Hubert Jausion

Hubert Jausion, né le à Toulouse et mort le à Paris[1], est un médecin français spécialiste des questions de dermatologie, mycologie et photobiologie. Durant la Seconde Guerre mondiale il a dénoncé aux autorités Annette Zelman, sa future belle-fille juive, entraînant son arrestation, sa déportation et sa mort au camp d'Auschwitz.

Biographie

Il fait ses études de médecine à l'École du service de santé militaire de Lyon. En 1914, il épouse Claude Champ[2] avec qui il aura un fils, Jean Jausion, né en 1917.

Puis il est en poste en Afrique du Nord et Paris avant de devenir professeur agrégé Val-de-Grâce en 1924. De 1930 à 1934, il exerce à l'hôpital militaire Villemin. En 1935, il devient directeur des laboratoires de recherches et le service de dermatologie de l'hôpital franco-musulman de Paris (hôpital Avicenne) qui vient d'être créé pour accueillir les patients musulmans de Paris et du département de la Seine[3].

Durant la Seconde Guerre mondiale, le colonel Jausion est emprisonné à l'hôpital militaire de Damrémont de Chaumont[4].

L'affaire Annette Zelman

Annette Zelman est une jeune nancéienne d'origine juive polonaise[5]. Elle est étudiante à l'École des beaux-arts lorsqu'elle rencontre, Jean Jausion, étudiant en philosophie, lié au milieu surréaliste[5]. Les deux jeunes gens ne se quittent plus et projettent de se marier[5]. Opposé à ce mariage, Hubert Jausion dénonce Annette Zelman aux autorités[5]. Une note du chef du service des Affaires juives de la Gestapo à Paris, Theodor Dannecker, à Louis Darquier de Pellepoix, commissaire général aux questions juives, datée du , fait état de ce mariage[5] :

« Concerne : mariage entre non-juifs et juifs. J’ai appris que le ressortissant français (aryen), Jean Jausion, étudiant en philosophie, 24 ans […] a l’intention d’épouser pendant les jours de Pentecôte la juive Anna Malka Zelman, née le 6.10.1921 à Nancy […]. Les parents de Jausion désireraient de toute manière empêcher cette union, mais ils n’en ont pas le moyen. J’ai en conséquence ordonné comme mesure préventive l’arrestation de la juive Zelman et son internement dans le camp de la caserne des Tourelles. »

Les conséquences de la délation sont dramatiques. Arrêtée le , Annette est emprisonnée au dépôt de la préfecture de police de Paris du au puis au camp des Tourelles du 10 au avant d'être déportée au camp d'Auschwitz par le convoi no 3 parti de Drancy le [5]. La jeune femme est déclarée morte à l'état civil trois jours après son arrivée au camp.

Après guerre, le docteur Hubert Jausion poursuit sa carrière à l'hôpital franco-musulman. On donne son nom à une salle de l'hôpital ; on érige son buste. Il exerce les fonctions de vice-président de la Société de dermatologie en 1952, président de la Société de pathologie comparée en 1954[6], et président du Centre d’études anthropotechniques en 1955.

Hubert Jausion meurt à Paris le [1]. Lors de ses obsèques, sa délation est brièvement mentionnée :

« Cet homme respectueux de l'ordre établi, allait hélas trouver dans les tristes excès de ce respect même le germe de conflits qui le firent vaciller. Un drame s'ensuivit. Fallait-il le passer sous silence ? Je ne le pense pas, parce que nous savons, pour notre apaisement, qu'un de ses collaborateurs auquel, et le caractère et les épreuves qu'il a lui-même subies, confèrent assurément le sens de la justice, décida, la guerre finie, de revenir aux côtés de son maître : il ne fut pas pour notre collègue, il n'est pas pour nous, de caution plus valable . »

Il faudra attendre la publication par l'historien Henri Amouroux de son livre intitulé La Vie des Français sous l’Occupation en 1961 pour apprendre que la personne qui avait dénoncé Annette Zelman était son futur beau-père, Hubert Jausion[7],[8].

L'omerta perdurera en dépit des révélations d'Amouroux. Comme le rappelle Henri Nahum, à l'occasion du 70e anniversaire de la création de l'Hôpital franco-musulman, la prestigieuse carrière de Jausion est rappelée mais aucune mention n'est faite concernant sa délation aux autorités[9].

Distinctions

Notes et références

  1. « Cote 19800035/290/38985 », base Léonore, ministère français de la Culture.
  2. « Nouvelles mondaines », Action française, (lire en ligne, consulté le ).
  3. H. R., « Pour les musulmans de Paris : L'inauguration du Laboratoire des recherches à l'Hôpital Franco-Musulman de Bobigny », L'Afrique du Nord illustrée : journal hebdomadaire d'actualités nord-africaines, (lire en ligne, consulté le ).
  4. « Une septième liste officieuse de prisonniers français », Le Matin, (lire en ligne, consulté le ).
  5. Laurent Joly, « Le cas Annette Zelmann et les débuts de la « Solution finale » en France (mai-juin 1942) », Vingtième Siècle – Revue d'histoire, no 119, , p. 29-41 (lire en ligne).
  6. « Notice biographique », sur biusante.parisdescartes.fr (consulté le ).
  7. Nathalie Zadok, « Roméo et Juliette de 1942 : dénoncée par le père de son fiancé parce que Juive », sur Alliance, (consulté le ).
  8. Henri Amouroux, La Vie des Français sous l’Occupation, Paris, Fayard, , 577 p., p. 399-400.
    Dans cet ouvrage, l'auteur mentionne les protagonistes ainsi : « Annette Z… », « Jean J… », « le père de Jean est médecin » et note en bas de page : « Dans l'histoire d'Annette Z…, c'est volontairement encore que j'omets de citer les références. » Cependant, après avoir écrit qu'« il semble bien que l'autorité allemande ait été mise au courant », il sous-entend assez clairement que Dannecker avait connaissance de l'origine de la délation. Et indique que, dans la note de la police française qu'il a retrouvée, « Les deux futurs époux ont déclaré par écrit renoncer à tout projet d'union, conformément au désir du docteur J… qui avait souhaité qu'ils fussent dissuadés et que la jeune Z… fût simplement remise à sa famille, sans être aucunement inquiétée.
  9. Henri Nahum, « L'affaire Annette Zelman ou les conséquences dramatiques de l'antisémitisme ordinaire », Archives juives, vol. 46, (lire en ligne, consulté le ).

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