Statue de Jeanne d'Arc (Tanney)

La monument à Jeanne d'Arc est une statue équestre en bronze de Jeanne d'Arc sculptée par Georges Halbout du Tanney en 1939. Elle est d'abord érigée en 1951 à Alger, à l'époque de l'Algérie française. Puis, après avoir été détériorée au lendemain de l'indépendance de l'Algérie, elle est transférée et restaurée en France avant d'être inaugurée en 1966 à Vaucouleurs, dans le département de la Meuse, en Lorraine. La ville de Vaucouleurs, point de départ de l'épopée de Jeanne d'Arc, avait déjà tenté au milieu du XIXe siècle d'ériger une telle statue, mais le projet n'avait pas abouti.

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Premier projet abandonné

Maquette d'Antoine Watrinelle pour le concours de 1857. Watrinelle a réalisé une autre maquette, plus belliqueuse, bannière au poing[1].

Vaucouleurs étant le point de départ de l'épopée de Jeanne d'Arc, l'idée d'ériger un monument en son honneur dans cette ville remonte au milieu du XIXe siècle. En effet, dans une délibération du , le conseil municipal décide d'ériger une telle statue sur une place de la ville[2],[3]. Une souscription récolte 50 000 francs dans ce but, et un concours est organisé afin de choisir un sculpteur.

Plusieurs artistes parisiens renommés (dont Bartholdi, Carrier-Belleuse, Daumas, Debay fils[4], Vital-Dubray et Robert)[5] concourent, mais le maire leur préfère deux sculpteurs lorrains, Antoine Watrinelle de Verdun, et Georges Clère de Nancy, ce qui entraîne une réclamation auprès du Conseil des bâtiments civils, puis des procédures judiciaires[6]. Dans ces conditions, le projet n'aboutit pas[1].

Statue d'Halbout du Tanney

Création

Un comité est créé en 1936 pour ériger une statue équestre à la gloire de Jeanne d'Arc à Alger, qui se trouve à l'époque en Algérie française.

L'État en passe commande en 1937 à Georges Halbout du Tanney, qui vit alors à Alger. En effet, après avoir été pensionnaire de la villa Abd-el-Tif de 1928 à 1930, il s'est installé à Bouzareah, sur les hauteurs d'Alger, pour enseigner la sculpture à l'École des beaux-arts tout en vivant de commandes[7].

La maquette réalisée, la famille Halbout doit rentrer en métropole[8] afin de trouver un mouleur et un fondeur pour réaliser l'œuvre[7]. Ne pouvant réintégrer l'atelier du parc Montsouris qu'il partageait avec Paul Belmondo avant de partir à Alger, Halbout s'installe à Boulogne-Billancourt. Il vit avenue de la Porte-d'Auteuil avec sa famille, et loue un grand atelier au 10 square Gutenberg, près du bois de Boulogne, où il travaille sur le cheval de Jeanne d'Arc[7]. Il réalise ainsi un modèle en terre en 1939, mais la Seconde Guerre mondiale ne lui permet d'en faire fondre qu'une partie, clandestinement, par Hohwiller, fondeur à Paris ; le bronze n'est terminé qu'après guerre[9].

Un fragment de la statue est présenté au Salon de 1941[7] et le bronze au Salon de 1946[9] ou de 1950[7] selon les sources.

Inauguration à Alger

Le monument est inauguré à Alger le , lors de la fête de Jeanne d'Arc, par le maire de la ville, Pierre-René Gazagne[10].

Elle est installée près de la Grande Poste, à l'entrée de la rue d'Isly (Larbi-Ben-M'Hidi), au niveau du square Laferrière (Mohamed-Khemisti)[11], face au monument aux morts et aux escaliers conduisant au forum[12].

Troubles pendant l'indépendance

La statue est détériorée début , au lendemain de l'indépendance algérienne.

Transfert à Vaucouleurs

En raison des troubles de l'indépendance, comme de nombreux monuments datant de l'Algérie française, la statue est rapatriée en France le [13]. Elle y est réparée par les soins du syndicat d'initiative de Vaucouleurs, à la fonderie Durenne de Sommevoire[14],[15],[16]. Vaucouleurs s'était vu initialement attribuer une statue de Jeanne d'Arc sculptée par Joseph Ebstein et érigée à Oran, mais la ville a demandé et obtenu celle de Halbout, tandis que celle d'Ebstein est aujourd'hui à Caen[17] (Caen souhaitait celle d'Halbout car il avait été professeur à l'école des beaux-arts de Caen[18], et Halbout lui-même souhaitait que sa statue soit attribuée à Caen[19]).

Le monument est installé devant l'hôtel de ville de Vaucouleurs, sur la place Achille-François[20]. Il est inauguré à ce nouvel emplacement le , en présence notamment de Pierre Messmer, ministre des Armées[21], au cours des fêtes du bicentenaire du rattachement du duché de Lorraine à la France[22] et du sixième centenaire du rattachement de la ville de Vaucouleurs à la couronne de France[23].

Description

Il s'agit d'une statue équestre en bronze de 2,5 tonnes[15]. Jeanne d'Arc y est représentée en armure, avec poulaines et gantelets. Elle brandit une épée de sa main droite, en la tenant par la lame, de sorte que la poignée et la garde forment une croix chrétienne.

Sur le piédestal à Alger, une plaque indiquait : « Monument élevé par souscription publique, à la gloire de Jeanne d'Arc, pur symbole de l'héroïsme français »[23].

Sur le piédestal à Vaucouleurs, une plaque porte le même texte qu'à Alger, et une deuxième plaque, sous la première, indique : « Statue érigée à Alger en 1951, mutilée en 1962, réparée par les soins du syndicat d'initiative de Vaucouleurs, inaugurée le  »[14].

Sur le socle en bronze[15] se trouve la signature : « Halbout / sculp. 1939 »[24].

Notes et références

  1. Armand Massard, « Une Jeanne d'Arc ignorée », La Presse, , p. 1–2 (lire en ligne).
  2. « Jurisprudence : Cour impériale de Nancy (1re ch.) », Gazette des architectes et du bâtiment, 2e série, vol. 1, no 5, , p. 66–67 (lire en ligne).
  3. « Statue équestre de Jeanne d'Arc », Revue générale de l'architecture et des travaux publics, vol. 21, , p. 184–187 (lire en ligne).
  4. Il s'agit de Debay fils car Henrys 1862 en parle ainsi : « M. de Bay, dont la mort a été si vivement sentie, et qui laisse assez de beaux ouvrages pour faire vivre son nom ». Or Debay fils est mort le 7 janvier 1862 et Debay père en 1863.
  5. Henrys, « Gazette du palais », L'Illustration, vol. XL, no 1010, , p. 14–15 (lire en ligne).
  6. Petit-Jean, « Courrier du palais », Le Monde illustré, no 270, , p. 382 [lire en ligne], et no 272, , p. 414 [lire en ligne].
  7. Stéphane Richemond et Denise Grouard (collab.), Les orientalistes : Dictionnaire des sculpteurs, XIXe – XXe siècles, Paris, Éditions de l'Amateur, , 222 p. (ISBN 978-2-85917-484-2), p. 110.
  8. Élisabeth Cazenave, Les artistes de l'Algérie : Dictionnaire des peintres, sculpteurs, graveurs, 1830-1962, Paris, Bernard Giovanangeli et Association Abd-el-Tif, , 447 p. (ISBN 2-909034-27-5), p. 272.
  9. Amato 1979, p. 219.
  10. « Inauguration du monument Jeanne d'Arc à Alger » [vidéo], sur ina.fr, Les Actualités françaises, .
  11. Sabrinal, « Alger, un lieu, une histoire : La rue d'Isly », Le Soir d'Algérie, no 5392, , p. 9 (lire en ligne).
  12. Jean-Pax Méfret, Sur l'autre rive... en 1962, Paris, Pygmalion, , 200 p. (ISBN 978-2-7564-0316-8).
  13. Amato 1979, p. 220.
  14. Pascal-Raphaël Ambrogi et Dominique Le Tourneau, Dictionnaire encyclopédique de Jeanne d'Arc, Paris/Perpignan, Desclée De Brouwer, , 2010 p. (ISBN 978-2-220-08605-7).
  15. « Statue de Jehanne d’Arc – Vaucouleurs », sur e-monumen.net.
  16. Jean-Claude Renard, L'âge de la fonte : Un art, une industrie, 1800-1914 ; suivi d'un dictionnaire des artistes, Paris, Éditions de l'Amateur, , 319 p. (ISBN 2-85917-045-6), p. 156.
  17. Aimé Dupuy, « Esquisse d'une histoire des statues et monuments français d'Afrique du Nord au cours de l'ère coloniale », L'Information historique, vol. 35, no 3, , p. 124.
  18. « Les " Jeanne d'Arc " d'Algérie », Le Monde, .
  19. Amato 1979, p. 64 et 220.
  20. « La statue de Jeanne d'Arc à Vaucouleurs (55) », sur petit-patrimoine.com.
  21. Kader Bakou, « Le coup de bill'art du Soir : Jeanne d'Arc d'Algérie », Le Soir d'Algérie, no 6395, , p. 14 (lire en ligne).
  22. Magdelaine Parisot et Denise Bernard-Folliot, Champagne-Ardenne : Vallée de la Meuse, Paris, Hachette, coll. « Guides bleus », , p. 503.
  23. Claire Garcia, « Migrations, transferts et réécritures : Le destin des monuments publics d’Algérie après l'Indépendance », Les Cahiers de l'École du Louvre, no 12, (DOI 10.4000/cel.920).
  24. (en) René et Peter van der Krogt, « Jeanne d'Arc », Statues - Hither & Thither, sur statues.vanderkrogt.net.

Annexes

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Alain Amato (préf. Paul Belmondo), Monuments en exil, Paris, L'Atlanthrope, , 253 p. (ISBN 2-86442-006-6), p. 218–223, repris dans « La Jeanne d'Alger est à Vaucouleurs », Pieds-Noirs d'hier et d'aujourd'hui, no 80, , puis dans Aux échos d'Alger, no 88, [lire en ligne] .
  • Bernard Mugnier, La statuaire johannique du XVIe au XXe siècle, Vesoul, Bernard Mugnier, , 500 p. (ISBN 978-2-35722-000-3), p. 231–233.

Liens externes

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