Annette Zelman

Annette Zelman (, Nancy-, Auschwitz) est une victime de la politique antisémite du régime de Vichy puis du Reich hitlérien.

Juive française née de parents immigrés d’Europe de l'Est, elle est arrêtée en à Paris à la suite de la dénonciation du docteur Hubert Jausion, père de son fiancé Jean Jausion, qui voulait s’opposer à leur mariage. Arrêtée à titre « préventif » puis déportée alors que la mesure épargnait les femmes jusque-là, elle est morte en déportation à Auschwitz, probablement en .

Biographie

Peu après la déclaration de guerre de 1939, Annette Zelman et sa famille se réfugient à Bordeaux[1]. Recensée comme « israélite » en , Annette Zelman se rend à Paris pour y entamer des études aux Beaux-Arts, elle y fréquente artistes et intellectuels du Quartier latin (Jean Rouch, Yannick Bellon, etc.)[1] Le , elle se rend à la mairie du 10e arrondissement de Paris pour déposer une demande de mariage avec Jean Jausion, poète né en 1917 et lié à la mouvance surréaliste[1]. Opposé au mariage, le père de Jean Jausion, le Dr Hubert Jausion, intervient, selon des modalités qui restent mal éclaircies, auprès des autorités[1]. La jeune fille est arrêtée à son domicile, 58, boulevard de Strasbourg[2], dans le 10e arrondissement de Paris, le sur ordre exprès de Theodor Dannecker, chef du service des Affaires juives de la Gestapo à Paris pour un motif « politique »[1]. Détenue jusqu’au au dépôt de la préfecture de police de Paris puis au camp des Tourelles, Annette Zelman fait partie, le , du troisième convoi de déportés à destination d’Auschwitz[1]. Elle y est morte sans qu’aucune information sur son sort n’ait pu être retrouvée[1].

Témoignages et postérité littéraires

La figure tragique d’Annette Zelman apparait dans les souvenirs de Simone de Beauvoir[3] lorsqu’elle décrit le microcosme du Café de Flore sous l’Occupation ainsi que dans un texte de Boris Vian[4]. Son destin a par ailleurs ensuite attiré l’attention de l’historien Henri Amouroux[5] et du romancier Patrick Modiano[6].

Analyse historique

Le destin d’Annette Zelmann a été analysé par l’historien Laurent Joly selon deux axes[1]. D’une part, il est une illustration du massif phénomène de délation, nourri de l’antisémitisme ordinaire et des rancœurs personnelles, qui a touché la société française sous Vichy[1]. Loin de se cantonner aux marges de la société, la délation a ainsi touché des franges de la société considérées comme honorables[7] (le père de Jean Jausion, Hubert Jausion est un médecin, fin lettré et homme du monde[1]). D’autre part, il préfigure la « Solution finale » avec une accélération du rythme des déportations et leur extension aux femmes. La volonté d’anéantir totalement la communauté juive rendra vaines les tentatives d’Hubert Jausion et de Jean Jausion pour intervenir auprès des autorités[1].

Documentaire

Le cas d'Annette Zelman est évoqué dans le documentaire Dénoncer sous l'Occupation, de David Korn-Brzoza, coécrit avec l'historien Laurent Joly[8], diffusé dans la série Histoire immédiate, sur France 3, les [9] et [10].

Notes et références

  1. Laurent Joly, « Le cas Annette Zelmann et les débuts de la « Solution finale » en France (mai-juin 1942) », Vingtième Siècle – Revue d'histoire, no 119, , p. 29-41 (lire en ligne).
  2. Serge Klarsfeld, Mémorial de la déportation des Juifs de France, Beate et Serge Klarsfeld, Paris, 1978 ; nouvelle édition, mise à jour, avec une liste alphabétique des noms, FFDJF (Fils et filles de déportés juifs de France), 2012.
  3. Simone de Beauvoir, La Force de l’âge, Paris, Gallimard/Le Livre de poche, 1960, 1965, p. 402-404, 547.
  4. Boris Vian, Manuel de Saint-Germain-des-Prés, Paris, Éditions du Chêne, , p. 118.
  5. Henri Amouroux, La Vie des Français sous l’Occupation, Paris, Fayard, , 577 p., p. 399-400.
    Dans cet ouvrage, l'auteur mentionne les protagonistes ainsi : « Annette Z… », « Jean J… », « le père de Jean est médecin » et note en bas de page : « Dans l'histoire d'Annette Z…, c'est volontairement encore que j'omets de citer les références. » Cependant, après avoir écrit qu'« il semble bien que l'autorité allemande ait été mise au courant », il sous-entend assez clairement que Dannecker avait connaissance de l'origine de la délation. Et indique que, dans la note de la police française qu'il a retrouvée, « Les deux futurs époux ont déclaré par écrit renoncer à tout projet d'union, conformément au désir du docteur J… qui avait souhaité qu'ils fussent dissuadés et que la jeune Z… fût simplement remise à sa famille, sans être aucunement inquiétée.
  6. Patrick Modiano, Dora Bruder, Paris, Gallimard, , p. 120-122.
  7. Laurent Joly (dir.), La Délation dans la France des années noires, Paris, Perrin, , 384 p. (ISBN 978-2-262-03481-8, notice BnF no FRBNF42660684), p. 63-69.
  8. « Dénoncer sous l'Occupation (France 3) », sur histoire-pour-tous.fr, (consulté le ).
  9. « La délation sous l'Occupation », sur leparisien.fr, Le Parisien, (consulté le ).
  10. « Dénoncer sous l’Occupation », sur 9docu.co (consulté le ).
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