2e armée blindée de la Garde

La 2e armée blindée (en russe : 2-я танковая армия, parfois traduit « 2e armée de tanks »), puis à partir de la 2e armée blindée de la Garde (en russe : 2-я гвардейская танковая армия), est une grande unité de l'Armée rouge durant la Grande Guerre patriotique (la Seconde Guerre mondiale), puis à partir de 1946 de l'Armée soviétique, enfin depuis 1992 de l'Armée russe.

Pour les articles homonymes, voir 2e armée.

2e armée blindée, puis
2e armée blindée de la Garde

L'ordre de la Garde soviétique (modèle 1942).

Création janvier 1943
Dissolution 1997-1998
reformée en 2001
Pays Union soviétique
Russie
Allégeance Armée rouge,
Armée soviétique,
puis Armée russe
Branche Armée de terre
Type troupes blindées et mécanisées
Rôle exploitation dans la profondeur
Effectif théoriquement 35 000 hommes
Ancienne dénomination 2e armée blindée
Guerres Grande Guerre patriotique
Batailles opé. Dmitriev-Sevsk
défense de Koursk
opération Koutouzov
Korsun-Shevchenkovsky
off. Ouman-Botoshany
offensive Lublin-Brest
offensive Vistule-Oder
Poméranie orientale
bataille de Berlin
Commandant historique Semion Bogdanov

Grande Guerre patriotique

1943

La 2e armée blindée est mise sur pied à partir du autour d'Iefremov en reprenant des éléments de la 3e armée de réserve du front de Briansk, avec pour commandant le lieutenant-colonel Prokofi Romanenko[1]. Son organisation a varié dans le temps ; en 1943 elle est composée d'une part des 11e et 16e corps blindés (regroupant surtout des chars T-34/76), d'autre part des 60e, 112e et 194e divisions de fusiliers (apportant l'infanterie)[2]. Les deux (3e et 5e dès mai-) puis six armées blindées furent les fers de lance des principales offensives soviétiques de la seconde partie de la Grande Guerre patriotique.

Selon la doctrine militaire des opérations en profondeur prônée par l'Armée rouge (théorisée par Triandafillov et Toukhatchevski), une armée blindée (Танковая армия, abrégée en TA) est destinée à être engagée après une percée effectuée par une autre armée combinée (composée d'infanterie largement soutenue par des divisions d'artillerie et des brigades de tanks d'accompagnement) ; le rôle de l'armée blindée étaient de servir d'« échelon de frappe opérative » en s'enfonçant le plus loin possible en territoire adverse (jusqu'à 150 à 400 km), si possible ses corps d'armée avançant en parallèle, pour déstructurer tout le système ennemi[3].

À partir du , le commandant est confié au lieutenant-colonel Alexeï Rodin (en). Son premier engagement se fait dès la fin au sein du front central lors d'une attaque vers Briansk (opération Dmitriev-Sevsk, du au ). Du 5 au , elle participe à la bataille de Koursk puis du au à l'opération Koutouzov. Elle réintègre la réserve de la Stavka en pour être recomplétée, Rodin laissant le commandement au lieutenant-général Semion Bogdanov à partir du [1]. L'armée participe ensuite à l'opération de Tchernihiv-Pripyat (du au ).

1944

Colonne de chars T-34/85 au début de l'année 1944.

L'armée est affectée en au 1er front ukrainien de Nikolaï Vatoutine, combattant d'abord près de Vinnytsia, puis pendant l'opération de Korsun-Shevchenkovsky (du au ). Passée au 2e front ukrainien d'Ivan Koniev, elle participe à l'opération Ouman-Botoșani (Umansky-Botoshansky, du au , dans le cadre de l'offensive Dniepr-Carpates).

Intégrée au 1er front biélorusse de Constantin Rokossovski, l'armée de Bogdanov passe à trois corps blindés[3] (8e de la Garde, 3e et 16e corps)[1], réunissant environ 35 000 hommes, 768 chars et canons automoteurs[4] pour être engagée dans l'offensive Lublin-Brest et participer à la libération de la Pologne orientale. Le , la 8e armée de la Garde (du colonel-général Vassili Tchouïkov) attaque et perce le front allemand ; le , la 2e armée blindée est lancée en exploitation, passe le Boug pendant la nuit du 21 au 22 et fonce de 75 km vers l'ouest jusqu'aux faubourgs de Lublin atteints le 22 au soir. Mais la garnison de la ville résiste ; le , le colonel-général Bogdanov (à ce grade depuis le ) est blessé à l'épaule près de Lublin, d'où son évacuation avec cinq mois d'hospitalisation : Bogdanov est remplacé par son chef d'état-major, le major-général Alexeï Radzievski (en)[1]. Le , une unité de reconnaissance de l'armée découvre le camp de Maïdanek, intact, libérant 547 déportés survivants[5].

Dans la nuit du 27 au , le front de Rokossovski, la 2e armée blindée de la Garde en tête, reçoit l'ordre de remonter au nord, en longeant la rive droite de la Vistule, vers Praga, le faubourg oriental de Varsovie, pour établir des têtes de pont sur la Vistule et la Narew[6]. L'armée blindée, à l'effectif réduit (344 blindés : 186 T-34, 57 Sherman, 24 IS-2, 70 SU et sept Valentine)[7] par les combats précédents, positionne ses trois corps en ligne à hauteur de Garwolin et doit s'aventurer vers le nord, isolée en pointe. Pendant la nuit, l'armée subit un bombardement par 25 Heinkel He 177 : la chasse soviétique est désormais basée trop loin pour assurer sa protection. Le 29, le 16e corps blindé (gauche de la 2e armée blindée) enfonce la 73e division allemande près d'Otwock (capturant le général Friedrich Franek), le 8e corps blindé de la Garde (centre de l'armée) est arrêté à côté de Zakret par la 19e Panzerdivision, mais le 3e corps (droite de l'armée) continue plus au nord, passe par Okuniew, atteignant le 30 Radzymin et se rapprochant de la Narew[8]. Radzievski signale qu'il manque d'urgence de soutien aérien, de gazole et d'huile. Mais le , le Generalfeldmarschall Walter Model lance la contre-attaque allemande : la 19e panzer sortant de Varsovie et la 5e Panzerdivision SS Wiking venant de l'est reprennent Okuniew et encercle tout le 3e corps blindé soviétique. Radzievski ordonne à ses corps (presque en panne sèche) de se mettre en défense à 360° : le lendemain, la poche occupée par le 3e corps du major-général Nikolai Vedeneev (en) se réduit, attaquée par la 19e PzD, la Wiking, la division Herman Göring et la 4e Panzerdivision. Le , la poche et le 3e corps sont liquidés ; le lendemain, Model attaque avec ses quatre Panzerdivisionen le 8e corps blindé, avant de les envoyer rétablir le front ailleurs : la 2e armée blindée vient de perdre 4 000 hommes, 244 blindés et 200 autres véhicules[9].

1945

Retiré du front dès le , ce qui reste de l'armée (une centaine de blindées) est recomplété, puis change de nom le , le jour de la reprise du commandement par Semion Bogdanov[1], devenant la 2e armée blindée de la Garde. L'armée est réorganisée, composée désormais des 9e et 12e corps blindés de la Garde et du 1er corps mécanisé (l'infanterie de cette dernière montée sur camions dans le meilleur des cas, ou le plus souvent directement sur les chars)[3].

Guerre froide

En , l'unité est renommée la 2e armée mécanisée de la Garde, les corps blindés devenant des divisions blindées. Elle fait partie du groupe des forces d'occupation soviétiques en Allemagne, avec QG à Fürstenberg/Havel ; la 9e division blindée de la Garde est à Neustrelitz, la 12e division blindée de la Garde à Neuruppin et la 1re division mécanisée à Wustermark.

En 1964, la 19e division de fusiliers motorisés (ex 1re division mécanisée, ex 1er corps mécanisé) passe à la 20e armée de la Garde ; en 1965, la 9e division blindée de la Garde (ex 9e corps blindé de la Garde, ex 3e corps blindé) est renommé la 16e division blindée de la Garde. En 1968, l'armée reçoit le titre d'unité de la Bannière rouge. En 1983, la 12e division blindée de la Garde (ex 12e corps blindé de la Garde, ex 16e corps blindé) passe à la 3e armée.

En 1988, la 2e armée blindée de la Garde, toujours en République démocratique allemande, est composée de la 16e division blindée de la Garde, de la 94e division de fusiliers motorisés de la Garde, de la 21e division de fusiliers motorisés, de la 207e division de fusiliers motorisés, de la 112e brigade de lance-missiles de la Garde et de la 61e brigade de missiles antiaériens.

Post guerre froide

Après son évacuation d'Allemagne, les unités de l'armée sont déménagées en 1993 dans le district militaire de la Volga, avec QG à Samara. L'armée est dissoute en 1998, pour être ensuite reformée en 2001, composée avec seulement deux divisions.

Notes et références

  1. (ru) « 2-я танковая армия », sur http://tankfront.ru/.
  2. (en) David Glantz, Marc J. Rikmenspoel, Scott R. McMichael, Hugh Foster, Steven Myers, Uri Khonko, Natalya Khonko et Keith E. Bonn (dir.), Slaughterhouse : The Handbook of the Eastern Front, Bedford, The Aberjona Press, (ISBN 0-9717650-9-X), p. 333.
  3. Jean Lopez, « Armée de tanks soviétique : l'autre solution », dans Infographie de la Seconde Guerre mondiale, Paris, Perrin, (ISBN 978-2-262-06825-7), p. 56-59.
  4. Jean Lopez, Opération Bagration : La revanche de Staline (été 1944), Paris, Economica, coll. « Campagnes & stratégies » (no 110), , 409 p. (ISBN 978-2-7178-6675-9), p. 325.
  5. Lopez 2014, p. 329.
  6. Lopez 2014, p. 337-339.
  7. Lopez 2014, p. 344.
  8. Lopez 2014, p. 340-341.
  9. Lopez 2014, p. 343.
  10. Lopez 2010, p. 135.
  11. Jean Lopez, Berlin : Les offensives géantes de l'Armée Rouge, Vistule-Oder-Elbe (12 janvier-9 mai 1945), Paris, Economica, coll. « Campagnes & stratégies » (no 80), , 644 p. (ISBN 978-2-7178-5783-2).

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Robert G. Poirier et Albert Z. Conner, The Red Army Order of Battle in the Great Patriotic War, Novato, Presidio Press, (ISBN 0-89141-237-9).
  • (en) David M. Glantz, Companion to Colossus Reborn : key documents translated from the russian and statistics, Lawrence, University Press of Kansas, , 309 p. (ISBN 0-7006-1359-5).
  • (ru) Владимир Оттович Дайнес [Vladimir Daĭnes], Советские танковые армии в бою [« Les armées blindées soviétiques dans la bataille »], Moscou, Яуза/Эксмо, , 797 p. (ISBN 978-5-699-41329-4).
  • (ru) V. I. Feskov, V. I. Golikov, K. A. Kalashnikov et S. A. Slugin, Вооруженные силы СССР после Второй Мировой войны : от Красной Армии к Советской [« Les forces armées de l'URSS après la Seconde Guerre mondiale : de l'Armée rouge à celle soviétique »], Tomsk, Scientific and Technical Literature Publishing, (ISBN 978-5-89503-530-6).
  • (en) Igor Nebolsin (trad. Stuart Britton), Stalin's Favorite : The Combat History of the 2nd Guards Tank Army from Kursk to Berlin, Solihull, Helion & Company, , 504 p. (ISBN 978-1-909982-15-4 et 978-1-91077779-4).

Articles connexes

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