Tombeau de Talpiot

Le tombeau de Talpiot est un hypogée découvert en 1980 à Talpiot-Est, un quartier de Jérusalem, et dans lequel certains voient le tombeau de Jésus de Nazareth et de sa famille.

Tombeau de Talpiot scellé

En 2007, le tombeau fait l'objet d'un documentaire produit par James Cameron (The Lost Tomb of Jesus).

La découverte du tombeau

C'est accidentellement, lors de travaux de construction d'un immeuble rue Dov Gruner (en), qu'un dynamitage met au jour l'entrée de ce tombeau, le . La cour et l'antichambre ont déjà été arasées par les bulldozers mais la chambre mortuaire et sa façade sont intactes[1]. La fouille d'urgence (du au ) en est confiée, par l'Autorité des antiquités d'Israël, à une équipe d'archéologues sous la direction d'Amos Kloner, archéologue à l'université Bar Ilan, expert en tombes et en coutumes funéraires de la période du Second Temple à Jérusalem[2]. Quinze jours après, la tombe est rendue aux aménageurs, qui la recouvrent d'une dalle de béton[3].

Les fouilles et les études

L'inscription Yeshua bar Yehosef[4], débutant par une marque en forme de croix, identifiée non pas comme un symbole chrétien mais comme une marque de tâcheron ou d'un repère permettant d'ajuster le couvercle sur l'ossuaire[5].
Ossuaire de Judas fils de Jésus.
Une chapelle moderne à Chorges[6] perpétuant la tradition antique de la maison avec porche surmonté d'un œil-de-bœuf ou oculus, comme sur la tombe de Talpiot.
Monnaie hérodienne figurant le temple de Jérusalem avec un motif similaire, rappelant le lien fort entre les tombes et le sanctuaire des Israélites.

Les fouilles mettent au jour une chambre mortuaire percée dans les murs nord et ouest de deux arcosolia et dans les trois murs (sauf du côté de l'entrée) six kokhim contenant 10 ossuaires (parfois en enfilade dans ces kokhim)[7]. Des ossements éparpillés au sol et quelques tessons typiques du IXe siècle sont également découverts. La tombe a été probablement pillée dès l'Antiquité, car un épais dépôt argileux s'est infiltré dans la pièce par la porte laissée ouverte et que la plupart des ossuaires sont brisés[3].

Cinq ossuaires sont ornés de rosettes et de bandes ornementales, et six portent des inscriptions :

  • Yshw' br Yhwsp, vocalisé en Yeshua bar Yehosef (Jésus fils de Joseph). La lecture du nom de Jésus dans ce graffiti est fort débattue[8],[9].
  • Mryh, vocalisé en Maria (Marie)
  • Ywsh, vocalisé en Yose (diminutif de Joseph)
  • Yhwdh br Yshw’, vocalisé en Yehuda bar Yeshua (Judas fils de Jésus)
  • Mtyh, vocalisé en Matiyahu (Matthieu)
  • Mariamenou Mara[10] (unique des six inscriptions qui n'est pas en écriture araméenne mais en grec), traduite en « de Marie qui est [aussi appelée] Mara »[11].

L'étude attribue le tombeau à une famille juive aisée de l'époque du Second Temple (environ 900 tombes et 3 000 ossuaires similaires, la plupart dans le même secteur, dans un rayon de km autour de Jérusalem, ont été découverts en 2013 mais seulement 1 200 de ces ossuaires sont décorés ou ont une inscription[12]) et la mention des noms de Joseph et Jésus n'est pas considérée, à la suite de l'étude, comme une preuve crédible d'un lien avec Jésus de Nazareth. En effet, Joseph (Yehosef) et Jésus (Yeshua) sont les deuxième et sixième noms masculins les plus fréquents en Palestine au Ier siècle[13] tandis que Maria (Marie) est le nom féminin le plus fréquent et Mara le dixième[14] à cette époque[15]. Ces inscriptions n'avaient aucune valeur solennelle ou commémorative mais étaient le plus souvent des graffiti gravés à la hâte par les familles des défunts pour identifier les corps lorsqu'elles déplaçaient les ossuaires et cercueils pour rajouter une nouvelle sépulture[16].

L'entrée de ce tombeau est couronnée d'un fronton orné d'un chevron à motif central circulaire[17]. La symbolique de ce décor, rare pour une tombe simple, a nourri de nombreuses interprétations,comme celle de Simcha Jacobovici dans son documentaire Le Tombeau de Jésus, qui fait dériver le symbole maçonnique (lettre G entre une équerre et un compas entrelacés) du motif ornemental de la façade de Talpiot[18]. En réalité, ce motif est présent sur les côtés de plusieurs ossuaires de cette époque où le chevron pouvait servir de poignée pour ouvrir leurs couvercles et le décor de ces ossuaires a pu être reproduit sur la façade du tombeau, de même qu'il se retrouve sur l'entrée de maisons avec un chevron faîtier surmontant un oculus ou un œil de bœuf ou sur de la monnaie hérodienne[19].

L'étude fait l'objet d'un inventaire publié en 1994 par Levy Yitzhak Rahmani[20] et d'une publication professionnelle par Kloner en 1996. Les ossuaires sont confiés au musée Rockefeller de Jérusalem tandis que les os, sous la pression des autorités religieuses, sont réinhumés anonymement dans un cimetière collectif[21].

En extrapolant à partir de tombes et d'ossuaires similaires précédemment étudiés, l'archéologue Amos Kloner (en) estime que cette tombe familiale pourrait avoir contenu jusqu'à trente-cinq personnes, dix-sept dans les ossuaires, dix-huit à l'extérieur, la tombe ayant probablement servi à trois ou quatre générations successives[22].

Cette tombe appartient à une famille de classe moyenne supérieure qui pratique le rite funéraire de l’ossilegium (inhumation secondaire qui consiste à regrouper les os du mort[23]). James H. Charlesworth fait remarquer que Jésus est fortement lié à la Galilée dont il semble originaire. Pour lui, les Galiléens ne pratiquaient pas l’ossilegium au Ier siècle et se faisaient enterrer dans leur région natale, et non à Jérusalem où la famille de Jésus n'a aucune attache[24]. Ce que contestent les tenants de l'authenticité de l'ossuaire de Silwan  un autre ossuaire qu'André Lemaire attribue au frère de Jésus appelé Jacques  qui s'appuient sur les sources chrétiennes qui indiquent que Jacques le Juste a été enterré à l'endroit même où il a été tué au pied du pinacle du Temple et pour qui il n'y a rien de surprenant à ce que les restes de Jacques aient été ensuite placés dans cet ossuaire. Par ailleurs toutes les sources  chrétiennes ou juives  indiquent que Jésus a été enterré à Jérusalem, les sources chrétiennes précisant que la tombe était située dans le jardin de Joseph d'Arimathie.

Notes et références

  1. Estelle Villeneuve, Jean Radermakers et Jean Vervier, La découverte du tombeau de Jésus, Éditions Fidélité, , p. 8
  2. (en), (he) Curriculum vitæ d'Amos Klonet
  3. Estelle Villeneuve, « Le vrai-faux tombeau de Jésus », La Recherche, no 415, , p. 55
  4. (en) L'inscription traduite lettre par lettre
  5. Plusieurs ossuaires juifs portant ce signe cruciforme ont été découverts. Cf Levi Rahmani (en), A Catalogue of Jewish Ossuaries in the Collections of the State of Israel, Israel Antiquities Authority, 1994, 166
  6. La chapelle des Chaussins, commune de Chorges (Hautes-Alpes).
  7. Plan de la chambre mortuaire
  8. Estelle Villeneuve, Jean Radermakers et Jean Vervier, La découverte du tombeau de Jésus, Éditions Fidélité, , p. 31
  9. (en) Levi Rahmani, A Catalogue of Jewish Ossuaries in the Collections of the State of Israel, Israel Antiquities Authority, , p. 223
  10. Rainer Riesner, "Ein falsches Jesus-Grab, Maria Magdalena und kein Ende", dans : Theologische beiträge, 2007, p. 296.
  11. La traduction « de Mariamne [qui est aussi appelée] Mara » est erronée (Mariamne étant selon l'apocryphe Évangile selon Philippe un nom de la figure légendaire de Marie de Magdala). Source : (en) Stephen J. Pfann, « Mary Magdalene has left the room: a suggested new reading of ossuary CJO 701 », Near Eastern Archaeology, vol. 69, nos 3-4, , p. 130-131.
  12. (en) James H. Charlesworth, The Tomb of Jesus and His Family ? Exploring Ancient Jewish Tombs Near Jerusalem's Walls, Wm. B. Eerdmans Publishing, , p. 85
  13. 1/ Simon 10,2 %, 2/ Joseph 9,2 %, 3/ Juda 7,1 %, 4/ Éléazar 7,1 % , 5/ Johanan 5,1 %, 6/ Joshua (Jésus) 4,1 %, 7/ Hananiah 3,4 %, 8/ Jonathan 3 %, 9/ Mattathias 2,5 %, 10 / Ménahem 1,8 %
  14. 1/ Maria (Marie) 25,2 %, 2/ Salomé 19,9 %, 3/ Shelamzion 7,9 %, 4/ Marthe 6,3 % , 5/ Joanna 3,8 %, 6/ Shiphra 3,8 %, 7/ Bérénice 3,2 %, 8/ Sarah 3 %, 9/ Imma 2,2 %, 10 / Mara 2,2 %
  15. Les pourcentages ont été calculés à partir des occurrences de chacun des noms par rapport au nombre total des noms recensés, 2 509 hommes et 317 femmes. Source : (en) Tal Ilan, Lexicon of Jewish Names in Late Antiquity. Part I. Palestine 330 BCE - 200 CE, Mohr Siebeck, , p. 1-4, 54-58.
  16. Tal Ilan (en), "The Ossuary and Sarcophagus Inscriptions", in The Akeldama Tombs: Three Burial Caves in the Kidron Valley, Jerusalem, eds. G. Avni and Z. Greenhut, Israel Antiquities Report 1, 1996, p.57
  17. L'entrée du tombeau
  18. Estelle Villeneuve, Jean Radermakers et Jean Vervier, La découverte du tombeau de Jésus, Éditions Fidélité, , p. 56
  19. (en) Craig A. Evans, Encyclopedia of the Historical Jesus, Routledge, , p. 648
  20. L.Y. Rahmani, A Catalogue of Jewish Ossuaries in the Collection of the State of Israel, The Israel Antiquities Authority and The Israel Academy of Sciences and Humanities, Jerusalem (1994).
  21. Estelle Villeneuve, Jean Radermakers et Jean Vervier, La découverte du tombeau de Jésus, Éditions Fidélité, , p. 14
  22. (en) Amos Kloner, « A Tomb with Inscribed Ossuaries in East Talpiyot, Jerusalem », ‘Atiquot, vol. XXIX, , p. 22
  23. Au cours de l'inhumation primaire du cadavre dans un loculus ou arcosolium de la chambre funéraire, le corps est laissé en décomposition pendant environ un an afin de récupérer un squelette nu. Lors de l'inhumation secondaire, la famille du défunt regroupe ses os qui sont jetés en vrac dans des fosses collectives mais, à partir des années 20 à 15 av. J.C., l'usage se répand en Judée de rassembler ces restes dans un ossuaire. Source : Estelle Villeneuve, Jean Radermakers et Jean Vervier, La découverte du tombeau de Jésus, Éditions Fidélité, , p. 24
  24. (en) James H. Charlesworth, The Tomb of Jesus and His Family ? Exploring Ancient Jewish Tombs Near Jerusalem's Walls, Wm. B. Eerdmans Publishing, , p. 110

Voir aussi

Bibliographie

  • Estelle Villeneuve, Jean Radermakers et Jean Vervier, La découverte du tombeau de Jésus, Éditions Fidélité, , 147 p. (lire en ligne)
  • (en) James H. Charlesworth, The Tomb of Jesus and His Family ? Exploring Ancient Jewish Tombs Near Jerusalem's Walls, Wm. B. Eerdmans Publishing, , 592 p. (lire en ligne)
  • (he) Amos Kloner and Boaz Zissu, The Necropolis of Jerusalem in the Second Temple Period, publié par le Yad Ben Zvi et l'Israel Exploration Society, Jerusalem, 2003
  • Simcha Jacobovici et Charles Pellegrino, Le Tombeau de Jésus, éd. Michel Lafon, 2007. (ISBN 9782749906232)

Articles connexes

Liens externes

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