Ghetto de Varsovie

Le ghetto de Varsovie était le plus important ghetto juif au sein des territoires d'Europe occupés par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Situé au centre de Varsovie, il fut créé en 1940 et pratiquement détruit en mai 1943 après l'insurrection de ses occupants contre les nazis. Il rassembla jusqu'à 380 000 personnes[2].

Frontières du ghetto de Varsovie (carte interactive).
Insurrection du ghetto de Varsovie. Photo extraite du rapport de mai 1943 de Jürgen Stroop à Heinrich Himmler. Légende originale en allemand : « Forcés hors de leurs trous ». Cette photo du petit garçon est l'une des plus célèbres de la Seconde Guerre mondiale[1].
Ghetto de Varsovie, enfants (1940 –1943).

Contexte historique et création du ghetto

En , l'armée allemande attaque puis occupe la Pologne. Les Allemands entrent dans Varsovie le [3].

Adam Czerniaków, qui vient d'être nommé le à la tête de la communauté juive de la ville[4], est chargé par les Allemands de constituer un conseil juif (Judenrat)[5]. Ce conseil est chargé de gérer le futur ghetto.

Dès l'hiver 1939 – 1940, les nazis commencent à persécuter les Juifs : obligation de porter un brassard blanc avec l'étoile de David bleue, identification des magasins juifs sur leurs vitrines, confiscation des radios, interdiction de voyager en train ().

L'ordre de transplantation de Juifs est donné le . Puis, le (jour de la fête juive de Yom Kippour), les Allemands annoncent aux Juifs qu'ils n'ont que jusqu'à la fin du mois pour déménager dans le quartier juif.

Le , une « zone d'épidémie » est définie par le gouverneur du district de Varsovie. Interdite aux soldats allemands, elle correspond aux « rues juives ». Deux mois plus tard, le quartier juif devient officiellement une « zone de contagion[6] ».

80 000 non-juifs quittent le secteur, et 138 000 Juifs s'y installent dans la précipitation et la peur. Le ghetto est fermé le [7] et un mur d'enceinte est construit. 40 % de la population de la ville s'entassent dans des conditions insalubres dans 8 % de sa superficie[6].

Localisation géographique

Site de l'ancienne passerelle du ghetto de Varsovie.

Le ghetto se situe au centre de la ville de Varsovie. Il est initialement composé de deux parties, le grand ghetto et le petit ghetto, reliées par un pont en bois. Le tout est entouré de 18 kilomètres de murs hauts de plusieurs mètres et de fil de fer barbelé. Dans cette enceinte d’une superficie d’environ 300 hectares, on compte 128 000 habitants au km² contre 14 000 environ dans la Varsovie non juive. La population du ghetto, 381 000 personnes enregistrées en , atteint 439 000 en pour retomber à 400 000 en . Ces différences peuvent s'expliquer par l'arrivée de nombreux réfugiés et la surmortalité qui prévaut dans le ghetto. Seul lien avec l’extérieur, un tramway réservé aux Polonais non juifs traverse le lieu. À peu près 80 000 personnes meurent entre et juillet 1942 sans déportation ni fusillade[6].

Organisation

La gestion du ghetto est déléguée au conseil juif (Judenrat) par les Allemands. Ce conseil est dirigé par Adam Czerniaków. Il joue un rôle essentiel dans la transmission des ordres des Allemands aux habitants du ghetto. Ses effectifs augmentent entre 1940 et juillet 1942 passant de 1 741 employés à 9 000 en comptant la police juive[6]. Cette dernière, appelée aussi Jüdischer Ordnungsdienst (service d'ordre juif), est chargée de maintenir l'ordre. Elle est rémunérée et possède des avantages comme l’exemption du travail forcé. Elle est très souvent corrompue et participe aux opérations de déportation massive en juillet et . Les occupants emploient la main-d'œuvre du ghetto pour les besoins de l'armée et implantent de nombreux ateliers et usines dans le quartier juif.

Dans le ghetto

Reste du mur du ghetto de Varsovie.
Immeubles du ghetto de Varsovie.

Les conditions de vie dans le ghetto sont inhumaines. D'abord, il est trop petit pour accueillir tous les Juifs de Varsovie et des villages environnants (40 % de la population sur 8 % de la superficie, une densité de population de sept personnes par pièce au début du ghetto). Beaucoup ont tout perdu (leurs familles et/ou leurs biens) en arrivant dans ce quartier fermé. Les foyers sont mal, ou presque pas approvisionnés en nourriture et combustible. Dès l'hiver 19401941, la faim et le froid se font ressentir. Nombreux sont alors ceux qui organisent de petits trafics avec l'extérieur[8]. Certains de ces trafiquants y laisseront parfois leur vie en essayant d'apporter de la nourriture dans le ghetto. Mais il existe aussi une solidarité avec les « comités d'immeubles », une vraie vie culturelle, un réseau d'enseignement clandestin, une vie religieuse[9].

La mort est courante. Elle est causée par la faim, mais aussi par des épidémies de typhus et de tuberculose. Il n'est pas rare de retrouver des cadavres en pleine rue. Une charrette passe alors ramasser les corps, qui sont comptés puis enterrés dans une fosse commune. Au début de l'année 1942, on compte une naissance pour 45 décès[9].

La déportation

En été 1942 commence le « repeuplement vers l'est », qui est en fait la déportation vers le camp de Treblinka, situé à 80 kilomètres au nord-est de Varsovie. Lancée dans le cadre de l'Aktion Reinhard, elle débute le . Pendant huit semaines, entre 6 000 et 8 000 personnes sont déportées chaque jour. Les rafles se font de jour comme de nuit, aussi bien dans les habitations que dans les usines, où il est plus facile d'arrêter les Juifs. Ceux-ci sont ensuite conduits vers la Umschlagplatz, la gare de triage de Varsovie. Cette première vague de déportations vers les camps de la mort ramène la population du ghetto à 70 000 habitants.

Insurrection

Troupes allemandes durant le soulèvement de 1943.
Troupes allemandes emmenant des Juifs en déportation après le soulèvement (1943).

L'Organisation juive de combat naît au cœur de la grande déportation de . C'est la principale organisation de résistance juive. Elle se manifeste une première fois le . Le soulèvement commence le , veille de Pessa'h, la Pâque juive, en réponse à une dernière grande rafle organisée par les nazis. Destinée à liquider le ghetto des quarante à cinquante mille Juifs restant en les déportant dans les différents camps, et principalement au camp d'extermination de Treblinka, cette rafle se heurte à l'opposition armée juive au grand étonnement des nazis. L'Organisation juive de combat - qui rassemble les communistes, les bundistes et plusieurs courants du sionisme - comporte de 600 à 700 insurgés, tandis que l'organisation de droite AMJ, proche du Betar, en compte une centaine. Ce combat sans espoir « pour votre liberté et pour la nôtre »[10] s'achève le , un mois après son déclenchement, avec la destruction de la grande synagogue de Varsovie. Après cette date, des combats sporadiques ont encore lieu dans le ghetto en ruines.

L'impact psychologique de l'insurrection du ghetto de Varsovie fut très important. La résistance fut plus forte que prévu par les nazis, même si l'issue était certaine vu le déséquilibre des forces.

« Nous ne voulons pas sauver notre vie. Personne ne sortira vivant d'ici. Nous voulons sauver la dignité humaine[11]. »

 Arie Wilner (pseudonyme Jurek), soldat de la ŻOB

Monuments

Le souvenir du ghetto de Varsovie est marqué par plusieurs monuments dans la capitale polonaise, le plus imposant étant le monument aux héros du ghetto. C'est au pied de ce monument que le chancelier ouest-allemand Willy Brandt s'est agenouillé le 7 décembre 1970.

Mémoire du monde

Depuis 1999, les archives du ghetto de Varsovie sont classées par l'Unesco sur la Liste Mémoire du monde, qui recense les documents du patrimoine documentaire d'intérêt universel, dans le but d'assurer leur protection.

Notes et références

  1. L'enfant juif de Varsovie. Histoire d'une photographie, par Frédéric Rousseau, aux Éditions du Seuil (collection L'Univers historique), 2009 (ISBN 978-2-02-078852-6). (ouvrage primé par la Fondation Auschwitz (Bruxelles) au printemps 2009).
  2. En 1939, il y avait 1 300 000 habitants à Varsovie, dont 400 000 Juifs.
  3. « Varsovie », sur www.ushmm.org/ (consulté le ).
  4. « Chronologie: Adam Czerniakow », sur www.kronobase.org (consulté le )
  5. Georges Bensoussan (dir.), Jean-Marc Dreyfus (dir.), Édouard Husson (dir.) et al., Dictionnaire de la Shoah, Paris, Larousse, coll. « À présent », , 638 p. (ISBN 978-2-03-583781-3), p. 245.
  6. Dictionnaire de la Shoah, p. 245.
  7. « ÉTUDE DE CAS : LE GHETTO DE VARSOVIE (1940-1943) », sur enseigner-histoire-shoah.org/ (consulté le ).
  8. Au nom de tous les miens de Martin Gray.
  9. Dictionnaire de la Shoah, p. 246.
  10. Proclamation de l'Organisation Juive de Combat. Cité dans la brochure Pour notre liberté et pour la vôtre, Insurrections dans les ghettos, 2003, Éditions du Centre Medem. p. 22.
  11. polonais : My nie chcemy ratować życia. Żaden z nas żywy z tego nie wyjdzie. My chcemy ratować ludzką godność.

Voir aussi

Témoignages et récits autobiographiques

Ouvrages historiques

  • Samuel Kassow (en), Qui écrira notre histoire ? : Les archives secrètes du ghetto de Varsovie, Grasset, 2011.
  • Dariusz Libionka, Laurence Weinbaum, hochsztaplerzy, opisywacze. Varsovie: Stowarzyszenie Centrum Badań nad Zagładą Żydów, 2011 (ISBN 978-83-932202-8-1).
  • Larissa Cain, Ghettos en révolte, Pologne, 1943, Éditions Autrement, collection Mémoires, 2003.

Ouvrages de fiction

Filmographie

Articles connexes

Liens externes

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