Alcide Dessalines d'Orbigny

Alcide Charles Victor Marie Dessalines d'Orbigny, né le à Couëron (Loire-Inférieure) et mort le à Pierrefitte-sur-Seine (Seine), est un naturaliste, explorateur, malacologue et paléontologue français, célèbre pour son voyage en Amérique du Sud et ses travaux en paléontologie.

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Biographie

Son père, Charles Marie d'Orbigny (1770-1856), est un médecin qui sert d’abord dans la marine française avant de se fixer et d’exercer à Couëron. Passionné d’histoire naturelle, il emmène souvent ses fils ramasser des coquillages sur le littoral de l’Atlantique et les initie à l’observation scientifique, notamment à l’aide de microscope, mais aussi au dessin. Son fils l’assiste à étudier des coquilles minuscules que sa presbytie l'empêche de voir correctement[1]. Deux de ses quatre fils choisiront une carrière en histoire naturelle : Alcide et son frère cadet Charles (1806-1876).

Les foraminifères

Planche de foraminifères

Au cours de son adolescence, il se prend de passion pour l’étude de minuscules coquilles connues pourtant depuis l’Antiquité mais classées, à tort, dans les Mollusques Céphalopodes : les foraminifères, nom qu’il leur donnera quelques années plus tard. C’est Félix Dujardin (1801-1860) qui déterminera plus tard, en 1835, la nature unicellulaire de ces organismes[1].

La famille d’Orbigny s’installe d’abord à Esnandes, en 1815, puis à La Rochelle en 1821. Alcide y fait des études classiques avant de venir à Paris en 1824. Dans la capitale, il complète sa formation en suivant les cours de Georges Cuvier (1769-1832) ainsi que d’Étienne Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844), d’Alexandre Brongniart (1770-1847), de Pierre André Latreille (1762-1833), de Henri-Marie Ducrotay de Blainville (1777-1850) et de Louis Cordier (1777-1861)[2].

Il fait paraître en 1826, dans les Annales de sciences naturelles un travail qui est le fruit de ses observations sur les foraminifères intitulé Tableau méthodique de la classe des Céphalopodes décrivant plusieurs centaines d'espèces nouvelles et qui le fera remarquer dans le monde naturaliste. Il y présente environ 600 espèces, actuelles ou fossiles[1]. Durant sa vie, il recensera plus de 1 500 foraminifères, la plupart nouveaux. Il est ainsi considéré comme l’inventeur de la micropaléontologie. Outre cette première publication, il réalise, grâce à des sculptures dans de l’argile, des modèles en trois dimensions de certains spécimens. Des répliques en plâtre sont commercialisées[1].

Son voyage en Amérique du sud

Ce travail remarquable attire sur lui l’attention des professeurs du Muséum national d'histoire naturelle et notamment Georges Cuvier (1769-1832)[1]. En 1825, il se voit confier une mission en Amérique du Sud afin de compléter les connaissances naturalistes de ce continent acquises depuis Alexander von Humboldt (1769-1859) et Aimé Bonpland (1773-1858) en Amérique équatoriale, ou Auguste de Saint-Hilaire (1779-1853) au Brésil. Le jeune d’Orbigny se passionne depuis longtemps pour les récits de voyages comme ceux de Louis Antoine de Bougainville (1729-1811), de James Cook (1728-1779) ou de Nicolas Baudin (1754-1803). La ville de La Rochelle comptait aussi deux voyageurs illustres : John James Audubon (1785-1851) et Aimé Bonpland[2]. Comme les autres naturalistes voyageurs envoyés par le Muséum, il apprend les techniques de naturalisation des spécimens et de la préparation des herbiers[3]. Quelque temps avant de s'embarquer, il rencontre Alexander von Humboldt. Lui et d’autres attirent l’attention de d’Orbigny sur la faiblesse de la somme fournie par le Muséum pour l’expédition : 6 000 francs par an. Il obtient de François Victor Masséna, duc de Rivoli (1799-1863)[4] la somme de 3 000 francs par an durant quatre ans[2].

Le voyage s'effectuera depuis la Venezuela, la Colombie, l'Équateur, le Brésil, l'Uruguay, jusqu'à l'Argentine, le Chili puis le Pérou et la Bolivie. Il embarque le , à bord de la corvette La Meuse : son voyage va durer sept années et sept mois.

Durant son voyage, il va collecter, observer, décrire dans tous les domaines de la zoologie aussi bien en invertébrés qu'en vertébrés, de la botanique, de l'anthropologie et de l'ethnologie. Les formidables collections qu'il rassemble sont expédiées directement au Muséum. Il rapporte ainsi les premiers poissons connus du Chili, des dizaines d'espèces de Crustacés, des centaines d'Oiseaux, des milliers de parts d'herbier... tandis qu'il décrit des centaines d'espèces de mollusques. Tout ce qu'il expédie est envoyé directement au Muséum pour étude et description éventuelle. Il décrira lui-même un grand nombre d'espèces. De très nombreuses espèces lui ont été dédiées comme en botanique, où 54 plantes portent son nom, sans compter le genre Orbignya.

Il embarque, fin 1833, à bord du Philanthrope et débarque en France le [5].

Le retour en France

De retour en France, il consacre treize années, de 1835 à 1847, à la rédaction de ses mémoires, soit un ensemble de neuf tomes en onze volumes et 4 747 pages ainsi que de nombreuses cartes et 555 planches. Cette œuvre magistrale en fait l'une des plus importantes monographies jamais réalisées d'une région du monde. Charles Darwin (1809-1882) jugea l'œuvre comme un « monument de la science du XIXe siècle »[6]. L’ouvrage connut un premier tirage de 500 exemplaires et sera réédité à plusieurs reprises.

Les collections rapportées sont riches de 9 000 espèces dont de nombreuses nouvelles espèces[5] :

  • 157 espèces de mammifères,
  • 783 espèces d’oiseaux,
  • 94 espèces de reptiles,
  • 25 espèces d’amphibiens,
  • 166 espèces de poissons,
  • 718 espèces de mollusques,
  • 4 834 espèces d’arthropodes,
  • 17 espèces d’annélides,
  • 163 espèces d’échinodermes,
  • 81 espèces de foraminifères et
  • 2 370 espèces de végétaux[5].

En 1840, il entame sa Paléontologie française, monumentale monographie qui devait lui conférer une notoriété mondiale. Les volumes de cet ouvrage, malheureusement inachevé, seront publiés jusqu'en 1860, les dernières livraisons l'étant à titre posthume, représentant au total plus de 4 000 pages, 1 440 magnifiques lithographies et 2 800 espèces. Cette œuvre déjà immense ne devait être qu'un avant-goût de son projet bien plus audacieux intitulé Paléontologie universelle des animaux mollusques et rayonnés fossiles, dont seul le prodrome parut en trois volumes recensant 40 000 invertébrés qu'il ordonna et classa pour n'en retenir que 18 000.

De 1849 à 1852, il rédige dans un colossal ouvrage de 1 146 pages intitulé Cours élémentaire de paléontologie et de géologie stratigraphiques, dans lequel il donne une vision synthétique et extrêmement détaillée de la stratigraphie. Cet ouvrage fait suite à son Prodrome de paléontologie stratigraphique universelle.

Les stratotypes

Entre 1840 et 1852, au cours de la rédaction de sa Paléontologie française, de son Prodrome de paléontologie stratigraphique universelle et de son Cours élémentaire de paléontologie et de géologie stratigraphiques, il propose un découpage des temps géologiques, principalement pour les périodes Jurassique et Crétacé, en étages stratigraphiques basés sur des stratotypes ou coupes géologiques de référence. Il prend ses exemples en France et en Angleterre pour définir ces étages.

Pas moins de neuf des étages géologiques qu'il a inventés sont aujourd'hui officiellement reconnus par la Commission stratigraphique internationale et l'Union internationale des sciences géologiques (UISG)[7].

Son héritage

Il est enterré au cimetière communal de Pierrefitte-sur-Seine, où sa tombe - délaissée - est toujours visible. À la mort d'Alcide d'Orbigny, un Comité de la paléontologie française est créé pour continuer son œuvre. C'est ainsi que Louis Édouard Gourdan de Fromentel (1824-1901), Gustave Cotteau (1818-1894), Perceval de Loriol (1828-1908), Louis Charles Joseph Gaston de Saporta (1823-1895) ou encore Henry Testot-Ferry (1826-1869), etc. rédigèrent dans le même esprit 16 nouveaux volumes de la Paléontologie française. Cet ensemble (25 volumes au total) reste fondamental et toujours largement utilisé aujourd'hui par les paléontologues du monde entier.

Alcide d'Orbigny a décrit plus de 3 000 espèces dont 2 500 sont nouvelles. Sa collection paléontologique, déposée au Muséum national d'histoire naturelle, est évaluée à 14 000 espèces pour un total de 100 000 spécimens.

Des dizaines de genres, sous-genres et espèces animales et végétales vivantes ou fossiles ont été nommés en l'honneur d'Alcide d'Orbigny.

Règne animal

Parmi ceux-ci et par ordre alphabétique :

Règne végétal

Espèces éponymes

Autres hommages

Depuis 1997, un lycée porte son nom dans la commune de Bouaye (Loire-Atlantique)[13]. Il a aussi donné son nom au lycée franco-bolivien Alcide-d’Orbigny de La Paz[14], au Muséum d'histoire naturelle de Cochabamba (Bolivie), à une commune de la région du Gran Chaco dans le département de Tarija en Bolivie[15], ainsi qu'à une station de la ligne 5 du tramway d'Île-de-France. Une rue de La Rochelle longeant le Jardin des plantes (en) porte son nom, ainsi qu'une rue à Pierrefitte-Sur-Seine (Île-de-France), commune dans laquelle il passa ses derniers jours de vie. Il y est inhumé au cimetière communal

Annexes

Liste partielle des publications

  • 1826. Tableau méthodique de la classe des Céphalopodes. Annales de Sciences naturelles.
  • 1834. Notice sur un nouveau Cétacé des rivières du centre de l'Amérique méridionale. Nouvelles Annales du Muséum d'Histoire naturelle, 3 : 28-36.
  • 1835. Synopsis terrestrium et fluviatilium molluscorum, in suo per Americam meridionalem itinere. Magasin de zoologie, classe V, no 61-62 : 1-44. (lire en ligne)
  • 1835-1847. Voyage en Amérique méridionale. Pitois-Levrault, Paris (9 tomes, 11 volumes).
  • 1837. Mémoire sur des espèces et sur des genres nouveaux de l'ordre des Nudibranches observés sur les côtes de France. Magasin de zoologie, classe V, 1-16, pl. 102-109.
  • 1839. L'homme américain (de l'Amérique méridionale) considéré sous ses rapports physiologiques et moraux, vol. 1, Paris, pitois-Levrault, , 423 p. (lire en ligne)
  • 1839. L'homme américain (de l'Amérique méridionale) considéré sous ses rapports physiologiques et moraux, vol. 2, Paris, pitois-Levrault, , 372 p. (lire en ligne)
  • 1842-1860. Paléontologie française. Paris, ~4000 p., 1440 pl. lith. (9 tomes).
    • Alcide d'Orbigny, Paléontologie française. Description zoologique et géologique de tous les animaux mollusques & rayonnés fossiles de France, vol. 3, , 807 p. (lire en ligne)
    • 1840-1842. Céphalopodes crétacés.
    • 1842-1843. Gastéropodes crétacés.
    • 1842-1851. Céphalopodes jurassiques.
    • 1843-1848. Lamellibranches crétacés.
    • 1847. Supplément aux Céphalopodes crétacés.
    • 1848-1851. Brachiopodes crétacés.
    • 1851-1854. Bryozoaires crétacés.
    • 1851-1860. Gastéropodes jurassiques.
    • 1854-1860. Echinodermes crétacés.
  • 1849-1852. Cours élémentaire de paléontologie et de géologie stratigraphiques, 1146 p., 628 figs. (3 vol.).
  • 1850-1852. Prodrome de paléontologie stratigraphique universelle des animaux mollusques et rayonnés fossiles. Masson, Paris. 1017 p. (3 vol.)

Sources

  • Miguel Telles Antunes et Philippe Taquet (2002). Le roi Dom Pedro V et le paléontologue Alcide d’Orbigny : un épisode des relations scientifiques entre le Portugal et la France, Comptes Rendus Palevol, 1 (7) : 639-647. (ISSN 1631-0683)
  • Marie-Thérèse Vénec-Peyré (2002). Alcide d’Orbigny (1802–1857) : sa vie et son œuvre, Comptes Rendus Palevol, 1 (6) : 313-323. (ISSN 1631-0683)

Orientation bibliographique

  • Philippe Taquet (2002). Un voyageur naturaliste. Alcide d’Orbigny. Du Nouveau Monde... au passé du monde, Nathan (Paris) et Muséum national d’histoire naturelle de Paris : 128 p. (ISBN 2-09-261029-5)
  • Collectif (2006) Catalogue d'exposition "Henri Barré reçoit Alcide d'Orbigny", Musée Henri Barré (79100 Thouars) : 64 p.

Articles connexes

Voir aussi

  • Société d'histoire naturelle Alcide d'Orbigny
  • Musée d'histoire naturelle Alcide d'Orbigny (Museo de Historia Natural Alcide d'Orbigny) à Cochabamba (Bolivie)

Liens externes

Notes et références

  1. Vénec-Peyré (2002) : 315.
  2. Vénec-Peyré (2002) : 316.
  3. Voir sur ce sujet : Lorelai Kury (2001). Histoire naturelle et voyages scientifiques : 1780-1830, L’Harmattan (Paris) : 236 p. (ISBN 2-7475-0308-9).
  4. La collection d’histoire naturelle et notamment du duc de Rivoli est célèbre. C’est la plus importante collection privée de France d’oiseaux, 15 000 spécimens. Celle-ci est acquise par l’American Museum of Natural History. Cf. Barbara Mearns et Richard Mearns (1998). The Bird Collectors, Academic Press (Londres) : 30, 31, 84 et 288. (ISBN 0-12-487440-1).
  5. Vénec-Peyré (2002) : 317.
  6. Cité par Vénec-Peyré (2002) : 318.
  7. <abbr%20class="abbr%20indicateur-format%20format-pdf"%20title="Document%20au%20format%20Portable%20Document%20Format%20(PDF)%20d'Adobe">[PDF] « Charte stratigraphique internationale (2012) », sur http://www.stratigraphy.org/ (consulté le )
  8. de Grossouvre (A.), 1930 - Note sur le Bathonien moyen. Livre jubilaire. Centenaire de la Société Géologique de France, t. 2, p. 361-387
  9. Voir d'Orbigny, page 114 dans Bo Beolens, Michael Watkins et Michael Grayson, The Eponym Dictionary of Mammals, JHU Press, 2009. (ISBN 0801895332), 9780801895333
  10. Gérard C. & Contaut H., « Les ammonites de la zone à Peltoceras athleta du Centre-Ouest de la France », Mémoires de la Société géologique de France, Paris, vol. 29, 1936, 100 p.
  11. Duméril et Bibron, Erpétologie générale ou Histoire naturelle complète des reptiles, vol. 8, 1841, p. 1-792 (texte intégral)
  12. Pierre Hantzpergue, Les ammonites kimméridgiennes du haut-fond d'Europe occidentale. Biochronologie, systématique, évolution, paléogéographie, Cahiers de paléontologie, éditions du CNRS, 1989, 428 p.
  13. Site du Lycée Alcide d'Orbigny de Bouaye
  14. Site du lycée français de la Paz
  15. « Google Maps », sur Google Maps (consulté le )

Orbigny est l’abréviation habituelle de Alcide Dessalines d'Orbigny en zoologie.
Consulter la liste des abréviations d'auteur en zoologie

A.D.Orb. est l’abréviation botanique standard de Alcide Dessalines d'Orbigny.

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