Vierge de miséricorde

La Vierge de miséricorde[1] (dite aussi protectrice ou tutélaire, « du manteau », « de merci ») est une des variantes iconographiques de la peinture chrétienne du thème de la Vierge Marie.

Vierge de Miséricorde par le peintre toscan Vincenzo Tamagni, vers 1490 (conservée à Montalcino en Italie).

C'est un des thèmes classiques de la peinture gothique et byzantine qui signifie la bienveillance et la consolation de la Vierge Marie à l'égard des humbles et des faibles, et il a permis aux peintres médiévaux puis ceux de la Renaissance, d'exprimer de manière éloquente l'intercession protectrice de la mère du Christ pour les hommes (un point important de mariologie.)

Origines du motif de la Vierge au manteau dans l'iconographie médiévale

La première évocation de la Vierge Marie offrant la protection de son manteau à un groupe humain remonte à une vision d'un cistercien anonyme, relatée dans le Dialogus Miraculorum[2] rédigé entre 1217 et 1222 par Césaire de Heisterbach. Le récit relate que le moine blanc, ayant été enlevé en esprit pour contempler la gloire du ciel, constatât avec douleur qu'il ne s'y trouvait aucun membre de son ordre. S'en étant désolé auprès de la Vierge Marie, celle-ci ouvrit alors son manteau où se trouvait une multitude de frères et de nonnes et de son ordre.

Ce récit connut dès lors un franc succès chez les Cisterciens[3] puis chez les Dominicains[4] qui tentèrent de se l'approprier. Les premières représentations sont cependant arrivées plus tardivement (début du XIVe siècle) et ont rapidement quitté les seuls ordres monastiques pour se propager dans les milieux populaires, notamment grâce à la dévotion du rosaire qui s'appuya beaucoup sur l'image de la Vierge de Miséricorde.[5]

Cependant, une étude de Dominique Donadieu-Rigaut publiée dans les Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes montre que la figure de la Vierge au manteau a été confondue plus tardivement avec celle de la Vierge de miséricorde, puisque la première valorisait l'élection d'un groupe social (un ordre religieux ou une confrérie) auprès de la Vierge Marie, tandis que la seconde évoque plus explicitement le thème de la Miséricorde via la symbolique de protection qu'évoque le pallium de la Vierge.[6]

Le type iconographique de la Vierge de Miséricorde connaîtra un succès important en Italie, au XIVe et XVe siècle, dans le contexte des terribles épidémies de peste. Il met en effet l'accent sur la fonction médiatrice de la Vierge Marie qui intercède auprès du Christ en faveur de l'humanité souffrante: la croyance populaire attribuait au manteau virginal le pouvoir de protéger contre les flèches de la colère divine, et notamment celles de la peste: la Vierge de Miséricorde de Benedetto Bonfigli, (1464, galerie nationale de Pérouse, voir ci-contre) en est une illustration particulièrement éloquente puisqu'on y voit le somptueux manteau arrêter les flèches de la peste lancées par le Christ.[7]

Iconographie

Même s'il a été pratiqué par les primitifs italiens de la pré-Renaissance car il transforme la Vierge en majesté en Vierge consolatrice, plus humaine, le thème reste dans les normes byzantines (sans les innovations de la Renaissance naissante) :

  • La Vierge Marie est représentée symboliquement, plus grande que les autres personnages.
  • Elle est représentée debout, son manteau ouvert protégeant les autres personnages.
  • Parmi ces personnages figurent, des saints, des priants parmi lesquels souvent le donateur ou le commanditaire. Les ordres religieux des cisterciens à partir de la première moitié du XIVe siècle puis des dominicains ont d'abord été représentés parmi les priants, avant que le thème se répande à des confréries, et enfin à la société entière placée sous la protection du manteau de la Vierge.[8]
  • Le fond est doré par tradition de la représentation du Paradis idéalisé (sans dimensions mesurables).
  • Peu ou pas de représentation perspective.
Vierge au manteau d'hermine, 1417, Musée Crozatier
  • À remarquer que l'Enfant Jésus est rarement représenté, pour une raison sans doute pratique puisque dans la plupart des cas, la Vierge tient de ses bras écartés les deux pans de son pallium. De ce fait, la Vierge au manteau du musée Crozatier fait figure d'exception: les pans d'hermine sont tenus ouverts par Sainte Marie-Jacobé et Sainte Marie-Salomé[9]. L'Enfant Jésus peut également être représenté en figure: dans une mandorle, sur le long du bras, sur un médaillon...


Quelques peintres ayant peint une Vierge de miséricorde

Galerie

Digressions

Avec présence de l'Enfant :
Présence d'un fond paysagé
  • Vierge de La Chèze, accompagné d'infirmes, d'un moine, et de saint Louis-Marie Grignion de Montfort[12]

En sculpture

  • La Vierge de miséricorde de Veilly, bois sculpté peint dans la tradition gothique.
  • A Venise, de nombreux reliefs reprennent ce motif. Ils sont souvent placés aux tympans de portes extérieures d'édifices religieux. Par exemple, le magnifique relief sculpté par Bartolomeo Bono, pour la Scuola vecchia della Misericordia (aujourd'hui conservé au Victoria and Albert Museum à Londres)[13]. Le thème de la Vierge de miséricorde est parfois coloré par un motif propre à une congrégation. Ainsi par exemple, sur la façade du Palazzo Barbarigo, les deux pans du grand manteau protecteur sont fermés par un médaillon à l’emblème de la Scuola della Carità.
    Vierge de Miséricorde, Madona dell'Orto, Venise
    Vierge de Miséricorde par Bartolomeo Bono, Victoria and Albert Museum
  • La statue de Notre Dame des Îles la représente sans manteau et avec son enfant, mais a été érigée pour protéger les Hébrides extérieures de l'Écosse.

Notes et références

  1. En italien Madonna della Misericordia, qu'on ne traduira pas par « Madone de la miséricorde », Madone en français signifiant « Vierge avec l'Enfant ».
  2. (la) Caesarii Heisterbacensis Monachi, Ordinis cisterciensis, Dialogus Miraculorum : Volumen secundum, Cologne-Bonn-Bruxelles, Josephus Strange, (lire en ligne), Distinction Septima - capitulum LIX
  3. Paul Perdrizet, op., La Vierge de miséricorde : étude d'un thème iconographique, Paris, Fontemoing, (lire en ligne), p. Chapitre II - Le thème de la Vierge au manteau protecteur est d'origine cistercienne
  4. Paul Perdrizet, La Vierge de miséricorde : étude d'un thème iconographique médiéval, Paris, Fontemoing, (lire en ligne), p 32
  5. Paul Perdrizet, op, La Vierge de miséricorde : étude d'une iconographie médiévale, Paris, Fontemoing, (lire en ligne), p 89
  6. Dominique Donadieu-Rigaut, « Les ordres religieux et le manteau de Marie », Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, no 8, (lire en ligne)
  7. Gaston Duchet-Suchaux et Michel Patoureau, La Bible et les Saints : guide iconographique, Paris, Flammarion, 1990-1994, 360 p. (ISBN 978-2-08-012256-8 et 2-08-012256-8), p.237
  8. Dominique Donadieu-Rigaut, « Les ordres religieux et le manteau de Marie », Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, no 8, , p. 107-134-xiv (lire en ligne)
  9. Claudia Rabel, « Des histories de famille. La dévotion aux Trois Maries en France du XIVe au XVe siècle. Textes et images », Revista de História da Arte, no 7, , pp. 121-136 (ISSN 1646-1762, lire en ligne)
  10. portant Jésus dans une mandorle
  11. Image de la fresque
  12. Notice
  13. (en) Peta Motture et Víctor Hugo López Borges, « A Venetian Tympanum of the 'Madonna Della Misericordia' by Bartolomeo Bon », The Burlington Magazine, , p. 746 (lire en ligne)

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

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