Moteur-fusée

Le moteur-fusée est un type de moteurs à réaction, c'est-à-dire un engin qui projette un fluide (gaz ou liquide) vers l'arrière, ce qui transmet par réaction une poussée au véhicule solidaire du moteur, de force égale et de direction opposée, vers l'avant. Le moteur-fusée présente la particularité d'expulser une matière qui est entièrement stockée dans le corps du véhicule. Ce type de moteur est en particulier utilisé par les fusées car, étant autosuffisant, il peut fonctionner dans un milieu dépourvu d'atmosphère, mais également par les missiles car il permet d'atteindre des vitesses très importantes.

Principe d'action-réaction du moteur-fusée
Schéma en coupe d'un missile V2 première fusée opérationnelle à longue portée mettant en œuvre un moteur-fusée.

Généralement, un moteur fusée fonctionne en expulsant des gaz qui sont produits par une réaction chimique exothermique dans une chambre de combustion et qui sont accélérés par une tuyère de Laval. Les capacités d'un moteur-fusée sont principalement caractérisées par sa poussée, c'est‑à‑dire la force qu'il peut exercer, et son impulsion spécifique qui est la mesure de son rendement. Il existe de nombreuses catégories de moteurs-fusées : les principales sont les moteurs-fusées à ergols solides et les moteurs-fusées à ergols liquides.

Histoire

Si le principe de propulsion par la transformation d'énergie chimique en énergie cinétique est connu depuis l'Antiquité et les pièces d'artifice propulsées par poudre à canon depuis le IXe siècle, les moteurs à ergols liquides ne sont connus que depuis la fin du XIXe siècle. Ce n'est que dans les années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale que les moteurs à poudre et à ergols liquides prirent leur place, pour la propulsion de missiles et de fusées spatiales. Depuis, on n'a cessé de les perfectionner et au début du XXIe siècle, leur emploi reste primordial pour la propulsion spatiale. Afin de pallier leur défauts, on recherche des solutions alternatives, par exemple pour la propulsion de sondes spatiales ou l'accélération atmosphérique par d'autres moteurs, plus ou moins proches : superstatoréacteur, moteur ionique ou VASIMR.

Principe de fonctionnement

Le moteur-fusée est le type de moteur au principe de fonctionnement le plus simple : deux ergols brûlent dans une chambre de combustion, sont accélérés par une tuyère de Laval et sont éjectés à grande vitesse par une tuyère.

Plusieurs caractéristiques s'appliquent aux moteurs-fusées :

  • l'Impulsion spécifique, exprimée en secondes, mesure la durée pendant laquelle un kilogramme d'ergol fournit une poussée d'un kilogramme-force, soit 9,80665 N. Plus elle est élevée, meilleur est le rendement massique du système, en termes de force exercée ; cependant, c'est la quantité de mouvement transmise au véhicule qui importe, de sorte que l'optimum énergétique ne s'obtient pas en maximisant l'impulsion spécifique.
Domaine de vol (vitesse en mach) et rendement (Impulsion spécifique) des différents types de moteurs à réaction. Le moteur-fusée a le domaine de vol le plus étendu mais le rendement le plus faible.
  • le débit massique, correspondant à la masse d'ergols consommée par unité de temps ;
  • la vitesse d'éjection des gaz, dont dépend indirectement la vitesse atteinte par le véhicule.
où:  
=  vitesse de sortie du flux, m/s
=  température totale du fluide, K
=  constante universelle des gaz parfaits = 8,3145 J/(mol·K)
=  masse molaire des ergols, kg/mol   
=  = rapport des capacités thermiques
=  Capacité thermique massique du gaz à pression constante
=  Capacité thermique massique à volume constant
=  pression statique de sortie en pascals
=  pression totale du gaz en pascals
  • La poussée, mesuré en newtons est calculée ainsi :

où:

débit massique en kilogrammes par seconde (kg/s)
vitesse de sortie en mètres par seconde
aire du flux à la sortie en mètres carrés (m²)
pression statique de sortie en pascals (Pa)
pression ambiante en pascals
  • Le rapport poids/poussée, qui représente le poids du moteur sur sa poussée. Plus le moteur est léger et plus sa poussée est importante, plus son rapport est avantageux.

Moteur à ergols solides

Il s'agit du modèle le plus simple et nécessitant très peu de moyens et de soins, les ergols solides pouvant être entreposés plusieurs années, faciles à transporter et peu chers. Pour toutes ces raisons, on le retrouve dans la plupart des missiles tactiques et balistiques et dans les propulseurs d'appoint. On utilise le terme de propergol pour désigner un mélange oxydant/réducteur autonome de ce type de moteur.

La combustion se déroule idéalement en couches parallèles. La géométrie initiale du bloc de propergol fixe alors la loi d'évolution de surface du bloc, donc sa loi de débit et de poussée. Les géométries les plus courantes sont :

  • à combustion frontale : le bloc brule "en cigarette", c’est-à-dire avec une surface de combustion faible en regard du volume mais constante ;
  • avec un canal : un canal est pratiqué dans l'axe du bloc et la combustion évolue radialement. Le canal peut être axisymétrique ou présenter un motif particulier, en étoile, en U ou rond.
Schéma d'un moteur à poudre

Les propergols les plus courants sont :

D'autres combinaisons peuvent être réalisées, dans la plupart des cas, avec un ou plusieurs des éléments cités ci-dessus.

Pour donner un exemple de la complexité réelle (au-delà des informations de base données plus haut), dans le cas, très médiatisé, des propulseurs d'appoint de la navette spatiale américaine, la mixture d'ergol dans chaque moteur de propulseur consiste en (% massiques) :

  • 69,6 % de perchlorate d'ammonium - le comburant / oxydant
  • 16 % d'aluminium - le carburant
  • 12,04 % de polymère qui permet de lier les deux composants
  • 1,96 % d'un agent de nettoyage époxy
  • 0,4 % d'oxyde de fer - catalyseur

Moteur à ergols liquides

Ces moteurs (par exemple booster d'Energia) utilisent des ergols stockés dans des réservoirs séparés, qui sont injectés dans une chambre de combustion puis éjectés par la tuyère, générant la poussée. Beaucoup plus performants que les modèles à ergols solides, ils sont néanmoins complexes à concevoir, à fabriquer et à utiliser. En 2011, pratiquement tous les moteurs de fusées et de vaisseaux habités sont de ce type. Un autre avantage des moteurs à ergols liquides est leur facilité de contrôle de la combustion, en effet, on peut régler la poussée et les éteindre et rallumer plusieurs fois de suite. Cette dernière caractéristique les rend très utiles pour les moteurs vernier.

Schéma de fonctionnement d'un moteur-fusée à ergols liquides classique.

Les principaux couples d'ergols sont :

Le refroidissement du moteur peut se faire de trois manières : soit par circulation d'un ergol (généralement le carburant) autour du moteur (premiers modèles), soit par pulvérisation interne du comburant sur la paroi (moteurs de dimensions réduites), soit en utilisant ces deux possibilités (moteurs principaux). Souvent, ces moteurs utilisent des ergols cryogéniques, liquides, stockés à très basses températures.

Chambre de combustion

La chambre de combustion est la partie où les ergols sont injectés et brulés. C'est également là que le refroidissement interne est réalisé. Ses dimensions dépendent du couple d'ergols et du type d'injecteurs.

Tuyère de Laval

La tuyère de Laval est la partie située entre la chambre de combustion et la tuyère. Elle sert à accélérer les gaz jusqu'à la vitesse du son.

Tuyère

La tuyère est la partie où les gaz accélèrent et sortent du moteur. Sa forme caractéristique est due au besoin d'adapter la pression du flux de sortie à la pression ambiante, pour des raisons de stabilité de combustion et de poussée. Cependant, en gagnant de l'altitude, le diamètre de sortie devrait s'élargir, ce qui est difficile à faire avec une configuration classique. Pour contrer ce problème, un nouveau type de tuyère est développée : la tuyère à compensation d'altitude, ou « aerospike ». Ce genre de tuyère a la particularité de laisser un large espace aux gaz, leur permettant de 'coller' aux changements de pression.

Moteurs à ergols hypergoliques

Les ergols hypergoliques ont la particularité de s'embraser spontanément lorsqu'ils sont mis en contact, ce qui permet de simplifier une partie du moteur, car le dispositif d'allumage devient alors superflu.

Exemple : le moteur de remontée du module lunaire du programme Apollo, les moteurs de manœuvre de la navette spatiale.

Moteurs à lithergols (propulsion hybride)

Schéma d'un moteur à lithergols

Ces moteurs utilisent un ergol solide et un autre liquide, généralement un carburant solide et un comburant liquide. On peut citer dans cette catégorie le moteur du vaisseau SpaceShipOne.

Moteurs à monergol

Les moteurs à monergol n'utilisent pour leur fonctionnement qu'un seul ergol, celui-ci à la particularité de s'auto-enflammer en présence d'un catalyseur ou d'une source de chaleur. Quelques moteurs fonctionnant principalement au peroxyde d'hydrogène ont vu le jour aux débuts de l'ère spatiale, ils sont encore utilisés dans la construction amateur.

Moteurs à triergol

Les moteurs à triergol utilisent trois ergols afin d'optimiser le compromis entre la poussée et le volume des réservoirs, cette configuration n'est pas opérationnelle. On peut citer par exemple le RD-701 russe, fonctionnant au mélange LOX-LH2-kérosène, qui devait équiper l'avion spatial MAKS.

Prospective

Moteurs-fusées nucléaires

Schéma d'un moteur nucléaire thermique.

La propulsion nucléaire spatiale applique la fission nucléaire aux moteurs-fusées, ils pourraient produire une poussée considérable et de longue durée. Aucun moteur de ce type n'a été utilisé (les grands risques d'accidents et de pollution ont empêché le développement de ces technologies).

Réservoir de combustible « autophage »

Selon le Journal of Spacecraft and Rockets (2018), des chercheurs anglais et ukrainiens ont proposé d'abandonner l'idée d'une chambre solide contenant un carburant liquide au profit d'une chambre solide elle-même constituée de carburant. Cette chambre « se mangerait elle-même » et la fusée s'allégerait un peu plus au fur et à mesure de la montée dans l'atmosphère. De premiers tests laissent penser que cette approche n'empêcherait pas un bon contrôle de la poussée (throttleability)[1].

Références

  1. Kollen Post (2018) « Leaner and meaner: rockets that eat themselves », Science News, 1er juin 2018.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Daniel Marty (préf. Daniel Mugnier), Systèmes spatiaux : conception et technologie, Paris, Masson, , 336 p. (ISBN 978-2-225-84460-7, OCLC 31138733)
  • Philippe Couillard, Lanceurs et satellites, Toulouse, Éditions Cépaduès, , 246 p. (ISBN 978-2-85428-662-5, OCLC 420071709)
  • (en) George Paul Sutton, History of liquid propellant rocket engines, Reston, American Institute of Aeronautics and astronautics, , 911 p. (ISBN 978-1-56347-649-5, OCLC 63680957)
  • (en) George P Sutton et Oscar Biblarz, Rocket Propulsion Elements 8e édition, Hoboken, N.J., Wiley, , 768 p. (ISBN 978-0-470-08024-5, lire en ligne)

Liens externes

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