Résistance au glyphosate

La résistance au glyphosate, ou tolérance au glyphosate, est un phénomène de résistance, c'est-à-dire la «  capacité héritée et transmissible de plantes d’une population à survivre à un traitement qui permet normalement de les maîtriser »[1], constaté chez certaines espèces de plantes ou d'autres organismes (champignons, bactéries), à des herbicides ayant pour substance active le glyphosate, ou N-(phosphonométhyl)glycine (C3H8NO5P), dont le plus connu est vendu sous la marque Roundup.

L'Amaranthus palmeri est une des 38 espèces de plantes résistantes au glyphosate

L'effet du glyphosate est fondé sur le blocage de l'enzyme 5-énolpyruvylshikimate-3-phosphate synthase (EPSP Synthase ou EPSPS) chez la plante, ce qui entraîne une perturbation métabolique et conduit ainsi à la mort de toutes les plantes non résistantes. La résistance au glyphosate est naturellement présente chez de nombreuses bactéries, notamment d'une souche CP4 d'Agrobacterium sp., parce que les EPSPS bactériennes sont différentes de celles des plantes et sont insensibles au glyphosate[2].

Le glyphosate a été produit et commercialisé par la société Monsanto à partir de 1973, en exclusivité jusqu'en 2000, année d'expiration du brevet ; depuis lors plusieurs sociétés commercialisent des herbicides à base de glyphosate.

Chez les plantes, la résistance au glyphosate a été introduite par modification génétique, à partir de 1994, chez certaines variétés de plantes cultivées, dans le but de créer les conditions propices à une nouvelle stratégie de désherbage permettant l'emploi d'herbicide totaux sur les cultures en phase de végétation.

Des cas de résistance sont par la suite apparus chez des espèces de plantes sauvages à partir de 1996, induits par la pression de sélection causée par l'utilisation massive d'herbicides à base de glyphosate. Le caractère de résistance au glyphosate a pu aussi, parfois, se transmettre par hybridation avec des espèces apparentées aux espèces modifiées[réf. nécessaire] (cas de pollution génétique). On a également reconnu l'existence de résistance naturelle au glyphosate chez quelques espèces de plantes.

Mécanismes biologiques de résistance au glyphosate

Il existe plusieurs gènes de résistance au glyphosate qui ont tous été utilisés pour créer des variétés résistantes transgéniques. Ce sont les gènes epsps, aroA, gat et gox, selon la source qui a permis de les isoler[3].

On connaît de nombreuses variantes du gène epsps, dont une, le gène cp4 epsps dérivé d'Agrobacterium tumefaciens, est hautement résistante à l'inhibition par le glyphosate. Ce gène exprime une enzyme, la CP4 EPSPS, qui est fonctionnellement équivalente à l'EPSPS endogène des plantes, à l'exception de son affinité réduite pour la molécule de glyphosate[3]. Cette stratégie présente cependant un inconvénient qui est l'accumulation de glyphosate dans les tissus végétaux, ce qui peut interférer avec le développement des organes reproducteurs et diminuer le rendement des cultures[4].

Le gène gox, isolé à partir d'une souche bactérienne d'Ochrobactrum anthropi, correspond à une autre approche pour inactiver le glyphosate. Il code une enzyme GOX (Glyphosate oxydoréductase) qui décompose activement la molécule de glyphosate en deux composés non toxiques, l'acide aminométhylphosphonique (AMPA), qui est le métabolite principal, et le glyoxalate. L'AMPA est toutefois modérément toxique et son accumulation dans certaines conditions dans des plants de soja résistants au glyphosate est corrélée avec une phytotoxicité causée par le glyphosate[3].

Chez les mauvaises herbes résistantes, la résistance au glyphosate peut être due à différents mécanismes qui se répartissent en deux groupes, ceux liés au site cible, et ceux qui ne lui sont pas liés.

La résistance liée au site cible est due à une altération de l'interaction entre l'herbicide et l'enzyme cible, la 5-énolpyruvylshikimate-3-phosphate synthase (EPSPS). Cela peut résulter soit de mutations dans les séquences de gènes qui diminuent la sensibilité de l'enzyme exprimée, soit d'une augmentation des niveaux d'enzymes en raison d'une surexpression transitoire de l'ARNm ou d'une augmentation du nombre de copies du gène. Ce dernier motif a été identifié aux États-Unis chez l'amarante de Palmer (Amaranthus palmeri) et chez le ray-grass d'Italie (Lolium perenne spp. multiflorum)[5].

La résistance non liée au site cible peut résulter d'une altération de l'absorption, de la translocation ou du métabolisme. L'altération de la translocation dans la plante, identifiée chez plusieurs espèces de mauvaises herbes, est le mécanisme le plus commun de la résistance au glyphosate. Des recherches récentes ont montré que le mécanisme d'altération du mouvement chez des biotypes résistants de la vergerette du Canada (Coynza canadensis) et d'espèces du genre Lolium est associée à une séquestration vacuolaire du glyphosate, entraînant une réduction de la concentration cytoplasmique. La séquestration vacuolaire est également associée à une restriction du mouvement du glyphosate dans le phloème et à une réduction de la translocation dans toute la plante. Cela pourrait s'expliquer par la présence dans les biotypes résistants d'un transporteur tonoplastique, inactif ou absent dans les biotypes sensibles, qui déplace le glyphosate hors du cytoplasme.

Plantes modifiées pour résister au glyphosate

Les variétés de plantes cultivées génétiquement modifiées pour résister à un herbicide représentaient en 2008 85 % des surfaces cultivées en plantes génétiquement modifiées. Il s'agissait en quasi-totalité de plantes résistantes au glyphosate, commercialisées principalement sous la marque Roundup Ready de Monsanto.

La modification consiste en l'insertion dans leur génome d'un transgène, qui est le plus souvent un gène bactérien issu de la bactérie tellurique Agrobacterium tumefaciens. Les variétés de plantes cultivées ainsi modifiées permettent l'emploi d'herbicides totaux pendant la période de végétation ; elles ont été conçues pour être cultivées avec un seul type d'herbicides, ceux à base de glyphosate.

Les variétés de plantes cultivées résistantes au glyphosate ont été élaborées d'abord par Monsanto, la première fut le soja, lignée GTS 40-3-2 (MON-Ø4Ø32-6) approuvée aux États-Unis en 1994[6], puis par diverses sociétés comme Dow AgroSciences, Bayer CropScience, Pioneer Hi-Bred International (DuPont), Syngenta. Le brevet protégeant le soja Roundup Ready de Monsanto est arrivé à expiration en 2014[7].

Variétés génétiquement modifiées pour résister au glyphosate

Au niveau international, des variétés transgéniques de plantes cultivées, résistantes au glyphosate, appartenant aux dix espèces suivantes ont été autorisées[8] :

Variétés transgéniques autorisées, résistantes au glyphosate
Nom vernaculaire Nom scientifique transgène créateur
agrostide blancheAgrostis stoloniferacp4 epsps (aroA:CP4)Monsanto, Scotts Seeds
betterave sucrièreBeta vulgariscp4 epsps (aroA:CP4)Monsanto, Novartis Seeds
blé tendreTriticum aestivumcp4 epsps (aroA:CP4)Monsanto
colzaBrassica napuscp4 epsps (aroA:CP4)Monsanto, Bayer CropScience
gat4621DuPont (Pioneer Hi-Bred International Inc.)
cotonnierGossypium hirsutumcp4 epsps (aroA:CP4)Monsanto, Dow AgroSciences LLC, Syngenta
2mepspsBayer CropScience
luzerneMedicago sativacp4 epsps (aroA:CP4)Monsanto
maïsZea mayscp4 epsps (aroA:CP4)Monsanto, Dow AgroSciences LLC, DuPont (Pioneer Hi-Bred International Inc.)
navetteBrassica rapacp4 epsps (aroA:CP4)Université de Floride
Pomme de terreSolanum tuberosumcp4 epsps (aroA:CP4)Monsanto
sojaGlycine maxcp4 epsps (aroA:CP4)Monsanto
2mepspsDow AgroSciences LLC, Bayer CropScience et MS Technologies LLC
gat4601DuPont (Pioneer Hi-Bred International Inc.)

Mauvaises herbes résistantes au glyphosate

Résistance induite par l'utilisation du glyphosate

Espèces de mauvaises herbes devenues résistantes au glyphosate : évolution de 1995 à 2014.

L'utilisation massive et exclusive de glyphosate, en particulier dans les régions de cultures résistantes au glyphosate, a en partie conduit au développement de populations de mauvaises herbes résistantes au glyphosate. Sous l'effet de mutations et de la pression de sélection exercée par l'application de l'herbicide, ces plantes ont développé une résistance qui contourne le blocage des voies métaboliques par le glyphosate, ce qui permet leur survie malgré l'emploi de cette substance active.

La forte utilisation de cultures résistantes aux herbicides aux États-Unis, en Argentine et au Brésil, a favorisé ce développement. Mais en Europe également, les cas de résistance au glyphosate ont commencé à se répandre parmi les mauvaises herbes[9]. Compte tenu de l'utilisation importante de produits à base de glyphosate, il est probable que ce processus va s'intensifier à l'avenir.

Dans ce contexte, des mesures sont recommandées pour réduire la pression de sélection sur les mauvaises herbes et il est recommandé une meilleure maîtrise des mauvaises herbes. Parmi les options possibles, figurent les innovations génétiques, de nouveaux mélanges d'herbicides et des solutions de rechange au glyphosate. Pour réduire la dépendance au glyphosate, des pratiques culturales et agronomiques telles que la planification des dates de plantation, la rotation culturale, sont également conseillées. Cela est nécessaire pour que l'on puisse continuer à employer le glyphosate dans l'avenir[10],[11]

Espèces de mauvaises herbes résistantes au glyphosate

Des cas de résistance induite au glyphosate ont été constatés chez 38 espèces de plantes adventices ou mauvaises herbes depuis 1996 dans de nombreux pays[12] :

Mauvaises herbes résistantes au glyphosate
Nom scientifique Nom vernaculaire Premier signalement Pays concernés
Amaranthus hybridusamarante paniculée2013Argentine
Amaranthus palmeriamaranthe de Palmer2005Brésil, États-Unis
Amaranthus spinosusamarante épineuse2012États-Unis
Amaranthus tuberculatus2005Canada, États-Unis
Ambrosia artemisiifoliaambroisie à feuilles d'armoise2004Canada, États-Unis
Ambrosia trifidaambroisie trifide2004Canada, États-Unis
Bidens pilosabident pileux2014Mexique
Brachiaria eruciformis2014Australie
Bromus diandrusbrome à deux étamines2011Australie
Bromus rubensbrome rougeâtre2014Australie
Chloris elata2014Brésil
Chloris truncata2010Australie
Chloris virgata2015Australie
Conyza bonariensisérigéron de Buenos Aires2003Afrique du Sud, Australie, Brésil, Colombie, Espagne, États-Unis, Grèce, Israël, Portugal
Conyza canadensisvergerette du Canada2000Brésil, Canada, Chine, Espagne, États-Unis, Grèce, Italie, Japon, Pologne, Portugal, République tchèque
Conyza sumatrensisvergerette de Sumatra2009Brésil, Espagne, France, Grèce
Cynodon hirsutus2008Argentine
Digitaria insularis2005Brésil, Paraguay
Echinochloa colonablé du Dekkan2007Argentine, Australie, États-Unis, Venezuela
Eleusine indicaéleusine des Indes1997Argentine, Bolivie, Chine, Colombie, Costa-Rica, États-Unis, Japon, Malaisie
Hedyotis verticillata2005Malaisie
Helianthus annuustournesol2015États-Unis
Kochia scopariaansérine à balais2007Canada, États-Unis
Lactuca serriolalaitue scariole2015Australie
Leptochloa virgata2010Mexique
Lolium perenneray-grass anglais2008Argentine, Nouvelle-Zélande, Portugal
Lolium multiflorumray-grass d'Italie2001Argentine, Brésil, Chili, Espagne, États-Unis, Italie, Japon, Nouvelle-Zélande, Suisse
Lolium rigidumivraie raide1996Afrique du Sud, Australie, Espagne, France, Israël, Italie, États-Unis
Parthenium hysterophorusparthénium matricaire2004Colombie, États-Unis
Paspalum paniculatum2010Costa-Rica
Plantago lanceolataplantain lancéolé2003Afrique du Sud
Poa annuapâturin annuel2010États-Unis
Raphanus raphanistrumravenelle2010Australie
Salsola tragussoude roulante2015États-Unis
Sonchus oleraceuslaiteron maraîcher2014Australie
Sorghum halepenseherbe de Guinée2005Argentine, États-Unis
Tridax procumbens2016Australie
Urochloa panicoides2008Australie

Plantes naturellement résistantes au glyphosate

Certaines espèces de plantes sont intrinsèquement plus résistantes au glyphosate que la plupart des autres mauvaises herbes. On a ainsi trouvé des biotypes résistants de liseron des champs (Convolvulus arvensis), sans antécédents d'utilisation de glyphosate. Un biotype de lotier corniculé (Lotus corniculatus) s'est révélé de même résistant en présence de taux conformes d'utilisation du glyphosate.

On a signalé des difficultés pour maîtriser à l'aide du glyphosate des espèces telles que Commelina benghalensis (herbe aux cochons), Commelina communis (commeline vulgaire), Dicliptera chinensis (dicliptère de Chine), Chenopodium album (chénopode blanc) et Abutilon theophrasti (abutilon). La résistance naturelle de ces espèces au glyphosate n'était pas un problème jusqu'à la généralisation des cultures Roundup Ready. Elles sont alors devenues plus problématiques parce qu'elles ont occupé des niches écologiques laissées vacantes par d'autres espèces de mauvaises herbes éliminées par l'herbicide[13].

Notes et références

  1. (fr) APPDMZ\cmsoko_monsanto, « Roundup® et la résistance des mauvaises herbes », Monsanto (consulté le ).
  2. (en) Todd Funke, Huijong Han, Martha L. Healy-Fried, Markus Fischer, Ernst Schönbrunn, « Molecular basis for the herbicide resistance of Roundup Ready crops » (PMID 16916934), p. 13010–13015.
  3. (en) V. S. Rao, Transgenic Herbicide Resistance in Plants, CRC Press, (ISBN 978-1-4665-8738-0 et 1466587385, lire en ligne), p. 199-200.
  4. (en) Faranak Hadi1, Amir Mousavi, Ali Hatef Salmanian, Kambiz Akbari Noghabi, Khosro Khajeh, « Glyphosate Tolerance in Transgenic Canola by a Modified Glyphosate Oxidoreductase (gox) Gene », Progress in Biological Sciences, vol. Vol. 2, no 1, , p. 50-58 (lire en ligne).
  5. (en) Jared R. Whitaker, James D. Burton, Alan C. York, David L. Jordan et Aman Chandi, « Physiology of Glyphosate-Resistant and Glyphosate-Susceptible Palmer Amaranth (Amaranthus palmeri) Biotypes Collected from North Carolina », International Journal of Agronomy, Hindawi Publishing Corporation, vol. 2013, (DOI 10.1155/2013/429294, lire en ligne)
  6. (en) « GTS 40-3-2 (MON-Ø4Ø32-6) », sur GM Crop Database, Center for Environmental Risk Assessment (CERA), (consulté le ).
  7. (en) Jack Kaskey, « Monsanto Will Let Bio-Crop Patents Expire  », Businessweek, (lire en ligne, consulté le ).
  8. (en) « GM Approval Database », sur base de données de l'ISAAA, International Service for the Acquisition of Agri-biotech Applications (ISAAA ) (consulté le ).
  9. « Confirmation d’un premier cas de résistance au glyphosate en Suisse » [PDF], sur Agroscope, (consulté le ).
  10. (en) Stephen O. Duke, Stephen B. Powles, « Mini-review Glyphosate: a once-in-a-century herbicide », Pest Management Science, vol. 64, , p. 319–325 (DOI 10.1002/ps.1518, lire en ligne [PDF]).
  11. (en) Antonio L. Cerdeira, Stephen O. Duke, « The Current Status and Environmental Impacts of Glyphosate-Resistant Crops: A Review », Journal of Environmental Quality, vol. 35, , p. 1633–1658 (DOI 10.2134/jeq2005.0378, lire en ligne [PDF]).
  12. (en) « Weeds Resistant to EPSP synthase inhibitors (G/9) by species and country », International Survey of Herbicide Resistant Weeds (consulté le ).
  13. (en) Vijay K. Nandula, Krishna N. Reddy, Stephen O. Duke et Daniel H. Poston, « Glyphosate-Resistant Weeds: Current Status and Future Outlook », Outlooks on Pest Management, vol. 16, no 4, , p. 183-187 (DOI 10.1564/16aug11, lire en ligne).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) Vijay K. Nandula, Glyphosate Resistance in Crops and Weeds : History, Development, and Management, John Wiley & Sons, , 344 p. (ISBN 978-1-118-04354-7, lire en ligne).

Liens externes

  • (en) Stephen O. Duke, Stephen B. Powles, « Glyphosate-Resistant Crops and Weeds: Now and in the Future », AgBioForum, vol. 12, no 3&4, , p. 346-357 (lire en ligne).
  • (en) Vijay K. Nandula, Krishna N. Reddy, Stephen O. Duke et Daniel H. Poston, « Glyphosate-Resistant Weeds: Current Status and Future Outlook », Outlooks on Pest Management, vol. 16, no 4, , p. 183-187 (DOI 10.1564/16aug11, lire en ligne).
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