Abbaye Saint-Sauveur de Redon
L’abbaye Saint-Sauveur de Redon, fondée en 832 par Conwoïon[hr 1] et reconnue le par Nominoë, est une ancienne abbaye bénédictine de Bretagne à Redon, dans le département d'Ille-et-Vilaine, dépendante de l'ancien diocèse de Vannes. La fondation eut lieu sous le règne de Louis le Pieux († 840) qui soutenait intensivement le développement du monachisme[hr 2].
Pour les articles homonymes, voir Abbaye Saint-Sauveur et Saint-Sauveur.
Abbaye Saint-Sauveur de Redon | |||
Présentation | |||
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Culte | Catholique romain | ||
Type | Abbaye | ||
Rattachement | Bénédictins | ||
Début de la construction | 834 | ||
Style dominant | Classique | ||
Protection | Classé MH (1862, Église) Classé MH (1875, clocher) Classé MH (1990, bâtiments conventuels) |
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Géographie | |||
Pays | France | ||
Région | Bretagne | ||
Département | Ille-et-Vilaine | ||
Ville | Redon | ||
Coordonnées | 47° 39′ 01″ nord, 2° 05′ 02″ ouest | ||
Géolocalisation sur la carte : France
Géolocalisation sur la carte : Ille-et-Vilaine
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Cette abbaye fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis le [1]. Plus anciennement, l'église attenante fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques par la liste de 1862. Le clocher isolé fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis 1875[2].
Sources
L'histoire des origines de l'abbaye (depuis la fondation en 832 jusqu'à la mort de saint Conwoïon en 868) nous est connue par un texte composé assez peu de temps après cette dernière date (fin du IXe siècle) et intitulé Gesta sanctorum Rotonensium. Il est divisé en trois livres : le premier est consacré à la fondation de l'abbaye ; le second à la vie des moines du vivant de Conwoïon, aux miracles qu'ils opéraient, et à l'acquisition de reliques (notamment celle du pape saint Marcellin, que l'abbé obtint au cours d'une visite à Rome en 848) ; le troisième aux miracles produits par les reliques, faisant de l'abbaye, selon l'auteur, un lieu de pèlerinage de premier plan. Il existe un deuxième texte, plus bref et plus diffusé, intitulé la Vita Conuuoionis, qui est une réécriture du premier sous la forme plus classique d'une vie de saint (avec une inflexion dans la présentation de certains faits, notamment une certaine hostilité n'existant pas dans les Gesta pour l'élément breton), et qui date sans doute du milieu du XIe siècle.
Édition : Caroline Brett (éd. et trad.), The Monks of Redon - Gesta Sanctorum Rotonensium and Vita Conuuoionis (texte et traduction anglaise), Londres, Boydel & Brewer (Studies in Celtic History, X), 1989.
Selon Ferdinand Lot (Mélanges d'histoire bretonne (VIe – XIe siècle), Paris, Honoré Champion, 1907, § 1 : « Les Gesta Sanctorum Rotonensium », p. 5-13), l'auteur des Gesta serait Ratvili, moine de Saint-Sauveur, puis évêque d'Aleth à partir de 866, qui présida aux funérailles de Conwoïon en janvier 868, et auquel le diacre Bili, plus tard son successeur comme évêque d'Aleth, dédia sa Vie de saint Malo ; Ratvili aurait écrit le texte au lendemain de la mort de Conwoïon, en tout cas avant 876 (il est à cheval sur la titulature, et qualifie à deux reprises Charles le Chauve de « roi des Francs » et non « empereur », ce qu'il est devenu le par son couronnement à Rome par le pape). Mais la récente éditrice du texte, Caroline Brett, est beaucoup plus prudente : elle date seulement le texte d'entre 868 et 917/920 (époque de l'abandon momentané de l'abbaye à cause des ravages causés par les Normands), et n'avance aucun nom d'auteur.
Historique
Origine
Qu'il soit connu de tous ceux qui entendent comment Conwoïon est venu auprès du machtiern (tirannus) Ratuili, pendant qu'il était assis près de la fontaine au lieu nommé Lesfau, pour lui demander qu'il daigne lui céder un lieu convenable pour exécuter le travail de Dieu. Ce qu'il a fait, c'est-à-dire qu'il lui a donné le lieu même appelé Redon, qu'il lui avait demandé, comme aumône, pour son âme à lui et pour un héritage dans le royaume de Dieu. Cela fut fait le cinquième jour de la semaine, son fils Catuoret étant présent et donnant son consentement. Puis Conwoïon et les autres frères qui désertaient le monde sont entrés dans ce même lieu, nommé Redon, au nombre de sept. Puis après, le susdit Ratuili est venu jusqu'au même lieu, pour rendre visite aux frères qui y priaient Dieu, et le leur a confirmé comme sa propre aumône et celle de l'empereur et pour un héritage éternel. Le signe de Ratuili, qui a fait la donation et l'a voulu confirmer. x. Catuorett. x. Cuimau. x. Catlon. x. Roinuuallon. x. Mainuuoron x. Sulon. x. Suluual. x. Le prêtre Retuuoret. Fait le quatrième jour du mois de juin, dans le règne du seigneur Louis, la dix-neuvième année de son règne[hr 3].
L'objectif du fondateur Conwoïon était de créer une abbaye carolingienne sur la frontière de la Bretagne[hr 4]. C'est pourquoi l'acte de fondation (832) se termina ainsi : « ... Le prêtre Retuuoret. Fait le quatrième jour du mois de juin, dans le règne du seigneur Louis, la dix-neuvième année de son règne[hr 5]. »
La fondation et l'entretien de l'abbaye s'est largement appuyée sur les donations des nobles de la région et des nombreux petits seigneurs locaux dénommés machtierns. Parmi eux les sources identifient[3] :
- Artwolau ;
- Condeloc, proche du comte Gui II de Vannes, machtiern à Carentoir;
- Conhoiarn, machtiern à Comblessac ;
- Cundeleus ;
- Cunneus;
- Guincalon, ami et conseiller de Rorgon, machtiern de la paroisse primitive d’Acalm (Augan) ;
- Louhemel ;
- Riowen ;
- Riwalt, important machtiern à Wominet (Guillac), Alcam (Augan) et Campénéac ;
- Riwelen;
- Tethwiu ;
- Wentenwion...
Peu de temps après, en septembre ou octobre 832, Conwoïon part pour le Limousin demander à l’empereur d’accorder la sauvegarde de l’emplacement de Redon au monastère mais il rencontre l’opposition du comte Ricuin de Nantes et surtout de Rainier ou Ragenaire, évêque de Vannes. Conwoïn rencontre à nouveau l’empereur à Tours en novembre de la même année.
En juin 834, Nominoë reconnaît l’abbaye de Redon par une charte qui est signée également par Rénier.
Le 27 novembre, Louis le Pieux reconnaît l’abbaye grâce à l’intervention de Ermor, évêque d’Aleth et de Félix, évêque de Quimper, qui ont fortement plaidé en la faveur de Conwoïon. Une première église, consacrée à saint Étienne, est construite vers 848 à l'est de l'église actuelle, surplombant la Vilaine[4].
Avant que le monastère ne devienne prospère, Conwoïon et ses collègues subirent une menace considérable. Dans les années 860, les vikings attaquaient les régions littorales tandis que les princes bretons n'étaient pas capables de défendre leurs terrains. C'est la raison pour laquelle les religieux se déplacèrent dans les zones forestières. Protégés par Salomon de Bretagne († 874), ils s'installèrent à Maxent où saint Conwoïon décéda le [hr 6]. Une nouvelle église est alors construite par l'abbé Ritcand ( 868-871), à peu près à l'emplacement de l'église actuelle[4].
Croissance
L'abbaye connait son apogée à la fin du XIe siècle et au cours du XIIe siècle; elle régente 27 prieurés et 12 paroisses dans toute la Bretagne. On y vient en pèlerinage[5].
L'établissement devait suivre le mouvement de la réforme grégorienne, inaugurée par le pape Léon IX. Entre 1073 et 1084, l'abbaye Saint-Sauveur réussit à obtenir une bulle du pape Grégoire VII qui était personnage principal de cette réforme, grâce à laquelle le monastère conservait sa liberté de l'élection d'abbé, sous le droit de la sainte Église romaine. En revanche, l'exemption épiscopale n'était pas assurée[hr 7]. La nef est reconstruite à cette époque, mais des portions de murs de l'église du IXe siècle pourraient subsister dans le mur du collatéral nord[4]. Au cours du XIIe siècle, l'abbé Hervé restaure l'abbatiale et fait construire la tour de croisée[6].
Puis, à la suite de la demande de l'abbaye, le pape Eugène III expédia, le , une bulle confirmant l'ensemble de vaste possession de celle-ci, prieurés, églises, biens, dans toute la Bretagne[hr 8].
Abbaye sous pression de l'État
Dès le XIIIe siècle, le monastère connaissait de plus en plus des difficultés. De fait, dans les archives, il reste peu de documents au regard du XIIIe siècle, y compris la chronologie des abbés[hr 10]. Au cours de la deuxième moitié du XIIIe siècle, de nouveaux travaux ont lieu dans l'abbatiale : le chevet roman cède la place au chevet gothique actuel, influencé par le style gothique normand[7]. Un clocher s'ajoute à la façade au début du XIVe siècle[6].
Il est évident que progressait l'autorité ducale à Redon, à partir du siècle suivant[hr 11].
Le bourg de Redon demeurait, auparavant, ville abbatiale, bénéficiant des privilèges ainsi que de la liberté. En 1398, les officiels ducaux commencèrent à contester sa franchise fiscale. Comme les moines ne purent trouver aucun document dans les archives pour résister à cette contestation, la franchise devint difficile à conserver. En 1406, le duc Jean V expédia un mandement portant sur le droit de ban et étanche du sel[hr 12]. Dès le XVe siècle, il s'agissait d'une des villes ducales, dans laquelle le duc pouvait séjourner et où les États s'assemblaient[hr 13].
Tout comme sa fondation, l'abbaye bénéficia en 1461 de sa situation géographique. Le nouveau roi de France depuis deux mois et demi Louis XI octroya 600 écus d'or à son couvent, par lettre patente datée d'Amboise le [8], étendant ainsi son influence politique en Bretagne[9].
En 1622, Armand Jean du Plessis de Richelieu est nommé abbé commendataire du monastère[hr 14]. Il lance une grande campagne de travaux qui reconstruit entièrement les bâtiments conventuels, sous la direction de l'architecte et moine bénédictin mauriste Dom Denys Plouvier[1]. L'abbaye de Redon perd ensuite son indépendance, en devenant le 26e monastère de la congrégation de Saint-Maur. À partir de cette année 1628, les Mauristes commencèrent à arriver en Bretagne[hr 15]. Mais l'abbaye de Redon réunissait encore, dans les années 1670 et jusqu'à la fin de ce siècle, 36 monastères en Bretagne[hr 16]. En 1780, un incendie ravage les parties occidentales de la nef, ce qui conduit à la raccourcir et à en séparer le clocher[4].
Collège
L'origine du collège remonte en 1804. Lefranc, prêtre et ancien professeur du collège de Vannes, fut nommé principal d'un petit collège municipal dans l'ancienne abbaye[10]. Puis, en 1839, les Eudistes achètent les bâtiments conventuels et les transforment en lycée, affectation qu'ils ont gardée depuis.
Architecture
Aux parties anciennes du XIe siècle, s'ajoutent des constructions du XIIe siècle (transept) et du (cloître). Des fresques médiévales ont été mises au jour lors de restauration en 1950 et les vitraux contemporains, sont du maître verrier Jean-Jacques Grüber. La tour de croisée, à deux étages, est une des plus belles constructions romanes qui soit en Bretagne[5].
Le cloître
Le cloître est construit au XVIIe siècle sous le commandement de Richelieu. il présente des portes surmontées de riches frontons ornés des armes de France, de Bretagne et de la Congrégation de Saint-Maur et de Richelieu.
Une rénovation complète du cloître a eu lieu de 2009 à 2016.
Bâtiments conventuels
Ils sont transformés en collège et lycée privés. C'est sur l'orgue de la chapelle du collège que le musicien Pierre Pincemaille a découvert l'orgue à la fin des années 1960, grâce à son oncle, le père eudiste Paul Pincemaille, économe au collège[11].
Salle capitulaire
Aujourd'hui transformée en chapelle dite de la Congrégation (ancienne salle capitulaire)
Souterrain
Un souterrain reliant le cloître à la Vilaine (visites uniquement lors des Journées du Patrimoine)
Cartulaire
Datant des VIIIe siècle et XIIe siècle, il est aux Archives historiques du diocèse de Rennes. Il est constitué de 147 parchemins, relatant les textes de 391 actes écrits entre ces deux périodes.
Terriers, revenus, dépendances
- Abbaye Notre-Dame de la Chaume, les moines de Redon installent en 1055, sur les terres de la Chaume près Machecoul, un prieuré qui deviendra abbaye.
Archives
- Ordonnance de l’intendant pour l’expulsion des pèlerins et la fermeture nocturne de l’abbaye. Datée du . Fonds de l’Intendance de Bretagne aux Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, cote C 26.
- 23 images sur la base Mistral
Références bibliographiques
- Daniel Pichot et Georges Provost (dir.), Histoire de Redon de l'abbaye à la ville, Presses universitaires de Rennes et Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine, Rennes, (ISBN 978-2-7535-3507-7) 431 p.
- p. 56
- p. 54
- p. 55 - 56, selon l'œuvre d'Aurélien de Courson.
- p. 62
- p. 56 ; comme l'acte original fut perdu, il s'agit d'une copie du XIe siècle.
- p. 71
- p. 108
- p. 103 - 105
- p. 229
- p. 154
- p. 156
- p. 162
- p. 164
- p. 227
- p. 221, 226 - 227
- p. 211
Notes et références
- Notice no PA00090664, base Mérimée, ministère français de la Culture
- Notice no PA00090666, base Mérimée, ministère français de la Culture
- Bernard Tanguy, « Monasteriola aux ixe et xe siècles d’après le Cartulaire de Saint-Sauveur de Redon et les Gesta des saints de Redon », dans Le pouvoir et la foi au Moyen Âge : En Bretagne et dans l’Europe de l’Ouest, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », (ISBN 978-2-7535-6739-9, lire en ligne), p. 63–79
- Louise-Marie Tillet, Bretagne romane, La Pierre-Qui-Vire, Zodiaque, coll. « La Nuit des Temps » (no 52), , p. 73-79
- « La France des abbayes romanes », Notre Histoire, no 201,
- « Notice n° IA00130923, Ministère français de la Culture » (consulté le )
- Pierre Héliot, « Le chevet de saint-sauveur de Redon », Bulletin et Mémoires de la Société Archéologique d'Ille-et-Vilaine, t. LXXIX, , p. 31-51.
- Jacques Longueval, Histoire De L'Eglise Gallicane, Dediee A Nosseigneurs Du Clerge. Par le P. Jacques Longueval (continuee par Pierre Claude Fontenai, Pierre Brumoi, Guillaume-Francois Berthier), , 626 p. (lire en ligne), p. 162.
- Jules Michelet, Histoire de France - tome 6 Louis XI, , 402 p. (ISBN 978-2-84990-349-0, lire en ligne), p. 27.
- https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54705864/f362.image
- Pierre Pincemaille, « Entretien avec Pierre Pincemaille », L'Orgue, no 212, (lire en ligne)
Voir aussi
Bibliographie
- Aurélien de Courson, Cartulaire de l'Abbaye de Redon en Bretagne, Imprimerie Impériale, Paris 1863 [lire en ligne]
- Paul Jausions, Histoire abrégée de la Ville et de l'Abbaye de Redon, par un Prêtre, Ancien élève du Collège Saint-Sauveur, Libraires Mesdemoiselles Thorel, Redon, 1864, 396 p. [lire en ligne]
- Georges Provost et Collectif, Cartulaire de l'Abbaye Saint-Sauveur de Redon, éd de l'Association des Amis des Archives historiques du diocèse de Rennes ( 1/12/2004), 127. p. (ISBN 2951296711)
- Guillaume Mollat (1877-1968), Publie un Vidimus par Grégoire XI d'une bulle de Grégoire X du portant confirmation des possessions et collation de l'exemption de l'abbaye Saint-Sauveur de Redon, moyennant un cens de trois besants d'or. Dans Bulletins régionaux des Annales de Bretagne, tome.XXVII, Rennes, 1911-1912.
Liens externes
- Fac-similé du Cartulaire de l'abbaye Saint-Sauveur de Redon
- Vidéo sur l'abbaye et l'abbatiale Saint-Sauveur par Scopidrone : https://www.youtube.com/watch?v=ZmP-FzVqREg
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