Taha Siddiqui

Taha Siddiqui est un journaliste pakistanais, lauréat du prix Albert Londres et fondateur de la plateforme Safenewsrooms.org.

Reconnu comme une voix indépendante de son pays, il est aussi célèbre pour ses attaques sur les réseaux sociaux et dans la presse internationale contre les abus de pouvoir de l’armée.

À la suite d'une tentative d’enlèvement, il est contraint de vivre en exil à Paris depuis le mois de .

Études

Taha Siddiqui est diplômé de l’Institute of Business Administration (IBA) de Karachi[1].

Carrière journalistique

Taha Siddiqui se considère comme un « journaliste par accident »[2]. Il commence sa carrière sur la chaîne économique CNBC en tant qu'analyste financier avant de s’engager pour la chaîne Geo News pour traiter des sujets sur l’économie.

Il travaille ensuite sur des sujets liés au terrorisme, aux minorités persécutées ou encore à la corruption.Ses reportages l’ont mené dans les régions les plus dangereuses du continent comme le Fata, le Baloutchistan ou le Gilgit-Baltistan et lui ont valu d’être molesté à plusieurs reprises[2].

Taha Siddiqui devient chef de bureau pour l'agence Babel Press où il est correspondant pour France 24 et pour la chaîne indienne World Is One News (WOIN).

Son travail est publié dans le New York Times[3], le Guardian, Foreign Policy[4], France24[5] et Al Jazeera[6].

Le , il signe avec 278 autres professionnels des médias (journalistes, rédacteurs en chef, photographes) la tribune Droits voisins : l'appel des médias européens pour la survie de la presse dans le Figaro[7]. L'appel vise à encourager les députés européens à adopter la directive sur les droits voisins qui sera examinée quelques jours plus tard.

Il enseigne également le journalisme à SciencesPo Paris.

Prix Albert Londres

En 2014, il reçoit avec Julien Fouchet et Sylvain Lepetit le prix Albert Londres de l'audiovisuel pour le reportage La guerre de la polio diffusé dans Envoyé spécial, sur France 2, le . Les trois journalistes ont enquêté dans les régions de l'est de l'Afghanistan proches du Pakistan où les talibans interdisent l'accès au vaccin contre la poliomyélite et ciblent les soignants et ONG[8],[9].

Dans son communiqué, le jury écrit que les journalistes « ont su traiter le sujet avec pudeur et sobriété en s’affranchissant des contraintes d’un formatage d’enquêtes de plus en plus en vigueur dans les rédactions et qu’[il] déplore »[10].

De son côté, Taha Siddiqui déclare en recevant son prix qu’il « se sentait bizarre car [il avait] gagné ce prix la semaine même où l'OMS a annoncé qu'elle imposait des restrictions aux Pakistanais qui se rendaient à l'étranger, les obligeant à obtenir un certificat de vaccination. »

Tentative d’enlèvement et exil à Paris

Depuis le début de l’année 2017, les organes de presses pakistanais, même les plus grands (Geo News, Dawn) subissent une forte pression de la part de l’armée[11]. Taha Siddiqui n’y échappe pas.

En , il porte plainte devant la Haute cour d’Islamabad contre l’Agence fédérale d’investigation pakistanaise qui le harcèle par téléphone, le convoquant sans explications pour un interrogatoire devant la section anti-terroriste. C’est une première dans l’histoire du journalisme au Pakistan[12]. L’ordonnance de la Haute cour ne suffit pas à stopper les intimidations et Taha Siddiqui est convoqué à nouveau. Il refuse de s’y rendre par peur d’être enlevé.

Le au matin, Taha Siddiqui est victime d’une attaque sur la route de l'aéroport d'Islamabad alors qu'il s’y rend pour prendre un vol vers Londres. Son taxi est bloqué en pleine circulation par deux voitures dont sortent une dizaine d’hommes, certains armés de Kalachnikov[13]. Pour lui, il n’y a pas de doute sur la volonté de ses agresseurs : « Comme je devais prendre l’avion pour Londres, personne ne se serait inquiété avant une vingtaine d’heures et on aurait pu raconter que j’avais choisi de disparaître à l’étranger[14]. »

Roué de coups, il arrive à en réchapper grâce à une portière déverrouillée et se rend au commissariat le plus proche[15].

Après avoir rencontré le ministre de l’Intérieur Ahsan Iqbal qui lui conseille d’écrire au chef de l’armée, le général Qamar Javed Bajwa et de lui demander pardon, il comprend qu’il n’est plus en sécurité et s’enfuit avec sa femme et leur fils le à Paris. Le , il publie dans le journal britannique The Guardian, une lettre ouverte au Chef de l’armée pakistanaise dans laquelle il exprime ses difficultés à vivre loin de son pays mais dans lequel il ne peut pas exercer son métier[16].

Safenewsrooms.org

Le , Journée mondiale de la liberté de la presse, Taha Siddiqui lance Safenewsrooms.org, une plate-forme de médias numériques. Son but est de lutter contre la censure en permettant aux journalistes de déposer leurs enquêtes et témoignages.

« Safe » qui signifie « sûr » ou « en sécurité » en anglais est aussi l’acronyme de « South Asians for Freedom of Expression » (L’Asie du Sud pour la liberté d’expression).

Safenewsrooms.org est nominé en par Reporters sans frontières (RSF) pour le Prix de l’indépendance qui « récompense un journaliste, un média ou une organisation pour sa résistance aux pressions financières, politiques, économiques, religieuses[17] ».

Le site internet n’est pas accessible au Pakistan[14].

Filmographie

  • 2014 : La guerre de la polio (Babel Press)

Distinctions

Récompenses

  • Prix Albert-Londres de l'audiovisuel 2014 pour La guerre de la polio

Nominations

  • Nominé pour le Prix de l’indépendance 2018 de Reporters sans frontières pour Safenewsrooms.org

Liens externes

Notes et références

  1. « IBA Alumnus, Taha Siddiqui, wins The Albert Londres Prize », sur alumni.iba.edu.pk (consulté le )
  2. (en) Madeeha Syed, « The accidental journalist who won the 'French Pulitzer' », sur DAWN.COM, (consulté le )
  3. (en-US) « Taha Siddiqui », The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  4. (en-US) Taha Siddiqui, « Taha Siddiqui », sur Foreign Policy (consulté le )
  5. « Taha SIDDIQUI - FRANCE24 », sur France 24 (consulté le )
  6. « Taha Siddiqui », sur www.aljazeera.com (consulté le )
  7. « Droits voisins: l'appel des médias européens pour la survie de la presse », Le Figaro, (lire en ligne, consulté le )
  8. « VIDEO. Le reportage "La guerre de la polio", diffusé dans "Envoyé spécial", reçoit le prix Albert Londres », sur Franceinfo, (consulté le )
  9. « Le Prix Albert-Londres récompense l'empathie et l'audace des journalistes », sur LExpress.fr, (consulté le )
  10. « Philippe Pujol, Julien Fouchet, Sylvain Lepetit, Taha Siddiqui », sur Scam.fr (consulté le )
  11. « Une chaîne de télévision à son tour poursuivie en vertu de la législation anti-terroriste | Reporters sans frontières », sur RSF, (consulté le )
  12. « Pakistan : le journaliste Taha Siddiqui échappe in extremis à une tentative d’enlèvement | Reporters sans frontières », sur RSF, (consulté le )
  13. (en-GB) « Pakistan reporter flees armed abductors », BBC News, (lire en ligne, consulté le )
  14. « Au Pakistan, «l'armée agit comme un gouvernement de l'ombre» », Libération, (lire en ligne, consulté le )
  15. « « La vie du journaliste pakistanais Taha Siddiqui est en danger, la France doit l’aider » », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
  16. (en-GB) Taha Siddiqui, « Pakistan is my home. But as a journalist, my life is in danger there | Taha Siddiqui », The Guardian, (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )
  17. « Douze nominés pour le Prix RSF 2018 remis pour la 1ere fois à Londres | Reporters sans frontières », sur RSF, (consulté le )
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