Shakuhachi

Le shakuhachi (尺八) ou en chinois chiba (en) 尺八, chǐbā est une flûte japonaise, d'origine chinoise, à cinq trous, droite, en bambou munie d'une embouchure libre de type quena mais qui, à la différence de cette dernière, est le résultat d'une taille oblique de la partie supérieure de l'instrument. Contrairement à la quena, elle est conçue sur une échelle pentatonique propre aux musiques traditionnelles japonaises et chinoises et non sur une échelle chromatique (musique occidentale). Elle évoque ainsi la nature, et on l'emploie surtout en musique traditionnelle.

Reconstitution d'un paixiao et d'un chiba datant de la dynastie Tang (618907).

Historique de l'instrument

A l'époque préhistorique du Japon les premières représentations de musiciens jouant d'une flûte apparaissent sous la forme de figurines funéraires Haniwa.

En 589 une délégation diplomatique est envoyée en Chine signant le début d'une influence culturelle qui verra l'introduction d'une trentaine d'instruments Chinois dont la flûte shakuhachi. Cette formation aux instruments nombreux s'appelle Gagaku (雅乐) en japonais, (kyūjitai : 雅樂) chinois chinois simplifié : 雅乐 ; chinois traditionnel : 雅樂 ; pinyin : yǎyuè accompagne des cérémonies bouddhistes. Cette flûte, alors connue sous le nom de Gagaku Shakuhachi, fut utilisée lors des représentations de musique de cour jusqu'au IXe siècle. Elle en fut ensuite retirée après le déplacement de la cour de Nara a Kyoto et la réforme de la musique qui s'ensuivit (époque de Heian).

Au XIIIe siècle, le shakuhachi de l'école Fuke passa de Chine au Japon par le biais du grand maître japonais Hottô Kokushi. Le shakuhachi était alors considéré non pas comme un instrument de musique mais comme un instrument religieux. L’ordre bouddhiste zen Fuke, ouvert à son origine aux personnes souhaitant devenir moines, n'accepta plus tard que les membres issus de la classe des samouraï. Ces moines-guerriers appelés Komusô (c'est-à-dire moines du vide) étaient des religieux itinérants. Durant l'ère Edo (16031868), ces moines pèlerins Komusô jouèrent un rôle important dans le maintien de l'ordre établi sous le shogunat des Tokugawa visant à maintenir une paix durable et à déjouer les intrigues politiques. Cette stabilité politique permit de préserver une paix durable pendant 265 ans.

Au XVIIIe siècle, un nouveau style de musique naquit à travers l'école Kinko-ryû. Kinko Kurosawa, son créateur, arrangea les pièces classiques dont il avait reçu la transmission, pour en faire des pièces plus fournies.

À la fin du shogunat des Tokugawa, un certain nombre de personnes n'appartenant pas à la classe des guerriers revêtirent les habits de Komusô pour vivre de l'aumône. Ces interprètes qui n'avaient aucune relation avec la secte Fuke jouaient des pièces populaires n'appartenant pas au répertoire classique de l'école Fuke.

Avec la restauration Meiji (1868), en 1871, l'ordre Fuke fut démantelé par le nouveau régime en place, en raison de son implication et de son rôle actif dans le gouvernement des Tokugawa. Par la suite, les récitals en public à trois instruments (Sankyoku : Shakuhachi, Koto, et Shamisen) furent privilégiés, au détriment de la pratique contemplative en solo. C'est à partir de cette époque que le Shakuhachi se démocratisa dans les classes bourgeoises citadines de la société, via les récitals donnés en public.

Une autre grande école apparut à la fin du XIXe siècle, le Tozan-ryû. Son créateur, Tozan Nakao, était né dans la région du Kansai où le style se développa et où il continue de prospérer aujourd'hui. Tozan créa et développa des pièces propres à son style. Cette école est actuellement la plus importante du Japon, quant au nombre de pratiquants.

Facture

Shakuhachi.

Le terme shakuhachi signifie « 1,8 pied », désignant ainsi la longueur de l’instrument. Il est composé de deux hanzi (ou kanji en japonais) :

  • , shaku (du chinois , chǐ). Le chi est une unité de mesure impériale chinoise utilisée en Extrême orient, équivalent autrefois à 20 cm, puis ayant augmenté jusqu'à 30,3 cm, soit un pied.
  • , hachi (du chinois , ) désigne le chiffre huit, ici les 8 10e de chǐ, soit huit pouces.

L’ensemble se lit comme « un pied et huit dixièmes », soit environ 55 cm, ce qui est la longueur la plus répandue pour l'instrument. En pratique, on trouve cependant des flûtes qui vont de 1,3 shaku à 3,3 shaku (près d’un mètre), du plus aigu au plus grave.

Le shakuhachi est habituellement taillé dans une tige de bambou madaké (Phyllostachys reticulata). Les shakuhachi de taille moyenne (proche des 1,8 shaku) possèdent en général 7 nœuds, les grands instruments en comptent parfois plus.

Le compositeur japonais Akira Tamba explique : "on prend la racine et la partie inférieure d'un bambou mâle que l'on fait sécher dehors, à l'ombre, jusqu'à ce qu'il ait perdu toute son huile. Puis, on perce sept nœuds à l'aide d'une drille"[1].

L’instrument présente cinq trous, dont un à l’arrière, accordés selon le système pentatonique, sans demi-tons. L’instrument le plus répandu (1,8 shaku ou 55 cm) donne une gamme pentatonique mineure en ré : Ré, Fa, Sol, La, Do, ré. Toutefois, l’instrumentiste peut jouer sur la puissance et la direction de son souffle ainsi que sur le degré d’obturation des trous pour modifier le son d’un ton complet, parfois plus.

Certains facteurs modernes proposent aujourd’hui des shakuhachi à 7 trous permettant de jouer plus facilement un mode de Mi(1/2 ton, ton, ton, ton, 1/2, ton, ton) soit pour Ré: Ré, Mib, Fa, Sol, La, Si♭, Do, ré. Certains modèles expérimentaux sont chromatiques.

Pour les ji-ari[Quoi ?],la perce est recouverte d’une couche de "ji" (pâte) , permettant un contrôle très strict des cotes intérieures[pas clair], un accordage très précis puis recouverte de fines couches d'"urushi" laque très dure protégeant le bambou contre l'humidité contenue dans le souffle. Une autre famille importante d'instruments sont dépourvues de cette pâte : les ji-nashi.

Une pièce de corne de buffle est insérée dans l’embouchure (utaguchi), parfois entourée d’une feuille de métal précieux (or ou argent). La forme de l’utaguchi permet de définir l’école à laquelle l’instrument se rapporte. L’utaguchi triangulaire de l’illustration ci-contre est caractéristique de l’école Kinko (Kinko-ryu) ; les utaguchi de l’école Tozan sont en forme de croissant.

Jeu

Utaguchi (embouchure).

Le musicien est généralement agenouillé, assis sur ses talons. Contrairement au joueur de flûte à bec, qui souffle dans un bec rigide conduisant ainsi l’air dans un sifflet, le joueur de shakuhachi souffle dans son instrument un peu à la manière dont on soufflerait dans le goulot d’une bouteille vide. L’embouchure du shakuhachi présente un bord biseauté (flute à encoche), permettant au joueur de contrôler très finement la hauteur du son, en un mouvement de fermeture ou d'ouverture de l'orifice supérieur.

Il existe de nombreuses écoles pour le style de jeu, les plus connues en occident étant les écoles kinko et tozan.

Le shakuhachi est un instrument très polyvalent, traditionnellement associé au koto et au shamisen dans le cadre des musiques du Bunraku (théâtre de marionnettes). Mais il dépasse aujourd’hui le cadre des arts traditionnels japonais et on l'utilise dans le jazz ou la musique contemporaine. Le Japonais Gorō Yamaguchi en fut un des meilleurs interprètes. Le shakuhachi a également été utilisé par des compositeurs contemporains tels que Tōru Takemitsu, Ryō Noda ou John Zorn.

Il existe une abondance d’enregistrements contemporains, particulièrement chez les éditeurs japonais. Les genres essentiels sont le honkyoku, solo traditionnel, le sankyoku, ensemble avec koto et shamisen, et le shinkyoku, musique contemporaine pour ensemble de shakuhachi et koto. Le shakuhachi est également employé dans les ensembles de musiques du monde par Hozan Yamamoto, notamment. Durant les années 1980, l’apparition du synthétiseur popularisa le son du shakuhachi. Ce dernier était en effet proposé parmi les instruments par défaut sur les synthétiseurs de fabrication japonaise.

Notes et références

  1. Akira Tamba directeur de recherche au CNRE, L'art du shakuhachi, Paris, Radio France,

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Riley Lee (1992). « Yearning For The Bell; a study of transmission in the shakuhachi honkyoku tradition », Thesis, University of Sydney.
  • (en) Iwamoto Yoshikazu, « The Potential of the Shakuhachi in Contemporary Music », Contemporary Music Review, 8/2, 1994, pp. 5-44.
  • (en) Tsukitani Tsuneko, « The shakuhachi and its music », in Alison McQueen Tokita, David W. Huges (edited by), The Ashgate Research Companion to Japanese Music 7, Aldershot, Ashgate, 2008, pp. 145-168.
  • (en) Seyama Tōru, « The Re-contextualisation of the Shakuhachi (Syakuhati) and its Music from Traditional/Classical into Modern/Popular », The World of Music, 40/2, 1998, pp. 69-84.
  • Bruno Deschênes, Le Shakuhachi japonais, une tradition réinventée, Paris, L'Harmattan, , 256 p. (ISBN 978-2-343-11170-4, lire en ligne).

Discographie sélective

  • «L'Art du shakuhachi», Katsuya Yokohama (1ère flute), Yoshikazu Iwamoto (2ème flute), Ocora Radio France, .
  • «Shakuhachi, l'esprit du silence», Yoshikazu Iwamoto, Buda Musique, .

Articles connexes

Liens externes

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