Ère séleucide

L'ère séleucide, aussi appelée ère des Grecs ou anno Graecorum année des Grecs » en latin), est une ère calendaire (en) utilisée dans l'Empire séleucide et d'autres entités territoriales parmi les anciennes civilisations hellénistiques. Si on parle parfois de l'« Année d'Alexandre », l'ère date en fait de la reconquête du pouvoir par Séleucos Ier Nicator en 312-311 av. J.-C. après son exil en Égypte ptolémaïque[1]. Il existe en fait deux ères séleucides : l'une qui démarre en octobre [2], moment de la reconquête d'Antioche par Séleucos et appelée pour cela « ère séleucide d'Antioche »[2] ; l'autre, appelée « ère séleucide de Mésopotamie », dont le point de départ est situé au printemps [2], période où le fondateur de la dynastie séleucide a reconquis la Babylonie.

Copie romaine d'un buste de Séleucos, musée du Louvre.

L'ère séleucide est une étape fondamentale dans l'histoire des calendriers, et le précurseur direct des systèmes hébraïque, hégirien, zoroastrien et de l’ère chrétienne ou ère commune.

Origine

Situation antérieure

Dans le monde antique, tant en Grèce qu'au Proche-Orient, il n'existait pas de système chronologique unifié. Dans les états monarchiques, la pratique la plus courante était de compter les années à partir de l'avènement du souverain en exercice. À Babylone, on pouvait donc parler de la « septième année du règne de Nabuchodonosor » et, en Macédoine, par exemple, de la « cinquième année du règne de Philippe ». Chacun de ces décomptes n'était utilisé que dans le territoire spécifique où s'exerçait le pouvoir du souverain[3].

Mise en place

Les royaumes hellénistiques vers Le royaume de Séleucos est en orange.

Après la mort d'Alexandre le Grand en , les textes babyloniens commencent à dater les événements à partir d'un nouvel an 1 qui correspond à l'avènement de son fils, Alexandre IV, comme le veut la tradition. La période est troublée car les anciens généraux d'Alexandre, les Diadoques, luttent les uns contre les autres pour obtenir le contrôle de son empire. L'ancien commandant des hypaspistes, Séleucos, obtient la satrapie de Babylonie aux accords de Triparadisos en .

Six ans plus tard, Séleucos est chassé de la région par Antigone le Borgne qui vient de vaincre Eumène et cherche à réunifier l'empire à son profit. Il fuit vers l'Égypte et s'allie avec Ptolémée, Cassandre et Lysimaque. Leurs armées font mouvement, obligeant Antigone à déplacer ses troupes vers l'Asie mineure. Ptolémée et Séleucos entrent en Syrie en où ils battent Démétrios, le fils d'Antigone, à la bataille de Gaza. Cette victoire ouvre à Séleucos la route de Babylone dans laquelle il retourne triomphant l'année suivante, à l'automne.

Dans un premier temps, après l'assassinat du jeune Alexandre IV par Cassandre en , les événements continuent à être datés depuis le début de son règne, car la Macédoine n'a pas de nouveau roi indiscuté. Ce n'est qu'en , quand Séleucos est lui-même proclamé basileus (roi), qu'il fait commencer rétroactivement « son » ère à sa reconquête de Babylone six ans plus tôt. Comme son empire s'étend aussi sur la Perse, il se considère comme le « Grand roi », héritier des Achéménides[4].

Séleucos est assassiné par Ptolémée Kéraunos en et son fils Antiochos lui succède sur le trône. Pour des raisons qui n'ont pas été clairement élucidées, il choisit de continuer à faire dater les évènements depuis , une pratique reprise par ses successeurs et qui met en place « l'ère séleucide »[4]. Antiochos règne de 32 à 51 dans ce nouveau système.

Histoire

Le déclin des Séleucides qui suit le règne d'Antiochos IV permet à d'autres pouvoirs de revendiquer le début d'une nouvelle ère sur les territoires qu'ils lui prennent. À la fin du IIe siècle av. J.-C., les Parthes revendiquent le titre de Grand roi et utilisent un nouveau système dit « ère des Parthes » ou « ère arsacide » dont le début est antidaté à . À la même époque, Mithridate VI du Pont réclame aussi le prestigieux titre et inaugure une courte « ère pontique ». Dans l'est, vers , les Gréco-Bactriens font débuter une « ère bactrienne » suivie de l'« ère Saka »[N 1] après leur conquête par ce peuple[4].

Petit à petit, l'usage du calendrier séleucide ne se limite plus qu'à certaines parties du Levant, notamment en Syrie. C'est là que ce système va continuer à perdurer pendant des siècles, malgré la conquête de la région par les Romains[4]. Rédigée vers , la Chronique d'Édesse l'utilise encore mais avec une erreur de deux ans, car elle date le début de l'ère à . Le dernier évènement rapporté dans cette chronique est le sac d'Antioche par les Sassanides, en 850 (correspondant à l'an de l'ère chrétienne)[5].

Au VIIe siècle, la conquête de la région par les Arabes sonne le glas de l'ère séleucide, remplacée par le calendrier hégirien. Seules des Églises orientales continuent d'utiliser ce système, dans la liturgie, jusqu'au XIIe siècle[4]. Elle est encore utilisée de façon marginale au XXIe siècle[6].

Analyse et influence

La mise en place d'un tel système, linéaire et transcendant, est une première dans le monde antique. Le passage du temps devient quelque chose d'abstrait, qui n'est plus lié au cycle mort-avènement des souverains. À ce titre, il représente un tournant philosophique pour le monde grec et les civilisations qu'il influence[3].

Bibliographie

Notes et références

Notes

  1. Toujours utilisée aujourd'hui dans le calendrier national indien et d'autres systèmes d'Asie du Sud-Est.

Références

  1. Denis C. Feeney, Caesar's Calendar, University of California Press, Berkeley 2007, p. 139.
  2. Mimouni 2012, p. 331.
  3. (en) Kosmin, Paul J., « A Short Introduction to the Seleucid Era », CHS Research Bulletin, vol. 4, no 2, (lire en ligne, consulté le ).
  4. (en) « Seleucid Era », sur Encyclopædia Iranica (consulté le ).
  5. (en) « The Chronicle of Edessa », The Journal of Sacred Literature, vol. vol. 5, , p. 28-45 (lire en ligne, consulté le ).
  6. Catherine Saliou, Le Proche-Orient : De Pompée à Muhammad, Ier s. av. J.-C. - VIIe s. apr. J.-C., Belin, coll. « Mondes anciens », , 608 p. (ISBN 978-2-7011-9286-4, présentation en ligne), II. Vivre au Proche-Orient romain, chap. 8 (« Mémoires et imaginaires »), p. 476.

Article connexe

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