Assurance-emploi

Au Canada, l'assurance-emploi est un prestation proposée par le gouvernement fédéral pour offrir un soutien temporaire de revenu aux personnes sans emploi[1].

Ce régime existe officiellement depuis 1940, à la suite d'une modification à la constitution canadienne (elle-même établie à la suite de l'adoption de la loi constitutionnelle de 1867). La responsabilité de l'assurance-emploi est expressément confiée au gouvernement fédéral[2].

Historique

Genèse (1935–1940)

La crise économique des années 1930 pousse le gouvernement du Canada à réfléchir à un régime de soutien aux personnes sans emploi alors que le marasme économique cause une forte poussée du chômage. Une première tentative échoue en 1935 au motif qu'une telle initiative ne relève pas d'un domaine exclusivement fédéral, la Loi sur le placement et les assurances sociales est ainsi déclarée inconstitutionnelle[3].

Le gouvernement fédéral enclenche une consultation auprès des provinces pour modifier l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et ainsi faire de l'assurance-chômage une compétence exclusivement fédérale. Les provinces donnent un appui unanime à la proposition fédérale et l'article 91 est amendé le , permettant au Parlement d'adopter la Loi sur l'assurance-chômage le [3].

Sous le gouvernement Mulroney (1984–1993)

Le gouvernement conservateur de Brian Mulroney annonce en 1989 un plan d'économie de 1,3 milliard dans le régime d'assurance-chômage. Les mesures tendent à restreindre l'éligibilité au régime et réduire les prestations. Le nombre de semaines de travail requises pour se qualifier au régime fut fixé de 10 à 20 semaines dépendamment du taux de chômage de la région du bénéficiaire (contre 10 à 14 précédemment). Le temps pendant lequel les prestations sont versées est également réduit de 6 à 7 semaines selon les cas[4].

La ministre fédérale de l'Emploi et de l'Immigration (en), Barbara McDougall, estime que 300 000 bénéficiaires seront touchées par les changements annoncées alors que le leader du NPD, Ed Broadbent, estime qu'un million de personnes seront touchées par la réforme, chiffre jugé « exagéré » par Barbara McDougall[4].

Le , le budget fédéral de 1989 (en) déposé par le ministre des Finances, Michael Wilson, prévoit le désengagement du gouvernement fédéral du financement du programme d'assurance-chômage.

Jusqu'au , le gouvernement fédéral défrayait une partie des dépenses du régime d'assurance-chômage (pour une somme de 2,9 milliards de dollars pour la seule année 1989). À partir de cette date le régime est entièrement financé par les contributions des salariés et des employeurs (incluant le gouvernement fédéral lorsqu'il agit à titre d'employeur)[5].

Confronté à un déficit grandissant du régime d'assurance-chômage du fait de la récession du début des années 1990, le successeur de Michael Wilson, Don Mazankowski, annonce en que le taux des prestations d'assurance-chômage pour les nouveaux prestataires est abaissé de 60 à 57 % à partir du [6]. Cette disposition est incluse dans la Loi n° 2 de 1993 sur la compression des dépenses publiques qui est sanctionnée le [7],[8].

Malgré l'important déficit du régime en 1992-93, le taux de cotisation est maintenu à 3 % en 1993 alors que la rémunération assurable maximale est fixée à 745 $[9].

Sous le gouvernement Chrétien (1993–1996)

Paul Martin, nommé ministre des Finances en , annonce en dans son premier budget (en) une baisse du taux de cotisation à l'assurance-chômage. Alors que ce taux aurait (en l'absence de mesures) été porté à 3,30 % des gains assurables en 1995, le ministre annonce qu'il sera abaissé à 3,00 %, par rapport au taux de 3,07 % applicable en 1994[10],[L94 1]. Le budget 1994 prévoit également certain resserrements :

  • La modification du taux de prestation (qui était fixé à 57 % depuis )[L94 2]
    • Il passe à 55 % des revenus assurables en règle générale ;
    • Un taux bonifié de 60 % est créé pour les prestataires à faible revenus ayant une personne à charge.
  • Le nombre minimum de semaines requises pour qualifier aux prestations est haussé de 10 à 12[L94 3].

Assurance-emploi (depuis 1996)

Le , la Loi sur l'assurance-emploi est sanctionnée et remplace ainsi la Loi sur l'assurance-chômage[11]. La projet de loi C-12 introduit une vague de changements majeurs qui changent la physionomie du régime[12]:

  • L'admissibilité du régime est désormais déterminée par rapport aux heures travaillées et non plus en semaines travaillées ;
  • Le mode de calcul de la prestation est modifié : il est désormais basé sur les gains moyens lors des 26 dernières semaines travaillées ;
  • Un nouveau paramètre (la règle d'intensité) est créé pour réduire les prestations versées aux prestataires fréquents ;
  • Le montant maximum de rémunération assurable est drastiquement réduit (de 845 $ à 750 $).

Bonifications du régime (1999–2000)

En 1999, le gouvernement fédéral annonce une réforme de l'AE prévoyant une bonification des prestations parentales, de maternité et d'adoption. Le Québec conteste en cours cette réforme arguant que cette modification empiète sur son champ de compétence (la politique familiale). La réforme entre en vigueur le [13].

À l'automne 2000, le gouvernement dépose au Parlement le projet de loi C-2 qui réforme l'assurance-emploi. Ce projet de loi vise notamment à abroger la règle d'intensité qui cesse de s'appliquer à partir du . Cela fait en sorte que l'intégralité des prestataires percevront 55 % de leurs gains assurables[14]. Le projet de loi C-2 (devenu Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (pêche)) est sanctionné le .

Entente avec le Québec sur l'assurance parentale (2005)

Le le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec signent l'Entente finale Canada-Québec sur le Régime québécois d’assurance parentale portant sur la création d'un régime québécois d'assurance parentale (RQAP). La Loi modifiant la loi sur l'assurance parentale est votée par l'Assemblée nationale du Québec le et entre en vigueur le [13]. Depuis cette date le taux de cotisation à l'AE au Québec est inférieur à celui des autres provinces (puisqu'une cotisation séparée finance le RQAP).

Covid-19: Assouplissement temporaire

Dans le cadre de la pandémie de Covid-19, un assouplissement des règles d'admission à l'assurance-emploi, d'une durée d'un an, est prévu à la fin de la prestation canadienne d'urgence, ce qui permettra à 400 000 chômeurs supplémentaires d'y avoir accès[15].

Fonctionnement

Financement du programme

Le programme d'assurance-emploi est presque exclusivement financé par les cotisations obligatoires versées par les employeurs et les salariés. Les travailleurs non-salariés ont la possibilité d'adhérer au régime depuis 2010, dans ce cas ils doivent aussi verser une contribution au régime[16].

Jusqu'au le gouvernement fédéral contribuait financièrement au régime d'assurance-chômage pour assurer son équilibre financier[5]. Depuis cette date il ne participe à ce programme qu'à titre d'employeur[16].

Taux de cotisation

Depuis le , le taux de cotisation (hors Québec) pour les employés est fixé à 1,62 % de leur salaire annuel assurable (c'est-à-dire leur salaire à concurrence de 53 100 $ par an). La cotisation annuelle maximale en 2019 est donc de 860,22 $[17].

Au Québec ce taux est fixé à 1,25 % du salaire assurable (la limite est la même) puisque le Gouvernement du Québec administre lui-même depuis 2006 le régime québécois d'assurance parentale (RQAP)[17].

La cotisation des employeurs est fixée à 1,4 fois la cotisation versée par l'employé[18].

Graphiques

Résultats financiers

Controverses

Abolition du Compte d'assurance-emploi (2010)

Dans le cadre du budget 2010, le gouvernement conservateur a aboli le Compte d'assurance-emploi (avec effet rétroactif au ) en le remplaçant par le Compte d'opérations de l'assurance-emploi sans y transférer le surplus de 57 milliards de dollars accumulé dans l'ancien compte. Deux centrales syndicales du Québec (la CSN et la FTQ) ont attaqué en justice la constitutionalité de cette décision, se rendant jusqu'à la Cour suprême du Canada début 2014[24].

La Cour suprême donne raison au gouvernement du Canada dans cette cause en [25].

Quotas de radiations (2013)

En juillet 2013, une employée de Service Canada a révélé que les enquêteurs à l'emploi de l'assurance-emploi ont un quota annuel de 400 000 CAD à atteindre, c'est-à-dire qu'ils ont pour mission de rechercher activement les personnes qui violent les règles de l'assurance-emploi[26].

Notes et références

Notes

  1. Financement ponctuel des mesures d'améliorations des prestations par le gouvernement fédéral (Budget 2009).

Références

  1. article 26
  2. article 22
  3. article 28
  • Autres références
  1. Emploi et Développement Social Canada, « Assurance-emploi », (consulté le )
  2. Canada. « Loi constitutionnelle de 1867 », art. 91 [lire en ligne (page consultée le 3-9-2019)]
  3. « Historique législatif de l'assurance-chômage et de l'assurance-emploi », sur http://publications.gc.ca (consulté le )
  4. Maurice Jannard, « Ottawa entend retrancher $1,3 milliard aux chômeurs », La Presse, (lire en ligne, consulté le )
  5. [PDF] Gouvernement du Canada, « Documents budgétaires 1989 », (consulté le ), p. 29-30
  6. [PDF] Gouvernement du Canada, « Plan budgétaire 1993 », (consulté le ), p. 58
  7. Loi n° 2 de 1993 sur la compression des dépenses publiques L.C. 1993, chap. 13, art. 18.
  8. Décret fixant au 3 avril 1993 la date d'entrée en vigueur des articles 18 à 25, 27 et 28 de la Loi. C.P. 1993-709 du .
  9. Gazette du Canada Partie II, Vol. 127, no 6.
  10. [PDF] Gouvernement du Canada, « Plan budgétaire 1994 », (consulté le ), p. 22
  11. Canada. « Loi sur l'assurance-emploi » [lire en ligne (page consultée le 3-9-2019)]
  12. [PDF] Commission nationale d’examen sur l’assurance-emploi, Réfore de l'assurance-emploi : des correctifs pressants et des perspectives d'avenir, (lire en ligne)
  13. « Historique - RQAP », sur www.rqap.gouv.qc.ca, (consulté le )
  14. [PDF] Gouvernement du Canada, « Énoncé économique et mise à jour budgétaire », (consulté le ), p. 129
  15. Lina Dib, « Nouvelles mesures pour remplacer la PCU », sur Le Devoir, (consulté le )
  16. [PDF] André Léonard, « Le financement de l'assurance-emploi », sur Parlement du Canada, (consulté le )
  17. Agence du revenu du Canada, « Taux de cotisation à l'AE et maximums », (consulté le )
  18. Agence du revenu du Canada, « Calculer les cotisations à l’AE », (consulté le )
  19. Comptes publics du Canada, années 1995–96 à 2017–18.
  20. (en) Gouvernement du Canada, Public Accounts of Canada 1992, vol. 1, Ottawa, Ministère des Approvisionnements et des Services, (ISBN 0-660-15767-5), Table 5.7
  21. (en) Gouvernement du Canada, Public Accounts of Canada 1994, vol. 1, Ottawa, Ministère des Approvisionnements et des Services, (ISBN 0-660-15767-5), Table 5.7
  22. [PDF] Gouvernement du Canada, Comptes publics du Canada 2019, vol. 1, Ottawa, Ministre des Services publics et Approvisionnement, (ISSN 1483-8583, lire en ligne), Tableau 4.7 (page 124)
  23. [PDF] Gouvernement du Canada, Comptes publics du Canada 2020, vol. 1, Ottawa, Ministre des Services publics et Approvisionnement, (lire en ligne), Tableau 4.7 (page 128)
  24. Zone Économie- ICI.Radio-Canada.ca, « L'abolition de la caisse de l'assurance-emploi en Cour suprême | Réforme de l'assurance-emploi », sur Radio-Canada.ca, (consulté le )
  25. Zone Politique- ICI.Radio-Canada.ca, « Assurance-emploi : les syndicats déboutés par la Cour suprême | Réforme de l'assurance-emploi », sur Radio-Canada.ca, (consulté le )
  26. Le Devoir, « Assurance-emploi: l’employée à l’origine des fuites est suspendue », Le Devoir, (lire en ligne, consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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