Sciences dures

Sciences dures est une expression populaire désignant dans un même ensemble les sciences de la nature et les sciences formelles. Elle est cependant sensiblement plus problématique que cette dernière expression, en particulier du fait de son caractère normatif. Elle peut être perçue comme implicitement dévalorisante :

  • à l'endroit des sciences humaines et des sciences sociales (parfois appelées « sciences molles » ou, moins connoté négativement, « sciences douces ») ;
  • à l'encontre des sciences exactes, qu'elle fait paraître comme inhumaines et rigides.

Histoire de l'expression

Selon Philippe Cibois, secrétaire général de l’Association Française de Sociologie[1] :

« L'opposition entre sciences humaines et sociales et sciences du monde naturel a un fondement épistémologique mais l'opposition science dure/science molle, dans sa terminologie, est récente et est contemporaine de l'arrivée de l'informatique où on s'est rendu compte que les machines, appelées « la quincaillerie » en anglais, le « hardware », avait besoin de quelque chose de beaucoup plus subtil pour fonctionner, la programmation. Par opposition à hard dans hardware (étymologiquement en anglais, « articles en dur »), s'est composé le néologisme software pour désigner les programmes. Le français a fait de même en inventant l'opposition matériel/logiciel qui s'est bien adaptée. De l'informatique, l'opposition hard/soft, matériel (relevant de la physique)/logiciel (relevant des applications de la science informatique elle-même) est passée aux disciplines elles-mêmes opposant la « hard science » qui concerne la physique et les sciences de la matière à la « soft science » qui touche la linguistique, l'algorithmique, la logique. Il est à noter que les sciences de la vie ne sont pas prises en compte par cette opposition et que l'usage courant actuel est, chez certains membres des sciences de la matière, d'appeler soft tout ce qui ne résiste pas autant à l'expérimentation que la matière, ce qui en vient à désigner toutes les sciences humaines et sociales, ce que les économistes contestent évidemment pour leur compte. »

Selon Thierry Rogel, professeur agrégé de sciences économiques et sociales[2] : « Cette dichotomie est à la fois portée par les débats sur les deux sciences, les définitions vulgarisatrices de ce « qu'est ou devrait être » la science ainsi que la partition institutionnelle et culturelle de l'Éducation Nationale pour laquelle la filière scientifique est uniquement celle qui correspond aux sciences dures »

Selon Léna Soler, « L’opposition sciences dures/sciences molles n’est pas à placer sur le même plan que [les autres classifications des sciences], dans la mesure où elle repose essentiellement sur un jugement de valeur : parler de sciences « molles » est évidemment péjoratif [...]. L’opposition sciences dures/sciences molles coïncide globalement avec l’opposition entre d’un côté sciences de la nature et sciences formelles, de l’autre sciences humaines et sociales »[3].

Dans le no 661-662 de juin- de la revue Critique, intitulé Sciences dures ?, Françoise Balibar et Elie During, écrivent : « C’est un lieu commun tenace : les sciences seraient d'autant plus « dures » qu'elles seraient plus authentiquement des sciences. [...] L’opposition des sciences dures (physico-mathématiques) aux sciences humaines hérite de ces confusions et de ces préjugés. »

Toujours selon Léna Soler, l'expression « sciences dures » aurait donc une portée normative, par opposition aux « sciences molles »[4].

Selon Balibar et During, cette expression ferait apparaître les « sciences dures » comme autant de dogmes rigides : « Tout se passe comme si les sciences de la nature ne pouvaient être qu'« inhumaines » », écrivent-ils[5].

Notes et références

  1. « L’avenir de la recherche du point de vue des jeunes chercheurs », table ronde organisée par APIDOC et la confédération des jeunes chercheurs. Les SHS dans la recherche par Jean Ferrette
  2. Durcir les « sciences molles », mollir les « sciences dures » ?
  3. Léna Soler, Introduction à l’épistémologie, Paris, Ellipses, , 335 p. (ISBN 978-2-7298-4260-4), p. 24.
  4. Transformer l’idée de science et l’idéologie liée à la science ? par Léna Soler.
  5. revue Critique, Sciences dures ?.

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