Ossuaire de Silwan

L’ossuaire de Silwan est une urne funéraire, contenant des ossements, trouvée en Israël en 2002. Il porte une inscription en araméen qui se traduit par « Jacques fils de Joseph, frère de Jésus » et daterait du Ier siècle. Malgré le fait que le prénom Jésus[1] était très répandu au premier siècle de notre ère[2] et que et que la probabilité est donc forte qu'il puisse s'agir d'homonymes, d'aucuns en déduisent qu'il s'agit des os de Jacques le Juste, le propre frère de Jésus de Nazareth, premier dirigeant de l'Église primitive, mais dont l'existence a été en partie occultée[3] par la suite.

Pour les articles homonymes, voir Ossuaire (homonymie).

Ossuaire de Silwan.

Depuis se sont engagés :

  • une bataille de spécialistes sur l'authenticité de l'ossuaire, et
  • un nouvel épisode de la longue bataille de théologiens sur le fait de savoir si Jésus, celui des chrétiens, avait eu des frères[3] et sur la compréhension du dogme catholique de la « Virginité perpétuelle » de la Vierge Marie[4].

L’ossuaire appartient à Oded Golan, collectionneur israélien qui fut poursuivi pour faux et usage de faux avant d'être acquitté par la justice israélienne le 14 mars 2012.

Premières annonces

L'inscription de l'ossuaire de Jacques.

En octobre 2002, l'épigraphiste français André Lemaire rend public l'existence d’un ossuaire en calcaire du premier siècle de notre ère (ayant pour dimensions 50,5 cm de long à la base, 56 cm au sommet, 25 cm de large et 30,5 cm de haut)[5], qui selon lui, avait probablement contenu les ossements de Jacques le Juste, le frère de Jésus de Nazareth[6]. L’ossuaire est une petite urne de pierre, couramment utilisée par les Juifs de l'époque pour conserver les ossements d’un défunt, un an après sa mort, lorsque les chairs ont disparu, et que les os ont été purifiés par la terre d'Israël. De tels ossuaires ont été utilisés du Ier siècle av. J.-C. au IIe siècle. Celui-ci comporte une inscription en araméen, la langue courante de la Palestine à l'époque de Jésus[6]:

« Ya'akiv bar Yosef akhui di Yeshua » ce qui signifie « Jacques, fils de Joseph, frère de Jésus ».

Même si les noms de Jacques, Joseph et Jésus étaient très courants à l'époque, selon les calculs d'André Lemaire, pendant les sept premières décennies du Ier siècle, Jérusalem ne devait pas avoir compté plus de vingt individus appelés Jacques et simultanément fils d'un Joseph et frère d'un Jésus[7]. En revanche, il était très inhabituel de mentionner le nom d'un frère sur un ossuaire après celui du père (il n’existe qu’un seul autre cas de cette pratique), ce qui suggère que ce frère était un personnage important[7].

D'après André Lemaire, l'analyse de la graphie de cette inscription correspond à cette période des deux premiers tiers du Ier siècle, la forme cursive du aleph, dalet et yod pouvant constituer un indice en faveur d'une datation plus proche de 70 que du tout début de notre ère.

Le propriétaire de l'ossuaire, l'antiquaire Oded Golan, fournit plusieurs versions des conditions de son acquisition[7]. Selon la dernière, c'est en 1975 qu'un marchand de la vieille ville de Jérusalem lui aurait vendu l'ossuaire qui provenait des environs de Silwan[8], ce qui est compatible avec le témoignage d'Hégésippe qui indique que Jacques a été enterré à l'endroit même où il est mort, après avoir été précipité du pinacle du Temple. Malgré quelques objections et même l'avis de certains experts pour qui la première partie de l'inscription datait probablement du Ier siècle, mais la seconde (frère de Jésus) avait été gravée par une autre personne, un ou deux siècles plus tard, un grand nombre d'historiens et d'exégètes ont rapidement été convaincus de son authenticité[9].

L'expertise de l'Autorité des Antiquités d'Israël

En 2003, l'Autorité des Antiquités d'Israël décide de procéder à une expertise détaillée de l'ossuaire de Jacques, portant l'inscription Jacques fils de Joseph frère de Jésus[10]. Deux sous-commissions sont formées[9] : une équipe étudie le texte de l'inscription[11], une autre expertise porte sur le matériel[12]. Les mêmes experts sont, en même temps, chargés de déterminer l'authenticité d'une inscription de dix lignes du roi Yehoash trouvée sur le mont du Temple.

Le 18 juin 2003, le département des antiquités israéliennes publie les résultats de trois mois de travail[9]. La sous-commission des épigraphistes ne put se mettre d'accord sur l'authenticité de l'inscription[9]. Une partie des spécialistes chargés de l'expertise du texte penchent alors pour la non-authenticité de l'inscription, qui semblerait avoir été ajoutée postérieurement à l'ossuaire et dont les lettres sembleraient imitées à partir d'inscriptions contemporaines. L'un des experts (Roni Reich), cependant, ne décèle rien d'anormal mais, compte tenu des résultats de l'expertise sur le matériel effectuée par l'autre sous-commission, il se déclare convaincu qu'il s'agit d'une contrefaçon.

En revanche, les conclusions de l'autre sous-commission ont été adoptées à l'unanimité[9]. Dans l'étude du matériel, la datation au carbone 14 ne permet aucune conclusion (on sait que les datations doivent être faites à partir de matériaux organiques tels que les noyaux d'olives). Selon Uzi Dahari, directeur adjoint de l'Autorité des antiquités d'Israël, des différences d'épaisseur et de profondeur de la gravure montrent que la première partie de l'inscription (« Jacques fils de Joseph ») n'a pas été gravée avec le même burin que la seconde partie (« frère de Jésus »), les caractères comportent d'ailleurs des différences de style. Selon Jacques Neguer, conservateur expert de l'Autorité des antiquités d'Israël, une patine artificielle faite de grains ronds est déposée sur l'inscription et à son voisinage immédiat, en contraste avec la patine qui recouvre l'ensemble de l'ossuaire. L'inscription traverse la patine initiale et semble avoir été écrite par deux auteurs différents à l'aide de deux outils différents. Selon Orna Cohen, conservatrice de l'université hébraïque de Jérusalem, la première partie de l'inscription est rajoutée, elle traverse la patine initiale et elle est revêtue d'une patine artificielle constituée de poussière de craie et d'eau appliquée sur l'inscription. Selon le professeur Yoval Goren, archéologue à l'université de Tel Aviv, expert en pétrographie et identification des matériaux, l'inscription a été nettoyée ou gravée récemment, elle a probablement été enduite d'un mélange de craie ou de poudre de gravure dissous dans de l'eau chaude. Selon Avner Ayalon, géologue du Geological Survey of Israel, expert en analyse isotopique des roches, l'oxygène des molécules de carbonate de calcium de la patine a une composition isotopique différente dans la patine de l'ensemble de l'ossuaire et dans l'inscription. Alors que la patine de l'ensemble de l'ossuaire est normale compte tenu des conditions climatiques de Jérusalem, la composition de la patine de l'inscription montre qu'elle est faite d'un matériau qui a été chauffé[13], probablement d'un mélange de poudre et d'eau chaude.

« Les experts ont conclu que l'ossuaire était ancien et provenait de la région de Jérusalem. Cependant, ils ont constaté que la patine recouvrant l'inscription était différente de celle recouvrant le reste de l'ossuaire et ne pouvait avoir été produite par un vieillissement naturel dans les conditions climatiques de la Judée[14]. » Pour Pierre-Antoine Bernheim, un faussaire a probablement gravé l'inscription longtemps après la formation de la patine, puis a recouvert cette inscription d'une patine artificielle[15]. Toutefois André Lemaire maintient son identification et estime que l’inscription est authentique[16]. Il s'appuie pour cela sur les conclusions du professeur Yuval Goren pour qui « l'inscription a été faite ou nettoyée dans la période moderne[16]. »

Les conclusions du procès

Le 14 mars 2012, la justice israélienne rend son verdict dans le procès intenté par l’État d’Israël contre le collectionneur israélien Oded Golan et le vendeur d’antiquités Robert Deutsch[17]. Après cinq ans de procès, 116 audiences, 133 témoins, 12 000 pages de témoignages, près de 18 mois d’attente du verdict, ce qui a été qualifié de « procès en contrefaçon du siècle » « a finalement abouti à un aveu d’impuissance de la justice israélienne face à la science et aux querelles d’experts[17]. »

Le verdict du juge Aharon Farkash indique que « l’accusation a échoué à prouver au-delà du doute raisonnable ce qui était établi dans l’acte d’accusation à savoir que l’ossuaire est un faux et qu’Oded Golan ou quelqu’un agissant pour lui l’a forgé de toutes pièces. Cela ne veut pas dire que l’inscription figurant sur l’ossuaire est véritable et authentique et ait été écrite il y a 2000 ans […]. Rien dans ces différents éléments ne prouve que ces objets soient forcément authentiques[17]. »

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Notes et références

  1. Yehoshua (hébreu : יהושע) signifie, en hébreu comme en araméen, « Dieu (YHWH) sauve », et sa forme abrégée Yeshua (hébreu : ישוע) signifie « Sauveur », « santé » ou « salut » (voir l'article dans le Thayer's Lexicon, in Dictionary and Word Search for Iēsous (Strong's 2424). Blue Letter Bible. 1996-2008). Le dictionnaire Brown-Driver-Briggs, la référence des dictionnaires d'hébreu biblique, rapporte que le sens de Yeshua peut également marquer l'« opulence » en plus de la salvation ; cf. Francis Brown, Samuel Rolles Driver et Charles Augustus Briggs, Hebrew and English lexicon of the Old Testament, éd. Clarendon Press, Oxford, 1939, p. 221, article en ligne.
  2. Les archéologues ont mis au jour 71 tombes de personnages appelés Yeshua datant de la période de la mort de Jésus. Le nom apparait 30 fois dans l’Ancien Testament, en référence à quatre personnages distincts, et la version longue du nom, Yehoshua, apparait encore quelques centaines de fois, probablement en l'honneur du conquérant de Jéricho. Voir Brian Palmer, « Le prénom «Jésus» était-il commun au début du premier siècle? », sur http://www.slate.fr/, (consulté le )
  3. Paul-Hubert Poirier, « Jacques, le frère de Jésus, dans trois livres récents », Laval théologique et philosophique, vol. 56, no 3, (lire en ligne)
  4. (en) James H. Charlesworth, The Tomb of Jesus and His Family ?, Wm. B. Eerdmans Publishing, , p. 333.
  5. Ossuaire de Jacques, fils de Joseph, frère de Jésus, Article publié dans le journal "Le Monde" sous le titre "Jésus, une histoire de famille".
  6. Pierre-Antoine Bernheim, Jacques, frère de Jésus,  éd. Albin Michel, 2003, p. 7.
  7. Pierre-Antoine Bernheim, Jacques, frère de Jésus,  éd. Albin Michel, 2003, p. 8.
  8. Pierre-Antoine Bernheim, Jacques, frère de Jésus,  éd. Albin Michel, 2003, p. 8-9.
  9. Pierre-Antoine Bernheim, Jacques, frère de Jésus,  éd. Albin Michel, 2003, p. 9.
  10. (en) Final Reports on the Yehoash Inscription and James Ossuary from the Israeli Antiquities Authority.
  11. Dr. Gideon Avni, Autorité des antiquités d'Israël ; Prof. Shmuel Ahituv et Prof. Avigdor Horowitz, Université Ben Gourion du Néguev ; Dr. Tal Ilan (en), Prof. Amos Kloner (en) et Dr. Esther Eshel, Université Bar-Ilan ; Dr. Hagai Misgav, Université hébraïque de Jérusalem ; Prof. Roni Reich, Université d'Haïfa
  12. Dr. Uzi Dahari, Autorité des antiquités d'Israël ; Prof. Yuval Goren, Université de Tel Aviv ; Dr. Avner Ayalon, Geological Survey of Israel ; Dr. Elisabetta Boaretto, Institut Weizmann des Sciences ; Ms. Orna Cohen, conservatrice de l'Université hébraïque de Jérusalem ; M. Jacques Neguer, conservateur expert de l'Autorité des antiquités d'Israël
  13. Les isotopes de l'oxygène diffèrent par leur masse, leur comportement chimique est légèrement différent en fonction de l'humidité et de la température.
  14. Pierre-Antoine Bernheim, Jacques, frère de Jésus,  éd. Éditions Albin Michel, 2003, p. 9-10.
  15. Pierre-Antoine Bernheim, Jacques, frère de Jésus,  éd. Éditions Albin Michel, 2003, p. 10.
  16. André Lemaire, The inscription and the ossuary are authentic, Université Paris-Sorbonne, avril 2004, p. 4-5.
  17. Le Monde de la Bible, Le « procès en faux du siècle » accouche d’une souris, 1 novembre 2013, paru une première fois dans Le Monde de la Bible no 201, « Aux origines du Coran » (juin-juillet août 2012).

Voir aussi

Bibliographie

  • Patrick Jean-Baptiste, « L'ossuaire du frère de Jésus », dans L'affaire des fausses reliques. Enquête au cœur des trafics de vestiges bibliques, Albin Michel, , p. 13-21
  • (en) Craig A. Evans, Jesus and the Ossuaries, Baylor University Press, , 168 p. (lire en ligne)

Articles connexes

Liens externes


  • Portail de l’archéologie
  • Portail Israël antique et Juifs dans l’Antiquité
  • Portail d’Israël
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.