Nikolaï Iejov

Nikolaï Ivanovitch Iejov (en russe : Николай Иванович Ежов, prononciation de Nikolaï Iejov : API : /nʲɪkɐˈlaj jɪˈʐof/), né le 19 avril 1895 ( dans le calendrier grégorien) à Saint-Pétersbourg, capitale de l'Empire russe, et mort fusillé le à Moscou, est un policier et homme politique soviétique.

Pour les articles homonymes, voir Iejov.

Chef suprême du NKVD de à , il est le principal artisan de la mise en œuvre des Grandes Purges staliniennes au cours desquelles plus de 750 000 personnes furent exécutées.

Biographie

Issu d'une famille pauvre, sans instruction[1], Iejov commence à travailler comme ouvrier à partir de 14 ans, d'abord comme tailleur, puis embauché chez Poutilov à Saint-Pétersbourg comme apprenti fourreur. Il adhère au parti bolchévique après 1917.

Jusqu'à la fin des années 1920, il est permanent du Parti dans le Kazakhstan. Son ascension débute en 1929 et il accède rapidement au sommet de la hiérarchie communiste : vice-commissaire du peuple à l'Agriculture, il est chargé l'année suivante de l'organisation interne du parti. Il gère en effet les sections des cadres et les affectations du Comité central, fonction qui lui donne pouvoir et surtout influence sur l'appareil. Staline commence dès cette époque à veiller sur lui[2].

Type accompli de l’apparatchik inconditionnellement fidèle à Staline, soutenu par Lazare Kaganovitch[3], Iejov est membre du Comité central en 1934. Il dirige ensuite la section du Comité central chargée de l'industrie avant d'être élu à la commission exécutive du Komintern.

Nommé vice-président de la Commission centrale de contrôle, il dirige à ce poste l'activité du NKVD (le commissariat du peuple aux Affaires intérieures, la police politique de l'Union soviétique). En 1936, il remplace Guenrikh Iagoda au poste de commissaire du peuple à l'Intérieur où il poursuit et accentue les purges entreprises par son prédécesseur, d'où le nom « Iejovtchina » qu'on donne à cette « Grande Terreur », qui gagne en intensité jusqu'à l'assassinat d'une balle dans la tête d'au moins 750 000 personnes (soit environ un citoyen soviétique sur 200) pour atteindre les quotas d'« ennemis du peuple » fixés par villes ou régions : « parasites », « saboteurs », « opportunistes », « koulaks », « trafiquants », « réfractaires », « déserteurs », « éléments tièdes » ou « contre-révolutionnaires », « propagandistes religieux », « espions » et autres « agents de l'impérialisme »[4].

Chef suprême de la police politique durant deux ans  du au  , Iejov est à ce titre le principal exécutant des Grandes Purges décidées par Joseph Staline. Ainsi, sur ordre du GenSek, il monte en 1937 un dossier d'accusation contre le chef de l'Armée rouge, Mikhaïl Toukhatchevski. Toujours sur ordre de Staline, il fait fusiller son prédécesseur Guenrikh Iagoda en 1938 après l'avoir fait arrêter en de l'année précédente.

Sur un plan plus personnel, il est décrit diversement comme un alcoolique, prédateur sexuel appréciant les orgies avec des « camarades secrétaires » des deux sexes, et avec une tendance prononcée pour le sadisme, bien que périodiquement dépressif[5],[6]. Il assiste fréquemment aux exécutions et prend part personnellement aux séances de torture des accusés les plus connus.

Lorsque Staline décide d'arrêter les « Grandes Purges », il lui faut un prétexte. Il se retourne alors contre Iejov, accusé d'avoir laissé infiltrer le NKVD par des agents étrangers, qui auraient ordonné le massacre de citoyens respectables. Iejov frappe alors dans ses propres rangs, « purgeant » environ 14 000 tchékistes. Sentant que le vent tourne, plusieurs hauts gradés du NKVD se désolidarisent de Iejov, fragilisant dangereusement sa position[7].

En effet la position du chef du NKVD ne tarde pas à se dégrader : il est à son tour démis de ses fonctions en . Il est remplacé par Lavrenti Beria, son second, et mis à l'écart du milieu policier. Nommé commissaire du peuple aux Transports maritimes et fluviaux, il ne peut exercer longtemps ses nouvelles fonctions car il sombre dans la dépression et l'alcoolisme. Arrêté en 1939, Iejov, lors de son procès, reconnaît comme crime la « purge » des 14 000 tchékistes, ce qui lui vaut d'être rapidement fusillé, en , dans sa prison, sur ordre de Staline et de Lavrenti Beria.

Surnommé « le nabot sanguinaire »[8]  il mesurait 1,57 m , Iejov a été liquidé pour lui faire endosser seul la responsabilité de la terreur et des purges, laissant ainsi croire que Staline, « pas mis au courant », aurait été trahi. Iejov passe ainsi, comme beaucoup d'autres, du statut de « camarade de confiance » à celui d'« ennemi du peuple ». Ses derniers mots ont été pour l'homme dont il s'était fait la marionnette : « Dites à Staline que je meurs avec son nom sur mes lèvres[9]. ».

Vie familiale

Iejov se marie une première fois en 1919 avec la marxiste Antonia Titova, dont il divorce en 1930. Il se remarie la même année avec Evguénia Feigenburg (Khayoutina-Iejova)[10] ; ils restent mariés jusqu'au suicide de cette dernière en 1938. Iejov et Feigenburg ont eu une fille adoptive, Natalia, recueillie dans un orphelinat[11]. Après la mort de Iejov, Natalia a été envoyée en orphelinat et le nom Iejov a été supprimé de son état-civil. Elle a été ensuite connue sous le nom de Natalia Khayoutina.

En 1998, Natalia Khayoutina a tenté d'obtenir une révision du procès de son père adoptif, en vue d’une réhabilitation. L'accusation a rejeté celle-ci en raison de dommages graves causés au pays des suites de l'activité de Iejov, ce qui a été approuvé par le collège militaire de la Cour suprême (de la Fédération de Russie) le [12].

Photographies

Notes et références

  1. Dans le questionnaire qu'il dut remplir après son arrestation, en 1939, pour la rubrique « Degré d'instruction », il indiqua « école primaire inachevée » (Oleg Khlevniouk, Le Cercle du Kremlin, p. 214, Le Seuil, 1996).
  2. Montefiore, la Cour du tsar rouge, t. I, p. 141.
  3. Nikolaï Iejov, l'artisan des purges staliennes
  4. Le livre L'Archipel du Goulag détaille les types d'accusations et les articles de lois concernés, mais outre que les accusés n'avaient pas de défenseur (à l'exception des célébrités, quoique l'avocat faisait alors cause commune avec le procureur), la plupart étaient déportés sans être jugés.
  5. (es) Álvaro Lozano Cutanda, Stalin, el tirano rojo, Ediciones Nowtilus S.L., 22 févr. 2012, p. 138
  6. (en) Robert Service, Stalin: A Biography, Pan Macmillan, 4 sept. 2008 (736 pages), p. 281
  7. Sur cet épisode, voir le chapitre « Sortir de la Grande Terreur » in Nicolas Werth, L'Ivrogne et la marchande de fleurs : Autopsie d'un meurtre de masse, 1937-1938, pp. 291-314.
  8. Alain Frèrejean, Les procès staliniens, Nouveau Monde Editions, , 336 p., Livre numérique (ISBN 9782369425908)
  9. Werth 2009, p. 312.
  10. (ru) Roman inconnu de Mikhaïl Cholokhov, par Aleksei Pavlukov, Ogoniok. Evguénia Khayoutina-Iejova a été amie puis amie intime de plusieurs écrivains soviétiques, dont Mikhaïl Cholokhov.
  11. Ses parents auraient été éliminés au cours d’une purge due à Iejov.
  12. Jansen et Petrov 2002, p. 190.

Voir aussi

Bibliographie

  • Collectif, Le Livre noir du communisme: Crimes, terreur, répression, Collection Bouquins, Éditions Robert Laffont, 1997.
  • Jean-Jacques Marie, Staline, Fayard, 2001.
  • Simon Sebag Montefiore (trad. Florence La Bruyère et Antonina Roubichou-Stretz), Staline : La Cour du tsar rouge, vol. I. 1929-1941, Perrin, , 723 p. (ISBN 978-2-262-03434-4). 
  • (en) Marc Jansen et Nikita Petrov, Stalin’s Loyal Executioner : People’s Commissar Nikolai Ezhov, 1895-1940, Hoover Institution Press, , 274 p. (ISBN 978-0-8179-2902-2, lire en ligne).
  • Nicolas Werth, L'Ivrogne et la Marchande de fleurs : Autopsie d'un meurtre de masse, 1937-1938, Paris, Éditions Tallandier, .
  • Alexeï Pavlioukov, Le fonctionnaire de la grande terreur : Nikolaï Iejov, NRF Essais, Gallimard, 2017.

Articles connexes

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