Neuroleptique

Les neuroleptiques (du grec neuron, nerf et leptos, qui affaiblit) encore appelés antipsychotiques (contre les symptômes florides des psychoses) sont des médicaments psychotropes utilisés pour leur effet tranquillisant majeur, anti-délirant et — pense-t-on — pour lutter contre la désorganisation des pensées. Ils sont utilisés notamment dans le traitement de certaines affections psychiatriques telles que la schizophrénie, les troubles bipolaires et certains autres syndromes comportant des hallucinations, un délire et de l'agitation psychomotrice. On admet généralement que les symptômes positifs de la schizophrénie (délires/hallucinations) répondent mieux aux neuroleptiques que les symptômes négatifs (retrait psychique, apragmatisme).

Une première génération de neuroleptiques connues sous le nom de neuroleptiques classiques ou typiques a été découverte en 1951 par Henri Laborit, il s'agit de la chloropromazine. La plupart des médicaments de seconde génération, connues sous le nom de "neuroleptiques atypiques" ont été développés récemment sauf la clozapine qui a été découverte en 1950 et testée en clinique dès 1970.

Ils sont aussi plus largement utilisés pour des usages hors autorisation de mise sur le marché[1] comme la lutte contre l'insomnie, l'anxiété ou syndrome de stress post-traumatique[2] du fait notamment de leur propriétés anxiolytiques[3].

Ils ont été utilisés contre les dissidents politiques en URSS[4].

Ils agissent au niveau de la transmission synaptique, en bloquant les récepteurs à la dopamine, notamment les récepteurs D2. Les plus récents agissent aussi sur les récepteurs à la sérotonine. La recherche actuelle vise principalement à diminuer leurs effets secondaires et à améliorer les symptômes négatifs.

Terminologie

La différence d'usage entre les termes neuroleptique et antipsychotique recouvre à la fois une dimension historique, linguistique mais aussi théorique[5]. Historiquement, le terme « neuroleptique » est apparu sous la plume des deux médecins français Jean Delay et Pierre Deniker découvreurs des effets antipsychotiques de la chlorpromazine. Le premier usage de ce terme daterait d'une publication de 1955[6]. Le mot tire son origine des radicaux « neuro- » (qui a trait aux nerfs, nerveux) et « -leptique » (qui affecte en calmant, dérivé du grec « saisir »)[7]. À l'époque, les termes « neuroplégique » (du grec ancien plettein, « frapper »), « ataraxique » (voir Ataraxie) ou « tranquillisant majeur » étaient aussi rencontrés, mais sont aujourd'hui tombés en désuétude. Le terme antipsychotique (qui date aussi des années 1950) fait référence plus précisément aux effets de ces médicaments sur les troubles psychotiques. Il s'est notamment imposé par la volonté des psychiatres américains de se débarrasser d'un terme connoté : le syndrome extra-pyramidal, dit aussi syndrome neuroleptique, était un effet secondaire gênant de ces médicaments. Ces deux termes sont donc souvent employés comme synonymes, les médecins français préférant le premier, alors qu'on trouve fréquemment utilisé le terme antipsychotique dans la littérature psychiatrique anglo-saxonne. Toutefois, l'apparition des neuroleptiques de deuxième génération a un peu modifié cet usage.

Les antipsychotiques typiques (dits encore "classiques", "traditionnels", "conventionnels", ou "de première génération"). Découverts dans les années 1950, ils sont de plus en plus remplacés par les antipsychotiques dits atypiques.

Histoire et société

Découverte : les neuroleptiques typiques

Le premier neuroleptique fut la chlorpromazine (molécule commercialisée sous le nom « Largactil »), utilisée dès les années 1950. Elle fut découverte en France par Henri Laborit, qui travaillait sur l’anesthésie. Durant ses premiers travaux, il avait mis au point, avec Pierre Huguenard, un « cocktail lytique » qui, combinant trois composés aux effets narcotique (protoxyde d'azote), antalgique (péthidine) et sédatif (prométhazine, un dérivé phénothiazinique), induisait un état d’« hibernation artificielle »[8]. Huguenard et Laborit avaient déjà noté que la prométhazine présente dans le « cocktail lytique » qu’ils utilisaient pour l’anesthésie induisait un « état d'indifférence du malade pour son environnement » (ou « ataraxie »). Ainsi, lors d'une opération de la face qui ne pouvait donc être accompagnée par une inhalation de protoxyde d'azote, ils purent observer le puissant effet d'une combinaison de péthidine et d'hydrochloride de diéthazine (un dérivé phénothiazinique, proche de la prométhazine) ; la patiente décrivit ainsi l’intervention : « Je sentais les coups de marteau et les ciseaux couper, mais comme si cela arrivait au nez d’un autre : cela m’était indifférent »[9].

Chez Rhône-Poulenc, le chimiste Paul Charpentier travaillait sur les propriétés anthelmintiques des dérivés phénothiaziniques (pour combattre la malaria), et c'est en qu’il synthétisa la chlorpromazine. Inspirés par les observations faites par Laborit sur les phénothiazines, les pharmacologues de Rhône-Poulenc (P. Koetschet, L. Julou et S. Courvoisier) notèrent une propriété remarquable de la chlorpromazine : chez l’animal, elle induisait un état de catalepsie, sans pour autant le paralyser. Au cours des deux années qui suivirent, les effets chez l’humain de la chlorpromazine furent évalués par différents médecins français : au Val-de-Grâce, Laborit fit tester la chlorpromazine par sa collègue psychiatre Cornelia Quarti, qui lui rapporta ressentir une impression de détachement. À l’hôpital Sainte-Anne, Jean Delay, Pierre Deniker et Jean-Marie Harl, qui avaient été alertés par les travaux de Laborit sur les effets psychoactifs des antihistaminiques, découvrirent qu’en plus de produire ce détachement psychologique, la chlorpromazine était aussi efficace sur les patients schizophrènes[10]. Ces propriétés antipsychotiques firent l’objet de publications, qui eurent un impact retentissant sur le traitement médical des psychoses. Confirmés par différentes équipes, les résultats de Delay, Deniker et Harl révolutionnèrent la thérapeutique psychiatrique en initiant ce que Deniker baptisa la psychopharmacologie.

Au cours des années qui suivirent, de nombreuses molécules neuroleptiques dérivées du noyau phénothiazine furent mises au point. Incidemment, c'est en voulant synthétiser un antihistaminique que les laboratoires suisses Geigy initièrent la deuxième révolution dans le domaine de la psychopharmacologie, avec l’imipramine, en 1957. En effet, cette molécule faillit être abandonnée, car ses effets antipsychotiques étaient relativement pauvres, jusqu'à ce que Roland Kuhn, l’ayant testé sur des malades dépressifs, constate son effet antidépresseur. L’imipramine devint ainsi le premier antidépresseur tricyclique.

Neuroleptiques de deuxième génération

Article détaillé : Neuroleptique atypique.

Les neuroleptiques atypiques (aussi appelés neuroleptiques « de deuxième génération », ou simplement neuroleptiques) désignent une sous-classe pharmacologique des neuroleptiques utilisés dans le traitement médicamenteux de troubles psychiatriques. Ils sont en particulier utilisés dans le traitement de la schizophrénie, mais aussi pour d'autres types de psychoses. Le qualificatif « atypique » est utilisé pour distinguer ces médicaments des neuroleptiques « typiques ». En effet, les neuroleptiques atypiques seraient plus spécifiques (moins d'effets indésirables, notamment moteurs), parfois plus efficaces (notamment sur les schizophrénies dites « résistantes » ainsi que sur les symptômes négatifs de la schizophrénie). En tant qu'antagonistes de la dopamine, les effets secondaires des neuroleptiques atypiques sont à peu près les mêmes que ceux des antidépresseurs sédatifs, par exemple la prise de poids, un diabète, une hypertension artérielle.

Justice et neuroleptiques

Les procès et recours collectif (« class action ») deviennent légion à travers le monde. Ainsi, 28 000 personnes ont été indemnisées par Lilly pour que cessent les poursuites relatives à l’olanzapine (Zyprexa)[réf. nécessaire].

La quétiapine fait l'objet de class action, ainsi que la rispéridone, tandis qu'en Europe la veralipride (Agréal) (un neuroleptique utilisé contre les bouffées de chaleur) a été interdit et le laboratoire poursuivi.

De nombreuses plaintes sont déposées par les États des États-Unis contre les laboratoires pharmaceutiques (Lilly, AstraZeneca, Johnson & Johnson, Pfizer…) concernant « des actions alléguées de corruption ou de désinformation dans la promotion d'antipsychotiques atypiques »[11],[12].

Principaux neuroleptiques

  • Neuroleptiques « cachés » (neuroleptique ou contenant un neuroleptique)[13].
    • Antinauséeux :
      • le métoclopramide trouvé dans le Primperan, Anausin, Cephalgan, Chlorhydrate de métoclopramide Renaudin (sol inj), Métoclopramide Merck, Migpriv, Prokinyl LP
      • la métopimazine (Vogalene)
    • Somnifères (antihistaminiques possédant des propriétés antidopaminergiques) :
    • Traitement non hormonal des bouffées de chaleur :
    • Problèmes neuropsychiatriques :
      • le sulpiride (Dogmatil)
      • la cinnarizine (Sureptil), déficit cognitif et neurosensoriel du sujet âgé

Mécanismes d'action

Les neuroleptiques agissent sur les neurones, plus spécifiquement sur les récepteurs des neurotransmetteurs. Les neurotransmetteurs permettant aux neurones de communiquer. Le neurotransmetteur le plus particulièrement visé est la dopamine. Les neuroleptiques atypiques agissent principalement par antagonisme (blocage) des récepteurs dopaminergiques D2 et sérotoninergiques 5HT2A.

Toutefois, cette classification est un peu simpliste : en réalité, la plupart de ces molécules agissent globalement sur l'ensemble des récepteurs aux monoamines (dopamine, sérotonine, histamine, noradrénaline). Une grande partie d'entre elles (phénothiazines, clozapine, olanzapine), ont également un effet anticholinergique (action sur les récepteurs muscariniques), ce qui contribue à diminuer  ou tout du moins à masquer  leurs effets secondaires extrapyramidaux (ou pseudo-parkinsoniens).

En réduisant l'activité monoaminergique, les neuroleptiques diminuent l'intensité des émotions : peur, joie, colère, amour, désir, combativité, autres[réf. nécessaire]. Ils ralentissent le psychisme, notamment les fonctions imaginatives et intuitives (ils permettent ainsi de réduire les symptômes psychotiques et maniaques).

L'équilibre sérotonine/dopamine n'étant pas le même dans les différentes voies cérébrales, la double action des neuroleptiques atypiques permet d'obtenir des résultats différents dans ces différentes voies. Ainsi, par exemple, un neuroleptique atypique va augmenter l'activité dopaminergique au niveau de la voie mésocorticale alors qu'il la réduira au niveau de la voie mésolimbique (contrairement aux neuroleptiques classiques qui réduisent cette activité dans toutes les voies)[14].

Prescription

Indications

La principale indication est les syndromes délirants notamment dans la schizophrénie. Les neuroleptiques atténuent la symptomatologie dissociative et discordante[15]. Ces traitements ne sont pas curatifs, ils sont symptomatiques : ils n'agissent pas sur la cause de la pathologie mais sur ses conséquences. Dès lors, l'arrêt du traitement entraîne la réapparition des symptômes, et l'apparition de nouveaux symptômes, dû au syndrome de sevrage.

Contre-indications

La contre indication absolue aux neuroleptiques est l'hyperthermie. Dans ces cas de fièvre, même légère (38°), les neuroleptiques peuvent causer un syndrome malin et entrainer le décès du patient. Lorsque ce dernier est déjà sous neuroleptiques et qu'une hyperthermie est remarquée, le traitement est immédiatement arrêté.

Les contre-indications relatives des neuroleptiques sont

  • syndrome de QT long
  • une allergie à ce neuroleptique
  • un antécédent de syndrome malin des neuroleptiques avec ce neuroleptique
  • une pathologie neurologique évolutive notamment une maladie de Parkinson (sauf la clozapine)

Efficacité

Tous les antipsychotiques sont d'efficacité équivalente, seuls changent les effets secondaires. Seule la clozapine semble avoir une efficacité supérieure. Elle est recommandée en cas d'échec de deux traitements neuroleptiques bien conduits.

À court terme (1-12 mois), les neuroleptiques sont efficaces pour réduire les symptômes de la schizophrénie chez 70 % des patients environ : les 30 % restants ne répondent pas ou peu aux neuroleptiques[16].

À moyen terme (12-24 mois), l'efficacité des neuroleptiques diminue à cause de l'accoutumance. Selon certaines études, les neuroleptiques restent efficaces à moyen terme[17],[18] , selon d'autres, le taux de rechute des patients dans la psychose est plus élevé avec les neuroleptiques[19],[20],[21],[22].

À long terme (au-delà de 2 ans) peu d’études ont été réalisées. La première étude (non-randomisée) montre un taux de rétablissement nettement supérieur chez les patients ayant arrêté les neuroleptiques par rapport à ceux ayant continué (40 % vs 12,5 % après 7 ans et demi, 40 % vs 5 % après 15 ans)[23],[24]. La deuxième étude (randomisée) montre un taux de rétablissement sensiblement supérieur chez les patients ayant suivi un protocole de sevrage progressif par rapport à ceux ayant poursuivi le traitement en continu (40 % vs 18 % après 7 ans)[25].

En 2015, Une revue systématique de la littérature scientifique arrive à la conclusion qu'il n'existe pas de preuve d'efficacité des neuroleptiques au-delà de deux ans, par rapport à l'absence de traitement, mais pas de preuve d'aggravation du pronostic non plus[26]. Cette revue est à la fois saluée et critiquée par Robert Whitaker, qui l'avait suscitée; saluée parce que c'est une des rares revues analysant la base de preuves réelles, et critiquée parce qu'elle entre en contradiction avec sa propre revue de la littérature, qui conclut que l'usage des neuroleptiques aggrave le pronostic à long terme[27].

Effets secondaires

Les neuroleptiques produisent une grande variété de troubles sévères et fréquents[28]. Ces effets dépendent de la sensibilité de la personne et s'atténuent parfois avec le temps, sinon par la prise de médicaments complémentaires.

Neurologiques

  • Un risque particulièrement grave mais rare de tout neuroleptique notamment est l'apparition d'un syndrome malin des neuroleptiques qui peut engager le pronostic vital. Au vu d'un taux sous-évalué de 1 %, Maxmen et Ward (1995, p. 33) estiment que 1 000 à 4 000 morts aux États-Unis résultent chaque année du syndrome malin des neuroleptiques[28]. La fréquence de ce syndrome est difficile à déterminer précisément car aucune étude détaillée n'a été entreprise. A minima, des coups de chaleur sont plus fréquents sous neuroleptiques[29].
  • L'akathisie
    Une autre variante de dyskinésie tardive (TD) est l'akathisie tardive. L'individu est virtuellement torturé de l'intérieur, dans son corps, par une sensation d'irritabilité, souvent au point de souffrir constamment[28]. Elle se traite par la prescription d'une benzodiazépine ou/et d'un bêta-bloquant.
  • spasmes musculaires (dystonies)[28]
  • certains symptômes moteurs de type parkinsonien (troubles de coordination, tremblements, mouvements involontaires du visage)
  • Les neuroleptiques pourraient engendrer une diminution de la taille du cerveau s'ils sont pris longtemps[30],[31], affectant irrémédiablement les capacités cognitives des patients[32] et la mémoire.

Effets sur le système nerveux autonome

  • une hypotension orthostatique, sécheresse de la bouche, constipation, rétention d'urine (affection prostatique),

Métaboliques et endocriniens

Psychiques

Les antipsychotiques engendrent souvent un ralentissement cognitif (troubles cognitifs, lenteur idéative...). Ils peuvent favoriser une dépression, une anhédonie (incapacité à prendre du plaisir), notamment les neuroleptiques typiques. Les neuroleptiques peuvent engendrer une désinhibition (aripiprazole ; dans une moindre mesure, olanzapine[35]). Certains patients rapportent que l'effet de ces médicaments est désagréable. Les neuroleptiques peuvent induire des dysfonctionnements familiaux graves : le patient néglige les soins affectifs et éducationnels envers sa parentèle, travaille avec difficulté. Sous neuroleptiques, les facettes de sa personnalité peuvent être modifiées (exemple, le patient peut être avare sous neuroleptiques et dépensier naturellement). Enfin, notons que les neuroleptiques peuvent avoir des effets paradoxaux (psychose de rebond)[36].

Accoutumance

Bien qu'on ne puisse pas parler de dépendance pour les neuroleptiques, (puisqu'ils ne provoquent pas de plaisir), un phénomène d'accoutumance peut se produire[37], justifiant une perte d'efficacité sur le long terme, et souvent une augmentation de dose.

Autres

Utilisation hors AMM

Les neuroleptiques de première génération et neuroleptiques atypiques sont associés avec une importante augmentation de la mortalité. L'étude DART-AD sur des patients atteints d'Alzheimer a montré qu'après trois ans 30 % des patients sous neuroleptiques sont encore en vie contre 59 % pour les patients sous placebo[38]. Cette augmentation est aussi rencontrée dans les traitement de démence[39] et de schizophrénie[40],[41]. Elle est moins importante pour les neuroleptiques atypiques[42],[43]. Les deux causes principales de mortalité sont la mort subite dont le risque s'estompe à l'arrêt du traitement[44] et l'infection due à la suppression de la moelle osseuse avec compromission du système immunitaire. Le Dr David Healy, expert psychopharmacologiste, a fait remarquer que le taux de suicide, de mort et de tentatives de suicide liées au Zyprexa ayant eu lieu pendant les essais cliniques de pré-commercialisation a été « plus élevé que tout autre médicament psychotrope dans l'histoire »[45].

Les neuroleptiques, typiques ou atypiques, ont été fréquemment employés de manière empirique, hors AMM - sans que l’efficacité ou la sécurité aient été formellement évaluées -, pour calmer l’agitation, chez les patients déments agités. Or la prescription hors AMM expose à un risque accru d'effets secondaires : ce n’est par exemple que récemment, notamment avec le développement de la rispéridone et l’arrivée des neuroleptiques atypiques que les études contrôlées à large échelle ont souligné l’augmentation de mortalité par les neuroleptiques dans cette population[46]. Les effets secondaires sont ressentis de la même façon par les malades que par les personnes saines. Les opposants placés en psychiatrie en URSS dans les années 1970 ont su décrire leur supplice qui est le même que celui des malades[47]. Les effets secondaires ont pu occulter la guérison par leurs symptômes.

Sevrage

Comme l'alcool, l'arrêt brutal des neuroleptiques peut provoquer des hallucinations et des bouffées délirantes, jusqu'à plusieurs mois après la fin du traitement. Ces effets secondaires ont longtemps été confondus avec une "rechute" dans la maladie, jusqu'à ce qu'il soit prouvé qu'un sevrage progressif réduisait drastiquement le taux de réadmission des schizophrènes dans les hôpitaux psychiatriques[48].

Face à la question du sevrage, le British National Formulary, équivalent britannique de l'ordre des médecins, a recommandé à ses membres, qu'en cas de sevrage, celui-ci soit effectué progressivement, notamment afin d'éviter des symptômes de sevrage comme l'insomnie, les nausées, l'angoisse et ce qui est nommé dans la littérature médicale anglophone, le “withdrawal psychosis” (psychose de sevrage) ou "supersensitivity psychosis"(psychose d'hyper sensibilité), attribués à une augmentation de la sensibilité des récepteurs cérébraux de dopamine, due au blocage antérieur de ces récepteurs par les neuroleptiques. Le british national formula recommande donc, un sevrage progressif même pour passer d'un traitement neuroleptique à un autre[49].

Cette psychose lié au sevrage a été évoqués essentiellement par des auteurs anglophones, mais quelques auteurs francophones l'évoquent, tout en réaffirmant la nécessité de ces traitements[50].

Bien que l'apport de ces traitements ne soit pas remis en cause par le corps médical, en Grande-Bretagne, certains professionnels, recommandent une approche basée sur la réduction des risques, similaire à celles utilisées pour aider les personnes usagères de drogues, afin d'accompagner les personnes souhaitant arrêter de toute façon leur traitement, avec comme objectif celui de diminuer la brutalité du sevrage, y compris en termes psychologiques et neurologiques[51],[52].

Impact social de la prise de neuroleptiques

Les neuroleptiques sont des traitements aux effets primaires et secondaires lourds et ils handicapent fortement les personnes qui en prennent, tant au niveau psychique que somatique, cela sans aucune promesse guérison de la psychose puisque le traitement est purement symptomatique. Il en résulte un très fort taux de non-adhésion au traitement, les patients ne prenant en moyenne que 58 % de leur prescription[53]. À long terme, 50 % des schizophrènes suivis en psychiatrie cesseront de prendre, ou n'auront jamais pris de neuroleptiques[54].

Cela soulève des difficultés, des conflits, et bien souvent un arrêt brutal du traitement qui conduit à une psychose de sevrage et une ré-hospitalisation d’urgence.

Lors des soins sans consentement, les pilules et les injections forcées de neuroleptiques matérialisent le rapport de domination qu'exercent la famille et la psychiatrie sur le patient.

La prise de neuroleptiques favorise la prise de poids et augmente le risque de dyskinésie tardive. Autant la dyskinésie tardive, qui perturbe de façon grotesque les traits du visage ou les mouvements du corps, que l’obésité ont un effet sur l’apparence et sur les relations sociales. À long terme, les schizophrènes qui prennent des neuroleptiques subissent un retrait social plus prononcé que ceux qui n'en prennent pas ou plus[55]:

Au bout de 10 ans :

Emploi Avec neuroleptiques Sans neuroleptique
 Employé 39 % 63 %
 Chômeur 11 % 25 %
 Inactif, pension d’invalidité 50 % 12 %
Statut marital
 Marié ou en concubinage 28 % 42 %
 Célibataire 72 % 58 %

Notes et références

  1. http://www.ahrq.gov/news/press/pr2011/ehcofflabelpr.htm
  2. http://www.pharmalot.com/2012/06/the-us-military-and-off-label-antipsychotic-use/
  3. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/8834417
  4. Marc Epstein et Alla Chevelkina, « Ces dissidents qu’on dit encore fous », Grands-reporters.com (consulté le 5 août 2012)
  5. Sur ce sujet, voir aussi l'article What’s in a name? The evolution of the nomenclature of antipsychotic drugs, Caroline King and Lakshmi N.P. Voruganti, J Psychiatry Neurosci. 2002 May; 27(3): 168–175.
  6. Delay et Deniker (1955), Bull. de l'Acad. Nat. de Méd., 139, 145 ds NED Suppl.2.
  7. Deniker P., Qui a inventé les neuroleptiques ? Confrontations Psychiatriques, 1975, no 13, p. 7-17.
  8. Laborit H, Huguenard P., L’hibernation artificielle par moyens pharmacodynamiques et physiques, Presse med 1951;59:1329.
  9. « Traitement de la psychose : une histoire mouvementée »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?) (consulté le 8 avril 2013), A. Mastropaolo C. Bryois. Revue Médicale Suisse.
  10. Delay J, Deniker P, Harl JM., Traitement des états d’excitation et d’agitation par une méthode médicamenteuse dérivée de l’hibernothérapie, Anr Med-psychol 1952;110:267–73.
  11. Antipsychotiques atypiques : procès États des États-Unis
  12. Prescrire, la rédaction, « Frapper au portefeuille », Rev Prescrire, vol. 30, no 324, , p. 777 (ISSN 0247-7750, lire en ligne)
  13. Les Neuroleptiques « cachés »
  14. Stephen M. Stahl, Psychopharmacologie essentielle, Médecine-Sciences Flammarion)
  15. (en) KAPSAMBELIS V, « Classifications cliniques des neuroleptiques: étude critique et perspectives actuelles. », Encéphale, , p. 63-70
  16. Patients with poor response to antipsychotics have a more severe pattern of frontal atrophy: a voxel-based morphometry study of treatment resistance in schizophrenia
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    « Addressing non-adherence to antipsychotic medication: a harm-reduction approach. »
  52. «article en ligne gratuitement ici»
  53. Cramer, J. A., & Rosenheck, R. (1998). Compliance With Medication Regimens for Mental and Physical Disorders. Psychiatric Services, 49(2), 196‑201. https://doi.org/10.1176/ps.49.2.196.
  54. Courtenay M. Harding, Ph.D., George W. Brooks, M.D., Takamaru Ashikaga, Ph.D., John S. Strauss, M.D., and Alan Breier, M.D. (1987) http://psychrights.org/research/digest/chronicity/vermont2.pdf The Vermont Longitudinal Study of Persons With Severe Mental Illness, II: Long-Term Outcome of Subjects Who Retrospectively Met DSM-III Criteria for Schizophrenia]. Am J Psychiatry 14M, Jun, 1987.
  55. Moilanen J. Haapea M., Miettunen J., Jääskeläinen E., Veijola J., Isohanni M., Koponen H. (2013) http://www.europsy-journal.com/article/S0924-9338(11)00114-3/fulltext Characteristics of subjects with schizophrenia spectrum disorder with and without antipsychotic medication – A 10-year follow-up of the Northern Finland 1966 Birth Cohort study] DOI:https://dx.doi.org/10.1016/j.eurpsy.2011.06.009

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean-Noël Missa: Naissance de la psychiatrie biologique, PUF, 2006, (ISBN 2-13-055114-9)
  • J.-P. Olié, D. Ginestet, G. Jollès, H. Lôo (sous la dir. de), Histoire d'une découverte en psychiatrie. 40 ans de chimiothérapie neuroleptique, Doin, 1992
  • Peter.R.Breggin et David Cohen, M.D et PhD de Psychiatrie, Your drug may be your problem. Comment et pourquoi arrêter les drogues psychiatriques., Da Capo Press, juillet 2000
  • David Cohen (PhD), Suzanne Cailloux-Cohen, AGIDD-SMQ, Guide critique des médicaments de l'âme, Les éditions de L'Homme, 1996.
  • Blog d'un chercheur sur les neuroleptiques
  • Psychopharmacologie essentielle : bases neuroscientifiques et applications pratiques, Stahl

Article connexe

  • Catégories de médicaments

Liens externes

Histoire des neuroleptiques

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