Anna Langfus

Anna Langfus (née Anna-Regina Szternfinkiel) (1920 Lublin - Paris 1966[1]) est une romancière et dramaturge de langue française d'origine polonaise, auteure de textes sur la Shoah et la tragédie de ceux qui en ont survécu.

Anna Langfus
Anna Langfus en 1966.
Naissance
Lublin, Pologne
Décès
Paris, France
Activité principale
Distinctions
Auteur
Langue d’écriture français

Œuvres principales

L'un des thèmes de son travail a été la récurrente question concernant ce que l'on peut écrire ou exprimer sur la Shoah et comment le faire.

Courte biographie

Née en 1920, Anna Langfus a quitté la Pologne en 1946, s'installe en région parisienne (à Sarcelles d’abord dans les grands ensembles). Elle écrit directement en français à partir de 1950. Son premier roman (Prix Charles Veillon) parait en 1960. Étant morte en 1966, elle n'a eu qu'une carrière littéraire très courte (16 ans), durant laquelle elle parviendra cependant à écrire trois romans — dont un Prix Goncourt en 1962, et quatre pièces de théâtre.

Anna Langfus dans l'Histoire

Elle venait de Lublin, une ville moyenne à l'est de l'actuelle Pologne.

En Pologne durant la Seconde Guerre mondiale, elle connut les ghettos de Lublin et de Varsovie, dont elle parvint à s’évader. Elle connut l’arrestation par la Gestapo, l’exécution de son mari et la torture mais survécut. En outre, la plupart des membres de sa famille furent exterminés.

Réfugiée en France en 1946, après la guerre, elle devient romancière et dramaturge, à partir de 1956, et malgré une courte carrière littéraire, gagne la reconnaissance comme un auteur écrivant en français.

Elle produisit plusieurs romans et pièces de théâtres dont la difficulté de survivre à la Shoah ne fut pas absent. Elle a été l'une des premières à aborder ces questions dans ce qu'il est convenu d'appeler la «littérature de la Shoah ». Elle est ainsi considérée comme une écrivaine majeure, en langue française, sur ce sujet. Elle est morte le à Paris.

Elle est notamment l'auteur de la première pièce de théâtre en langue française qui représente un des moments de la Shoah, Les Lépreux, pièce jouée en 1956 sous la direction de Sacha Pitoëff. Elle y évoque les arrestations et les assassinats des juifs polonais en 1941. Cette forme théâtrale s'avère sans doute trop pénible pour les spectateurs qui sont nombreux à quitter la salle.

Le Sel et le soufre d'Anna Langfus, paru en 1960, évoque son périple pendant la guerre, ses qualités littéraires retiennent immédiatement l'attention de la critique et du public. Elle reçoit pour ce livre le prestigieux prix Charles Veillon. Le roman suivant, Les Bagages de sable, obtient le prix Goncourt en 1962. Elle est la quatrième femme à obtenir ce prix. Elle y présente, sous la forme d'une aventure amoureuse ratée, la douleur d'une rescapée de la Shoah incapable de revenir au monde.

« Les livres d’Anna Langfus nous parlent des blessés, de ceux et de celles qui restent après les massacres, qui déambulent invisibles dans nos rues et nos parcs de ceux qui ne parviennent pas à s’en sortir et que certains ne supportent plus. »

« Qu'elle agisse au sein d'une communauté, d'une classe, d'un groupe, ou qu'elle infléchisse un destin individuel, qu'elle prenne la forme de l'horreur ou celle de la plus banale misère, le visage de la peur ou celui du dévouement, qu'elle révèle la lâcheté ou la corruption ou qu'elle cristallise les plus hautes vertus humaines, la guerre remet tout en question. La guerre proclame l'instabilité de notre monde et son désordre fondamental. »

Elle meurt jeune d'une crise cardiaque en à l'hôpital de Gonesse. Elle a alors 46 ans, et accédait à une notoriété internationale. Elle laisse une œuvre littéraire brève écrite « dans un même souffle au cours d’à peine cinq à six ans ».

Puis finit par tomber peu à peu dans l'oubli à partir des années 70.

Identifiants

ISNI 0000 0001 1078 4118

Le renoncement à la langue maternelle

Le choix de la langue française comme langue par laquelle l'auteur transmet la postérité de son œuvre doit être analysé. Ce que fait Jean-Yves Potel dans un article du Centre de Recherche français à Jérusalem. « Elle a quitté sa terre natale à l’âge de 26 ans, rescapée de la Shoah. Elle entre dans la langue et la culture française pour se sauver, se débarrasser de ce poids insupportable. Elle n’y parvient pas. Elle vit cette rupture et ces échecs comme une perte de soi. Elle ne parvient pas à se reconstruire. Son œuvre littéraire transmet cette perte et sa douleur. Elle parle pour les blessés de l’histoire qui sont condamnés à vivre. Les rescapés. »[2]

Malgré les prix littéraires et la traduction de ses œuvres dans une quinzaine de langues, elle finit par tomber dans l'oubli. Jean-Yves Potel, historien spécialiste de l'Europe Centrale et plus particulièrement de la Pologne, lui consacre alors un essai biographique.

Biographie

Enfance et jeunesse à Lublin

Elle est née Anna Regina Szternfinkiel le à Lublin. Elle est la fille d'un couple de gros commerçants, Moshe Szternfinkiel, courtier en céréales, et de Maria (née Wajnberg) : une famille juive aisée.

Tout juste mariée à l'âge de 18 ans, elle part avec son mari Jakub Rajs , le fils d’un autre commerçant né en 1919, suivre, pendant un an, des études d'ingénieur à l'École des textiles de Verviers en Belgique.

Le temps de la guerre

Revenue à l'été 1939 dans sa famille, elle est surprise par la guerre. Elle connaît, en 1942, les ghettos de Lublin et de Varsovie. Elle se cache ensuite avec son mari du côté « aryen » de la ville. Ses parents, restés dans le ghetto de Varsovie, ont disparu en 1943.

Un temps agent de liaison d'un groupe de résistance, probablement l'Armée de l'intérieur (AK), elle se cache dans le nord de Varsovie, puis, arrêtée par la Gestapo, elle est férocement torturée dans la prison de Nowy Dwor. Elle assiste à l'exécution de son mari Jakub. Transférée à la prison de Plonsk, elle est libérée par l'armée soviétique.

Elle retourne à pied à Lublin, et y reste jusqu'à la mi-1946. Elle y commence alors des études de théâtre dans une école nouvellement ouverte, Studio Dramatyczne. Elle ne reste pas longtemps et part pour la France.

En France

Réfugiée, arrivée en France en 1946, elle se remaria avec Aron Langfus [Aron Langfus 1910-1995], un Juif revenu comme elle de Lublin, lui aussi rescapé des ghettos et de plusieurs camps. Ils donnent naissance en , à une fille, Maria. Ils s’installèrent d’abord à Pantin, puis en 1961 à Sarcelles. Ils furent naturalisés français en 1959.

Elle s'intéresse au théâtre et à la nouvelle littérature de l'époque, elle fréquente les milieux de théâtre. Et après avoir pris un cours, qui l'encouragera à écrire pour le théâtre, elle commence à rédiger.

Lorsqu’elle se met à la littérature au début des années cinquante (probablement en 1953 d'après Jean-Yves Potel, dès 1950 d'après Madeleine Cottenet-Hage), elle travaille en français. Elle n’a laissé aucun brouillon ou tentatives en polonais.

Elle rédige, en 1952, sa première pièce (jamais publiée), Les Lépreux, montée en 1956 par Sacha Pitoeff.

Son premier roman, Le Sel et le Soufre paru aux éditions Gallimard en 1960, évoque son périple pendant la guerre, ses qualités littéraires retiennent immédiatement l'attention de la critique et du public. Elle reçoit pour ce livre le prix Veillon.

Le roman suivant, Les Bagages de sable obtient le prix Goncourt en 1962. Elle y présente sous la forme d'une aventure amoureuse ratée, le douleur d'une rescapée de la Shoah incapable de revenir au monde. Elle devait expliquer, en 1963, lors d'une conférence devant l’Organisation internationale des femmes sionistes : « Pour traduire par des mots l’horreur de la condition juive durant la guerre, il me fallait faire œuvre de littérature. Le pas a été difficile à franchir. » Son troisième roman, Saute, Barbara, poursuit ce thème.

Elle s'installe à Sarcelles (Val-d'Oise) au début des années 1960. Elle s'implique dans le club de lecture local, que fréquente notamment le jeune Tobie Nathan, futur psychiatre et écrivain, ce dont il témoigne dans son ouvrage Ethno-roman, paru en 2012.

Anna Langfus est également l'auteur d'une dizaine de pièces de théâtre ou radiophoniques et de nouvelles.

Elle meurt d'une crise cardiaque en 1966, à l'âge de 46 ans, alors qu'elle travaillait à la rédaction d'un quatrième roman.

Liste des œuvres

Note : l'année indiquée est la date de la première parution

Théâtre

  • 1956 : Les Lépreux (pièce publiée dans une édition critique intitulée Le premier théâtre de la Shoah), pièce mise en scène par Sacha Pitoëff
  • 1959 : L’Homme clandestin (pièce non publiée), pièce mise en scène par Daniel Posta
  • 1961 : La Récompense (pièce non publiée), pièce mise en scène par Jean Mercure
  • 1963 : Amos ou les fausses expériences (pièce non publiée), pièce mise en scène par Marcelle Dambremont

Romans

Pièces radiophoniques

  • 1965 : Le Dernier témoin

Autres textes

  • 1963 :L'usage de la parole (avec Ralph Feigelzon)
  • 1965 : Chopin (ouvrage collectif)

Adaptations

Expositions

  • 2014 : Trois romans pour transmettre

Hommages

Plaque commémorative sur la façade de sa maison natale, à Lublin.
  • Le à l'initiative du Centre «Brama Grodzka – Teatr NN» de Lublin, une plaque commémorative a été apposé sur le mur du 24 rue Lubartowska (il portait à l'époque le numéro 18). Sur la plaque il est écrit :

« W latach 1920-1939 w kamienicy stojącej w podwórzu tego domu mieszkała wielka pisarka Anna Sternfinkiel. Urodziła się w Lublinie 2.01.1920. W 1962 roku nosząc nazwisko Langfus (po mężu) otrzymała jedno z najważniejszych wyróżnień literackich na świecie – nagrodę Prix Goncourt za książkę „Les Bagages de sable”. Zmarła w Paryżu 12.05.1966 roku. »

  • La bibliothèque intercommunale de Sarcelles porte son nom.
  • Une rue de Viarmes (Val-d'Oise) porte son nom.

Publications

Œuvres complètes, éditions de référence

  • Le sel et le soufre [Texte imprimé] : roman / Anna Langfus. - Paris : Gallimard, 1960 (Le Mesnil-sur-l'Estrée : Impr. Firmin-Didot et Cie). - 315 p. ; 20 cm.
  • Les bagages de sable [Texte imprimé] / Anna Langfus. - [Paris] : Gallimard, 1962 (Mayenne : Impr. Floch). - 243 p. ; 21 cm.
  • Saute, Barbara [Texte imprimé] / Anna Langfus. - [Paris] : Gallimard, 1965 (Lagny : Impr. E. Grevin et fils). - 264 p. ; 19 cm.
  • Le dernier témoin, [pièce radiophonique] [Document d'archives] / Anna Langfus. - [1965]. - 58 ff. multigr. ; 27 cm.
  • Le premier théâtre de la Shoah. Edition, analyse et commentaires de Les Lépreux d'Anna Langfus / Jean-Paul Dufiet; Anna Langfus. - [2012] - 1 vol. (206 p.)  : couv. ill. en coul.  ; 21 cm

Études générales

  • Interview with Maurice Marc. Les Lettres Françaises, Août 23–29, 1962
  • Interview. Nouvelle Critique, Juin, 1965
  • Fine, E. A. “Le Témoin comme romancier : Anna Langfus et le problème de la distance”, Pardès 17 (1993)
  • Myriam Ruszniewski-Dahan. Romanciers de la Shoah. Editions L’Harmattan, Paris 1999.
  • Lévy, Clara. “La guerre dans les textes littéraires d’Anna Langfus: La mise à distance de l’expérience”. L’Esprit Créateur 40/2 (été 2000)
  • Joë Friedemann, Langages du désastre: Robert Antelme, Anna Langfus, André Schwarz-Bart, Jorge Semprun, Elie Wiesel, Librairie Nizet, , 174 p. (ISBN 978-2-7078-1296-4)
  • Anny Rosemann. Les Alphabets de la Shoah, CNRS, 2007.
  • Alexandre Prstojevic, Le sens de la forme.. La Shoah, le roman et le « partage du sensible », dans Revue de littérature comparée 2009/1 (n° 329), p. 85-100
  • Jean-Yves Potel, La Pologne d'Anna Langfus, dans Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem, 2011
  • Jean-Yves Potel, Les disparitions d'Anna Langfus, Les éditions Noir sur blanc, 2014, 309 p.

Références

  1. Le quotidien Le Monde, du 14 mai 1966, mentionne le décès à l'hôpital de Gonesse, et annonce les obsèques pour le 16 mai.
  2. Jean-Yves Potel, « La Pologne d’Anna Langfus », Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem, (ISSN 2075-5287, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean-Yves Potel, Les disparitions d'Anna Langfus, Les Éditions Noir sur Blanc, 2014

Articles connexes

Liens externes

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