Pascale Weber

Pascale Weber (, Paris) est une artiste et essayiste française qui a produit de nombreux dessins, photographies, films et installations, performances, happenings, textes critiques et théoriques, essais, poèmes, nouvelles et roman, faisant de l'art et de la création les fondements d'une éthique et d'un projet de vie.

Pour les articles homonymes, voir Weber.

Après une carrière solo, et plusieurs collaborations avec Jean Delsaux en 2006 et 2007, elle fonde avec lui le duo Hantu (Weber+Delsaux). Ensemble ils conçoivent et réalisent, entre 2012 et 2020, en Europe, Afrique du Nord, Asie, en Amérique du Nord et du Sud, en Arctique et dans la jungle équatoriale, environ 70 performances.

Parallèlement à sa carrière artistique, Pascale Weber écrit des textes sur la nature expérientielle et cognitive de l'art (notamment ses fonctions identitaires et mémorielles), sur la création artistique comme moyen de découvrir, d'ajuster et d'inventer des modalités d'existence hors-norme, sur l'épreuve littéraire lorsque l'art contemporain exige de l'artiste de produire du discours avant de créer son propre langage et de se conformer à des normes pseudo-scientifiques qui neutralisent le désir de création. L'écriture devient alors pour l'artiste un espace de revendication à construire, pour identifier puis affirmer la spécificité d'un langage qui échappe à l'écriture.

Dreamcachter, 2019.

Pascale Weber poursuit son travail littéraire avec un roman (Les corps flottants[1]), un essai (L'Attachement[2]) et de nombreux poèmes ou textes à lire lors de performances.

Biographie

Pascale Weber est née à Paris, mais sa famille part s'installer à Jakarta (Indonésie) plusieurs années. Son retour à Paris sera marqué par la nostalgie de l'Asie, du voyage et elle se met à la peinture et à la poésie.

Adolescente, elle part travailler plusieurs mois sur des bateaux dans le sud de la France, à Ajaccio et à Porto Cervo (Sardaigne) réalisant des carnets de voyage photographiques et dessinés. L'année suivante elle entreprend un voyage de plusieurs mois aux États-Unis, après un bref passage à New-York, elle s'envole pour la Californie puis le Mexique. L'entreprise s'avère dangereuse pour une jeune-femme seule, elle décide de retraverser les États-Unis vers le nord et se rend en Alaska où elle séjournera plusieurs semaines, travaillant avec des pêcheurs de Saumon et s'initiant au fumage.

De retour à Paris elle finit ses études en graphisme et environnement à l’école supérieure de design industriel, son mémoire de fin d'études porte sur un habitat intérieur nomade qui pourrait tenir dans une valise.

Elle entreprend un nouveau voyage, en Asie cette fois et traverse la Thaïlande, la Malaisie pour embarquer vers l'Indonésie deux mois plus tard. Mais son compagnon contracte une forme sévère et délirante de dengue. Après plusieurs décès dans la ville, ils sont rapatriés de Malacca vers Paris. Pascale Weber vit ce retour contrarié en Indonésie comme un signe et une invitation à visiter ses racines identitaires.

À la lecture de la route Jura-Paris (écrit le par Marcel Duchamp), elle s'installe à côté de la maison d'Étival (Haut-Jura) où eut lieu la rencontre historique de Guillaume Apollinaire, Marcel Duchamp et Francis Picabia. Puis elle entreprend des études à l'Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne en Art et Sciences de l'art, qui lui permettront d'obtenir l'Agrégation en Art et un doctorat sur la mise à l’épreuve du corps —mis en scène, de l'artiste et du spectateur — dans les dispositifs de projection artistiques contemporains.

Pour Pascale Weber, les installations et espaces immersifs sont surtout des espaces d'enfermement qui éprouvent les limites de notre corps et le seuil d'acceptabilité des individus dans une société de plus en plus normative. Parvenue à ce constat et refusant tout autant la claustration de l'atelier, son travail artistique se tourne vers l'art relationnel. Elle s'invite pour de longs séjours (jusqu'à une année) chez diverses personnes afin de créer dans l'espace même de la vie quotidienne : Service d'artiste à domicile, l'utopie domestique, Dieppe : marins et femme de, l'appartement (du) témoin… sont des œuvres de la rencontre et des expériences de vie. Elle rédige également entre 2003 et 2004 la chronique sur l'Art Domestique avec des articles comme Magnifiques temps morts[3], Refaire le monde peut-il aider à le changer ?[4], Politique de l'art relationnel[5], Espace et situations artistiques[6].

Dans une interview réalisée par Gabriel Soucheyre, tandis qu'il lui demande de "donner une image" de son travail en quelques mots, elle répond :

"Ce serait une valise qui, ouverte, ouvrirait à un espace habitable, ce serait un lieu de résidence d’artiste, sur le terrain, en relation avec la rue et les lieux habités et ce serait un happening, le choc de la rencontre, du premier rejet, de la première réaction avant l’échange"[7].

Errances et voyages initiatiques

Avec sa valise, Pascale Weber arpente l'intimité des personnes qu'elle rencontre. Son travail s'apparente autant à celui de l'artiste voyageur qu'au peintre d'intérieur. Comme le dit Valentine Cruse: "En quête de vérité, l’artiste aventurière, Pascale Weber, arrête sa course et pose son bagage pour explorer l’intime. […] Accueillie quelques jours, d’un foyer à un autre, depuis septembre, son voyage, pourtant, continue : À la découverte des particuliers, de  leur maison, leur vie… Telle une peintre d’intérieur, Pascale note, photographie, filme le quotidien de ses hôtes, et renouvelle ainsi, en conquérante, la tradition des scènes de genre. Son regard précis, attentif, donne valeur et poésie aux documents glanés."[8]

Delphine Gigoux-Martin relate le passage de Pascale Weber chez elle :

"Pascale Weber arrive chez vous, dans votre famille. Elle pose une petite valise bleue, déjà encombrée des objets donnés par les autres familles. […]Pascale Weber s’installe chez vous avec discrétion, mais le calme et l’organisation de la famille sont modifiés, l’artiste fait difficilement parti d’un quotidien... Paradoxale situation, où l’artiste cherche à se fondre dans un quotidien qui n’est pas le sien, et où une famille cherche à observer et comprendre un champ d’action qui n’est pas son quotidien. Et puis, petit à petit, l’artiste trace son territoire."[9]

Au terme d'une année passée dans douze familles différentes, Pascale Weber expose ses travaux et organise un banquet dans une partie réservée aux familles d'accueil mais visible par tous dans l’exposition. Des textes au mur parlent de privilège, d'espaces privés ou publics. Delphine Gigoux-Martin décrit le rapport qui se crée entre l'artiste et le spectateur pendant cette exposition:

L'Utopie domestique - Objet(s) de la rencontre, éd. Un- Deux- Quatre, Clermont-Ferrand, 2004. Catalogue de la résidence de Pascale Weber à Vidéoformes.

"Des territoires sont remis en place dans l’espace - au départ neutre - de la salle d’exposition, et chacun recherche son espace, son territoire dans celui de l’artiste. La situation est renversée, l’artiste pique la curiosité du spectateur et l’incite à participer à la création : il fait désormais parti du champ artistique, et cherche pour lui-même son propre territoire et sa définition."[9]

Son errance volontaire est à la fois une quête pour réinventer l'espace quotidien, et pour interroger les normes de l'intimité contemporaine, comme le remarque Jan Laurens Siesling:

"Où sommes-nous ? Nulle part. Dans un lieu imaginaire. […] c'est sa spécialité à Pascale. Brouiller notre notion de l'espace. Confondre notre illusion du chez nous. Elle l'a l'audace spirituelle, le sens de l'humour et de la gravité. Elle transforme notre demeure en néant. Lui ôte ses repères, lui enlève ses couleurs et ses objets familiers si chers. […] Elle nous rappelle, dans son obsession artistique, que nous ne venons de nulle part, et que nous y allons. Que nous ne sommes pas ses ce que nous croyons, si nous nous identifions avec notre entourage. Que nous sommes seuls, même si nous le sommes tous ensemble. Et tous à la fois."[10]

Le territoire de l'artiste

Si Pascale Weber expose ou performe à plusieurs occasions dans des musées, dans le cadre de manifestations collectives, elle entretient avec cette institution une relation pour le moins ambigüe. Lectrice d'Annie Le Brun, elle dénonce sous le pseudonyme de Lars Beacepew[11] des entreprises de commissariat qui ne visent plus qu'à neutraliser le vrai pouvoir subversif de l'art, en lissant la colère, le malaise de l'artiste, en ignorant son chaos psychique et son pouvoir de transformation, en organisant la transgression comme un show télévisé.

Pour Pascale Weber, les rapports humains et financiers tels qu'ils s'organisent à partir de la fin du XXe siècle, avec une accélération au début du XXIe, entre les artistes, les commissaires, les critiques, les lieux d'art subventionnés et les galeries au service de la finance sont précurseurs des rapports du monde travail néolibéral qui se mettent progressivement en place dans toutes les régions du monde et dans tous les domaines : précarité, mépris des droits et de la dignité humaine, flexibilité, spectacularisation cynique de la souffrance, abêtissement, assujettissement à la spéculation.

Au début des années 2000, Pascale Weber investit le musée de façon clandestine : performances secrètes au Musée d'Art contemporain de Lyon (Deuxmusesaumusée), ou discrètes interventions au 19 de Montbéliard (Petits Détails), au Musée Nicéphore-Niépce (Je suis chez moi où je veux), au Musée des Beaux-Arts de Besançon (Dans la cour des grands) où elle fixe au mur une série de photocopies lasers présentant le portrait d'une jeune-fille. Les images prennent place dans la suite des portraits illustres du musée, un cartel donnait les initiales (PW) suivies d'un chiffre (tel un code) sans aucune autre précision. La jeune-fille photographiée regardait ses pieds et n'était donc pas identifiable, renforçant l'idée que peu importe le portrait ou la personne photographiée mais seulement la proximité de sa représentation avec celle d'hommes illustres ou peints par de célèbres artistes, comme le souligne Jean Delsaux:

"sous les titres de : Dans la cour des grands (Musée des Beaux-arts de Besançon, 2002) et Je suis chez moi où je veux (Musée Nicéphore-Niépce, Chalon-sur-Saône, 2002), [Pascale Weber] questionnait le Musée en tant que sanctuaire inviolable en y exposant à l’insu des gardiens des œuvres personnelles, portraits d’une jeune enfant regardant ses pieds, entre les chefs-d’œuvre du musée. Lorsque les gardiens s’aperçurent de la présence impromptue d’œuvres illicites dans le musée, s’engagea une filature-démontage, tentative par ceux-ci de faire disparaître - à mesure qu’elles apparaissaient - ces intruses qui n’avaient visiblement pas de droit de séjour dans le musée. L’artiste se sentant pistée par le personnel, se hâta de plus en plus, finissant par courir dans le musée, dévoilant ainsi par son comportement inhabituel que c’était elle l’origine des dépôts. Le conservateur alerté recommanda aux gardiens non de la pourchasser, mais de l’inviter à le rejoindre dans son bureau, où il finit par lui dire qu’il avait compris que seule une artiste pouvait avoir eu ce comportement. Néanmoins il fut signifié à Pascale Weber qu’elle « n’était pas chez elle dans le musée » et que ce territoire avait ses lois, et que ses travaux ne faisaient pas partie de la collection. De sorte que, là encore, dans le rapport à l’objet, à la collection, à la propriété, cette fois des lieux et non des œuvres, l’institution restait maîtresse du jeu, force restant à la loi muséale, ce n’était pas à l’artiste de décider de sa présence sur les murs. Comme dans le cas de Pinoncelli où l’un des protagonistes invoqua, pour justifier la réaction judiciaire du musée : «  si on laisse faire Pinoncelli, bientôt on pourra vandaliser absolument toutes les œuvres ». Quant à Pascale Weber, elle commentera ainsi ces performances : «L'opération 'je suis chez moi où je veux' témoigne de la difficulté - de l'impossibilité peut-être - pour l'artiste contemporain de dessiner un espace légitime qui serait le sien propre, un domicile acquis, une zone protégée. C'est dans l'arène qu'il fait rejoindre son expérience individuelle et collective, et sa pratique artistique. C'est dans l'arène qu'il a déjà renoncé à la solitude de son atelier.» "[12]

Cécile Jouanel commente à son tour la recherche de ce territoire par l'artiste :  

"Squatteuse de musée, banquière, représentante en art domestique, artiste à domicile, la vidéaste Pascale Weber recherche par ces différentes expériences quel est l’espace réservé à l’artiste dans la société. Inconnue, elle s’invite dans des lieux institutionnels et mène des opérations sans aucune autorisation particulière. Elle expose elle-même ses photos avant d’envoyer des cartons d’invitation aux officiels, fait jouer des personnes complètement étrangères à l’art et les filme sur place. Au musée Nicéphore-Niepce de Chalon-sur-Saône, les gardiens finissent par se rendre compte de son accrochage «sauvage» et lui courent après."[13]

La Banque du Temps qui Passe, Le Service d'artiste à domicile, Le Complexe fraternel

Service d'artiste à domicile, performance itinérante, France, 2003. Photo ©Pascale Weber.

De la transposition que fait Maurice Blanchot de la descente d'Orphée aux Enfers à la quête impossible de l'écrivain et de sa réflexion sur un autre mythe, celui de l'espace commun (La communauté inavouable), Pascale Weber conçoit le territoire de l'artiste comme l'espace authentique du désir de l'autre. C'est-à-dire le désir manifeste de l'autre et pour l'autre.

C'est la raison pour laquelle elle a fondé en 2001 la Banque du Temps qui Passe (BTP), et en 2004 le service d'artiste à domicile. La BTP lui permet de se mettre au service des actionnaires, c'est-à-dire les commanditaires d'actions qu'elle réalise pour eux lorsqu'ils n'ont pas le temps de les réaliser eux-mêmes (assister à un enterrement, se faire masser aux Thermes, se promener en forêt, passer un moment avec ce.lui.le que l'on aime). Elle ouvre un guichet de la BTP à plusieurs reprises (Salon de la jeune création, Paris, et Traverses vidéo, Toulouse, 2002), jusqu'à sa faillite officielle en 2012. Le service d'artiste à domicile l'amènera à travailler une année chez des personnes âgées (Résidence à Corbigny organisée par Jean Bojko), puis une année chez différentes familles de la région Auvergne. Elle affirme que c'est à l'artiste de défendre les modalités de la rencontre : la disponibilité, une grande part de hasard, d'inconfort et d'incertitude. L'artiste est désormais trop souvent instrumentalisé par l'institution, qui promeut les actions d'artistes devenus "prestataires" de service, pour gérer les tensions et les inégalités sociales à moindre coût.

Si pour Pascale Weber la rencontre est un fantasme, elle reste ce vers quoi tend toute action artistique : l'impossible assouvissement du désir de reconnaissance est le moteur de la création. Les modalités mêmes de l'œuvre et l'objet d'art (objet, installation, image) ne sont que le contexte ou un prétexte à autre chose: fiction, cognition, mythologie personnelle, émotion et plaisir. Gilbert Pons décrit la façon avec laquelle Pascale Weber entre en relation dans ses démarches artistiques:

"Si, dans les foyers occasionnels où elle est accueillie, Pascale Weber se présente ironiquement comme une sorte d’intruse, ses photos, elle les prend toujours sur la pointe des pieds, en perpétuel déséquilibre. Elle ne sait pas à l’avance où elle ira, elle ne sait pas non plus où elle dormira, pas davantage dans quelle demeure elle travaillera, les choses se font au coup par coup, à l’aventure, au gré des circonstances et des affinités. Pascale Weber, ou l’incertaine mise en œuvre du commensalisme."[14]

Invitée en 2006-2007 dans une ancienne coopérative ouvrière jurassienne, elle va collaborer pour la première fois avec Jean Delsaux et réaliser avec lui une sorte d'"Audit Artistique" : le complexe fraternel. Leur "mission" consiste "à réfléchir à l'espace culturel dans lequel ils ont résidé une semaine par mois durant une année afin de produire une installation projection, environnementale, visuelle et sonore." Un concert-performance avec Raymond Boni, Bastien, Boni, Jean-Marc Foltz et Jean-Pierre Jullian et le mixage des interviews et matières sonores par Pascale Weber aura lieu dans l'installation[15].

Immémorial ou la machine intime et impersonnelle

C'est au fil des rencontres et des récits qu'elle recueille, que Pascale Weber entreprend le projet Immémorial (1996-2012) qui la conduira à s'intéresser à travers cette œuvre à la construction identitaire individuelle et collective, au fonctionnement dynamique de notre mémoire, de son prolongement anticipateur avec notre imaginaire et du réseau signifiant que ces fonctions tissent en permanence. A propos d'Immémorial Antonella Tufano commente que:

"Qui n’a pas de mémoire n’a pas d’histoire. Tel paraît le constat-question de Pascale Weber. Mémoire et histoire, mémoires et histoires, composent une autre facette du travail. Ou mieux, un autre piège, au sens matériel, qui attrape et englouti le spectateur. La Mémoire et les mémoires."[16]

Pascale Weber, Immémorial#6 Rew, Festival des Musiques du GMEM (Scène Nationale de création musicale), installation multimédia et sonore, Friche de la Belle de Mai, Marseille, 2012.

Pour Antonella Tufano les images, les incrustation de mots et la superposition des voix, celles des témoins, et celle de l'Auteur, suivent un  rythme durassien, qui entraîne et rassure le spectateur dans cette recherche de mémoire. Immémorial – elle écrit – est « une machine au sens grec,  c'est-à-dire l'outil qui permet le dénouement d'une situation, voire d'une tragédie. Cette dimension spatiale supplémentaire, le lieu du jeu d'acteurs multiples, renvoie à leurs mémoires. À leurs mémoire labiles qui veulent inventer, réinventer, retrouver, reconstituer à tout prix ce que la Mémoire du temps a effacé. »[16] Immémorial propose une typologie des lieux-communs de notre mémoire prolongée par la fiction. Cette taxonomie de modèles de souvenirs a été élaborée lors d’interviews et de rencontres avec des musiciens, danseurs, philosophes, œnologues, vidéastes, des jeunes gens, des moins jeunes, des non-voyants… Le procédé technique de spatialisation et de trajectoires audio et vidéo aide le visiteur à se transporter au cœur de ses propres expériences perceptives et des souvenirs qu’il en a. Marcin Sobieszczanski relate ainsi l'expérience de déambulation dans Immémorial:

"Les scénographies mémorielles que Pascale Weber plante à l’entrée de son œuvre […] sont des reconstructions actuelles des lieux d’antan […] parce que ces topologies se regagnent par un conatus spinozien, et ce dernier est en train de mobiliser, on dirait «de nouveau», nos sens, notre orientation, nos compétences motrices, notre sagacité et notre émotivité. Donc, l’histoire n’est pas le passé mais la narration des choses mémorables… [le spectateur] entendra des bribes, il verra des miettes, desquelles il reconstruira sa propre histoire, narrée avec ses propres forces"[17].

Avec Immémoriel Pascale Weber questionne l'idée d'un monde resserré :  Peut-on enfin appréhender le monde à plusieurs ? Peut-on penser hors de son corps, à partir d’autres corps, à partir d’un corps commun.

Pour Jean Delsaux, Immémorial "est une œuvre qui nous met face aux incertitudes de notre propre mémoire, et qui nous montre combien ces incertitudes contribuent à notre rapport au monde"[18]. En même temps, cette œuvre témoigne du mécanisme de la création artistique, comme Jean Delsaux écrit: "Quand un artiste travaille, il oublie tout […] et refonde tout. En fait il n’oublie rien et c’est là le paradoxe du fonctionnement de la création."[18]

La Vénus

Immémorial marque la fin d'une longue période de création, durant laquelle Pascale Weber s'est progressivement absentée des images et de la scène pour témoigner de la vie, des émotions et des souvenirs de ses hôtes, de ses actionnaires (BTP), de ceux qui se confiaient à elle. La Vénus, œuvre vidéo et performative conçue à nouveau avec Jean Delsaux signe le retour d'une subjectivité revendiquée et annonce le retour de sa présence à l'image et en performance. Nue et sans retenue, l'artiste redevient celle qui livre sa part la plus intime à la collectivité pour que la catharsis puisse opérer. La Vénus se présente sous forme d'un dyptique et fait discuter différentes expériences de regards sur le corps, comme le remarque Rachida Triki:

"Dans son film vidéo, Pascale Weber, installe les corps en image par un dispositif qui exhibe un jeu de regards, à la fois dans sa violence et dans sa spontanéité. Comme pour dire le destin des images contemporaines, l'artiste réitère des postures par phénomène d'imitation en exposant dans un système de relais le corps regardé/regardant comme préliminaire au corps affecté/ affectant. Elle donne à penser les enjeux du regard dans la construction de son identité physique."[19]

Hantu et la mémoire du corps

Hantu#3—Performance 04- La peau, Clermont-Ferrand (France), 2012. Photo ©Hantu.

Pascale Weber souhaite faire converger au sein de la performance sa pratique de diverses disciplines somatiques comme la danse butoh, la méthode Feldenkrais, la méditation et le rêve dirigé, ainsi que des techniques vocales issues du joik, du chant de gorge ou chant diphonique. Elle s'associe avec Jean Delsaux, qui a co-dirigé durant 15 ans Brouillard précis, un atelier de création en images de synthèse et images vidéo à Marseille pour fonder le duo Hantu (weber+delsaux). Ensemble ils travaillent en performance sur la relation entre présence et représentation du corps.

Hantu (Weber+Delsaux) se rendra enfin à plusieurs reprises en Indonésie, dans la jungle de Mentawai, sera invité à se produire à l'IKJ de Jakarta, mais aussi à Taïwan, au Brésil, en Égypte, au Sápmi, au Nunavik

Pour Hantu (Weber+Delsaux) le corps est un dispositif doué d’un pouvoir révélateur des flux matériels et immatériels qui le traversent, des forces qui l’habitent, des interactions et des liens impalpables qui s’établissent dans l’environnement, avec d'autres corps, humains ou non-humains : il est en même temps medium et champ d’investigation privilégié. Pour le duo, qui s'intéresse à l'attachement au territoire et à la coexistence de ses habitants, humains et non humains, il n’est possible de défendre l’environnement qu’en défendant la part sensible de notre corps, au lieu de jouer sur nos peurs et le sentiment de culpabilité.

Carrière universitaire

Publications

  • Le Mythe de l’Abondance - ressources, imaginaire, formes de vie, Cérium, Montréal, Ca/Editions CQFD, Montreuil-sous-Bois, 2018, 206 p. (ISBN 978-2-910025-10-6)
  • Nouvelles formes de présence dans la performance, Dubchinskaia, Polina codir, Presses de l’Institut Repine, École Des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg, 2018. (ISBN 978-5-903677-64-1)
  • L’Attachement, préface Pierre Ouellet, ed. Al Dante, 2015, 256 p. (ISBN 978-2-84761-736-8)
  • Les corps flottants (roman), les Mots Ouverts, 2013, 163 p. (ISBN 978-2-36863-008-2) (également publié en plusieurs épisodes dans la revue Turbulences Vidéo #74-78, janv.2012/janv. 2013)
  • Mémoires et Identités (Rencontres et discussions entre Pascale Weber et Alain Berthoz, Daniel Lance, Alain Milon, Pascale Piolino, Bo Sanitioso), l'Harmattan, Paris, 2012, 189 p. (ISBN 978-2-336-00647-5)
  • De l’espace virtuel, du corps en présence, Delsaux, J. co-dir., PUN (coll. Épistémologie du corps), 2010, 219 p. (ISBN 978-2-8143-0009-5)
  • Le corps à l'épreuve de l'installation-projection, l'Harmattan, Paris, 2003, 252 p. (ISBN 2-7475-4609-8)

Expositions, manifestations et prix

  • Après 2013, cf hantu (Weber+Delsaux)
  • Le Cent-quatre (Paris), Futur en Seine (œuvres primées par la SCAM), 2013
  • Installation multimédia et sonore, Puy-en-Velay, avec J. Delsaux, CDDP, 2012
  • Participation au happening Mind Uploading (Babylonia), Radix Theatre & Vera Moulder, Albuquerque, États-Unis, 2012
  • Festival des Musiques du GMEM, Friche de la Belle de Mai (Marseille) 2012
  • Prix Pierre Schaeffer  (SCAM) pour le projet Immémorial, 2011
  • Interactions mémorielles, installation performance, Cité de la Musique de Marseille, avec Jean Delsaux, 2011
  • Vidéo-concert à la Cité de la Musique de Marseille, 2011
  • Exposition La part du corps au  Palais Kheireddine  (Tunis), 2010
  • Immémorial/non-lieu de la mémoire, installation vidéo interactive, Le Puy-en-Velay, 2009          
  • Installation multimédia-vidéo et prélèvements sonores, avec J. Delsaux, Maison du Peuple, St-Claude (39), participation aux Journées du Patrimoine, 2007  
  • Concert happening avec le Collectif Home Work (R. Boni, B.Boni, J-M Foltz, J-P Jullian/P.Weber), Maison du Peuple, St-Claude (39), 2007
  • Galerie du Haut-Pavé (Paris), 2007
  • Galerie Pascal Van Hoecke (Paris), 2006
  • Centre d'art Aponia (Villiers-sur-Marne),
  • Galerie Paris-Sud, Biennale de Cachan, Paysages en travaux , 2006
  • Expositions à Stary Sacz et Varsovie (Pologne), 2006
  • Festival des Sens (Marin-Martinique), 2006
  • MAMAC (Nice), 2006
  • Centre d'art La Pommerie (Saint Sétiers), 2005
  • Le Temps d'une marée, exposition collective à Dieppe, 2005
  • Au bord du paysage, exposition collective à Saint-Nectaire, 2005
  • La Galerie d'art contemporain (Besançon, Hôtel de Ville / Musée des Beaux-Arts), 2005
  • Festival des très Courts (Annecy), 2005
  • Résidence à Borderline - Love Experience (Nantes), 2005
  • Institut Franco-Japonais (Tokyo), 2004
  • 17e Instants Vidéo, (Marseille), 2004
  • Traverses vidéo (Toulouse), 2004
  • NOC Gdansk-Varsovie-Cracovie (Pologne), 2004
  • Festival Musiques démesurées, à la Chapelle de l'Oratoire (Clermont-Ferrand), performance-jeu multimédia/electro/danse/installation/vidéo de 5 heures avec le Collectif Perséphone (L. Carroué, D. Martin, P-M. Trilloux, S. Amblard, E. Rimbert, D. Gigoux-Martin, A. Roche, P. Weber),  2004
  • La Jasserie du coq noir (Ambert), performance-multimédia-electro-vidéo en campagne avec le collectif Perséphone (L. Carroué, D. Martin, P-M. Trilloux, E. Rimbert, D. Gigoux-Martin, P. Weber), 2004
  • Musée du Ranquet (Clermont-Ferrand), 2004
  • La Galerie du Temps, exposition personnelle et Banquet-performance (Clermont-Ferrand), 2004
  • CPIE (Theix), mai-
  • 8e Festival Territoires en Images, Institut de Géographie (Paris), 2003
  • Traverses Vidéo (Toulouse), 2003
  • FIAV 2K3, Tavira (Portugal), 2003
  • Jeune Création (Paris), 2003
  • Musée des Beaux-arts Roger-Quilliot (Clermont-Ferrand), 2003
  • Frac de Franche-Comté (Dole), 2002
  • happenings clandestins réalisés au le Musée Niepce de Chalon-sur-Saône, au 19 (Montbéliard), au Musée d’art contemporain de Lyon, au Musée des Beaux-arts de Besançon…, 2000-2003
  • Vidéoformes (Clermont-Ferrand), 2002
  • Retina Festival international de cinéma et vidéo expérimentale, Sellye (Hongrie), 2002
  • Ovarvideo, NOC Gdansk-Varsovie-Cracovie (Pologne), 2002.
  • Musée du Tapis et des Arts Textiles (Clermont-Ferrand),
  • Festival Entrevue (Université de Technologie de Belfort-Montbéliard), 2000
  • Friche industrielle du Chemin Vert (Paris), 2000
  • Salon d'art contemporain de Montrouge, 1998
  • Confluences (Paris), exposition personnelle À l'ombre du regard, 1998

Notes et références

  1. Pascale Weber, Les corps flottants, éd. les Mots Ouverts (éditions numériques), 2013 (ISBN 9782368630082)
  2. Pascale Weber, L’Attachement, préface Pierre Ouellet, ed. Al Dante-Presses du réel, 2015, 256 p. (ISBN 978-2-84761-736-8)
  3. Pascale Weber, « Magnifiques temps morts », Turbulences Vidéo #41, , p. 51-58
  4. Pascale Weber, « Refaire le monde peut-il aider à le changer », Turbulences Vidéo #42, , p. 52-55
  5. Pascale Weber, « Politique de l'art relationnel », Turbulences Vidéo #44, , p. 69-74
  6. Pascale Weber, « Espace et situations artistiques », Turbulences Vidéo #44, , p. 61-65
  7. Gabriel Soucheyre, « "Portrait d'artiste" interview de Pascale Weber », Turbulences Vidéo #65,
  8. Valentine Cruse, « Retour aux sources… », Turbulences Vidéo#43, , p. 69
  9. Delphine Gigoux-Martin, « Pascale Weber, géographe du quotidien », L'Utopie domestique - Objet(s) de la rencontre (catalogue), Clermont-Ferrand, Un-Deux-Quatre, , P.76.
  10. Jan Laurens Siesling, "Le Syndic de Pascale Weber", in SuperPosition (catalogue), Limoges, Dans Mon Carré/La Pommerie,
  11. Lars Beacepew/Pascale Weber, Du festival comme espace de résistance, mars 2004; "Le commissaire-artiste : le nouveau deux en un, oct. 2004; D'inutilité publique, janvier 2005, Turbulences Vidéo, Clermont-Ferrand.
  12. Jean Delsaux, « Aux sources du droit », Droit et architecture - Reconsidérer les frontières disciplinaires, leurs interactions et leurs mutations, Patricia Signorile (dir.), collection inter-normes, Presses universitaires d’Aix-Marseille, décembre 2014.
  13. Arts & cultures, no 212, "L'art domestique, l'art de la rencontre" Interview de P. Weber par Cécile Jouanel, Un, Deux…Quatre Éditions, Clermont-Ferrand, 2004.
  14. Gilbert Pons, « L’inconformiste, quelques notes sur la démarche de Pascale Weber », Turbulences Vidéo #65,
  15. Pascale Weber et Jean Delsaux, Le complexe fraternel, St-Claud, Hors du Carré, , 63 p. (ISBN 978-2-9532371-0-8)
  16. Antonella Tufano, « A propos d' Immémorial », Turbulences Vidéo #65, .
  17. Marcin Sobieszczanski, « Déambulations dans Immémorial de Pascale Weber », Turbulences Vidéo #65, Octobre,
  18. Jean Delsaux, « Immémorial : les expériences de l’oubli », Archée-revue d'art en ligne : arts médiatiques & cyberculture, (lire en ligne).
  19. Rachida Triki, "Corps regardant/regardé", in La part du corps (catalogue exposition au Palais Kheireddine, 14 mai- 5 juin 2010), Tunis (www.triki.org/rachida)

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