Arc-boutant

Un arc-boutant[N 1] ou arcboutant[N 2] est un élément d'ossature particulier à l'architecture gothique. C'est un étai formé d'un arc en maçonnerie qui contre-bute la poussée latérale des voûtes à croisée d'ogives et les achemine vers le pilier de culée ou contrefort. Ce dernier est le plus souvent couronné d'un pinacle, ce qui permet, en constituant un poids important au-dessus de l'étai, d’asseoir vers le bas la poussée transversale reçue via l'arc-boutant, tout en allégeant visuellement ce dernier. En effet, en mécanique, l'intensité maximale de la force de frottement sec statique est égale au coefficient de frottement statique multiplié par le poids apparent , lui-même produit de la masse par la gravité. Ainsi, une charge supérieure au-dessus du pilier de culée ou contrefort, du fait dudit pinacle, implique une plus grande résistance à la composante latérale des forces transmises par l'arc-boutant. Notons enfin que l'intérêt structurel de tels pinacles est principalement lié au fait que la structure est en assemblage de pierres de taille, empêchant ainsi le glissement latéral de celles-ci vers l'extérieur de la macrostructure (l'édifice).

Ne doit pas être confondu avec Contrefort.

Arcs-boutants de Notre-Dame de Paris.
Quelques termes d'architecture.

Histoire

Inventés vers la fin de la période romane dans l'architecture normande, ils sont alors dissimulés sous la toiture dans les combles par des murs-boutants, comme le chevet du Prieuré Saint-Martin-des-Champs à Paris. Les arcs-boutants sont d'abord utilisés par les architectes gothiques pour consolider les églises romanes qui menacent de s'effondrer quand leur voûte principale est trop haute, puis ils transforment ce contrefort de secours en un élément architectural et décoratif, destiné à assurer l'équilibre des hautes voûtes nervées. Cependant, leur utilité fait débat chez les premiers maîtres d'œuvre de l'époque gothique qui oscillent entre son rejet et son adoption. Ernest Renan, en écrivant que « les arcs-boutants sont une forêt de béquilles », a bien compris que cet élément, lorsqu'il est envisagé comme permanent, devient un organe esthétique[1]. Ainsi, l'arc-boutant est un organe moins consubstantiel à l'architecture gothique qu'il a été supposé[2].

Le XIIe siècle constitue une période de tâtonnements pour les arcs-boutants qui reprennent la fonction des contreforts de l'architecture romane[3]. Mis en valeur lors de la construction de la cathédrale Saint-Étienne de Bourges, ils deviennent courants pendant le XIIIe siècle. Un contrebutement systématique est établi dans la nef de Notre-Dame de Paris autour de 1180, mais c'est à la cathédrale de Chartres que l'arc-boutant s'intègre dès l'origine à la construction[4]. Le système pour la construction de voûte utilisant des étais extérieurs obliques en bois par les maîtres ouvriers est pérennisé finalement en structure dans l'architecture gothique avec de la pierre formant l'arc-boutant mince et rampant : cela permet d'ouvrir de larges baies en partie haute des murs des églises, et d'éclairer abondamment l'intérieur à travers les vitraux. Les arcs-boutants servent aussi à l'évacuation de l'eau de pluie reçue sur le toit.

Pour les chrétiens, la voûte des sanctuaires évoque un navire retourné, la toiture la coque et l'église elle-même un bateau soutenu par ses rames (les arcs-boutants). Ils voient ainsi l'église comme un navire flottant sur les eaux célestes, si bien que le terme de nef s'est vite imposé par métaphore[5].

Chronologie en images :

Utilisations notables

Il n'est pas nécessaire de citer ici toutes les églises gothiques, en voici quelques-unes : cathédrales de Bourges, de Paris (Notre-Dame de Paris), de Strasbourg, ou de Cologne.

Le chœur de la cathédrale du Mans présente des arcs-boutants à triple volée, couplés en « Y », qui constituent une prouesse architecturale.

Un exemple d'utilisation de l'arc-boutant : l'abbatiale Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay.

Les voûtes d'arêtes de la nef romane de l'abbatiale Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay (la construction de la nef actuelle s'achève en 1138) étaient, à l'origine, maintenues par des tirants à la naissance des voûtes (sur le croquis, en « A » la construction est figurée telle que l'architecte l'avait conçue), mais ces tirants ont rompu (en « B », figurée telle que l'effort des voûtes hautes l'avait déformée). Un siècle et demi après la construction de la nef, les effets produits avaient déjà causé la chute de plusieurs voûtes. Des arcs-boutants ont été construits (en E et pointillés) pour prendre le relais des tirants et maintenir les voûtes[6]. Au XVIe siècle, malgré le déclin de l'architecture gothique, des réminiscences de ce type d'architecture se voient dans des bâtiments français, mélangées à de l'architecture Renaissance et, dans certains bâtiments de ce siècle, il y a encore maintien de l'arc-boutant, comme sur les bas-côtés de la cathédrale Notre-Dame du Havre, mais où l'architecture Renaissance a influencé les arcs-boutants qui sont assez épais, contrairement aux arc-boutants gothiques peu épais.

Le phare de Pointe-au-Père (Canada), construit en 1909, est l'une des neuf tours renforcées d'arcs-boutants au Canada entre 1908 et 1910.

Au début du XXe siècle, la technique de l'arc-boutant a été reprise par le ministère de la Marine et des Pêcheries du Canada lors de la construction de neuf phares jalonnant les côtes canadiennes, notamment celui de Pointe-au-Père[7]. Ces neuf phares furent réalisés selon les plans de l'ingénieur français Henri de Miffonis et sous la supervision de William Patrick Anderson, ingénieur en chef du ministère[8].

Notes et références

Notes

  1. Selon l’orthographe traditionnelle.
  2. Selon les rectifications orthographiques du français de 1990.

Références

  1. Arnaud Timbert, Chartres. Construire et restaurer la cathédrale (XIe-XXIe siècles), Presses universitaires du Septentrion, , p. 60.
  2. Philippe Plagnieux, « Arc-boutant », Dictionnaire d'histoire de l'art du Moyen Âge occidental, Robert Laffont, 2009, 1 184 p. (ISBN 978-2221103258), p. 51-52.
  3. Jean-Pierre Willesme, op. cit., p. 22.
  4. Jean-Pierre Willesme, op. cit., p. 24.
  5. Alain Villes, La Cathédrale Saint-Étienne de Châlons-en-Champagne et sa place dans l'architecture médiévale, D. Guéniot, , 460 p. (ISBN 978-2-87825-226-2), p. 346.
  6. Eugène Viollet-le-Duc, « Construction, principes », Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, t. 4.
  7. « Canadian Flying Buttress Lighthouses », www.ibiblio.org (consulté le 1er mai 2019).
  8. Brigitte Violette, La Station d'aide à la navigation de Pointe-au-Père et son phare de béton armé. Centenaire d'une construction audacieuse, 1909-2009, Québec, Parcs Canada, , 91 p. (ISBN 978-1-100-92042-9), p. 60-64.

Annexes

Bibliographie

Par ordre chronologique de publication :

  • Eugène Viollet-le-Duc, « Arc-boutant », dans Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle, B. Bance éditeur, Paris, 1858, tome 1, p. 60-87 (lire en ligne)
  • Georges Durand, « La question des origines du style gothique flamboyant ; lettre de M. Georges Durand, à propos d'un arc-boutant de la cathédrale d'Amiens », dans Bulletin Monumental, 1909, tome 73, p. 127-130 (lire en ligne)
  • R. Lemaire, « La logique du style gothique », dans Revue Philosophique de Louvain, 1910, tome 66, p. 234-245 (lire en liogne)
  • Eugène Lefèvre-Pontalis, « L'origine des arcs-boutants », dans Congrès archéologique de France. 82e session. Paris. 1919, Société française d'archéologie, Paris, 1920, p. 367-396 (lire en ligne)
  • Eugène Lefèvre-Pontalis, L'Origine des arcs-boutants, Société générale d'imprimerie et d'édition, 1921.
  • François Deshoulières, « Les arcs-boutants du chœur de Saint-Jean de Troyes » (compte-rendu), dans Bulletin Monumental, 1929, tome 88, p. 163-164 (lire en ligne)
  • Henri Deneux, « De la construction en tas de charge et du point de butée des arcs-boutants au Moyen Âge », dans Bulletin Monumental, 1943, tome 102, no 2, p. 241-256 (lire en ligne)
  • Anne Prache, Les arcs-boutants au XIIe siècle, dans Gesta, tome XV, p. 31-41, compte-rendu par Alain Erlande-Brandenburg, dans Bulletin Monumental, 1977, tome 135, no 3, p. 239 (lire en ligne)
  • Jacques Henriet, « Recherches sur les premiers arcs-boutants. Un jalon : Saint-Martin d'Étampes », dans Bulletin Monumental, 1978, tome 136, no 4, p. 309-323 (lire en ligne)
  • Jean-Pierre Willesme, L'Art gothique, Paris, Flammarion, coll. « Grammaire des styles », 1982.
  • William W. Clark, Robert Mark, « The first flying buttresses : a new reconstruction of the nave of Notre-Dame de Paris », dans The Art Bulletin, 1984, tome 66, p. 47-65, compte-rendu par Anne Prache, dans Bulletin Monumental, 1984, tome 142, no 2, p. 196-198 (lire en ligne)
  • Philippe Plagnieux, « Les arcs-boutants du XIIe siècle de l'église de Domont », dans Bulletin Monumental, 1992, tome 150, no 3, p. 209-222 (lire en ligne)

Articles connexes

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