Saturn IB

La fusée spatiale Saturn IB (ou Saturn 1B[1]) était une version améliorée du lanceur Saturn I, qui disposait d'un second étage plus puissant, le S-IVB. Contrairement à Saturn I, le modèle IB était capable de placer le module de commande d'Apollo en orbite terrestre, ce qui en faisait un lanceur de choix pour tester le vaisseau Apollo pendant que la fusée Saturn V, nécessaire au lancement complet, était encore en cours d'élaboration. Saturn IB fut utilisée plus tard pour les missions habitées Skylab et le projet Apollo-Soyouz.

Saturn IB

Le lanceur Saturn IB de la mission AS-202.
Données générales
Pays d’origine États-Unis
Constructeur Chrysler (S-IB)
Douglas (S-IVB)
Premier vol
Dernier vol
Lancements (échecs) 9 (0)
Hauteur 68 m
Diamètre 6,6 m
Masse au décollage 589,77 t
Étage(s) 2
Poussée au décollage 7 100 kN
Base(s) de lancement Centre spatial Kennedy
Charge utile
Orbite basse 18,6 t
Motorisation
1er étage S-IB : 8 moteurs H-1
Poussée 7 100 kN
Ergols RP-1/LOX
Durée de combustion 150 s
Fabricant Chrysler
2e étage S-IVB : 1 moteur J-2
Poussée 890 kN
Ergols cryogéniques LOX/LH2
Durée de combustion 475 s
Fabricant Douglas
Missions
Vol habité en LEO

Les lancements de cette fusée se déroulèrent au Launch Complex 37 et 34 de Cap Canaveral (LC-37, LC-34) puis au Launch Complex 39 (LC-39) du centre spatial Kennedy.

Contexte

Un lanceur lourd pour les satellites militaires

Les débuts de la famille de lanceurs Saturn sont antérieurs au programme Apollo et à la création de la NASA. Début 1957, le Département de la Défense (DOD) américain identifie un besoin pour un lanceur lourd permettant de placer en orbite des satellites de reconnaissance et de télécommunications allant jusqu'à 18 tonnes. Les lanceurs américains les plus puissants en cours de développement peuvent tout au plus lancer 1,5 tonne en orbite basse car ils dérivent de missiles balistiques beaucoup plus légers que leurs homologues soviétiques. À l'époque, Wernher von Braun et son équipe d'ingénieurs, venus comme lui d'Allemagne, travaillent à la mise au point des missiles intercontinentaux Redstone et Jupiter au sein de l'Army Ballistic Missile Agency (ABMA), service de l'Armée de Terre situé à Huntsville (Alabama). Cette dernière lui demande de concevoir un lanceur permettant de répondre à la demande du DOD. Von Braun propose un engin, qu'il baptise Super-Jupiter, dont le premier étage, constitué de 8 étages Redstone regroupés en fagot autour d'un étage Jupiter, fournit les 680 tonnes de poussée nécessaires pour lancer les satellites lourds. La course à l'espace, qui débute fin 1957, décide le DOD, après examen de projets concurrents, à financer en le développement de ce nouveau premier étage rebaptisé Juno V puis finalement Saturn (la planète située au-delà de Jupiter). Le lanceur utilise, à la demande du DOD, 8 moteurs-fusées H-1, simple évolution du propulseur utilisé sur la fusée Jupiter, ce qui doit permettre une mise en service rapide[2].

La récupération du projet Saturn par la NASA

Durant l'été 1958, la NASA qui vient d'être créée, identifie le lanceur comme un composant clé de son programme spatial. Mais début 1959, le Département de la Défense décide d'arrêter ce programme coûteux dont les objectifs sont désormais couverts par d'autres lanceurs en développement. La NASA obtient le transfert du projet et des équipes de Von Braun fin 1959 ; celui-ci est effectif au printemps 1960 et la nouvelle entité de la NASA prend le nom de Centre de vol spatial Marshall (George C. Marshall Space Flight Center MSFC).

La question des étages supérieurs du lanceur était jusque-là restée en suspens : l'utilisation de composants existants trop peu puissants et d'un diamètre trop faible n'était pas satisfaisante. Fin 1959, un comité de la NASA travaille sur l'architecture des futurs lanceurs de la NASA : son animateur, Abe Silverstein, responsable du centre de recherche Lewis et partisan de la propulsion par le couple hydrogène/oxygène en cours d'expérimentation sur la fusée Atlas-Centaur, réussit à convaincre un Von Braun réticent d'en doter les étages supérieurs de la fusée Saturn. Le comité identifie dans son rapport final six configurations de lanceur de puissance croissante (codés A1 à C3) permettant de répondre aux objectifs de la NASA tout en procédant à une mise au point progressive du modèle le plus puissant[3].

Configuration définitive de la famille Saturn

Lorsque le président Kennedy accède au pouvoir début 1961, les configurations des versions plus puissantes du lanceur Saturn sont toujours en cours de discussion, reflétant l'incertitude sur les missions futures du lanceur. Toutefois, dès , Rocketdyne, sélectionné par la NASA, avait démarré les études sur le moteur J-2, retenu pour propulser les étages supérieurs grâce à plus de 105 tonnes de poussée obtenus en consommant hydrogène et oxygène. Le même motoriste travaillait depuis 1956, initialement à la demande de l'Armée de l'air, sur l'énorme moteur F-1 (690 tonnes de poussée) retenu pour le premier étage. Fin 1961, la configuration du lanceur lourd (C-5 futur Saturn V) est figée : le premier étage est propulsé par cinq F-1, le deuxième étage par cinq J-2 et le troisième par un J-2. L'énorme lanceur peut placer 113 tonnes en orbite basse et envoyer 41 tonnes vers la Lune. Deux modèles moins puissants doivent être utilisés durant la première phase du projet :

  • la C-1 (ou Saturn I), utilisée pour tester des maquettes des vaisseaux Apollo, est constituée d'un premier étage propulsé par huit moteurs H-1 couronné d'un second étage propulsé par six RL-10 ;
  • la C-1B (ou Saturn IB), chargée de qualifier les vaisseaux Apollo sur l'orbite terrestre, est constituée du 1er étage de la S-1 couronné du troisième étage de la C-5[4].
Caractéristiques des lanceurs Saturn
LanceurSaturn ISaturn IBSaturn V
Charge utile
en orbite basse (LEO)
injection vers la Lune (TLI)
t (LEO)18,6 t (LEO)118 t (LEO)
47 t (TLI)
1er étage S-I (poussée 670 t.)
8 moteurs H-1 (LOX/Kérosène)
S-IB (poussée 670 t)
8 moteurs H-1 (LOX/Kérosène)
S-IC (Poussée 3 402 t)
5 moteurs F-1 (LOX/Kérosène)
2e étage S-IV (Poussée 40 t.)
6 RL-10 (LOX/LH2)
S-IVB (Poussée 89 t)
1 moteur J-2 (LOX/LH2)
S-II (Poussée 500 t.)
5 moteurs J-2 (LOX/LH2)
3e étage --S-IVB (Poussée 100 t.)
1 moteur J-2 (LOX/LH2)
Vols 10 (1961-1965)
Satellites Pegasus,
maquette du CSM
9 (1966-1975)
Qualification CSM,
relève Skylab,
vol Apollo-Soyouz
13 (1967-1973)
missions lunaires
et lancement Skylab

Développement et carrière opérationnelle


Caractéristiques techniques

Étage S-IVB, panneaux de libération du LEM ouverts.

Étage S-IB

L'étage S-IB est muni de huit propulseurs destiné aux missions en orbite terrestre basse. Il possède neuf réservoirs pour huit moteurs H-1. Les réservoirs sont agencés autour du réservoir d'un missile Jupiter rempli de LOX : 4 LOX, 4 RP-1. Les quatre moteurs externes peuvent être orientés pour mieux guider la fusée.

Étage S-IVB

L'étage S-IVB, préparé pour Saturn IB, est pratiquement identique à celui qui sera utilisé sur Saturn V, à l'exception notable de l'adaptateur qui permet de le relier aux étages inférieurs. Il est muni d'un seul moteur J-2 orientable. Les deux réservoirs de cet étage sont séparés par une structure à cloison commune (common bulkhead), ce qui économise environ 10 tonnes.


Paramètre S-IB - 1er étage S-IVB - 2d étage Instruments Vaisseau Apollo
Hauteur (m) 25,5 17,8 1,00 24
Diamètre (m) 6,6 6,6 6,6 3,9
Masse au décollage (kg) 458 107 119 920 1 980 20 788
Masse à vide (kg) 45 267 13 311 225 14 098
Moteurs 8 propulseurs H-1 1 propulseur J-2 - 1 propulseur SPS
Poussée (kN) 7 582 1 020 - 97,86
Isp (s) 288 421 - 314
Isp (kN·s/kg) 2.82 4.13 - 3.08
Durée de combustion (s) 150 470 - 635
Carburant LOX/RP-1 LOX/LH2 - N2O4/UDMH


Historique des vols de la fusée Saturn IB

La fusée Saturn IB effectua neuf décollages, tous furent réalisés sans problèmes.

Nom de code Mission Décollage Remarques
AS-201 AS-201 Premier vol d'essai.
Vol sub-orbital du module de commande/service.
AS-203 AS-203 Second vol d'essai.
Test de l'étage S-IVB. Suivi pendant 4 orbites.
AS-202 AS-202 Troisième vol d'essai.
Second test sub-orbital du module de commande/service.
AS-204 Apollo 5 Test du module lunaire.
AS-205 Apollo 7 Premier vol habité du programme Apollo avec les astronautes Schirra, Eisele et Cunningham. Validation en vol du vaisseau Apollo.
Dernier lancement depuis (LC-34).
AS-206 Skylab 2 Vol habité Skylab : Conrad, Kerwin, Weitz.
Premier lancement depuis LC-39 avec la tour de Saturn V.
AS-207 Skylab 3 Second vol habité Skylab : Bean, Garriott, Lousma.
AS-208 Skylab 4 Troisième et dernier vol habité Skylab : Carr, Gibson, Pogue.
AS-209 Skylab Rescue 1973, 1974 Mission de secours Skylab, qui n'eut pas lieu.
Exposée au centre spatial Kennedy, avec une copie du module Apollo. Les moteurs du premier étage et le module de service Apollo ont été remplacés par des répliques en 1993-1994 à cause de la corrosion.
AS-210 Apollo-Soyouz Projet de test Apollo-Soyouz : Stafford, Slayton, Brand. 136 orbites.
Dernier vol de Saturn IB.
AS-211 Abandonné. Premier étage visible à l'Alabama Welcome Center.
AS-212 Abandonné. Second étage S-IVB converti pour devenir la station spatiale Skylab.
AS-213 Abandonné. Seul le premier étage fut construit.
AS-214 Abandonné. Seul le premier étage fut construit.


Déroulement d'un lancement orbital

Évènement Temps (s) Altitude (km)
Ordre d'allumage -3,02 .
Premier mouvement -0,19 .
Décollage 0,00 .
Manœuvre d'orientation 10,0 .
Manœuvre de rotation 10,0 .
Fin de manœuvre de rotation 38,0 .
Mach Un 62,18 7,63
Max Q 75,5 12,16
Freeze Tilt 134,40 .
Fin de combustion, moteur interne 140,65 .
Fin de combustion, moteur externe 144,32 .
Allumage des fusées de tassement (en anglais : ullage rocket) 145,37 .
Séparation S-IB / S-IVB 145,59 .
Allumage de S-IVB 146,97 .
Fin de combustion des fusées de tassement 148,33 .
Séparation des fusées de tassement 156,58 .
Séparation du LES 163,28 .
Manœuvre d'orientation 613,95 .
Coupure de S-IVB 616,76 .
Insertion en orbite 626,76 .
Séquence S/C Sep 663,11 .
Séparation du vaisseau 728,31 .

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Saturn IB » (voir la liste des auteurs).
  1. Cette dénomination est directement inspirée de Saturn I, aussi appelée « Saturn 1 ».
  2. Roger E. Bilstein (NASA), « Stages to Saturn The Saturn Building Blocks 2. Aerospace Alphabet: ABMA, ARPA, MSFC » (consulté le )
  3. Roger E. Bilstein (NASA), « Stages to Saturn The Saturn Building Blocks 2. Aerospace Alphabet: ABMA, ARPA, MSFC » (consulté le )
  4. Roger E. Bilstein (NASA), « Stages to Saturn 3. Missions, Modes, and Manufacturing » (consulté le )

Bibliographie

  • (en) Robert E. Bilstein, Stages to Saturn a technological history of Apollo/Saturn Launch vehicles, University Press of Florida, (ISBN 0-16-048909-1, lire en ligne)
  • (en) Dennis R. Jenkins et Roger D Launius, To reach the high frontier : a history of U.S. launch vehicles, The university press of Kentucky, (ISBN 978-0-8131-2245-8)
  • (en) J.D. Hunley, US Space-launch vehicle technology : Viking to space shuttle, University press of Florida, , 453 p. (ISBN 978-0-8130-3178-1)

Voir aussi

Articles connexes

  • Saturn La famille de lanceurs Saturn.
  • Saturn I Première version de la famille Saturn
  • Saturn V l'aboutissement de la famille Saturn
  • Programme Apollo Programme spatial principal utilisateur de la famille des lanceurs Saturn

Liens externes

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