre fondateur (31 mars 2015), les États-Unis, par l'intermédiaire du secrétaire américain au Trésor, Jacob Lew, annoncent leur volonté de coopérer avec l'organisation. À la fin du mois de mars 2015, les dirigeants du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale et de la Banque asiatique de développement ont également exprimé leur désir de coopération avec cette nouvelle institution[19].

Membres

Carte des membres (en bleu et bleu clair) de la BAII.

Au 30 mars 2021, la banque compte 86 membres[20].

Membres
de la région Asie-Pacifique
Membres
non-régionaux
Pays Date d'adhésion
Afghanistan2019
Arabie saoudite2016
Australie2015
Azerbaïdjan2016
Bangladesh2015
Bahreïn2018
Birmanie2015
Brunei2015
Cambodge2016
Chine2015
Corée du Sud2015
Chypre2018
Émirats arabes unis2016
Fidji2017
Géorgie2015
Hong Kong2017
Îles Cook2020
Inde2016
Indonésie2016
Iran2017
Israël2016
Jordanie2015
Kazakhstan2016
Kirghizistan2016
Laos2016
Malaisie2017
Maldives2016
Mongolie2015
Népal2016
Nouvelle-Zélande2015
Oman2016
Ouzbékistan2016
Pakistan2015
Philippines2016
Qatar2016
Russie2015
Samoa2018
Singapour2015
Sri Lanka2016
Tadjikistan2016
Thaïlande2016
Timor oriental2017
Tonga2021
Turquie2016
Vanuatu2018
Viêt Nam2016
Pays Date d'adhésion
Algérie2019
Allemagne2015
Argentine2021
Autriche2015
Belgique2019
Bénin2020
Biélorussie2019
Brésil2020
Canada2018
Côte d'Ivoire2020
Danemark2016
Égypte2016
Équateur2019
Espagne2017
Éthiopie2017
Finlande2016
France2016
Ghana2020
Grèce2019
Guinée2019
Hongrie2017
Irlande2017
Islande2016
Italie2016
Liberia2021
Luxembourg2015
Madagascar2018
Malte2016
Norvège2015
Pays-Bas2015
Pologne2016
Portugal2017
Roumanie2018
Rwanda2020
Royaume-Uni2015
Serbie2019
Soudan2018
Suède2016
Suisse2016
Uruguay2020

Plusieurs pays ont exprimé un intérêt pour joindre l'organisation mais n'ont pas encore déposé leurs instruments de ratification: Arménie, Koweït, Bolivie, Liban, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Chili, Croatie, Djibouti, Kenya, Libye, Maroc, Pérou, Sénégal, Afrique du Sud, Togo, Tunisie, Venezuela.

Références

  1. Gabriel Grésillon, « La Chine va lancer sa banque asiatique d’investissement », Le Temps,
  2. Christophe Jaffrelot, « Rest In Peace Bretton Woods ! », alternatives-internationales.fr (consulté le )
  3. « Les États-Unis sommés d'adopter la réforme du FMI », Le Monde,
  4. « Les pays émergents dénoncent l'inaction des Etats-Unis sur la réforme du FMI », sur huffpostmaghreb.com (consulté le )
  5. « New-Model Development Finance » (consulté le )
  6. (en) Scott Morris, « No, the US Will Not Join the AIIB – But Here’s One Thing It Can Do », Centre for Global Development,
  7. « How China Plans to Run AIIB: Leaner, With Veto » (consulté le )
  8. (en) « IMF Members' Quotas and Voting Power, and IMF Board of Governors », sur imf.org (consulté le )
  9. (en) « International Bank for Reconstruction and Development - Subscriptions and voting powers of member countries », sur siteresources.worldbank.org (consulté le )
  10. (en) Lingling Wei et Bob Davis, « China Forgoes Veto Power at New Bank to Win Key European Nations’ Support », Wall Street Journal, (ISSN 0099-9660, lire en ligne, consulté le )
  11. « Pékin signe avec 20 pays pour établir une banque régionale en Asie », Le Monde,
  12. Fabrice Nodé-Langlois, « Pourquoi la France rejoint la nouvelle banque chinoise de développement », Le Figaro,
  13. « Participation au processus de fondation de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures », Conseil Fédéral, Confédération suisse,
  14. (en) Kenneth Rapoza, « Russia Joins China's Asian Infrastructure Bank, But Doubts Its Power Against IMF », sur forbes.com (consulté le )
  15. « L’Algérie, le Maroc et le Togo rejoignent la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures – Jeune Afrique », sur Jeune Afrique, (consulté le ).
  16. Ministère des finances Gouvernement du Canada, « La banque asiatique d'investissement dans les infrastructures », sur www.fin.gc.ca, (consulté le )
  17. (en) « A BRICS development bank: a dream coming true? », United Nations conference on trade and development, sur unctad.org, (consulté le )
  18. (en) Shannon Tiezzi, « China’s AIIB: The Final Tally », sur thediplomat.com (consulté le )
  19. (en) « ADB, IMF, World Bank To Cooperate With China-Led Asian Infrastructure Investment Bank, Leaders Say », sur ibtimes.com (consulté le )
  20. Members and Prospective Members of the Bank
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