Îlot Chalon

L'îlot Chalon était un quartier d'environ 7 ha situé dans le 12e arrondissement, délimité par la rue de Chalon, l’avenue Daumesnil, le boulevard Diderot et la rue de Rambouillet, à proximité de la gare de Lyon. L'îlot est devenu connu au cours des années 1980 à cause du trafic et de la consommation de drogue qui avaient lieu dans ses rues. Aujourd'hui, le quartier a été rénové, et il ne porte plus son ancienne dénomination.

Des bâtiments donnant sur l'avenue Daumesnil, à l’extrémité nord de l'ancien îlot Chalon, aujourd'hui dans le quartier des Quinze-Vingts.

Historique

L'îlot Chalon avait été créé en 1847 avec la construction de la gare de Lyon. À ses débuts, il était constitué d'un ensemble d'ateliers, d'entrepôts et de logements ouvriers.[1] Au commencement du XXe siècle, cette enclave urbaine était déjà considérée comme un quartier insalubre à renouveler impérativement[2].

Pendant la Première Guerre mondiale, des Chinois de Shandong originaires de la province de Zhejiang avaient été employés par les Français dans les usines. Une partie d'entre eux ont été rapatriés après 1918, mais huit mille d'entre eux sont restés en France, selon le sinologue Pierre Picquart[3],[4]. Ils se sont établis à partir de ce moment sur l'îlot Chalon, qui est ainsi devenu le premier quartier chinois à Paris.

Dans les années 1970, les premiers commerçants mourides sénégalais sont arrivés dans le quartier, et ils se sont installés dans les passages Raguinot et Brunoy, accueillant par la suite les ressortissants de Ceedo et de Thiaareen[5]. Ils ont recréé en France les structures de la vie communautaire mouride, où les membres influents (représentants du khalife) organisent des da'iras (groupes religieux de vingt ou trente personnes)[6]. Dans un premier temps, le mouridisme a été pratiqué de manière privée et ses suiveurs n'ont pas cherché à le diffuser.

Jusqu'à 1975, les immigrés ne représentaient qu'une forte minorité ; cependant, leur présence s'affirmait par une territorialisation communautaire qui leur donnait une forte visibilité sociale[1]. Aussi, cette même année, 66 % des surfaces étaient considérées par la municipalité comme étant dans un état de très grande dégradation, à cause du manque de rénovation depuis des décennies et de la surpopulation des habitants du quartier, confinés dans des logements bien trop petits (d'une ou deux pièces) et souvent sans sanitaires intérieurs[2].

À la fin des années 1970 ont surgi les premiers squats dans des bâtiments désaffectés de la SNCF. Au tournant des années 1980, le trafic de haschich marocain a été remplacé par des drogues plus dures, et pendant les années suivantes la dégradation du quartier s'est accentuée. En , l'opinion publique avait été choquée par les deux meurtres liés à la drogue survenus dans l'îlot.[7] Ces événements ont été vécus comme un traumatisme par les habitants du quartier, qui avaient vu l'attention des médias sur leur environnement de vie s'intensifier.

Rénovation des années 1980

La Ville de Paris avait déjà décidé la rénovation du quartier en 1980, mais c'est seulement à partir de 1984 que l'aménagement a été confié à société d'économie mixte Semea-Chalon, devenue la Semaest. La rénovation consistait principalement en la démolition de bâtiments (700 petit logements), la conservation et réhabilitation de certains immeubles, la création de nouveaux logements et d'un jardin, et l'implantation du commissariat du XIIe. Le tracé historique des rues a été respecté (passages Raguinot, Brunoy et Gatbois), mais certaines ont été élargies.

Ce projet fut rejeté par une majorité d'habitants, qui accusèrent certaines autorités publiques de laisser pourrir le quartier, pour faire fuir les habitants et préparer ainsi la rénovation urbaine[8],[9].

Cette rénovation aurait conduit au déplacement des populations marginalisées vers le nord-est de Paris, et à un déplacement du trafic de drogue de l'espace privé (squats) vers l'espace public dans le quartier[10],[11]. La présence de consommateurs de drogue dans la rue à ce moment-là avait fait l'objet d'une forte mobilisation policière[10].

Notes et références

  1. Véronique de Rudder et Michelle Guillon, Autochtones et immigrés en quartier populaire : du marché d'Aligre à l'îlot Chalon, CIEMI, , p. 26-27.
  2. Alexandre Marchant[le lien externe a été retiré], « L’îlot Chalon, le “ghetto” parisien de la drogue du début des années 1980 », sur vih.org, (consulté le ).
  3. Pierre Picquart, L'Empire chinois. Mieux comprendre le futur numéro 1 mondial : histoire et actualité de la diaspora chinoise, Éditions Favre, Lausanne, 2004 (ISBN 2828907937). Adapté en polonais sous le titre Imperium Chinski, Historia I Terazniejszosc Chinskiej Diaspory, Temat Dnia, DIALOG (pl), 2006 (ISBN 8389899469).
  4. Mathieu Galtier, « Chinois : la règle de trois », sur www.lexpress.fr, (consulté le ).
  5. Leyla Sall, « Continuités et ruptures du modèle migratoire sénégalais d'avant 1970, l'insertion spatiale des migrants vendeurs de Ceedo et de Thiaaren dans l'espace Schengen », Asylon(s), no 3, (lire en ligne).
  6. A. Moustapha Diop, « Les associations murid en France », Esprit, vol. 6, no 102, , p. 197-206 (lire en ligne).
  7. Le Monde, 28-29 octobre 1984, selon João Fatela, « La drogue et la loi », Esprit, vol. 98, no 2, , p. 95-98.
  8. L’îlot Chalon, le "ghetto" parisien de la drogue du début des années 1980, Alexandre Marchant
  9. Le Bronx de la Gare de Lyon
  10. Marie-Hélène Bacque, « En attendant la gentrification : discours et politiques à la Goutte-d’Or (1982-2000) », Sociétés contemporaines, no 63, , p. 63-83 (lire en ligne).
  11. Faraone Bogazzi et Elisabeth Chikha, « Aujourd'hui, où en est-on ? », Hommes et Migrations, vol. 1122, , p. 26-29 (lire en ligne).
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