Armistice du 15 décembre 1917

L'armistice du est une suspension d'armes entre les Puissances centrales et le pouvoir issu de la révolution d'Octobre. Négocié entre les représentants du nouveau pouvoir de Petrograd et les représentants de la quadruplice[N 1], il est signé le 5 décembre 1917 et doit prendre effet dix jours tard, le , pour une durée de deux mois. S'ouvrent alors des pourparlers de paix entre les puissances centrales, représentées par leur ministre respectif des affaires étrangères, et le pouvoir bolchevik, représenté dans un premier temps par Adolf Joffé, puis dans un second temps par Léon Trotski. Devant l'intransigeance allemande, les représentants bolcheviks se retirent des négociations. Dans ces conditions, l'armistice n'est pas prolongé, et dès le 17 février 1918, les unités allemandes, austro-hongroises et ottomanes reprennent leur avance à l'intérieur du territoire russe, obligeant ainsi le pouvoir bolchevik à signer le 3 mars 1918 le traité de Brest-Litovsk.

Contexte

Le front de l'Est à la fin de l'année 1917

À partir de la fin de l'été 1917, les armées russes se montrent totalement incapables de la moindre action offensive contre les puissances centrales, l'offensive russe lancée en juillet avait montré le manque de combativité des unités engagées[1], en dépit des succès initiaux remportés face aux troupes austro-hongroises[2]. son échec, ainsi que la contre-offensive germano-austro-hongroise qui reconquiert le terrain conquis en , achève de briser le moral des unités russes, tandis que le mécontentement croît à Petrograd et dans toute la Russie[3],[4].

Ensuite, l'échec de l'offensive de juillet accélère l'effritement du front russe[1], miné par les désertions en masse des soldats russes[5], par un phénomène massif d'insubordination et par une intense propagande bolchevik : les soldats refusent non seulement de tenir les lignes, mais aussi d'obéir aux ordres de leurs officiers et du gouvernement provisoire[3], tandis que la diffusion de la propagande pacifiste, libérée par les lois sur la presse rapidement votées après la révolution de Février, se développe tous les jours davantage[6].

Enfin, dès le mois de , les Roumains, tirant les conséquences du changement de situation politique en Russie, entrent en négociation avec les puissances centrales et signent un armistice le [7].

Les bolcheviks au pouvoir

Le pouvoir issu de la révolution d'Octobre publie son décret sur la paix le 15 novembre 1917, soit une semaine après la prise du pouvoir par les Bolcheviks. Puis, le , après avoir consolidé son pouvoir, le gouvernement bolchevik décide de rendre publique la politique étrangère qu'il compte mener.

Cependant, dès le , Lénine avait adressé aux puissances engagées dans le conflit le radiogramme « appel à tous », proposant une paix blanche, garantissant le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes[N 2],[8].

Dans le même temps, le conseil des commissaires du peuple prend le fameux décret sur la paix précisant l'objectif de la politique étrangère bolchevique immédiatement après la révolution d'Octobre : la recherche de la paix générale, sans annexions ni indemnités. Il suscite une franche hostilité des Alliés, appuyée sur le texte du pacte du 5 septembre 1914, comme le rappelle Clemenceau dans une note qu'il fait parvenir au commandant en chef de l'armée russe, Nikolaï Doukhonine, le [9].

Mettant en application de décret sur la paix, Nikolaï Krylenko, le nouveau commandant en chef de l'armée russe[N 3], demande au commandement germano-austro-hongrois l'ouverture de négociations en vue d'un armistice entre la Russie et les puissances centrales dès le  ; une fois le principe accepté par les représentants des puissances centrales, Krilenko fait publier un ordre du jour aux troupes russes dans lequel il ordonne un cessez-le-feu immédiat, au moins qu'elles se fassent attaquer, ainsi que l'arrêt des opérations offensives contre les troupes allemandes et austro-hongroises[10].

Pourparlers d'armistice

Les représentants des puissances centrales sont les seuls à répondre favorablement aux demandes bolcheviks de suspension des hostilités.

Les puissances centrales face au nouveau pouvoir russe

Ainsi, le jour même, après des échanges entre responsables allemands et austro-hongrois, les puissances centrales répondent favorablement à la demande d'armistice russe[10].

Cependant, En dépit de réserves sur la pérennité du pouvoir qui se met en place à Petrograd[N 4], les responsables politiques et militaires des puissances centrales affichent quant aux bolcheviks dans les échanges austro-allemands de fortes réserves, vite balayées[10]. Erich Ludendorff est ainsi l'un des premiers à penser à s'appuyer sur les bolcheviks pour obtenir la paix à l'Est[7], après en avoir conféré avec Max Hoffmann, son ancien adjoint, partisan d'un accord, faute de pouvoir avancer jusqu'à Petrograd pour les écraser[10].

En effet, souhaitant à tout prix mettre un terme à la guerre sur deux fronts, les représentants allemands et austro-hongrois s'appuient sur le pouvoir alors chancelant des bolcheviks pour arracher la cessation des hostilités à l'Est, tout en étant conscients que leurs possibles successeurs ne pourraient reprendre les hostilités, sans crainte d'être renversés à leur tour[10].

De plus, les responsables politiques et économiques du Reich multiplient, dès la demande russe, les échanges afin de définir la position allemande : Karl Helfferich, ancien secrétaire d'État aux affaires étrangères, se voit ainsi chargé de superviser la position allemande dans les domaines économiques, définissant une politique dans ce domaine acceptable aux yeux de l'ensemble des acteurs économiques du Reich[11].

En effet, depuis la fin de l'année 1914, le Reich et la double monarchie tentent d'obtenir de la Russie une cessation des hostilités, jusqu'alors sans succès.

Négociations

Dès le , les représentants allemands entrent en contact avec les révolutionnaires russes. Ces derniers avaient cependant tenté de se rapprocher des Alliés.

Ainsi, les diplomates russes au service du nouveau pouvoir se rapprochent dans un premier temps des Alliés, afin de connaître leurs intentions relatives à la cessation des hostilités; pour toute réponse, une note de protestation est adressée au grand quartier général russe, appelant à la lutte contre les puissances centrales, sans succès en dépit de la proclamation du commandant en chef affirmant la fidélité à l'alliance avec la France et Grande-Bretagne[9].

Après l'acceptation définitive par les puissances centrales des offres de paix russes, les négociations sont ouvertes à partir du [7]. Menées rapidement, elles aboutissent dix jours plus tard, le [12].

Ainsi, le , les négociateurs russes d'une part, les représentants des puissances centrales de l'autre, ouvrent des pourparlers en vue de la conclusion d'un armistice, au siège du commandement allemand, dans la citadelle de Brest-Litovsk[13].

Face aux militaires allemands, sont envoyés deux membres importants du parti bolchevik, Lev Kamenev et Adolf Joffé, assistés de quelques militaires ralliés au nouveau régime, présents à titre de conseillers des négociateurs civils[13].

Clauses de l'armistice

À l'issue de rapides discussions, les clauses sont définitivement approuvées par les puissances centrales et les représentants russes, les seconds parvenant à obtenir des satisfactions de principe, tandis que leur mise en application en annulent la portée à la demande des représentantes allemands, austro-hongrois et ottomans[13].

D'un point de vue militaire, les négociateurs du Reich et de ses alliés obtiennent l'interdiction des transferts d'unités le long de la ligne de front[13]. De plus, les unités peuvent entrer en contact les unes avec les autres, comme le souhaitaient les négociateurs russes, afin de permettre une forme de contagion révolutionnaire dans les rangs des armes des puissances centrales. Cependant, les Allemands limitent ces contacts sur des points bien déterminés du front germano-russe, cette localisation des contacts autorisant une certaine surveillance des échanges entre soldats[13].

De plus, des pourparlers de paix doivent s'ouvrir entre la Russie et les puissances centrales dès l'entrée en vigueur de l'armistice ; afin de rendre rapidement applicable les dispositions relatives à l'ouverture de négociations de paix entre la république russe d'une part, le Reich et ses alliés de la quadruplice de l'autre, les négociateurs des deux parties s'accordent sur le lieu où doivent se tenir les pourparlers de paix[14].

Application

Signature


Entrée en vigueur

Le texte, signé le , entre en vigueur dix jours plus tard.

Ses dispositions sont valables durant deux mois à compter de son entrée en vigueur, le .

Après le

Initialement prévu pour une durée de deux mois, l'armistice n'est pas reconduit pour la période suivant le . En effet, les négociateurs russes ont quitté les négociations devant les exigences allemandes, empêchant la prolongation de l'armistice[15].

En effet, devant la sécession ukrainienne et sa reconnaissance par les puissances centrales, qui signent avec la nouvelle république un traité de paix le , les négociateurs bolcheviks mettent un terme au négociations en vue de la conclusion du traité de paix[16]. Dans le même temps, l'Armée rouge part à la conquête de l'Ukraine et de ses territoires, obligeant le Reich et la double monarchie à intervenir militairement dans le conflit civil russe[17].

Le , à Bad Hombourg, les membres du gouvernement du Reich se montrent partisans de s'assurer des gages, en Ukraine et en Russie, afin de garantir la pérennité de la suspension d'armes et des acquis politiques et économiques de la politique du Reich et de ses alliés en Finlande, dans les pays baltes et en Ukraine[17]. Le , l'expiration de la suspension d'armes fournit au Reich le prétexte juridique de la reprise de l'avance austro-allemande en Russie, celle-ci s'effectuant dans des conditions telles que les généraux allemands la qualifient de « promenade militaire en train et en auto »[N 5],[18].

Devant l'avance allemande et austro-hongroise en Ukraine et en Russie, les négociateurs russes s'inclinent face aux exigences des puissances centrales, formulées dans un ultimatum adressé au gouvernement russe le [18]. Après accord de leur gouvernement, les négociateurs russes acceptent les termes du traité de Brest-Litovsk le [19].

Notes et références

Notes

  1. La Quadruplice regroupe le Reich et ses alliés, l'Autriche-Hongrie, l'Empire ottoman et la Bulgarie.
  2. Cette proclamation n'est remise aux Alliés que le , après la consolidation du pouvoir des Bolcheviks.
  3. Nikolaï Krylenko, membre de parti bolchevik, vient juste d'être nommé en remplacement de Nikolaï Doukhonine, nommé par le gouvernement provisoire.
  4. Certains responsables militaires s'interrogent sur la valeur réelle d'un traité signé par Lénine.
  5. Selon l'expression du général Max Hoffmann.

Références

  1. Renouvin 1934, p. 515.
  2. Bled 2014, p. 321.
  3. Sumpf 2017, p. 404.
  4. Renouvin 1934, p. 516.
  5. Fischer 1970, p. 480.
  6. Sumpf 2017, p. 408.
  7. Fischer 1970, p. 479.
  8. Fischer 1970, p. 478.
  9. Renouvin 1934, p. 520.
  10. Renouvin 1934, p. 521.
  11. Soutou 1989, p. 640.
  12. Bled 2014, p. 336.
  13. Renouvin 1934, p. 522.
  14. Renouvin 1934, p. 523.
  15. Fischer 1970, p. 501.
  16. Renouvin 1934, p. 528.
  17. Renouvin 1934, p. 529.
  18. Fischer 1970, p. 504.
  19. Renouvin 1934, p. 530.

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens Externes

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