Raphaël Géminiani

Raphaël Géminiani est un coureur cycliste français né le à Clermont-Ferrand.

Carrière

Jeunes années et débuts en cyclisme

Raphaël Géminiani naît le à Clermont-Ferrand. Ses parents se sont installés dans cette ville deux ans auparavant après avoir fui l'Italie fasciste. Son père Giovanni (1893-1974), ancien coureur cycliste, dirigeait une fabrique de bicyclettes à Lugo, brûlée par les fascistes après qu'il eut refusé de les soutenir. Arrivé à Clermont-Ferrand, il devient ajusteur chez Michelin, tandis que son épouse travaille à la filature de cette même entreprise[1]. Raphaël Géminiani a trois frères et sœurs : deux aînés, Angelo (1917-2005), et Paule née en 1921, et une sœur cadette, Marie-Rose, née en 1928. Leur mère meurt lorsque Raphaël Géminiani a huit ans. Leur père ouvre alors un atelier de cycles. Raphaël commence à y travailler en 1936, après avoir obtenu son certificat d'études[2].

Il pratique d'abord le rugby, à l'école des établissements Michelin et à l'Association sportive montferrandaise. C'est en voyant son frère aîné obtenir quelques succès au niveau régional qu'il est tenté par le cyclisme. Son père l'en dissuade, le trouvant trop maigre et ayant besoin de lui à l'atelier. Raphaël finit par obtenir gain de cause en 1942 et s'inscrit à l'Union cycliste montferrandaise[3].

Il commence à s'entraîner avec son frère, puis prend sa première licence en 1943, à l'Amicale cycliste montferrandaise. Sans connaissance tactique, il déploie beaucoup d'énergie en course et parvient parfois à gagner. Son père Giovanni, qui promeut son entreprise en équipant des débutants, espère alors renouveler l'exploit du Clermontois Georges Cohen, vainqueur du Premier pas Dunlop. Il met au défi son fils de s'y qualifier et d'y briller[4].

Vainqueur du Critérium des Espoirs, il se qualifie pour le Premier pas Dunlop en prenant la troisième place de la finale régionale[5]. La grande finale du Premier pas a lieu le à Montluçon. Raphaël Géminiani attaque dans la dernière difficulté, à une quinzaine de kilomètres de l'arrivée et s'impose en solitaire. Louison Bobet, futur rival et coéquipier de Géminiani, est sixième de cette course[6]. Cette victoire lui permet de disputer le championnat de France amateur. Alors qu'il n'a jusqu'alors jamais disputé de course aussi longue (170 km), il prend part à la grande échappée du jour, rejointe à 30 km de l'arrivée, puis connaît une défaillance[7]. Parmi les succès obtenus en 1944, Raphael Géminiani gagne l'omnium de la route devant son frère. Celui-ci met fin à sa carrière en cours d'année, à 28 ans, à la suite d'une chute lui causant une fracture du fémur [8].

En , Raphaël Géminiani est emmené par la milice à la prison de Clermont lors de la rafle du quartier de la Plaine. Il en sort à la Libération [9]. Poussé par son père, il nourrit l'ambition de devenir coureur professionnel et dispute des courses relevées afin de progresser. Il gagne huit épreuves régionales[10]. En fin d'année 1945, une chute au championnat d'Auvergne le contraint à stopper sa saison.[11].

Carrière

Raphaël Géminiani au milieu des années 1950.

Surnommé « le grand fusil », il commença sa carrière professionnelle en 1946 et la termina en 1960. Il fut vainqueur du Grand Prix de la montagne du Tour de France 1951. Ses meilleurs classements sur le Tour sont 2e en 1951 derrière Hugo Koblet (il déclara à propos de ce dernier : « S'il existait deux Koblet, je changerais de métier sur l'heure ») et 3e en 1958. Il remporte 7 étapes sur le Tour entre 1949 et 1955. Il porte pendant 4 jours le maillot jaune sur le Tour. Également champion de France 1953, il remporte le Grand prix de la montagne du Tour d'Italie 1951 et décroche la 3e place au classement général du Tour d'Espagne 1955.

En 1954, l'équipe Saint-Raphaël est créée. Elle est sponsorisée par la marque d'apéritif Saint-Raphaël (première marque extérieure au monde du sport à sponsoriser une équipe en France), ainsi que par les cycles Géminiani. Il a suivi l'exemple de Fiorenzo Magni qui, dès 1952, avait amené la première marque extra-sportive à créer son équipe avec la marque Nivea.

Non choisi par le sélectionneur de l'équipe de France, Marcel Bidot, au départ du Tour de France 1958, il y participe avec l'équipe régionale du Centre-Midi, le vainqueur de l'édition précédente, Jacques Anquetil, ne voulant pas à la fois de Louison Bobet et de Raphaël Géminiani au sein de la sélection tricolore. Au départ de l'édition, à Bruxelles, il baptise un âne qu'il reçoit en cadeau du nom de Marcel. Sur ce Tour, il porte pour la première fois de sa carrière le maillot jaune mais il est déboulonné de sa place de leader lors de la 21e étape, Briançon-Aix-les-Bains. Il crie à l'arrivée en pleurs : « Tous des Judas ! », désignant ainsi les membres de l'équipe de France qui ne l'ont pas aidé. Il termine 3e de ce Tour derrière Charly Gaul et Vito Favero.

Son destin fut lié à celui de son ami Fausto Coppi lors de leur voyage en Haute-Volta (aujourd'hui Burkina Faso) en , à l'occasion pour ce pays du premier anniversaire de l'acquisition de son autonomie. Coppi ne devait pas être du voyage mais la défection de dernière minute de Louison Bobet lui a valu un appel du grand « GEM » pour lui proposer la place vacante. Le séjour a été agrémenté de courses cyclistes et d'un safari pour terminer.

De retour en Europe, juste avant Noël, Fausto Coppi téléphone à Raphaël Géminiani et l'informe de la constitution d'une équipe cycliste sous l'égide du sponsor Tricofilina, équipe qu'il veut un peu internationale. Raphaël lui avance quatre ou cinq noms. La discussion devient plus personnelle et Géminiani dit à son ami qu'il ne se sent pas bien du tout. Coppi lui répond que lui non plus, qu'il a la grippe, les amis se souhaitent un joyeux Noël.

Noël se passe mal pour Géminiani, et en fin d'après-midi le , il est pris de tremblements suivis d'une très forte fièvre le lendemain. D'abord soigné pour une crise hépatique, puis la jaunisse et la typhoïde, sa température grimpe à 41,6 °C. Le docteur Mora qui s'occupait de Géminiani n'arrivait pas à établir un diagnostic. Le hasard fait que le docteur Brugière, jeune médecin au sein de l'armée de l'air depuis plus de 2 ans à Bamako (Mali) dans le cadre de son service militaire est en permission d'une semaine à Clermont Ferrand et rend visite à son ancien professeur de Français, voisin du docteur Mora. Geminiani revenant d'Afrique le docteur Mora qui s'apprête à rendre visite à son malade désormais inconscient demande au jeune médecin de l'accompagner. Le docteur Brugière ausculte le patient et interroge sur l'évolution des symptômes de la maladie. Il diagnostique un accès pernicieux de paludisme et conseille de traiter immédiatement le patient contre le paludisme sans attendre les résultats de l'analyse de sang qu'il demande en parallèle à l'Institut Pasteur. La prise de sang révèlera la présence du parasite « Plasmodium falciparum », la forme mortelle de la malaria. Ce parasite s'attaque aux globules rouges et, faute de traitement, conduit à une mort certaine en huit à dix jours. Grâce à l'administration massive de quinine, Raphaël Géminiani se remet lentement, avec des conséquences certaines sur sa fin de carrière en 1960.

Fausto Coppi tombe malade en même temps que Géminiani. Dès que la maladie de Géminiani est identifiée, sa femme et son frère téléphonent chez Coppi. Hélas, malgré les nombreux efforts déployés pour expliquer que Coppi a vraisemblablement la même maladie que lui, les médecins italiens poursuivent d'autres traitements que ceux adaptés à la malaria. Fausto Coppi meurt le .

Après-carrière

Raphaël Géminiani à la foire du livre 2010 de Brive la Gaillarde

Après sa carrière de coureur cycliste, Raphaël Géminiani devient directeur sportif puis consultant. Il a entre autres dirigé Jacques Anquetil, et est à l'origine de la tentative par ce coureur d'un doublé Dauphiné libéréBordeaux-Paris réussi en moins de 24 heures. Il dirigea aussi Lucien Aimar, Luis Ocaña, Jan Janssen ou Joaquim Agostinho. En 1977, il déclare que les contrôles antidopage sont le cancer du cyclisme. Il a d'ailleurs reconnu avoir eu recours à des « stimulants » pendant sa carrière.

Il apparaît dans le film Le Chagrin et la Pitié.

Il va collaborer également pendant quelque temps avec un fabricant de pièces détachées et accessoires pour vélos en prêtant son nom en tant que marque. Ces pièces sont vendues sous blister dans le rayon cycle de la grande distribution. Frein AV, AR à tenaille, poignée, patins, câble, gaine, guidoline. Il tient également une chronique mensuelle dans Le Sport Vélo.

Il vit sa retraite à Pérignat-sur-Allier dans sa région natale de Clermont-Ferrand.

Palmarès

Palmarès année par année

Tour de France

12 participations

  • 1947 : abandon (5e étape)
  • 1948 : 15e
  • 1949 : 25e, vainqueur de la 19e étape
  • 1950 : 4e, vainqueur des 17e et 19e étapes
  • 1951 : 2e, vainqueur du classement de la montagne et de la 9e étape
  • 1952 : 11e, vainqueur des 8e et 17e étapes
  • 1953 : 9e
  • 1954 : abandon (non-partant 18e étape)
  • 1955 : 6e, vainqueur de la 9e étape
  • 1956 : 49e
  • 1958 : 3e, leader durant 4 jours
  • 1959 : 28e

Tour d'Espagne

3 participations

  • 1955 : 3e, leader durant 3 jours
  • 1957 : 5e
  • 1959 : abandon, vainqueur des 1rea (contre-la-montre par équipes) et 13e étapes (contre-la-montre par équipes)

Tour d'Italie

5 participations

  • 1952 : 9e, vainqueur du classement de la montagne
  • 1953 : 30e
  • 1955 : 4e, leader durant 3 jours
  • 1957 : 5e, vainqueur du classement de la montagne
  • 1958 : 8e

Notes et références

  1. Ollivier 1995, p. 5-7
  2. Ollivier 1995, p. 7-9
  3. Ollivier 1995, p. 9-11
  4. Ollivier 1995, p. 11-14
  5. Ollivier 1995, p. 16
  6. Ollivier 1995, p. 16-19
  7. Ollivier 1995, p. 19
  8. Ollivier 1995, p. 19-20
  9. Ollivier 1995, p. 20
  10. Ollivier 1995, p. 20-22
  11. Ollivier 1995, p. 23

Voir aussi

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Jean-Paul Ollivier, Raphaël Géminiani : Le Grand Fusil, Grenoble, Glénat, coll. « La véridique histoire », , 282 p. (ISBN 2-7234-1931-2)

Liens externes

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