Aiôn

Aiôn ou aïon est un terme tiré du grec ancien (Αἰών) aux acceptions multiples qui signifie « destinée », « âge », « génération », « ère », « éternité ». En philosophie antique, il s'agit de l'un des trois principaux concepts du temps, avec chronos, le temps linéaire ou continu, et kairos, le temps opportun.

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Antiquité

L’helléniste Marcel Detienne traduit le terme par « force de vie »[1] ; le philosophe André-Jean Festugière, spécialiste du néo-platonisme, distingue les sens suivants[2] :

  1. notion philosophique en Grèce : « durée de vie », « durée de vie illimitée, éternité »
  2. personnification, à la période hellénistique, de cette durée
  3. assimilation de cet Aiôn personnifié à telle ou telle divinité orientale ou à une autre abstraction personnifiée ou au Dieu suprême, par ex. Aiôn Agathodémon, Aiôn Sarapis, Aiôn Mithra, Aiôn Mithra-Phanès (Kronos mithriaque anthropocéphale entre les deux moitiés de l'œuf orphique), Aiôn Sophia
  4. origine supposée iranienne et zoroastrienne (Aiôn-Zervan) du concept de Temps infini
  5. fête de l'Aiôn alexandrin, décrite par Épiphane de Salamine (Panarion, 51)
  6. l'aeternitas de la Rome antique, du peuple romain, de tel ou tel empereur
  7. au pluriel : les Éons (entités mythiques émanées du Premier Père), dans les textes chrétiens et gnostiques ou dans des papyrus magiques.

Aiôn chez C. G. Jung

Carl Gustav Jung a écrit un essai intitulé Aïon. Études sur la phénoménologie du Soi (1951). Il y étudie le Soi comme "totalité psychique transcendant le Moi". Le Soi est le terme du processus d'individuation. Il unifie les polarités contraires (dont anima et animus). Ce concept a de nombreux points communs avec celui de Brahman dans le védisme et l'hindouisme.

Aiôn chez Gilles Deleuze

Chez Gilles Deleuze, le concept d’aïon s’oppose à celui de chronos. Celui-ci est le temps de la succession matérielle, c’est-à-dire le temps de l’action des corps, tandis que celui-là est l’extra-temporalité d’un présent idéal immanent au temps des corps. Cette extra-temporalité, loin d’être une éternité transcendante, extérieure au temps des corps, « insiste ou subsiste »[3] à la surface des corps en tant que virtualité : poussée idéelle de l’immanence qui constitue son devenir. Aïon est le temps de l’instant pur, de l’événement chez Deleuze, qui ne cesse de se diviser en passé et futur illimités. Deleuze le compare aussi, ailleurs, à l’internel de Charles Péguy. Ainsi, Deleuze écrit-il : « toute la ligne de l’aïon est parcourue par l’instant, qui ne cesse de se déplacer sur elle et manque toujours à sa propre place »[4]. Si l’instant « manque toujours à sa propre place », c’est que l’aïon est ce pur devenir non identifiable, non repérable, dans lequel le temps ne cesse de se diviser en un avant et un après, dans lequel le temps s’écoule sans que l’on puisse le mesurer, sans qu’aucun cadre de la représentation ne puisse l’objectiver.

Bibliographie

  • Marcel Detienne, Les dieux d'Orphée, Éditions Gallimard, coll. « Folio Histoire », (1re éd. 1989), 240 p. (ISBN 978-2070341825), p. 58. 
  • A. D. Nock, « Vision of Mandulis Aion », Harvard Theological Review, XXVII, 1934, p. 53 ss. In Essays, t. I, p. 357-400.
  • Carl Gustav Jung, Aïon (1952), trad., Albin Michel, 1998.
  • André-Jean Festugière, La Révélation d'Hermès Trismégiste, t. III (1953) : Le Dieu inconnu, Les Belles Lettres, 1981, p.  146 ss.

Voir aussi

Références

  1. Marcel Detienne, p. 58
  2. André-Jean Festugière, La Révélation d'Hermès Trismégiste, t. IV, Paris, Les Belles Lettres, 1944-1954, p. 146-147.
  3. Deleuze, Logique du sens, Les éditions de minuit, 1969, p. 76.
  4. Logique du sens, p. 195.

Lien externe

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