Émilienne Mopty

Émilienne Marie Mopty, née Wantiez, est une résistante française de la Seconde Guerre mondiale. Elle est née le à Harnes et a été décapitée le à Cologne par l'armée nazie. Sa mort a fait d'elle une personnalité du Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais.

Mère de trois enfants, et femme de mineur, elle s'était déjà illustrée en 1933 et 1934 en tant que militante communiste. Durant la guerre, elle prend la tête des manifestantes lors de la grève des mineurs du Nord-Pas-de-Calais de 1941. Elle organise ensuite des barrages routiers, des manifestations, elle transporte des armes et des explosifs. À la fin du mois de , elle se rend près de la citadelle d'Arras afin d'attaquer un peloton d'exécution, mais elle a été trahie et est arrêtée par la Gestapo. Elle est torturée, puis traduite devant le tribunal militaire de la Feldkommandantur d’Arras, et est condamnée à mort. Elle est décapitée le à 19 h 30, à l'âge de trente-cinq ans.

Le , une semaine avant le premier tour des élections législatives de 2012, Jean-Luc Mélenchon, candidat à la onzième circonscription du Pas-de-Calais, organise une marche en souvenir d'Émilienne Mopty qui a réuni six mille personnes.

Biographie

Les conditions de travail des mineurs se dégradent durant l'hiver de 1940 à 1941 dans le Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Les familles disposent de moins en moins de tickets de rationnement, et les files d'attente s'allongent de semaine en semaine devant les magasins. Les rations sont trop faibles pour permettre à la main-d'œuvre de reconstituer sa force de travail. Les prix de la nourriture augmentent sans cesse, si bien que les salaires deviennent insuffisants pour vivre[1]. Les avantages obtenus lors de l'accession au pouvoir du Front populaire ne sont plus qu'un lointain souvenir, les délégués mineurs se sont vus supprimer leur mandat, c'est ainsi qu'ils ont été poussés à la clandestinité[TC 1].

À partir du , les mineurs effectuent des grèves perlées, en arrêtant de travailler durant une demi-heure en début ou en fin de service. Les fosses de la Compagnie des mines de l'Escarpelle sont même occupées par les troupes allemandes en . La grève des mineurs du Nord-Pas-de-Calais commence le [TC 1]. Les mineurs revendiquent à leur dirigeants des augmentations de salaires, de meilleures conditions de travail, l’amélioration du ravitaillement en beurre, viande rouge, savon[1]... mais aussi la fin du chronométrage[TC 1]. Très rapidement, les réclamations se propagent dans les autres concessions du bassin minier[TC 1].

C'est durant cette grève qu'Émilienne Mopty, née Émilienne Marie Wantiez le à Harnes, 33 ans, mère de trois enfants, et femme d'un mineur à la fosse no 7 - 7 bis de la Compagnie des mines de Dourges à Montigny-en-Gohelle, prend la tête de manifestations de femmes, d'abord à Hénin-Liétard (devenu Hénin-Beaumont en 1970[2],[3]) le , puis le à Billy-Montigny. En tant que militante communiste, elle était déjà présente aux grèves de 1933 et 1934[4]. Elle habite la cité du Dahomey, une des cités de la fosse no 7 - 7 bis[5].

Émilienne Mopty et les autres femmes de mineurs incitent ces derniers à lutter contre l'occupant. Des prisonniers sont réquisitionnés pour travailler dans les mines, mais ceux-ci refusent de produire pour les Allemands, et ralentissent au maximum les cadences. Les femmes entreprennent de barrer les routes afin d'empêcher la circulation des voitures de police et des automitrailleuses allemandes. Elles rencontrent les maires des communes minières afin d'avoir du ravitaillement, elles rendent visite aux dirigeants des compagnies minières dans les grands bureaux. Elles doivent parcourir de grandes distances afin d'échapper aux diverses polices[1]. Cette grève, qui a pris fin le , a vu jusque cent mille mineurs entrer en grève[TC 2], alors que tout avait initialement commencé à la fosse no 7 - 7 bis à Montigny-en-Gohelle.

Très vite, la répression commence, la houille étant cruciale aux yeux des Allemands. Ces derniers dispersent les manifestants et occupent les carreaux de fosses. Les clandestins sont traqués par les forces du régime de Vichy, les salaires suspendus, et les cartes de ravitaillement ne sont plus distribuées. Trente mille affiches sont placardées dans le bassin minier, elles indiquent : « Quiconque commettra des actes de sabotage contre les installations ou la propriété militaire allemande ou de ses membres propres […], contre des câbles ou autres moyens de communication ou quiconque sabotera l’économie dans la région occupée, sera frappé de peine de mort ». Heinrich Niehoff décide que les mineurs doivent reprendre le travail, les premières condamnations ont lieu. Sur cinq-cent mineurs arrêtés, cent sont fusillés. Toutefois, le ravitaillement augmente, notamment les portions de pain qui sont plus importantes de cinq-cents grammes[1].

Toutefois, Émilienne Mopty continue à résister. Agent de liaison d'un des chefs de la résistance dans le bassin minier, Charles Debarge, elle transporte des armes et des explosifs et cherche des planques pour les résistants. Les gendarmes l'arrêtent une première fois en , mais elle est relâchée faute de preuves huit jours plus tard. Elle est arrêtée le soir du par les gendarmes français, mais parvient à s'évader de la gendarmerie par la lucarne des toilettes[1].

Son mari, mineur, est arrêté, puis déporté en Allemagne. Émilienne fait partie des francs-tireurs dans le bassin minier. À la fin du mois de , elle a pour mission d'attaquer un peloton d'exécution près de la citadelle d'Arras à Arras. Elle est trahie, et c'est la Gestapo qui l'accueille sur les lieux du rendez-vous. Pour la faire parler, les Allemands, qui connaissent son rôle parmi les francs-tireurs, la torturent atrocement. Elle est traduite devant le tribunal militaire de la Feldkommandantur d’Arras, et condamnée à mort. Elle est décapitée le à Cologne, à 19 h 30. Elle aurait murmuré « mes enfants », puis ayant posé la tête sur le billot, entonné L'Internationale, chant interrompu par la hache du bourreau[1], ce qui relève néanmoins du mythe[6],[7],[8].

Commémoration

Son destin tragique a valu à Émilienne Mopty d'être une personnalité du bassin minier. Le , le Front de gauche organise à Montigny-en-Gohelle une marche en son souvenir, qui a réuni six mille personnes, 71 ans après une autre menée par la résistance. Elle est une initiative de Jean-Luc Mélenchon, candidat aux élections législatives de 2012 dans la onzième circonscription du Pas-de-Calais[9], qui se dit inspiré par son « esprit de résistance et de fraternité »[10]. Le départ s'est fait sur le carreau de l'ancienne fosse no 7 - 7 bis des mines de Dourges et l'arrivée a eu lieu sur le site des grands bureaux de la Compagnie des mines de Courrières à Billy-Montigny[11],[note 1].

Notes et références

Notes
  1. Il existe donc une incohérence dans le choix du trajet de la commémoration, dans le sens où la fosse no 7 - 7 bis a été ouverte par la Compagnie des mines de Dourges, dont les grands bureaux étaient situés près de la fosse no 2 - 2 bis, à Hénin-Beaumont, et que les grands bureaux, toujours existants, de Billy-Montigny, sont ceux de la Compagnie des mines de Courrières; et situés près de la fosse no 2.
Références
  1. Éric W. Faridès, « Émilienne Mopty (1907-1943) : une figure de résistance en pays minier », Le Grand Soir, (lire en ligne)
  2. Des villages de Cassini aux communes d'aujourd'hui, « Notice communale : Hénin-Beaumont », sur ehess.fr, École des hautes études en sciences sociales (consulté le ).
  3. Des villages de Cassini aux communes d'aujourd'hui, « Notice communale : Beaumont-en-Artois », sur ehess.fr, École des hautes études en sciences sociales (consulté le ).
  4. (fr) « Émilienne Mopty », sur http://www.resistance62.net/
  5. (fr) « Grève des mineurs du Nord-Pas-de-Calais », sur http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/, Chemins de Mémoire
  6. Une circulaire datant du 28 décembre 1936 émanant du ministre de la Justice du Reich, Franz Gürtner, ordonne que les exécutions ne se fassent plus par décapitation à la hache mais à l'aide d'une « fallbeil » (littéralement hache tombante), mot utilisé en Allemagne pour désigner la guillotine, ou encore par pendaison. Les deux dernières condamnées exécutées par décapitation à la hache le furent, pour trahison, à Berlin le 18 février 1935.
  7. Site de l'Association Nationale des Familles de Fusillés et Massacrés de la Résistance Française et ses Amis.
  8. Site du Maitron des Fusillés.
  9. [vidéo] (fr) « Place au Peuple », « Marche en souvenir d'Émilienne Mopty », sur https://www.dailymotion.com/, Dailymotion,
  10. (fr) Jean-Luc Mélenchon, « Avec Émilienne Mopty, je marche, camarade ! », sur http://www.jean-luc-melenchon.fr/,
  11. (fr) Jean Rumain, « 3 juin : marche Émilienne Mopty », sur http://jean-rumain.over-blog.com/,
Références à Virginie Debrabant, Les trois âges de la mine : De l'apogée au déclin, vol. 3 : 1914-1990, La Voix du Nord et Centre historique minier de Lewarde,
  1. Debrabant 2007, p. 25
  2. Debrabant 2007, p. 26

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes


Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Virginie Debrabant, Les trois âges de la mine : De l'apogée au déclin, vol. 3 : 1914-1990, Lille, La Voix du Nord et Centre historique minier de Lewarde, , 52 p. (ISBN 978-2-84393-109-3), p. 25-26. 
  • Éric W. Faridès, « Émilienne Mopty (1907-1943) : une figure de résistance en pays minier », Le Grand Soir, (lire en ligne)
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