Ameiurus melas

Le poisson-chat commun (Ameiurus melas), appelé aussi chat ou greffier Barbicho, est une espèce de poissons-chats d'eau douce de la famille des Ictaluridés d'origine américaine, mais aujourd'hui répandu en Europe à la suite d'introductions.

Une appellation générique

Bien que l'on traite ici de l'espèce Ameiurus melas, la dénomination de « poisson-chat » couvre de nombreuses espèces caractérisées par la présence de barbillons autour de la bouche dont 2 500 à 3 000 espèces ou dénominations différentes de Siluriformes.

Habitat

Ce poisson-chat vit dans les eaux calmes des cours d'eau ou dans les étangs. Il s'adapte à divers types de milieux artificiels[1].

Aire de répartition

C'est un poisson américain qui a été introduit hors de son aire naturelle de répartition et qui continue à accroitre son aire (ex : découvert au Portugal en 2002, mais présent en Espagne depuis au moins 1950, il est l'une des 27 espèces de poissons exotiques introduits dans la péninsule ibérique et semblant s'y acclimater, alors que de nombreux poissons autochtones eux, régressent[2]. Il a été découvert en Roumanie en 2006[3] et en Pologne en 2010[4].

Description, Comportement, mode de vie

Poisson-chat commun
Les alevins et juvéniles de cette espèce se regroupent en bancs denses (ici dans le lac de Clarens à Casteljaloux). Leur couleur noire les rend bien visibles, fait inhabituel chez les alevins
Les juvéniles sont également reconnaissables par leur forme déjà presque identique à celle de l'adulte

Très résistant, il survit très longtemps hors de l'eau (par rapport aux autres poissons).

Sa face ventrale est claire (blanche à orangée). Une étude ayant comparé la morphologie d'individus de A melas de 4 origines (britannique, français, italien et slovaque) a conclu qu'il est plus petit en Europe que dans son aire d'origine[5] et que si les juvéniles se ressemblent dans toutes ces régions d'Europe, l'adulte présente de légères variations morphologiques en Europe et selon le milieu [5], notamment en Italie où un phénotype plus distinct existe[5]. Sa variabilité morphologique semble cependant moindre que chez d'autres espèces invasives[5].
Il présente aussi des variations de couleurs : après que Summer ait remarqué que cette espèce avait une pigmentation plus foncée sur les fonds sombres, et plus claires sur les fonds plus clairs, en 1930, Pearson confirme que sa pigmentation change en fonction de la luminosité de son milieu[6]. 10 ans plus tard, Osborn montre que ce réflexe adaptatif est contrôlé par une glande du cerveau, l'hypophyse[7].

Poisson sans écailles, il mesure en moyenne de 15 à 20 cm et pèse entre 100 et 300 grammes.

Les alevins et jeunes sont fortement grégaires[8] (formant une grappe dense à proximité du nid ou autour du mâle qui les protège dans le cas des alevins). Ce phénomène de rassemblement est probablement basé sur des stimuli spécifiques, que Bowen a cherché à découvrir au début des années 1930[9],[10].

Alimentation : c'est une espèce benthivore[11], omnivore et vorace qui se nourrit principalement sur le fond où il détecte sa nourriture grâce à de longs barbillons.
Son comportement alimentaire de fouilleur de substrat (vase ou sable) est source de turbidité de l'eau[11]. Il dévore tout ce que les autres poissons ne mangent pas et consomme notamment les œufs d'autres poissons.

Reproduction : la reproduction de cette espèce a lieu au printemps, lorsque la température de l'eau atteint 18 °C environ. Le frai se déroule sur un « nid » préparé par le couple géniteur, la ponte est ensuite protégée et entretenue par le mâle. Cette protection se poursuit après l'éclosion, les alevins restant groupés en boule caractéristique pendant plusieurs semaines.

Législation

Cette espèce étant potentiellement invasive[12] et susceptible de déséquilibrer le réseau trophique des milieux où il est introduit, depuis 1985, il est en France interdit de le relâcher et de le transporter vivant[13].

Histoire du Poisson-chat commun en France

Originaire de l'Amérique du Nord, ce poisson-chat a été introduit en France en 1871.
Les premiers individus sont réputés s'être échappés du Muséum national d'histoire naturelle vers la Seine toute proche en empruntant le réseau des égouts (Lavauden, 1905).

Après cet épisode cette espèce fut "oubliée" et ce n'est qu'au début du siècle que sa dispersion à la suite d'introductions par l'Homme s'est épandue : En 1901 introduction dans des étangs en Loire-Atlantique (Labarletrier, 1901), en 1904 des déversements ont eu lieu dans la Seine et la Dordogne (Pion-Gaud et Lavauden, 1904). Son introduction a même été favorisée par les sociétés de pêche dans les secteurs les plus pollués (Lavollée, 1906).

En 1951, Vivier montre que le poisson-chat a colonisé l'ensemble du réseau hydrographique, cette espèce ayant peu de prédateurs autochtones.

Ce n'est que récemment (Spillmann, 1967) que l'identité de cette espèce a été déterminée avec précision.

Encore largement répandu le poisson-chat semble cependant en régression du fait de la pollution et peut être de maladie (Des expériences de laboratoire ont montré que cette espèce est très sensible au virus européen du poisson-chat (ECV) et d'autres ranavirus ; 7 isolats de ranavirus ont été utilisés sur des juvéniles de A. melas maintenus dans des aquariums alimentés en eau détartrée dans une eau de 15 à 25 °C[14]. Les poissons étaient aussi vulnérables au virus de la nécrose hématopoïétique épizootique (EHNV) à 25 °C (et moindrement à 15 °C)[14] . Par contre aucune mortalité significative n'a été observée chez les individus exposés au virus European sheatfish virus (ESV), au virus Frog 3 (FV3), au virus Rana esculenta virus-like (REV), à l'iridovirus Bohle (BIV) ni au virus short-finned eel virus (SERV)[14])

Source de problèmes écosystémiques

Cette espèce est considérée comme susceptible de provoquer des déséquilibres biologiques.

Boêt en 1981 estimait qu'aucun argument ne le confirmait puis lors de tests réalisés en mésocosmes, Braig & Johnson ont montré en 2003 que sa présence contribue à rendre les eaux plus turbides sans toutefois que cette turbidité ne dépasse celle du marais ouvert qui servait lors de cette expérimentation de milieu de référence[11] (pour rappel, une turbidité élevée induit une chute de la production de macrophytes et une diminution de l'utilisation du milieu par la faune sauvage[11]. Selon ses auteurs « le plus grand impact de ce poisson benthivore sur la turbidité dans les systèmes peu profonds pourrait être indirect, dû à destruction des macrophytes et à la déstabilisation ultérieure des substrats non consolidés »[11]. En 2008 Leuda et ses collègues pointent le fait que là où il a été introduit, il exerce une prédation significative sur les espèces autochtone d'Espagne[15].

Récemment (1996) un nouveau virus a été découvert chez ce poisson[16]. En 2008, Doszpoly et son équipe ont montré que cette nouvelle souche pouvait être classée dans la nouvelle famille de virus des Alloherpesviridae[17]. Des virus proches sont responsables de maladies émergentes qui touchent notamment les carpes[18] ou l'anguille[19].

Pêche et gestion piscicole

Sa pêche se pratique à la ligne flottante, à la plombée et au cordeau. L'appât reposant au fond est constituée d'un ver de terre moyen ou d'un asticot ou tronçonné sur un hameçon de 8. Touche très franche. Le poisson-chat s'attaque également aux vifs des lignes à brochet. Manier ce poisson avec attention, il peut occasionner des piqûres douloureuses.

En France la principale politique de régulation de l'espèce a été de tenter d'éliminer systématiquement les noyaux de population, en masse par les pêcheurs. L'efficacité de cette mesure n'avait jamais été évaluée avant 2006[20]. Une étude faite dans le marais de Grande Brière Motierre (nord-ouest de la France) où ce poisson dominait l'écosystème aquatique, la population a été évalue au moyen du piégeage et de la pêche électrique, ainsi que par une enquête concernant la pêche non-commerciale. Il a été noté dans ce cas que les distributions de fréquence de longueur étaient significativement différentes entre les individus piégés et ceux échantillonnés par la pêche électrique (ce qui fait évoquer une sélectivité des pièges quant à la taille des poissons qu'ils capturent). Dans ce cas, selon les zones étudiées, l'abondance de l'espèce était négativement corrélée à l'activité des pêcheurs. Le ratio jeune de l'année / adulte étant constant pour tous les sites étudiés, il semble que cette espèce bien que prolixe et défendant ses petits « pourrait ne pas compenser la mortalité due à la pêche par un recrutement accru »[20].

Parasitoses

Comme tous les poissons, A. Melas peut être porteurs de divers types de parasites. À titre d'exemple, en 1947, une nouvelle espèce de cilié parasite a été découvert dans les branchies de cette espèce[21].

Légende

Un vieux mythe japonais raconte qu'un poisson-chat géant du nom de Namazu, dormant dans les profondeurs de l'océan Pacifique, serait à l'origine des tremblements de terre qui frappent le Japon. Ils ont d'ailleurs fait l'objet d'une étude sur leurs comportements anormaux à l'approche des séismes. En effet, d'ordinaire calmes, les poissons-chats deviennent très agités avant les grands cataclysmes. Leur réceptivité aux stimulations électriques et aux vibrations en serait la cause.

Taxinomie

Le taxon Ameiurus melas admet les synonymes latins suivants[22] :

  • Ameirus melas (Rafinesque, 1820)
  • Ameiurus melas melas (Rafinesque, 1820)
  • Ameiurus vulgaris (Thompson, 1842) - synonymie discutable
  • Ictalurus melas (Rafinesque, 1820)
  • Ictalurus melas melas (Rafinesque, 1820)
  • Silurus melas Rafinesque, 1820

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Références taxinomiques

Autres liens externes

Bibliographie

Notes et références

  1. Cucherousset, J., Paillisson, J. M., Carpentier, A., Eybert, M. C., & Olden, J. D. (2006). Habitat use of an artificial wetland by the invasive catfish Ameiurus melas. Ecology of Freshwater Fish, 15(4), 589-596
  2. Gante, H. F., & Santos, C. D. (2002). First records of the North American catfish Ameiurus melas in Portugal. Journal of fish Biology, 61(6), 1643-1646 (PDF, 4 pages)
  3. Popa, L. O., Popa, O. P., Pisica, E. I., Iftime, A. L. E. X. A. N. D. R. U., Mataca, S. O. R. I. N. A., Diaconu, F. L. O. R. I. N. A., & Murariu, D. U. M. I. T. R. U. (2006). The first record of Perccottus glenii Dybowski, 1877 (Pisces: Odontobutidae) and Ameiurus melas Rafinesque, 1820 (Pisces: Ictaluridae) from the Romanian sector of the Danube. Travaux du Museum National d’Histoire Naturelle “Grigore Antipa, 49, 323-329.
  4. Nowak, M., Koščo, J., Popek, W., & Epler, P. (2010). First record of the black bullhead Ameiurus melas (Teleostei: Ictaluridae) in Poland. Journal of fish biology, 76(6), 1529-1532.
  5. Novomeská, A., Katina, S., Copp, G. H., Pedicillo, G., Lorenzoni, M., Pompei, L., ... & Kováč, V. (2013). Morphological variability of black bullhead Ameiurus melas in four non‐native European populations. Journal of fish biology, 82(4), 1103-1118.
  6. Pearson J.F (1930) Changes in Pigmentation Exhibited by the Fresh‐Water Catfish, Ameiurus melas, in Response to Differences in Illumination. Ecology, 11(4), 703-712 (extrait).
  7. Osborn, C. M. (1941). STUDIES ON THE GROWTH OF INTEGUMENTARY PIGMENT IN THE LOWER VERTEBRATES: II. THE RÔLE OF THE HYPOPHYSIS IN MELANOGENESIS IN THE COMMON CATFISH (AMEIURUS MELAS) 1. The Biological Bulletin, 81(3), 352-363
  8. Vidéo : Ameiurus melas, black bullhead catfish, Pesce gatto @ Avigliana Lago Grande - Torino - Italy (you tube)
  9. Bowen E.S (1932), Further studies of the aggregating behavior of Ameiurus melas. The Biological Bulletin, 63(2), 258-270.
  10. Bowen E.S (1931), The role of the sense organs in aggregations of Ameiurus melas. Ecological Monographs, 1(1), 1-35 (résumé).
  11. Braig, E. C., & Johnson, D. L. (2003). Impact of black bullhead (Ameiurus melas) on turbidity in a diked wetland. Hydrobiologia, 490(1-3), 11-21.
  12. Novomeská, A., & Kováč, V. (2009). Life‐history traits of non‐native black bullhead Ameiurus melas with comments on its invasive potential. Journal of Applied Ichthyology, 25(1), 79-84.
  13. Décret no 85-1189 du
  14. Gobbo, F., Cappellozza, E., Pastore, M. R., & Bovo, G. (2010). Susceptibility of black bullhead Ameiurus melas to a panel of ranavirus isolates. Diseases of aquatic organisms, 90(3), 167-174
  15. Leunda, P. M., Oscoz, J., Elvira, B., Agorreta, A., Perea, S., & Miranda, R. (2008). Feeding habits of the exotic black bullhead Ameiurus melas (Rafinesque) in the Iberian Peninsula: first evidence of direct predation on native fish species ; Journal of Fish Biology, 73(1), 96-114.
  16. Alborali L, Bovo G, Lavazza A, Cappellaro H, Guadagnini PF (1996) Isolation of an herpesvirus in breeding catfish (Ictalurus melas). Bull Eur Assoc Fish Pathol 16:134–137
  17. Doszpoly, A., Kovács, E. R., Bovo, G., LaPatra, S. E., Harrach, B., & Benkő, M. (2008). Molecular confirmation of a new herpesvirus from catfish (Ameiurus melas) by testing the performance of a novel PCR method, designed to target the DNA polymerase gene of alloherpesviruses. Archives of virology, 153(11), 2123 (résumé)
  18. Aoki T, Hirono I, Kurokawa K, Fukuda H, Nahary R, Eldar A, Davison AJ, Waltzek TB, Bercovier H, Hedrick RP (2007) Genome sequences of three koi herpesvirus isolates representing the expanding distribution of an emerging disease threatening koi and common carp worldwide. J Virol 81:5058–5065
  19. Chang PH, Pan YH, Wu CM, Kuo ST, Chung HY (2002) Isolation and molecular characterization of herpesvirus from cultured European eels Anguilla anguilla in Taiwan. Dis Aquat Organ 50:111–118
  20. Cucherousset, J., Paillisson, J. M., & Carpentier, A. (2006). Is mass removal an efficient measure to regulate the North American catfish Ameiurus melas outside of its native range?. Journal of Freshwater Ecology, 21(4), 699-704 (résumé).
  21. Thompson, S., Kirkegaard, D., & Jahn, T. L. (1947). Scyphidia ameiuri, n. sp., a peritrichous ciliate from the gills of the bullhead, Ameiurus melas melas. Transactions of the American Microscopical Society, 66(4), 315-317 (résumé)
  22. (en) Synonyms of Ameiurus melas, sur FishBase
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