Roland Epstein

Roland Epstein ou Roland Israël Epsztein[1], né le à Szczuczyn en Pologne et décédé le [2] à l'âge de 74 ans, est un résistant juif français d'origine polonaise dont le nom d'emprunt dans la Résistance fut Roland Estienne. Il œuvre au sein du MJS en faisant passer des enfants juifs en Suisse, notamment avec Mila Racine, avant d'être arrêté avec celle-ci puis déporté. Après guerre, il soutient une thèse de doctorat en chimie[3] et entre au CNRS en tant que chercheur[4].

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Biographie

Pologne

Szczuczyn, est au début du XXe siècle une petite ville de Pologne située quasiment aux confins de la Lituanie et de la Russie.

En 1920, Szalom[5] Mendel Epstein, natif de ce shtetl polonais, est alors "représentant en tissus". Il épouse cette année-là Leja[5] Gwint, originaire de Vilno mais établie professionnellement dans la bourgade depuis 1917[4].

Leur premier né, Israël "Rolke" y voit le jour le [6],[1], puis une fille vient au monde en décembre 1923, elle est prénommée Sulamita[5],[4].

Szalom a un frère aîné, Meyer[5] "Myron" qui a émigré en 1912 à Paris. Après des études de droit ce dernier exerce comme avocat avant de se marier puis de choisir de travailler avec son beau-père dont l'entreprise est florissante. En 1926, Meyer qui a francisé son prénom en Maurice confie la nouvelle succursale de Varsovie à son frère[4].

Paris

En 1929 toute la famille quitte Varsovie pour venir s'établir à Paris, Maurice ayant proposé à son frère une place de représentant dans sa société. Les nouveaux arrivants finissent rapidement par se loger en appartement à Champigny-sur-Marne. Szalom et Leja francisent alors leurs prénoms, ceux-ci devenant respectivement Max et Lisa[7]. De son coté, cette dernière s'affaire aussi au domicile en tant que couseuse de cols sur des manteaux de fourrure.

À sept ans, "Rolke" qui n'a jusqu'alors pas été scolarisé est inscrit à l'école communale de Champigny. Sur les recommandations de Maurice, Max et Lisa ont adapté son prénom en Roland et celui de Sulamita en Simone. Le garçon apprend le français en trois mois et le parle couramment. Ayant sauté deux classes, Roland passe et obtient son certificat d'études à l'âge de onze ans, ceci alors que la famille a entre-temps déménagé aux Lilas.

Lisa estime que son fils est encore trop jeune pour se rendre seul dans quelque lycée parisien, ce qui conduit Roland à passer deux années en cours complémentaires. Il a appris à lire l'hébreu pendant sa préparation à la bar-mitzvah, mais la cérémonie n'a pas lieu. À l'issue d'un examen d'entrée, Roland est admis immédiatement en quatrième au lycée Voltaire, puis il passe l'année suivante directement en seconde. Parlant le yiddish, cela l'aide passablement à acquérir ses premières notions d'allemand scolaire. En 1937, la famille déménage et s'établit dans le 20e arrondissement. Après avoir obtenu la première partie du baccalauréat en juin 1939, Roland part avec ses parents et sa sœur en vacances au bord de la Manche dans la Somme[4].

Déclaration de guerre

Le 3 septembre 1939 la France déclare la guerre à l'Allemagne suite à l'invasion de la Pologne le 1er. La famille Epsztein se résout fin septembre à regagner Paris, d'autant que Roland, citoyen polonais âgé de dix-sept ans révolus doit se faire recenser militairement[8] et il estime qu'il est de son devoir de s'y soumettre. Une fois passé devant le conseil de révision il est reconnu "apte pour le service".

Il poursuit sa scolarité en "maths élem" au lycée Voltaire malgré les aléas dus à la guerre qui ne permettent aux classes de fonctionner que par demi-journées : dans la sienne il n'a cours que le matin[4].

Invasion de la France et armistice

À partir du 10 mai 1940, les Allemands lancent leur offensive sur la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et la France.

Il est très vite entendu que mère et fille quittent la capitale. L'exode ne battant pas son plein, Lisa et Simone parviennent par voie ferroviaire à gagner Vichy et s'y logent à l'hôtel. Max, à cause de ses responsabilités professionnelles et Roland qui envisage toujours de passer les examens du baccalauréat, décident de rester à Paris.

Le 6 juin, l'ennemi se rapprochant inexorablement de la Ville-Lumière, Maurice qui possède une Traction Avant décide de prendre la direction de La Baule afin d'y rejoindre sa femme Anna. Il a projeté un "détour" via Bourges afin de pouvoir y déposer son frère et son neveu qui doivent gagner Vichy. Le véhicule de Maurice est conduit par son chauffeur, lui-même accompagné de son épouse et de leur nourrisson. Le petit groupe franchit la Loire à Sully puis, étant parvenus jusqu'à la capitale berrichonne, Max et Roland terminent leur parcours en train jusqu'à la ville d'eaux où ils retrouvent Lisa et Simone.

Roland se présente aux épreuves du baccalauréat à Cusset, il est reçu à celle de mathématiques élémentaires mais échoue en philosophie. Le 1er juillet, le gouvernement s'installe à Vichy, le 10 est instauré l'État français. Rapidement, les étrangers y sont déclarés indésirables, entre autres à cause des priorités de logements données aux fonctionnaires[4].

Le Mouvement de la jeunesse sioniste (MJS)

En , le Mouvement de jeunesse sioniste (MJS) est créé à Montpellier par Joseph Fisher, Simon Levitte et Otto Giniewski[9] (frère de Paul Giniewski). Simon Levitte organise à Moissac la formation de cadres devant assurer la protection et le planquage des Juifs. Il crée aussi un service de faux-papiers à Grenoble, dont il confie la direction à Otto Giniewski (Toto Giniewski)[10].

Roland Epstein, Tony Gryn, Maurice Maidenberg, Sacha Racine future épouse de ce dernier, sa sœur Mila et son frère Emmanuel œuvrent au sein du MJS en collaborant entre autres avec Rolande Birgy de la JOC[11],[12] et Georges Loinger du réseau Garel (OSE)[13].

Arrestation et déportation

Le , avec Mila Racine, Roland Epstein essaie de faire passer des Juifs de France en Suisse. Le groupe inclut 30 enfants venant de Nice[14],[15], un couple de personnes âgées, une mère avec son bébé et un couple avec un tout jeune enfant.

Le groupe est découvert, à Saint-Julien-en-Genevois (Haute-Savoie)[14] par les chiens policiers, d'une patrouille allemande[16]. Il y a des tirs d'arme. Une femme est tuée, une autre blessée.

Ils sont arrêtés et conduits à la prison de la Gestapo à l'hôtel Pax de Annemasse.

Le Maire d’Annemasse, Jean Deffaugt, obtient la libération des enfants, placés sous sa responsabilité personnelle dans un home d’enfants de la région.

Mila Racine et Roland Epstein sont transférés au Fort Montluc à Lyon.

Mila Racine est transférée à Compiègne puis déportée à Ravensbrück, avant d'être transférée à Mauthausen. Elle est tuée à Amstetten[17],[18] le , lors d'un raid aérien britannique.

Roland Epstein est transféré à Drancy puis déporté le à Buchenwald, puis à Dora-Mittelbau. Il survit aux marches de la mort et arrive à Ravensbrück fin . Il est libéré par l'armée rouge et sera rapatrié en France le . Il passe par l'Hôtel Lutetia[6].

Notes et références

  1. Site Mémoire des Hommes
  2. Annonce par la famille, dans les carnets du Figaro du 2 février 2016.
  3. Tetrahedron Letters Volume 15, Issue 22, 1974, Pages 1897-1900.
  4. « Étoiles jaunes dans la France des années noires - Onze récits parallèles de jeunes rescapés » (récit VIII « Roland et Cécile » d'après le témoignage de Roland Epstein), par Serge Lapidus, éditions de l'Harmattan, 2000, pages 279-311.
  5. Source : État civil français.
  6. « Roland Epstein », sur le site ajpn.org.
  7. Source : famille Epsztein.
  8. L’armée polonaise, sur le site Prisonniers de guerre.fr.
  9. MJS sur le site ajpn.org, d'après Frida Wattenberg.
  10. Simon Lévitte, sur le site ajpn.org.
  11. Rolande Birgy, sur le site ajpn.org.
  12. « Mila Racine (1919-1945) », sur le site yiddishpourtous.org, lien à jour le .
  13. Anciens de la Résistance Juive de France sur le site L’association des Amis de la Fondation de la Résistance – Mémoire et Espoirs de la Résistance.
  14. (en) Paul R. Bartropet& Samantha J. Lakin, Heroines of Vichy France : Rescuing French Jews during the Holocaust, 2019, p. 83 (présentation en ligne).
  15. Melissa Boufigi, « Les enfants de Mila Racine », leparisien.fr, (lire en ligne).
  16. (en) « Mila Racine's Last Letter » extraite de l'exposition « Last Letters From The Holocaust : 1944. July 1944 ». Ravensbrück, sur le site yadvashem.org (présentation en ligne).
  17. Site de la Fondation pour la mémoire de la déportation.
  18. Voir, JORF n° 21 du 25 janvier 2013, page 1584.

Bibliographie

  • Étoiles jaunes dans la France des années noires - Onze récits parallèles de jeunes rescapés (récit VIII « Roland et Cécile », d'après le témoignage de Roland Epstein), par Serge Lapidus, éditions de l'Harmattan, 2000. (ISBN 2-7384-9569-9)
  • (en) Patrick Henry, Jewish Resistance Against the Nazis. CUA Press, 2014. (ISBN 0813225892), (ISBN 9780813225890).
  • (en) Paul R. Bartrop et Samantha J. Lakin, Heroines of Vichy France: Rescuing French Jews during the Holocaust. ABC-CLIO, 2019. (ISBN 1440852332), (ISBN 9781440852336).

Articles connexes

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