F-1 (moteur-fusée)

Le F-1 était un moteur-fusée de très grande puissance, développé par Rocketdyne pour propulser le premier étage du lanceur américain géant Saturn V du programme Apollo. Les cinq moteurs F-1 utilisés sur Saturn V, d'une poussée unitaire au sol de 6,77 méganewtons (690 tonnes) brûlaient de l'oxygène liquide (LOX) et du kérosène (RP-1).

Caractéristiques
Type moteur Moteur-fusée à ergols liquides cryogéniques et cycle ouvert (générateur de gaz)
Ergols kérosène / oxygène liquide
Poussée 6,77 MNewtons (au sol)
Vitesse d'éjection 2 580 m/s
Pression chambre combustion 65,5 bars
Impulsion spécifique 265 s
Rallumage non
Moteur orientable 6° sur 2 axes (hydraulique)
Masse 8 400 kg (à sec)
Hauteur 5,8 m
Diamètre 3,7 m
Rapport de section 16
Durée de fonctionnement 159 s
Modèle décrit Apollo 15
Utilisation
Utilisation 1er étage
Lanceur Saturn V
Premier vol 1967
Statut Retiré du service
Constructeur
Pays États-Unis
Constructeur Rocketdyne

Le F-1 est toujours en 2021 le moteur-fusée à ergols liquides et à chambre de combustion unique le plus puissant à avoir été mis en service. Le moteur russe RD-171 (1986) atteint une poussée supérieure (790 tonnes au sol), mais en utilisant 4 chambres de combustion distinctes.

Historique

Les origines du F-1 remontent à 1955, lorsque la compagnie Rocketdyne se voit confier par l'Armée de l'air américaine, la réalisation d'un moteur-fusée à forte puissance, d’une poussée de 4,45 MN. Dès le début, le développement du moteur progresse rapidement et en 1957, Rocketdyne produit les spécifications détaillées de la chambre de combustion et débute les essais sur certains composants du moteur. En 1958, le projet est abandonné par l'Armée de l'air, qui considère qu'un moteur de ce type est trop puissant pour ses besoins. La NASA, qui dès sa création en 1958 suit de près le développement du F-1, décide de reprendre à son compte le projet en 1959. L'agence spatiale renouvelle le contrat avec son constructeur Rocketdyne pour poursuivre son développement, en faisant passer sa poussée à 6,7 millions de newtons[1].

La conception d’un moteur-fusée d’une telle puissance (la poussée du futur F-1 allait surpasser de loin tout ce qui avait été réalisé dans ce domaine) représentait un véritable défi pour les ingénieurs de Rocketdyne. Un défi technique que devaient relever les Américains dans le but de mettre en orbite des charges plus lourdes et, ultimement, envoyer un homme sur la Lune avant les Soviétiques.

Pour obtenir un moteur géant d’une grande fiabilité (exigence primordiale pour un moteur destiné aux vols habités) et mener ce projet à terme le plus rapidement possible, les concepteurs décidèrent d’utiliser une approche conservatrice dans l’élaboration du moteur et choisirent, lorsque cela était possible, des mécanismes et des concepts bien éprouvés. Par exemple, le choix des ergols se porta sur des substances déjà bien maîtrisées à l’époque, l’oxygène liquide et le RP-1. Malgré l’adoption de cette approche prudente, favorisant la simplicité de conception, le développement du F-1 allait rencontrer un problème majeur.

En effet, dès les premiers véritables tests de mise à feu dans les années 1959-1960, apparurent de sérieux phénomènes d’instabilité de combustion, qui pouvaient entraîner la destruction du moteur[2]. Le personnel de Rocketdyne et de Marshall, aidé de plusieurs spécialistes en provenance des milieux universitaires et industriels, mit près de sept ans à résoudre ce problème intermittent et imprévisible. Les ingénieurs développèrent une technique très efficace, qui consistait à faire exploser des petites charges (nommées « bombs ») dans la chambre de combustion durant les tests de mise à feu. Ceci leur permit d’étudier avec précision la réponse de la chambre aux variations de pression et d’expérimenter divers modèles d’injecteurs en conditions d’instabilité. Après plusieurs années de recherches, la combustion devint tellement stable qu’une instabilité induite artificiellement était amortie en moins de 1/10e de seconde.

Le , le F-1 recevait sa qualification complète pour les vols habités.

Schéma du moteur

Caractéristiques

L'injecteur (au fond) et les tubes formant la paroi de la chambre de combustion.

Pour limiter les problèmes de développement, une approche conservatrice a été retenue, et le moteur-fusée F-1 reprend dans ses grandes lignes l'architecture du moteur H-1 développé pour les lanceurs Saturn I, avec toutefois une poussée huit fois plus importante (près de 800 tonnes). C'est un engin de très grande taille avec une hauteur de 5,8 mètres pour un diamètre de 3,7 mètres et une masse à sec d'environ 8,4 tonnes. La moitié de cette hauteur est attribuable à la tuyère, dont le rapport de section s'évase de 10:1 à 16:1. Celle-ci est boulonnée au moteur, pour faciliter le transport de celui-ci. L'alimentation du moteur est à combustion étagée : un générateur de gaz brûle une faible fraction des ergols pour entraîner et mettre sous pression, via une turbopompe, les ergols avant de les injecter dans la chambre de combustion. Dans ce type d'alimentation, un mélange riche en carburant est brûlé dans le générateur de gaz, et le gaz produit entraîne la turbine des pompes de carburant et de comburant avant d'être injecté dans la tuyère du moteur, où il complète sa combustion ; ce type de moteur est plus complexe qu'un moteur à cycle ouvert, mais plus efficace[3].

La turbopompe unique, qui alimente en ergols à la fois le générateur de gaz et la chambre de combustion, est entraînée par une turbine à deux étages d'une puissance de 41 MW et tournant, en régime nominal, à 5 550 tours par minute. Elle est alimentée par les gaz en provenance du générateur de gaz et son axe entraîne directement les pompes à RP-1 (un kérosène très raffiné) et à oxygène liquide avec un débit de 2,72 tonnes par seconde. Le générateur de gaz, comme la turbopompe, sont fixés à la chambre de combustion, ce qui permet d'éviter le recours à une tuyauterie flexible qui aurait été nécessaire lorsque le moteur est incliné pour orienter sa poussée. L'oxygène liquide, mis sous pression par la turbopompe, passe par un échangeur de chaleur qui utilise les gaz chauds en sortie de la tuyère pour réchauffer l'ergol avant son injection dans la chambre de combustion, à une pression de 70 bars. La paroi de la chambre de combustion est constituée par un réseau de 89 tubes verticaux, brasés de manière à former un ensemble continu qui descend jusqu'en dessous du col de la tuyère. Dans la région de la chambre de combustion où le taux d'expansion des gaz est de 3:1, les tubes se subdivisent pour conserver un diamètre relativement constant. 70 % du kérosène en sortie de la turbopompe circule dans ces tubes pour maintenir la température de la paroi en dessous de son point de déformation, avant d'être renvoyé par un deuxième réseau de tubes pour être injecté dans la chambre de combustion. Les ergols sont injectés par 3 700 orifices pour le kérosène et 2 600 orifices pour l'oxygène[4].

La partie basse de la tuyère, qui n'est pas refroidie par le système tubulaire décrit ci-dessus, est maintenue en dessous de sa température de fusion par injection des gaz en sortie de la tuyère de la turbopompe. Ceux-ci circulent entre la paroi externe continue de la tuyère et sa paroi interne perforée. Il en résulte un film de gaz dont la température n'est que de 650 °C, qui s'interpose ainsi entre la paroi en acier inoxydable et les gaz expulsés de la chambre de combustion à une température de 3 200 °C. Sur les cinq moteurs F-1, quatre sont montés en périphérie, et un au centre de la base du premier étage. La poussée des moteurs montés en périphérie est orientable de 6° avec deux degrés de liberté, grâce à des vérins actionnés par un système hydraulique actionné par le kérosène sous pression[4]. Les cinq moteurs sont montés sur une structure de poussée particulièrement massive (22 tonnes, sur une masse à vide totale de 136 tonnes du premier étage) constituée de 4 longerons reliés par deux poutres assemblées en croix et deux cadres circulaires.

Galerie de photos

Postérité

Hypothèse de réutilisation

La relance de la production du F-1 fut l'une des hypothèses envisagées, dans le cadre du développement du Space Launch System où la Nasa recherchait un moteur de très grande puissance, mais l'option à ergols solides a été finalement retenue. Pour cela un moteur F-1 substistant, conservé au National Air and Space Museum, a été étudié, et sa génératrice de gaz testée sur un banc d'essai[5]. Mais même si tous les plans d'époque sont disponible, remettre en production le moteur à l'identique serait difficile : de nombreuses étapes d'assemblage étaient manuelles, et faisaient appel à des méthodes qui ne sont plus employées, il y aurait un savoir-faire considérable à retrouver. Un "F-1B" reprenant la même conception, mais adaptée aux techniques de production moderne, et comportant beaucoup moins de pièces, a été proposé[6].

Culture

Dans le jeu vidéo et simulateur de programme spatial Kerbal Space Program, le Propulseur à ergol liquide KE-1 "Mastodonte" est tout simplement un moteur F-1[7]. De plus, la description du moteur indique que l'on ne fait pas plus puissant que ce moteur. En plus de pouvoir être utilisé pour construire une Saturn V (l'adaptateur pour grappe de 5 propulseurs Kerbodyne [8]permet cette action), il peut être appliqué sans problème sur d'autres vaisseaux grâce à ses variantes qui lui permettent d'être inclus comme moteur unique[7].

Notes et références

  1. (en) |NASA Rocketdyne document
  2. (en) Renea Ellison, Marlow Moser, Combustion Instability Analysis and the Effects of Drop Size on Acoustic Driving Rocket Flow, Propulsion Research Center, University of Alabama in Huntsville
  3. (en) NASA, « SATURN V News reference : F-1 engine Fact Sheet », Centre de vol spatial Marshall, , p. 3
  4. (en) NASA, « SATURN V News reference : F-1 engine Fact Sheet », Centre de vol spatial Marshall, , p. 3-1 à 3-5
  5. (en-US) Lee Hutchinson, « Saturn V “moon rocket” engine firing again after 40 years, sort of », sur Ars Technica, (consulté le )
  6. (en-US) Lee Hutchinson, « How NASA brought the monstrous F-1 “moon rocket” engine back to life », sur Ars Technica, (consulté le )
  7. « Kerbodyne KE-1 "Mastodon" Liquid Fuel Engine - Kerbal Space Program Wiki », sur wiki.kerbalspaceprogram.com (consulté le )
  8. « Kerbodyne Engine Cluster Adapter Tank - Kerbal Space Program Wiki », sur wiki.kerbalspaceprogram.com (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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