Minorité dominante

Une minorité dominante est un sous-ensemble minoritaire d'une population qui détient un pouvoir prédominant et disproportionné : financier, commercial, politique, médiatique… Dans l'histoire, y compris certaines situations contemporaines, il peut s'agir d'une minorité d'aristocrates, de gros propriétaires de terres ou de troupeaux, de mines, de maisons de commerce, de caravanes, de navires, de banques et/ou d'esclaves.

Une minorité dominante peut aussi être un groupe ethnique défini par une nationalité, une religion, une « race », une culture, un groupe social ou tout cela à la fois, détenant un pouvoir disproportionné dans un pays ou une région[1]. Enfin, et c'est très présent , nombre de domaines sont dominés par une .

La minorité dominante peut être une élite étrangère lorsqu'elle est issue d'une immigration conquérante, comme dans le cas des Celtes (terme signifiant « les meilleurs »)[2] arrivés en Europe occidentale au VIe siècle av. J.-C.[3], mais aussi être d'origine endogène, comme dans les cas des « élites », souvent auto-proclamées et fonctionnant par cooptation, comme dans les cas des bureaucraties des pays socialistes[4] et des classes favorisées de l'Occident contemporain[5].

Problématique

Dans la République de Platon, l’auteur expose le concept d’« élite » en tant que minorité dominante éclairée, qui s’oppose à la pensée démocratique et aux concepts d’égalité de tous, au motif que pour donner son avis et participer à la vie publique, il faut être initié à la philosophie politique. Toutefois, pour Gaetano Mosca, « le pouvoir est toujours exercé par une minorité organisée » et « il n'y a point de démocratie même dans les régimes qui se disent démocratiques », « Gaetano Mosca et la théorie de la classe politique » dans Revue Française d'Histoire des Idées Politiques n°22, 2/2005 - Cairn Info, désignant d'ailleurs ces diverses minorités dominantes par les termes de classe politique ou de classe dirigeante[5]. Ainsi pour Mosca mais aussi pour Vilfredo Pareto, « quelle que soit la nature du régime politique, il y a toujours une élite, une minorité qui gouverne tandis que la masse de la population est gouvernée. Toutes les sociétés voient ainsi s’établir un partage inégale des richesses, du pouvoir et du prestige; ceux qui concentrent ces privilèges entre leurs mains sont l’élite »[6].

Cette concentration de richesses économiques mais aussi culturelles aux mains d'une élite peut parfois de facto ou de jure se concentrer au profit d’un groupe ethnique en raison d’un héritage historique particulier (conquêtes territoriales, colonisation). Ainsi, en Union de l'Afrique du Sud puis en République d'Afrique du Sud, le South Africa Act et les constitutions suivantes ont accordé institutionnellement aux Blancs d'Afrique du Sud une position dominante par rapport aux autres groupes de population dont les noirs, démographiquement majoritaires. Cette position institutionnelle garantissant une place prédominante (politique, économique et culturelle) à une minorité « raciale » résultait de l'histoire des quatre colonies constitutives du nouvel État, une position qui fut d'ailleurs renforcée par la mise en œuvre de l'apartheid (1948-1991). En Rhodésie du Sud, la colonisation plaça également les populations de souche européenne en situation de domination politique, économique et sociale jusqu'à la création du Zimbabwe en 1980. Si la minorité blanche perd le pouvoir politique à cette occasion, elle conserve encore durant de nombreuses années une prédominance économique en raison du rôle de ses membres au sein de l'industrie céréalière.

D'une manière générale, quel que soit le contexte et sans se limiter aux cas coloniaux ou post coloniaux, une minorité organisée et économiquement prospère peut apparaitre ou être en position de domination politique, économique et culturelle par rapport au reste de la population (Blancs créoles en Martinique[7], Tutsis au Rwanda et au Burundi, populations de souche européenne au Brésil, en Colombie ou Jamaïque mais aussi « nomenklatura », « princes rouges » et leur descendance dans l’ex-bloc de l'Est et en Chine)[8].

Le maintien de la position dominante d’une élite face à la population politiquement et économiquement dominée ne peut perdurer sans que cette dernière soit maintenue dans l’ignorance et/ou la crainte. L’éducation de la majorité dominée permet une réflexion éclairée et encourage le désir soit d’intégration à l’élite lorsque celle-ci est ouvre ses rangs[9], soit d’émancipation par l’abolition des privilèges de l’élite, lorsque celle-ci refuse les concessions[10]. La minorité peut avoir tendance à recourir à la violence légale (armée, forces de police, police politique) ou illégale (intimidation et violence politique contre des candidats indépendants en Colombie, escadrons de la mort comme durant la guerre civile au Salvador, junte militaire birmane). L’exclusion politique de la majorité, qu’elle soit démographique ou sociale, peut conduire à des phénomènes de protestations quasi-insurrectionnels (Tea Party, Intifadas), insurrectionnels ou révolutionnaires contre l’élite dominante (Révolution française, Révolution de 1917 en Russie), à la dislocation d’États (Autriche-Hongrie, URSS, Yougoslavie), ou encore à la chute d'empires coloniaux (avec expulsion des colons dans de nombreux cas : Empire des Indes, Algérie, Zimbabwe).

Au-delà des minorités ethniques ou économiques dominantes, la sociologie des élites politiques, médiatiques et intellectuelles participe à alimenter un discours anti-élite, proportionnel à la tendance de celle-ci à fonctionner en circuit fermé (par exemple via la transmission des valeurs enseignées utilisées comme instrument de domination)[11].

Dans certains cas, les termes de lobbys pourront être évoqués par les opposants à ces minorités, qu'elles soient ou ne soient pas dominantes[12],[13].

Exemples ethniques ou confessionnels passés ou présents

Les exemples les plus fréquemment citées de minorités qui ont pu avoir un pouvoir économique d'influence dans une société, sans avoir de domination politique, sont notamment les Indiens au Kenya, en Ouganda, en Tanzanie et au Malawi, et la diaspora chinoise en Indonésie et en Malaisie.

Notes et références

  1. En Grèce antique, quatre termes définissaient les groupes humains : γένος / genos signifiant « clan dominant, noble », λάος / laos signifiant « peuple assemblé, foule », δῆμος / dêmos signifiant « peuple du lieu, citoyens » et ἔθνος / éthnos signifiant « gens de même origine » : les grandes familles patriciennes (genos) constituaient initialement les minorités dominantes, tels les mythiques Atrides d'Homère. Lire Gilles Ferréol (dir.), Dictionnaire de sociologie, Armand Colin, Paris 2010, (ISBN 9782200244293).
  2. John T. Koch, Celtic Culture: a historical encyclopedia, ABC-Clio, Santa-Barbara, Californie 2005 , (ISBN 978-1-85109-440-0)
  3. Barry Cunliffe, The Celts, a very short introduction, Oxford University Press 2003, p.109, (ISBN 0-19-280418-9)
  4. Mikhaïl Voslenski, La Nomenklatura : les privilégiés en URSS, Belfond, et Mikhaïl Voslenski (trad. Michel Secinski et Pierre Lorrain), Les Nouveaux Secrets de la nomenklatura, Paris, Plon, (1re éd. 1989), 453 p. (ISBN 2-259-18093-0)
  5. , « Gaetano Mosca et la théorie de la classe politique » dans Revue Française d'Histoire des Idées Politiques n°22, 2/2005 - Cairn Info
  6. Le concept d'élites. Approches historiographiques et méthodologiques, Frédérique Leferme-Falguieres, Vanessa Van Renterghem, Hypothèses 2000, 2001, p.57-67
  7. Édith Kováts-Beaudoux, Les Blancs Créoles de la Martinique. Une minorité dominante, Paris, L’Harmattan, 2002
  8. Jadwiga Staniszkis, (pl) Postkomunizm : próba opisu (« Le post-communisme : essai descriptif »), ed. „Słowo/Obraz Terytoria”, Gdańsk 2001, (ISBN 83-88560-15-8)
  9. Dominique Schnapper, Qu’est-ce que l’intégration ?, 2007
  10. Wolfdietrich Schmied-Kowarzik Karl Marx as a Philosopher of Human Emancipation, traduit en anglais par Dylan C. Stewart
  11. La « bonne » culture n’existe pas, Médiaculture, 8 novembre 2012
  12. Le lobby arménien aux États-Unis, La vie des Idées, 10 juillet 2015
  13. L'histoire du Québec est trop peu enseignée, défend une étude, Radio Canada, 2011

Bibliographie

  • Barzilai, Gad. Communities and Law: Politics and Cultures of Legal Identities (Ann Arbor: University of Michigan Press, 2003). (ISBN 978-0-472-03079-8)
  • Gibson, Richard. African Liberation Movements: Contemporary Struggles against White Minority Rule (Institute of Race Relations: Oxford University Press, London, 1972). (ISBN 0-19-218402-4)
  • Russell, Margo and Martin. Afrikaners of the Kalahari: White Minority in a Black State ( Cambridge University Press, Cambridge, 1979). (ISBN 0-521-21897-7)
  • Johnson, Howard and Watson, Karl (eds.). The white minority in the Caribbean (Wiener Publishing, Princeton, NJ, 1998). (ISBN 976-8123-10-9), 1558761616
  • Chua, Amy. World on Fire: How Exporting Free Market Democracy Breeds Ethnic Hatred and Global Instability (Doubleday, New York, 2003). (ISBN 0-385-50302-4)
  • Haviland, William. Cultural Anthropology. (Vermont: Harcourt Brace Jovanovich College Publishers, 1993). p. 250-252.

Voir Aussi

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