Substances volatiles des feuilles

Les substances volatiles des feuilles (expression issue de l'anglais Green Leaf Volatiles, souvent abrégée en GLV) sont des composés organiques volatils synthétisés par les feuilles de nombreuses espèces végétales qui libèrent ce signal chimique dans l'atmosphère lorsque des tissus de la plante sont endommagés par des stress biotiques (notamment par les insectes herbivores) et abiotiques (surcharge d'ozone, chaleur, gel, résidus d'antibiotiques)[2]. Ce mode de communication chez les plantes fait intervenir initialement des éliciteurs qui induisent plusieurs voies de signalisation cellulaire agissant via une action de régulation dans l'expression des gènes impliqués dans la production de GLV qui servent notamment de protection indirecte (émission de signaux olfactifs qui attirent les prédateurs des phytophages eux-mêmes tels que les parasitoïdes, les oiseaux insectivores), mais aussi de gènes impliqués dans une protection directe, en inhibant ou en repoussant les agressions ou agresseurs (renforcement des parois, synthèse de toxines)[3],[4].

Voie de biosynthèse du GLV cis-3-hexénal à partir de l'acide linolénique. La première étape implique la formation de l'hydroperoxyde par l'action d'une lipoxygénase. Puis une hydroperoxyde lyase induit la formation de l'hémiacétal, le précurseur du GLV[1].

Ces petites molécules odorantes dites « de feuilles vertes » donnent notamment leurs odeurs caractéristiques aux légumes et aux fruits (odeur du concombre, de l'huile d'olive ou de l'herbe fraîchement coupée)[5].

Cette signalisation externe du stress est complétée par un réseau de signalisation interne qui implique des interactions entre les hormones (acide abscissique, acide salicylique, acide jasmonique, éthylène) et les dérivés réactif de l'oxygène (théorie du « crosstalk » de Fujita)[6].

De nombreuses espèces végétales ont aussi des structures spécialisées au niveau desquelles sont synthétisés d'autres composés organiques volatils biogéniques insecticides ou insectifuges (par exemple des terpènes et huiles essentielles chez le thym, la lavande, la menthe, la citronnelle ; l'isoprène chez les arbres)[7].

Les racines émettent également des composés volatils impliqués dans la défense de la plante[8] mais ils sont moins étudiés[9].

Formation et composition chimique

Ces composés organiques volatils sont spécifiquement des dérivés d’acide gras mono-insaturés à 6 atomes de carbone, de type esters, alcools ou aldéhydes[10]. Ils proviennent de la coupure, dans des cellules foliaires, des acides gras libres par la voie de deux enzymes, la lipoxygénase ou de l'hydroperoxide lyase (en)[1].

Une partie de ces composés (dont certains composés organiques volatils oxygénés (COVV) à courte chaine tels que méthanol, acétone et acétaldéhyde, solubles dans l'eau) ne sont pas synthétisés dans la feuille mais au niveau des racines[11]. Ils sont ensuite transportés par la sève jusqu'aux feuilles et émis via les stomates dans le flux de gaz évapotranspirés, y compris chez les arbres[11].

Le stress entraîne la formation et l'émission de ces substances volatiles en quelques secondes ou quelques minutes. Elles disparaissent rapidement lorsque le stress cesse[12].

Applications

Il est possible de détourner, via une modification génétique, une partie de la voie de synthèse enzymatique pour augmenter les quantités de GLV synthétisées. Les applications agronomiques du génie génétique consisteraient à doper le système de défense des végétaux afin de favoriser ce type de lutte biologique et de diminuer l’épandage de pesticides[13],[14].

L'herbe fraîchement coupée a pour résultat la libération de composés traumatiques produits lorsque les cellules des feuilles de graminées sont brisées[15]. L'oxydation d'acides gras polyinsaturés (notamment l'acide linoléique et l'acide linolénique) constituant des membranes cellulaires, produit des dérivés (hexanal, cis-3-hexénal (en), trans-2-hexénal (en), hexan-1-ol) responsables de l'odeur de l'herbe coupée[16]. Ces composés organiques volatils, impliqués dans les réponses au stress (régulations de gènes, activités antimicrobiennes), sont très utilisés par les industries cosmétiques et agroalimentaires pour introduire des notes vertes dans leurs produits aromatisants[17].

Notes et références

  1. (en) K. Matsui, « Green leaf volatiles: hydroperoxide lyase pathway of oxylipin metabolism », Curr Opin Plant Biol, vol. 9, no 3, , p. 274-280 (DOI 10.1016/j.pbi.2006.03.002).
  2. (en) Corné M. J. Pieterse, Marcel Dicke, Saskia C. M. Van Wees, Erik H. Poelman, Induced plant responses to microbes and insects, Frontiers E-books, (lire en ligne), p. 264
  3. (en) Silke Allmann, Anna Späthe, Sonja Bisch-Knaden, Mario Kallenbach, Andreas Reinecke, Silke Sachse, Ian T Baldwin, Bill S Hansson, « Feeding-induced rearrangement of green leaf volatiles reduces moth oviposition », eLife, (DOI 10.7554/eLife.00421).
  4. (en) Luisa Amo, Jeroen J. Jansen, Nicole M. van Dam, Marcel Dicke, Marcel E. Visser, « Birds exploit herbivore-induced plant volatiles to locate herbivorous prey », Ecology Letters, vol. 16, no 11, , p. 1348–1355 (DOI 10.1111/ele.12177).
  5. Lydie Suty, Les végétaux, les relations avec leur environnement, éditions Quæ, (lire en ligne), p. 25
  6. (en) Fujita M, Fujita Y, Noutoshi Y, Takahashi F, Narusaka Y, Yamaguchi-Shinozaki K, Shinozaki K, « Crosstalk between abiotic and biotic stress responses: a current view from the points of convergence in the stress signaling networks », Curr Opin Plant Biol, vol. 9, no 4, , p. 436-442 (DOI 10.1016/j.pbi.2006.05.014).
  7. (en) Kant M.R., Bleeker P.M., Van Wijk M., Schuurink R.C., Haring M.A., « Plant volatiles in defence », In L.C. Van Loon (eds), Advances in Botanical Research, Academic Press, 2009, p. 613–666
  8. Par exemple, les racines du maïs infestées par les larves de la Chrysomèle, synthétisent des composés volatils qui attirent des nématodes parasites de ces insectes.
  9. (en) Margareta Séquin, The Chemistry of Plants and Insects. Plants, Bugs, and Molecules, Royal Society of Chemistry, (lire en ligne), p. 62
  10. (en) Kenji Matsui, Kohichi Sugimoto, Jun'ichi Mano, Rika Ozawa, Junji Takabayashi, « Differential Metabolisms of Green Leaf Volatiles in Injured and Intact Parts of a Wounded Leaf Meet Distinct Ecophysiological Requirements », PLOS ONE, (DOI 10.1371/journal.pone.0036433).
  11. K. Rissanen, T. Hölttä & J. Bäck (2019) Transpiration directly regulates the emissions of water‐soluble short‐chained OVOCs ; 20 April 2018 ; https://doi.org/10.1111/pce.13318
  12. (en) K. Matsui, « Volatile organic compound emissions induced by the aphid Myzus persicae differ among resistant and susceptible peach cultivars and a wild relative », Tree Physiol, vol. 30, no 10, , p. 1320-1334 (DOI 10.1093/treephys/tpq072).
  13. (en) Shiojiri K, Kishimoto K, Ozawa R, Kugimiya S, Urashimo S, Arimura G, Horiuchi J, Nishioka T, Matsui K, Takabayashi J., « Changing green leaf volatile biosynthesis in plants: An approach for improving plant resistance against both herbivores and pathogens », Proc Natl Acad Sci USA, vol. 103, no 45, , p. 16672-16676 (DOI 10.1073/pnas.0607780103).
  14. (en) Dong-Sun Lee, Pierre Nioche, Mats Hamberg & C. S. Raman, « Structural insights into the evolutionary paths of oxylipin biosynthetic enzymes », Nature, vol. 455, , p. 363–368 (DOI 10.1038/nature07307).
  15. Ces composés traumatiques sont également produits lors d'une attaque de pathogènes.
  16. (en) M. Luckner, Secondary Metabolism in Microorganisms, Plants and Animals, Springer Science & Business Media, , p. 153-154
  17. Sabrina Jacopini. Utilisation de la 13-Hydroperoxyde lyase recombinante d’olive dans des procédés biocatalytiques de production de composés à note verte. Sciences agricoles. Université Pascal Paoli, 2015

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Edward E. Farmer, Leaf Defence, OUP Oxford, , 224 p. (lire en ligne)

Articles connexes

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