Vulcan (fusée)

Vulcan est un lanceur lourd américain développé depuis 2015 par United Launch Alliance (ULA) pour remplacer à la fois les fusées Atlas V et Delta 4. L'objectif est d'abaisser le coût de ses lancements dans un marché devenu plus concurrentiel mais également de ne plus être dépendant du motoriste russe qui fournit le moteur RD-180 propulsant le premier étage de l'Atlas V. Le lanceur dans sa configuration la plus puissante est capable de placer une charge utile de 14,4 tonnes en orbite de transfert géostationnaire et de 27,2 tonnes en orbite basse. Le vol inaugural est programmé en 2023[1].

Pour les articles homonymes, voir Vulcan.

Ne doit pas être confondu avec Vulcain (moteur-fusée).

Vulcan
Lanceur spatial lourd

Version à 6 propulseurs d'appoint
Données générales
Pays d’origine États-Unis
Constructeur United Launch Alliance
Premier vol 2023
Hauteur 57,2 m
Diamètre 5,4 m
Masse au décollage 617 tonnes
Étage(s) 2
Base(s) de lancement Cape Canaveral
(complexe 41)
Vandenberg
(complexe 3)
Charge utile
Orbite basse 10,6 à 27,2 tonnes
Transfert géostationnaire (GTO) 2,9 à 14,4 tonnes
Motorisation
Propulseurs d'appoint 2 à 6 GEM-63XL
1er étage CCB : 2 x BE-4 Méthane / Oxygène
2e étage Centaur-5 : 2 x RL-10C-X

Contexte

United Launch Alliance (ULA) est une coentreprise américaine entre Boeing et Lockheed Martin qui produit les lanceurs spatiaux moyen/lourd Atlas V et Delta IV. Ces deux lanceurs ont été développés à la fin des années 1990 dans le cadre du programme EELV de l'Armée de l'Air américaine. Celle-ci souhaitait disposer de nouveaux moyens de lancement pour ses satellites. Pour des raisons liées à la fois aux exigences de l'armée (notamment le maintien de pas de tir redondants sur les côtes est et ouest), aux cadences de tir limitées pour la Delta 4 et à l'existence du marché captif des satellites militaires, le coût de ces lanceurs est très élevé, ce qui les tient à l'écart du marché des satellites commerciaux. En dehors des satellites militaires le principal débouché est constitué par les satellites scientifiques de la NASA (notamment ses sondes spatiales).

Au début des années 2010, deux événements remettent en cause la position d'ULA sur le marché des lanceurs[2] :

  • L'apparition du concurrent SpaceX qui propose à des prix attractifs le lanceur moyen Falcon 9 et développe le lanceur lourd Falcon Heavy qu'il annonce vouloir commercialiser à un tarif qu'ULA ne peut égaler.
  • Le lanceur Atlas V utilise pour son premier étage un moteur RD-180 très performant mais fourni par un constructeur russe. Le regain de tension entre les États-Unis et la Russie lié au conflit en Ukraine en 2014 s'est traduit par un embargo économique partiel. Dans ce contexte, le Congrès américain porte une appréciation négative sur le fait que le lancement de satellites jouant un rôle important dans la sécurité de la nation dépende d'un fournisseur russe.

ULA réagit en annonçant le le développement d'un nouveau lanceur, baptisé Vulcan, qui doit remplacer à la fois les fusées Atlas V et Delta IV. L'objectif est de rétablir sa compétitivité vis-à-vis de ses concurrents et de mettre fin à sa dépendance vis-à-vis de son fournisseur russe. Le prix de vente annoncé est de 100 millions US$ pour la version de base et de 200 millions US$ pour la version lourde. Ces prix sont à comparer à ceux des lanceurs existants d'ULA : 164 millions US$ pour l'Atlas V 401 et 400 millions US$ pour la Delta IV Heavy. L'innovation la plus marquante du nouveau lanceur est le recours à un moteur-fusée complètement nouveau et en cours de conception, le BE-4, pour propulser le premier étage du lanceur. Le BE-4 a recours pour la première fois dans un moteur-fusée de cette taille au mélange Méthane/Oxygène. Par ailleurs, il n'est pas produit par le constructeur historique Aerojet Rocketdyne mais par Blue Origin. ULA, pour limiter les risques, se réserve toutefois la possibilité d'utiliser à la place l'AR-1, un moteur équivalent développé par Aerojet Rocketdyne, mais brûlant le mélange classique RP-1/LOX, si la mise au point du BE-4 s'avère problématique[3]. En , ULA annonce qu'elle sélectionne définitivement le moteur-fusée BE-4 et qu'elle abandonne complètement l'idée de recourir à l'AR-1[4].

Caractéristiques techniques

Performances des différentes versions[5]
Caractéristique Vulcan Centaur Vulcan Centaur Heavy
Propulseurs d'appoint 0 246 6
Deuxième étage Centaur Centaur allongé
GTO 2,9 t.7,6 t.10,8 t.13,6 t.14,4 t.
Polaire 8,3 t.15 t.19,5 t.23,2 t.24 t.
Basse 10,6 t.18,5 t.17,8 t.27,4 t.27,2 t.
ISS 9 t.16,1 t.21 t.25,3 t.26,2 t.
Orbite basse (200 km, inclinaison 28,7°), orbite polaire
(200 km, 90°), Orbite de l'ISS (407 km, 51,6°)[6]

Le lanceur Vulcan comprend dans sa version de base un étage propulsé par deux moteurs-fusées BE-4, un deuxième étage Centaur dans une version élargie et deux propulseurs d'appoint à propergol solide GEM-63XL. Deux versions plus puissantes sont disponibles, toutes deux utilisant 6 propulseurs d'appoint GEM-63XL, tandis que la version la plus lourde dispose d'un étage Centaur allongé avec des moteurs plus puissants. À côté de ces versions standards, le constructeur propose de manière optionnelle des versions comprenant 0 ou 4 propulseurs d'appoint. Les performances du lanceur lui permettent d'égaler celles de la version de la Delta 4 la plus puissante. Le lanceur a une hauteur totale de 61,6 mètres (coiffe courte), 67,4 mètres (coiffe longue) ou 69,2 mètres (version Heavy avec coiffe longue)[7],[8].

Premier étage

Le premier étage est long de 33,3 mètres pour un diamètre de 5,4 mètres. Les deux réservoirs sont autoporteurs et formés d'un cylindre et de deux dômes en aluminium orthogrille. Le premier étage est propulsé par deux moteurs-fusées BE-4 fournissant ensemble une poussée au décollage de 499 tonnes contre 422 tonnes pour le moteur RD-180 de l'Atlas V. Ce moteur brûle un mélange méthane/oxygène, une première dans le domaine des lanceurs, qui permet d'envisager des lancements réutilisables 25 fois. Il utilise un cycle à combustion étagée très performant lui permettant d'atteindre une impulsion spécifique de 355 secondes dans le vide. La pression dans la chambre de combustion est de 134 bars[9],[7].

Second étage

Un moteur-fusée RL-10 de type B-2.

Dans un premier temps, le lanceur doit utiliser une version modifiée du second étage Centaur déjà mis en œuvre sur les lanceurs existants. La version utilisée par le lanceur Atlas V (Centaur 3) a un diamètre est de 3,8 mètres. La version utilisée par le lanceur Vulcan (Centaur 5) a un diamètre porté à 5,4 mètres pour une longueur de 11,7 m et elle peut emporter 54 tonnes d'ergols. L'étage est propulsé par deux RL-10C d'Aerojet Rocketdyne. Une nouvelle version de cet étage doit être développée pour la version lourde (heavy) de Vulcan. Cette version comporte des réservoirs allongés (11,7 ==> 13,6 m.) et utilise une version plus puissante du RL-10 (RL-10CX). Alors que la version actuelle de ce moteur-fusée est réalisée complètement manuellement (la paroi est réalisée en soudant des tubes les uns aux autres, ce qui nécessite de nombreuses heures de main-d'œuvre), le processus de fabrication sera automatisé[10],[7].

L'étage ACES remplaçant futur de l'étage Centaur ?

À une échéance non fixée, l'étage Centaur doit être remplacé par un nouvel étage baptisé ACES (en). Celui-ci utilisera les mêmes ergols cryogéniques que l'étage Centaur (oxygène et hydrogène liquide) et aura comme celui-ci recours à des réservoirs-ballons (réservoirs aux parois minces qui ne conservent leur intégrité qu'en étant maintenus en permanence sous pression). Trois moteurs-fusées sont envisagés pour sa propulsion : une version évoluée du RL-10 d'Aerojet Rocketdyne qui propulse l'étage Centaur, le BE-3U proposé par Blue Origin ou un moteur XR-5K18 de XCOR Aerospace. L'atout d'ACES est son système de récupération de l'hydrogène et de l'oxygène gazeux qui est généré en vol par le réchauffement progressif des réservoirs et qui normalement est largué. Ces gaz seront récupérés et utilisés à la fois pour pressuriser les réservoirs (pressurisation autogène), produire de l'électricité et alimenter le système de contrôle d'attitude. Ce système baptisé Integrated Vehicle Fluids System doit permettre de prolonger à plusieurs semaines la durée de fonctionnement de l'étage supérieur contre actuellement quelques heures. Un tel système permet par exemple de placer en orbite un étage destiné à être utilisé par un vaisseau spatial lancé dans un deuxième temps dans le cadre d'une mission interplanétaire.

Propulseurs d'appoint

Le lanceur Vulcan dispose selon les versions de 2 à 6 propulseurs d'appoint GEM-63XL à propergol solide, plus puissants que ceux utilisés par le lanceur Atlas. Ceux-ci sont longs de 21,9 mètres pour un diamètre de 1,6 mètre. L'enveloppe est réalisée en graphite-époxy. Ils sont allumés au décollage et sont éjectés environ 90 secondes plus tard[7].

Coiffe

Le lanceur dispose de deux modèles de coiffe pour protéger la charge utile d'un diamètre de 5,4 mètres qui se différencient par leur longueur (15,5 m et 21,3 m.). La coiffe est composée de deux demi-coques constituées d'un sandwich composite comprenant une structure en nid d'abeilles d'aluminium avec des panneaux en graphite époxy[7].

Comparaison avec les lanceurs existants ou en cours de développement

Comparaison des caractéristiques et performances des lanceurs lourds développés durant la décennie 2010[11],[12],[13],[14],[15],[16],[17],[18],[19].
Charge utile
Lanceur Premier vol Masse Hauteur Poussée Orbite basse Orbite GTO Autre caractéristique
Vulcan (Heavy)2023566 t57,2 m10 500 kN27,2 t14,4 t
New Glenn202282,3 m17 500 kN45 t13 tPremier étage réutilisable
Falcon Heavy (sans récupération)20181 421 t70 m22 819 kN64 t27 tPremier étage réutilisable
Space Launch System (Bloc I)20212 660 t98 m39 840 kN95 t
Ariane 6 (64)2022860 t63 m10 775 kN21,6 t11,5 t
H3 (24L)2021609 t63 m9 683 kN6,5 t
OmegA (Heavy)2021 (annulé)60 m10,1 tProjet abandonné
Falcon 9 (bloc 5 sans récupération)2018549 t70 m7 607 kN22,8 t8,3 tPremier étage réutilisable
Longue Marche 52016867 t57 m10 460 kN23 t13 t

Récupération des moteurs du premier étage

Pour abaisser les coûts, ULA envisage de récupérer les moteurs-fusées du premier étage et, après les avoir remis en état, de les réutiliser. La technique utilisée est baptisée SMART, (Sensible, Modular, Autonomous Return Technology) : Après séparation du premier étage, le compartiment moteur se détache et rentre dans l'atmosphère protégé par un bouclier thermique gonflable. Des parachutes sont déployés pour ralentir cet ensemble qui est récupéré en vol par un hélicoptère. Le coût du lanceur résultant serait de 100 millions US$, soit 65% inférieur au coût des lanceurs actuels d'ULA ayant une capacité identique[8].

Développement

Le jour du lancement de son nouveau lanceur Vulcan le , ULA annonce le planning suivant [3] :

  • Un appel d'offres en 2015 auprès des deux spécialistes Aerojet Rocketdyne et Orbital ATK pour développer de nouveaux propulseurs d'appoint à propergol solide plus puissants que ceux utilisés par les lanceurs actuels.
  • Le déploiement d'un nouveau lanceur en quatre phases. Dans sa première version, dont le premier vol devrait intervenir en 2019, seul le premier étage est nouveau. Le second étage ACES sera ensuite proposé et la récupération des moteurs se fera à partir de la troisième version. Enfin la dernière version permettra de réaliser le ravitaillement en orbite d'engins spatiaux.

Courant 2021, le premier vol du lanceur Vulcan est programmé en 2023. La charge utile de ce vol inaugural sera une charge utile militaire pour le compte de la National Security Space Launch[1]. Le deuxième vol doit emporter le cargo spatial Dream Chaser qui effectuera sa première mission de ravitaillement de la Station spatiale internationale à cette occasion. Cinq autres missions de cette petite navette spatiale doivent être réalisées grâce à la fusée Vulcan[20].

Installations de lancement

Le lanceur Vulcan pourra décoller depuis le complexe de lancement 41 de Cape Canaveral (Floride) ou depuis le complexe 3 de Vandenberg (Californie)[7].

Notes et références

  1. (en) Eric Ralph, « SpaceX CEO Elon Musk’s hat is safe after ULA Vulcan rocket launch slips to 2023 », sur teslarati.com, (consulté le )
  2. (en) Jonathan Amos, « ULA unveils Vulcan rocket concept », BBC,
  3. (en) Amy Butler et Frank Morring Jr, « ULA’s Vulcan Rocket Embraces Reusability, New Upper Stage », Aviation Week,
  4. (en) William Harwood, « Bezos rocket engine selected for new Vulcan rocket », sur https://spaceflightnow.com/,
  5. « ULA Rocket Rundown », sur ULA (consulté le )
  6. « Atlas V and Delta IV technical summary »
  7. « Vulcan Centaur », sur ula (consulté le )
  8. (en) Jason Davis, « United Launch Alliance Pulls Back Curtain on New Rocket », The Planetary Society,
  9. (en) Norbert Brügge, « New Glenn », sur Rockets (consulté le )
  10. (en) Eric Berger, « Getting Vulcan up to speed: Part one of our interview with Tory Bruno », sur Arstechnica,
  11. (en) Patric Blau, « Long March 5 Launch Vehicle », sur Spaceflight101.com (consulté le ).
  12. (en) Norbert Brügge, « SLS », sur Spacerockets (consulté le )
  13. (en) Norbert Brügge, « NGLS Vulcan », sur Spacerockets (consulté le )
  14. (en) Norbert Brügge, « Falcon-9 Heavy », sur Spacerockets (consulté le )
  15. (en) Norbert Brügge, « H-3 NGLV », sur Spacerockets (consulté le )
  16. (en) Norbert Brügge, « Ariane NGL », sur Spacerockets (consulté le )
  17. (en) Norbert Brügge, « B.O. New Glenn », sur Spacerockets (consulté le )
  18. Stefan Barensky, « Bezos et Musk : Course au gigantisme », Aerospatium,
  19. (en) Ed Kyle, « Orbital ATK Next Generation Launch », sur Space Launch Report,
  20. Stephen Clark, « Sierra Nevada selects ULA’s Vulcan rocket to launch Dream Chaser missions », sur spaceflightnow,

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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