Masha Brouskina

Masha Brouskina (en biélorusse : Марыя Барысаўна Брускіна, Maria Baryssawna Brouskina ; en russe : Мария Борисовна Брускина, Maria Borissovna Brouskina), née en 1924, est, pendant la Seconde Guerre mondiale, une résistante soviétique biélorusse d'origine juive, pendue à l'âge de 17 ans, le .

Masha Brouskina

Марыя Барысаўна Брускіна

Nom de naissance Maria Borisovna Brouskina
Naissance
Minsk, Biélorussie
Décès
Minsk
Nationalité Soviétique
Pays de résidence URSS
Diplôme
Activité principale
Résistante

Éléments biographiques

Fille de Lia Moïseyevna Bougakova et de Boris Davidovitch Brouskine, Masha Brouskina est née à Minsk en 1924. Elle fait des études d'infirmière à l'école no 28 de Minsk : élève brillante, elle en sort diplômée en . Le la Wehrmacht occupe la Biélorussie, et en juillet, elle et sa mère Lia sont enfermées dans le ghetto de Minsk (où Lia mourra fin ). Masha ne tarde pas à s'évader, s'éclaircit les cheveux et se porte volontaire en tant qu'infirmière à l'hôpital de l'Institut polytechnique, mis en place pour regrouper les blessés de l'Armée rouge capturés par la Wehrmacht. Là, elle intègre une des premières cellules de résistance. Son rôle au sein du groupe était de fournir des médicaments, des vêtements et de fausses identités aux prisonniers soviétiques afin de favoriser leur évasion vers les forêts avoisinantes. Le , elle et son groupe sont dénoncés par un officier de l'Armée rouge prisonnier : Boris Roudenko (qui sera jugé et condamné à mort pour trahison le ). Elle et ses onze camarades[1] d'infortune ne tardent pas à être arrêtés. Masha est incarcérée à la prison de Minsk où elle est sévèrement torturée. Après son arrestation, Masha Brouskina écrit une lettre à sa mère le  :

« Je suis tourmentée par la pensée que je t’ai causé de grands soucis. Pardonne moi. Rien de mauvais ne m’est arrivé. Je te jure que vous n’aurez pas de désagréments supplémentaires à cause de moi. Si tu peux, fais-moi parvenir ma robe, ma blouse verte, et des chaussettes blanches. Je veux partir d’ici en uniforme scolaire… »

 Masha Brouskina

Masha et ses deux camarades sont ensuite pendus, par des membres de la 707e division d'infanterie sous le commandement de Gustav Freiherr von Bechtolsheim (de) et du 2e « Schutzmannschaft Battalion » de troupes auxiliaires lituaniennes sous le commandement du major Antanas Impulevičius[2]. Par groupes de trois, les autres partisans sont amenés dans différents endroits de la ville, le et y sont pendus pour servir d'exemple et terroriser la population[3].

Son exécution

Un photographe lituanien, collaborant avec les Nazis, documenta chaque étape de l'exécution en tirant huit clichés. Ces photographies sont rendues publiques à la fin de la guerre et font le tour du monde[3],[4]. Masha et ses deux camarades sont conduits sur le lieu d'exécution[Notes 1] portant une pancarte en allemand et en russe affichant : « Nous sommes des partisans et avons tiré sur des soldats allemands »[5].

« Quand on la mit sur le tabouret, la « fille » tourna la tête vers le mur. Les bourreaux voulaient qu’elle tourne le visage vers la foule, mais elle se détournait toujours et restait ainsi. Peu importe combien de fois ils tentèrent de la tourner vers eux, elle tournait toujours le dos au groupe. Enfin, ils abandonnèrent et donnèrent un coup de pied dans le tabouret afin de le pousser sous elle. »

 Piotr Pavlovitch Borissenko [6].

Identification des suppliciés

Deux des pendus sont très vite identifiés : Volodia Chtcherbatsevitch (16 ans, dont la mère, Olga Chtcherbatsevitch, est pendue au même moment dans un autre endroit de la ville) et Kyril Trus (un vétéran de la première Guerre mondiale). Il faudra ensuite attendre une publication dans le Soir de Minsk (ru) (Вечерний Минск) en 1968 à la suite de l'enquête lancée par le réalisateur Lev Arkadyev (ru) pour que Masha Brouskina soit formellement identifiée par une vingtaine de personnes, dont son oncle, le sculpteur Zair Azgur (en)[7]. Durant cette enquête, on retrouve la trace de son père Boris Davidovitch Brouskine à Moscou, traumatisé depuis qu'il a vu sa fille être pendue devant ses yeux et son corps exposé pendant dix jours en guise d'avertissement pour les autres partisans. Il meurt au début des années 1970 dans un hôpital psychiatrique à Moscou : jamais il n'a cessé de parler de sa fille Masha, tuée par les Allemands[7].

Occultations et revendications posthumes

Dès que la jeune suppliciée Masha Brouskina fut identifiée, elle devint un enjeu mémoriel entre les mémorialistes de la Shoah qui la revendiquèrent comme juive (son père étant un juif soviétique) et la relièrent aux partisans juifs, et les mémorialistes soviétiques et communistes qui, eux, se référaient au modèle d'« héroïne de la Grande Guerre patriotique » Zoïa Kosmodemianskaïa, modèle où l'ethnie et la religion n'avaient pas à apparaître, seul comptant le fait d'être « une ardente militante du Parti communiste de l'Union soviétique ». Du fait de cette controverse, son identité ne fut pas révélée au grand public par les autorités soviétiques, qui refusèrent de modifier la liste des noms sur la stèle commémorative des pendus de Minsk, et c'est seulement en 2008 que le nom de Masha Brouskina fut officiellement inclus dans la liste[3].

Selon Anita Walke (2015) les réticences soviétiques proviendraient de l'intention soviétique (réelle) d'inclure les « partisans juifs » dans les « partisans soviétiques » en popularisant l'image des Juifs se laissant conduire à l'abattoir (véhiculée en URSS à partir de 1948, selon l'historiographie nationaliste). Les historiens David Marples, Nechama Tec et Daniel Weiss allèrent bien plus loin en accusant les autorités soviétiques d'antisémitisme[8] : elles auraient caché le nom de la jeune fille en raison de sa judéité[9] (bien que Brouskin ne soit pas spécifiquement juif). Après la dislocation de l'URSS et la disparition du pouvoir absolu du Parti communiste de l'Union soviétique les recherches historiques et les initiatives personnelles aboutirent en 2008 à l'apposition d'une plaque commémorative à Minsk sur les lieux de son exécution, à la suite des multiples insistances de ses proches, dont son amie Elena Drapkina, et d'érudits locaux. De ce fait, à Minsk, il y a désormais deux plaques commémoratives séparées : l'une pour les pendus de Minsk sans Masha, et l'autre pour Mascha Brouskina encadrée par Volodia Chtcherbatsevitch et Kyril Trus.

Devoir de mémoire

Mémoriaux

Bibliographie

  • (en) L. Egaire Humphrey, Masha Bruskina, Claud Press, , 148 p. (ISBN 978-613-7-07098-7)
  • (en) Nechama Tec et Daniel Weiss, A historical injustice: The case of Masha Bruskina, Holocaust and genocide studies, 11:3 (winter 1997): 366-77.

Articles connexes

Liens externes

Notes

  1. en face de l'établissement « Minsk Kristall », une brasserie et une distillerie rue Nijne-Liahovskaïa (15, rue Oktiabrskaïa de nos jours)
  2. In memory of Masha Bruskina and all the jewish women who died in the fight against Nazism

Références

  1. (en) Anika Walke, Pioneers and Partisans : An Oral History of Nazi Genocide in Belorussia, Oxford University Press, , 344 p. (ISBN 978-0-19-933554-1, lire en ligne)
  2. (en)USA v KAZYS CIURINSKAS
  3. (en) Irina Mukhina, Bernard A. Cook (dir.), Women and War : A Historical Encyclopedia from Antiquity to the Present, ABC-CLIO, , 741 p. (ISBN 978-1-85109-770-8, lire en ligne), p. 88-89
  4. Daniel Girardin et Christian Pirker, Controverses : une histoire juridique et éthique de la photographie, Arles/Lausanne, Actes Sud, , 319 p. (ISBN 978-2-7427-7432-6), p. 108 et sq.
  5. (en) David Marples, Our Glorious Past : Lukashenka's Belarus and the Great Patriotic War, vol. 124, Columbia University Press, , 400 p. (ISBN 978-3-8382-6674-9, lire en ligne), p. 94 et sq.
  6. Spartacus Educational : Maria Bruskina « Copie archivée » (version du 26 août 2005 sur l'Internet Archive)
  7. (en) Judith Miller, One By One By One, Simon and Schuster, , 320 p. (ISBN 978-1-4516-8463-6, lire en ligne)
  8. « A Historical Injustice: The Case of Masha Bruskina », (Holocaust Genocide Studies 1997, 11:3)
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