Littérature punk

La contre-culture punk rock a eu sa propre presse underground sous la forme de zines punk, c'est-à-dire de magazines imprimés, produits indépendamment et distribués à petite échelle.

Il n'y a plus grand-chose à dire sur la musique, les vêtements, l'indignation des médias et les concerts légendaires, mais l'expression graphique du punk a reçu moins d'attention de la part des critiques.

On pourrait citer deux volumes parus en 2006: Punk: An Aesthetic (Rizzoli) édité par Johan Kugelberg et Jon Savage, et The Art of Punk (Omnibus Press/Voyageur Press) par Russ Bestley et Alex Ogg.

Bien que le mouvement musical et social s'insurgeait contre l'autorité, le mouvement punk a tout de même donné lieu, durant les trente dernières années, à un grand nombre d'ouvrages consacrés respectivement aux histoires, aux réévaluations et aux récits de témoins oculaires[1] .

L'éthique du bricolage

L'éthos punk se résume en quatre mots: « créer ses propres règles »[2].

Ce type de slogan apparaît assez fréquemment dans les récits traitant du punk, tant dans les récits historiques que dans le contenu des fanzines et des paroles de chansons de l'époque. Dans l'introduction de l'Histoire orale du punk, John Robb décrit cette approche ainsi : « Le meilleur de tout cela, c'était que nous n'étions pas seulement des consommateurs passifs : nous en étions aussi propriétaires. Nous étions tous impliqués. Ce n'était pas seulement les groupes de stars qui imposaient les normes. Nous étions tous impliqués ! Chacun avait sa propre version du punk. Chacun décidait de ce qu'était le punk pour lui.»[3] » Les sensibilités esthétiques développées par le punk, ont abouti à une pratique que Jon Savage qualifiera de « désapprentissage volontaire » (‘deliberate unlearning’, Savage, 1991: 82, italique dans l'original)[4] Il s'agissait d'une tentative de dépouiller la musique de ses sons et de ses messages et d'éliminer toute prétention possible à un quelconque succès. Ce mode d'accès à l'art a créé un certain malaise, tant musical que visuel, dans le milieu bien-pensant de l'époque. Cette éthique du bricolage est centrale dans le punk, comme l'écrit Kugelberg (2012: 46), « L'héritage du punk est simple : la mise en œuvre immédiate de la culture de base D.I.Y... Pas de distance. Formez un groupe, lancez un blog, devenez un artiste, un DJ, un guitariste, un éditeur. »[5]. » Cette éthique du bricolage s'est manifestée de plusieurs façons. On la retrouve dans la musique et les concerts évidemment, mais c'est peut-être dans l'autopublication (qui a souvent pris la forme matérielle de fanzines) et l'utilisation de moyens de communication alternatifs qu'elle a été le plus clairement affirmée[2].

Grrrl zine

L'élan de Riot Grrrl a également été soutenu par une explosion de créativité dans des zines faits maison, copiés-collés, photocopiés, collés, qui couvraient une variété de sujets féministes, tentant souvent de faire ressortir les implications politiques d'expériences personnelles traumatiques dans un espace « privé public »[62]. Les zines témoignaient souvent d'expériences de sexisme, de problème de santé mentale, de troubles de l'image corporelle et de l'alimentation, d'abus sexuels, de racisme, de viol, de discrimination, de harcèlement, de violence domestique, d'inceste, d'homophobie et parfois de végétarisme[6] Les rédactrices du Grrrl zine se sont collectivement engagées dans des formes d'écriture qui remettaient en question à la fois les notions dominantes de l'auteur en tant qu'espace individualisé et sans corps et les notions du féminisme en tant que projet politique essentiellement adulte.[7].

Ces zines ont été archivés par zinewiki.com et Riot Grrrl Press, lancé à Washington DC en 1992 par Erika Reinstein & May Summer.

Poésie

La poétesse Patti Smith est un exemple emblématique d'engagement politique et d'écriture poétique, tout comme le poète John Cooper Clarke qui est lui aussi connu au-delà de la scène punk.

Kathy Acker

La poétesse, romancière, essayiste et militante féministe américaine, Kathy Acker (née en 1947 à Manhattan, New York) est également célébrée comme icône du punk. Les influences premières de Acker sont des écrivains et poètes américains (les poètes de Black Mountain, notamment Jackson Mac Low et William S. Burroughs), mais aussi le mouvement Fluxus.

À partir de 1979, Kathy Acker s'intéresse aux écrits de Georges Bataille, dans une perspective féministe et pro-sexe en lien étroit avec la culture punk. Sa référence la plus évidente à Bataille se trouve dans la reprise du titre Ma Mère : elle publie en 1994 My Mother, Démonology ?, avec un recours très fréquent à la scatologie et à l'obscénité. Le contenu de ce livre se rapproche de l'écriture de Bataille, en ce sens qu'il fait « un usage, extrême, excessif, excédant, de la littérature. » [8]

Dans In Memoriam to Identity, Acker attire l'attention sur des analyses populaires de la vie d'Arthur Rimbaud et du roman Le Bruit et la Fureur, qui construisent ou révèlent une identité sociale et littéraire. Bien qu'elle soit connue dans le monde littéraire pour avoir créé un style de prose féministe tout à fait nouveau et pour ses fictions transgressives, elle est également une icône punk et féministe de par ses représentations dévouées aux cultures minoritaires, aux femmes de caractère, et à la violence.

Roman

Au début des années 90, Virginie Despentes rejoint un squat parisien et mène une vie de chef de bande, de manifestations et de violence. Son premier manuscrit (qui donnera le roman Baise-moi) circule sous forme de copies dans le milieu post-punk. Il a été refusé par neuf maisons d'édition et même par des libraires qui proposent des ouvrages en dépôt. Son style trash déplait et effraie les professionnels. En 1994, Florent Massot[9] un éditeur d'albums rares qui témoignent de la contre-culture des banlieues, prend le risque de publier pour la première fois ce roman, à mille, puis à deux mille exemplaires. La diffusion ne dépasse pas dans un premier temps le réseau underground du rock alternatif, des fanzines, des squats. En décembre 1995, Baise-moi va pourtant se vendre à des centaines de milliers d'exemplaires.[9],

En 1995, elle rencontre Ann Scott, autre aspirante écrivaine qui n'est pas encore publiée et qui emménage chez elle. Les deux jeunes femmes se soutiennent dans leurs ambitions littéraires. Elles fréquentent le milieu lesbien et transgenre de la discothèque Le Pulp — et la disc jockey de cette boîte de nuit, Sextoy, qui aura alors une liaison avec Ann Scott. Les deux jeunes femmes cohabitent pendant six mois durant lesquels Ann Scott travaille à son troisième roman qui deviendra Asphyxie, tandis que Virginie Despentes écrit Les Chiennes savantes, sa deuxième publication[10].Asphyxie paraît en 1996 et retrace le quotidien d’un groupe punk américain en tournée en Europe, s’inspirant des parcours de Nirvana et des Sex Pistols.

Virginie Despentes, 2015 - Prix Landerneau Découvertes et Roman

Début 2000, Virginie Despentes, désormais reconnue, traduit au Diable Vauvert deux textes : Plastic Jesus de Poppy Z. Brite et Mort aux Ramones (Poison Heart: Surviving the Ramones), autobiographie de Dee Dee Ramone, un ancien membre du groupe Ramones. Le groupe de rock Placebo la sollicite en 2003 pour traduire en français un titre de leur album Sleeping with Ghosts : Protect Me from What I Want, qui devient Protège-moi.

En 2006, Virginie Despentes aborde le genre proprement autobiographique et publie un essai, King Kong Théorie. L'œuvre est présentée comme un « manifeste pour un nouveau féminisme », il connait une certaine popularité dans le milieu féministe (punk, blogueuses, podcasteuses, militantes).

Musique

De nombreux poètes punk sont également musiciens, notamment Richard Hell, Jim Carroll, Patti Smith, John Cooper Clarke, Nick Toczek, Raegan Butcher et Attila the Stockbroker. Les œuvres autobiographiques de Carroll sont parmi les premiers exemples connus de littérature punk. Les Medway Poets, un groupe anglais de poésie punk fondé en 1979, comprenait le musicien punk Billy Childish. On dit qu'ils auraient influencé les œuvres de Tracey Emin, qui les fréquentait durant son adolescence. Les membres du groupe Medway Poets ont ensuite formé le groupe artistique Stuckists. La description que fait Charles Thomson d'un de leurs spectacles démontre bien comment ils s'écartent d'une lecture traditionnelle de poésie : « Bill Lewis sautait sur une chaise, levait ses bras en l'air (au moins une fois en se cognant la tête au plafond) et faisait semblant d'être Jésus. Billy pulvérisait ses poèmes sur quiconque s'approchait trop près de lui et buvait du whisky à l'excès. Miriam a parlé de son vagin au monde entier. Rob et moi avons fait une performance commune en nous faisant passer, sans trop de difficultés, pour des écrivains dérangés et égocentriques. Sexton nous a finalement présenté sa petite amie, Mildred, qui s'est avérée être une perruque sur une liasse de journaux au bout d'un tuyau de fer[11]. » Inspirée par le poète punk John Cooper Clarke et le poète dub Linton Kwesi Johnson, la scène de la poésie déclamée s'est développée au début des années 1980, avec des artistes tels que "Seething" Wells[12] Joolz, Attila the Stockbroker, Porky the Poet,[13], "Teething" Wells[14], et Garry Johnson. Des poètes déclamant leurs textes assuraient souvent la première partie des concerts de punk/new wave et certains ont ensuite sorti leurs propres disques[15] ou sont apparus sur des compilations punk[16].

L'édition

Les progrès accomplis dans le domaine de la xérographie contribuent à l'essor de ces publications dans la sphère publique dès le début des années 1950, notamment aux États-Unis, permettant à la contre-culture de se populariser à travers la BD, le polar, la poésie… Dans la foulée de mai 1968, le phénomène est adopté en France pour diffuser une expression politique et revendicative de tout horizon (féministes, écolo, étudiants, anarchistes, etc.). À la fin des années 1970, le fanzine devient l'un des médias fétiches du mouvement punk, notamment dans le domaine de la musique et des arts plastiques. On parle alors de « graff'zines », autrement dit, des fanzines graphiques (Bazooka, Le Dernier Cri, Bongoût pour les plus représentatifs) aux ambitions artistiques affichées, généralement réalisés par des étudiants en école d'art. Depuis 1981, le Festival international de la bande dessinée d'Angoulême récompense chaque année les meilleurs fanzines.

De nombreuses scènes punk régionales ont eu au moins un zine punk, qui présentait des nouvelles, des analyses sociales, des critiques musicales et des interviews de groupes punk rock. Parmi les zines punk notables, citons Maximum Rock and Roll, Punk Planet, Cometbus, Girl Germs, Kill Your Pet Puppy (en), J.D.s, Sniffin' Glue, Absolutely Zippo, Suburban Rebels et Punk Magazine. Parmi les journalistes et collaborateurs de magazines punk notables, citons Mykel Board, John Holmstrom, Robert Eggplant et Aaron Cometbus.

Listes d'écrivains

Notes et références

  1. (en) Rick Poynor, « The Art of Punk and the Punk Aesthetic »
  2. Beer, David. Punk Sociology. Basingstoke: Palgrave Macmillan, 2014. doi: 10.1057/9781137371218.0005.
  3. Robb, J. (2006) Punk Rock: An Oral History. London: Ebury Press. Ruppert, E., Law, J. and Savage, M. (eds) (2013) ‘The social life of methods,’ Theory, Culture & Society 30(4): 3–177.
  4. Savage, J. (1991) England’s Dreaming: Sex Pistols and Punk Rock. London: Faber and Faber.
  5. Kugelberg, J. (2012) ‘On punk: An aesthetic,’ in Kugelberg, J. and Savage, J. (eds) Punk: An Aesthetic. New York: Rizzoli. pp. 43–46.
  6. Tristan Taormino, Karen Green, Girls Guide to Taking Over the World: Writings From The Girl Zine Revolution, St. Martin's Press, 15 juill. 1997.
  7. Comstock, Michelle. Grrl Zine Networks: Re-Composing Spaces of Authority, Gender, and Culture. La Jolla: n.p., September 3, 2013. PDF.
  8. Patrick Bergeron dans Collectif Ernst Louette 2013, Modèle:P.272
  9. F. Aubenas, « Virginie Despentes, la fureur dans le sexe. [archive] », in Le Monde, Paris, 1er août 2015.
  10. « Virginie Despentes », sur Le Monde
  11. "1979" from "A Stuckist on Stuckism", Charles Thomson, 2004 Accessed April 9, 2006
  12. (en) « Steven wells journalist celebrated for his ranting poetry and iconoclastic pop-writing »
  13. "Profil de Phill Jupitus | Phill Jupitus | Dave Faces | Dave Channel". dave.uktv.co.uk. Consulté le 25 novembre 2018.
  14. "Kaiser Chiefs takeover: Anna Goodhall interviews poet Tim Wells". the Guardian. 2008-12-19. Retrieved 201
  15. http://www.45cat.com/record/radwall003
  16. "The Oi! of Sex - Various Artists | Songs, Reviews, Credits | AllMusic". AllMusic.

Articles connexes

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