Le Pompier

Le Pompier est une chanson du folklore étudiant français, introduite en 1885.

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Histoire de la chanson

Détail d'un tract diffusé au Quartier Latin en 1997 et 1998 avec le texte, la musique et l'historique du Pompier[1].
On entonne Le Pompier au Concours National des Fanfares des Beaux-Arts 1997 à Versailles. Au premier plan : les képis de la fanfare des Beaux-Arts Ted Lapeaulisse.
Au Concours National des Fanfares des Beaux-Arts 1997 à Versailles, le sculpteur et enseignant à l’École des Beaux-Arts Jean-François Duffau porte un casque de pompier.
Le Pompier dans la revue Au Quartier latin, organe de la cavalcade des étudiants pour la Mi-Carême à Paris 1894[2].

En 1885 l'élève angevin Defaye introduisit cette chanson à l'École des beaux-arts de Paris. Cela se passait lors d'un concours de construction à l'atelier d'architecture de Monsieur André. On ne connait ni l'auteur des paroles ni celui de la musique. On sait seulement qu'elle est d'origine angevine[réf. nécessaire]. Les paroles ont pour thème le casque de pompier, allusion à l'art dit « pompier » de la fin du XIXe siècle, c'est-à-dire académiques, contre lesquelles la peinture impressionniste et les mouvements qui ont suivi ont marqué une rupture. Selon certains chercheurs[Qui ?], il fallait chercher l'origine du culte du casque dans les tableaux de David et de ses élèves qui représentaient souvent des guerriers entièrement nus mais coiffés d'un casque qui se voulait antique, mais qui était très proche de celui des sapeurs-pompiers de la fin du XIXe siècle. Chantée par la voix tonitruante de l'architecte Plankaert à l'occasion d'un concours Rougevin[3], la chanson eut un tel succès qu'il fut décidé d'organiser un cortège de charrettes[4] décorées.

En 1889, ce cortège précédé de la fanfare des Beaux-Arts qui jouait Le Pompier, se rendit place du Panthéon où on fit un grand feu de joie. Devenue une tradition annuelle ce cortège et sa conclusion enflammée prirent le nom de La Balade du Rougevin. Avec le temps on finit par l'appeler Le Rougevin tout court. Chaque année les sapeurs-pompiers de Paris participaient à la conclusion de la fête, surveillant le feu pour éviter les accidents. Le Rougevin disparut en 1966 à la suite d'un accident mortel survenu lors de sa préparation, qui entraîna également l'interdiction du cortège par la police[5].

En 1891, Le Pompier eut un immense succès car les élèves de l'atelier Laloux eurent l'idée de promener pendant la Balade du Rougevin un gigantesque crocodile, œuvre de Binet et Mayeux.

Au Carnaval de Paris, le jeudi de la Mi-Carême, les nombreux et très populaires cortèges carnavalesques, essentiellement féminins, des Reines des lavoirs, sortirent fédérés en un grand cortège unique. Les élèves musiciens des Beaux-Arts jouant Le Pompier se joignirent aux chars des lavoirs, avec leur « char du lavoir des Beaux-Arts » sur lequel était perché le crocodile de Binet et Mayeux.

Cette participation était d'autant plus naturelle qu'à l'époque un bateau-lavoir était ancré dans la Seine, quai Malaquais devant l'École des Beaux-Arts. Son personnel féminin faisait rêver les élèves (ils étaient alors tous de sexe masculin ; c'est seulement six ans plus tard, en 1897, que pour la première fois, une femme fut admise à l'École des Beaux-Arts de Paris).

Le crocodile fit la joie du cortège des lavoirs et de tout Paris en fête massé sur le parcours. Un demi-million de personnes entendirent ce jour-là Le Pompier. Le « char du lavoir des Beaux-Arts » fut photographié et reçut une médaille d'or à cette occasion. Après la fête les facétieux étudiants « rendirent la liberté » au crocodile en le jetant dans la Seine.

Le crocodile a-t-il fini ainsi, comme le raconte en 1926 Jean-Paul Alaux dans son texte intitulé Historique de l'air du Pompier ? Un texte paraît en tous cas contredire le récit de la disparition de l'animal dans la Seine le jeudi de la Mi-Carême 1891. Il s'agit du compte-rendu de la fête parisienne de la Mi-Carême 1892 donné par Le Radical. On y lit[6] :

Le succès a été très grand et au contraire disons-le, très justifié, pour la mascarade de l'École des beaux-arts, venue vers les quatre heures et demie. Elle était très drôle et fort amusante cette mascarade, composée d'une centaine d'élèves, bizarrement, mais, est-il besoin de le dire, artistement costumés. Il paraît qu'elle a été organisée en vingt-quatre heures, ce qui est encore à l'actif des jeunes gens.
Il y avait là des nègres en péplum, des sauvages, des lutteurs, des turcos et des costumes qui n'ont aucun nom, mais qui étaient très joyeux ; à la tête du cortège se trouvaient douze cavaliers, montés sur des chevaux en cartons, dont la marche et la danse provoquaient le fou rire des spectateurs ; le célèbre crocodile, promené solennellement, est resté un instant devant la tribune pendant que les élèves formaient le monôme en rond en soufflant dans les bigophones.
Ce numéro, qui n'était pas sur le programme, a beaucoup amusé le public, qui n'a pas ménagé ses applaudissements.

Le « célèbre crocodile » est-il celui de l'année précédente ou un autre, fabriqué entre-temps ? Le Radical ne le précise pas.

En 1892 l'architecte Henri Guillaume Grand Massier de l'École des Beaux-Arts, partant de la constatation que toutes les écoles avaient leur bal excepté les Beaux-Arts, et aidé de quelques anciens (Lajoie, Leroy, Pellechet dit Toto, Cravio dit Gargouillet, Bigot, Fortier, etc.) organisa le premier Bal des Quat'z'Arts. Ce bal des architectes, peintres, graveurs et sculpteurs devint célèbre. Son exemple fut suivi par exemple à Bordeaux où existait également un Bal des Quat'z'Arts très apprécié (il est attesté dans les années 1930). La dernière édition parisienne du Bal des Quat'z'Arts remonte à 1966.

Au premier Bal des Quat'z'Arts était organisé un grand défilé allégorique et costumé où chaque atelier incarnait un thème différent. Pour jouer pendant ce défilé l'air du Pompier les instruments avaient été recrutés par Cravio. Tronchet fut chargé de diriger l'orchestre, composé des élèves musiciens de l'École des Beaux-Arts, entre autres Bigot qui jouait de la clarinette, et Chassaigne qui battait le tambour. Le Pompier fut accueilli triomphalement.

Ce fut la consécration définitive de cet air entraînant qui devint l'hymne des Beaux-Arts ! En 1894, Le Pompier était annoncé dans le programme du cortège de la Mi-Carême et dans le programme de la soirée des étudiants parisiens qui suivait. Dans le programme de cette soirée on lisait : « Audition de l'hymne du Pompier et des airs nationaux du quartier[7]. »

Trente-deux ans plus tard, en 1926, toutes les écoles du Quartier latin chantaient encore cette chanson. Dans les années 1950 c'était toujours l'hymne national des Beaux-Arts. La couverture d'un livret de chansons de l'École édité en 1950 a naturellement pour décoration l'image du casque de pompier[8]. Depuis la fin des années 1960 les étudiants en architecture des Beaux-Arts ont préservé la flamme du Pompier.

Le Pompier est certainement la plus importante et ancienne chanson étudiante française[réf. nécessaire] .Elle témoigne d'un lien affectif traditionnel entre deux communautés : les étudiants des Beaux-Arts et les sapeurs-pompiers de Paris[réf. nécessaire] . C'est en référence à ce lien qu'on voit au Concours National des Fanfares des Beaux-Arts (organisé tous les 4 ans par la Grande Masse des Beaux-Arts) certains membres du jury affublés de casques de pompiers d'origines et époques différentes. Dans les années 1980-1990 un authentique fourgon des sapeurs-pompiers de Paris invité avec son personnel en tenue participa même à l'ouverture du Concours.

Une truculente tradition des Beaux-Arts veut que Le Pompier se chante en partie dévêtu pour la circonstance, en se rhabillant immédiatement après, pantalon et caleçon baissé. La féminisation de l'école a amené à suggérer aux élèves filles de dénuder leur poitrine à cette occasion, à l'image des jeunes filles quémandant des colliers au Carnaval de la Nouvelle Orléans.[réf. nécessaire]

À Montréal (Canada) durant l'entre-deux guerres et après, l'usage de la chanson « le Pompier » est avéré également à l'École des Beaux-Arts de Montréal au moins pour le premier couplet.

En 1957 l'Académie Royale des Beaux-Arts de la Ville de Bruxelles reprend le chant « le Pompier » comme hymne du Cercle des étudiants de l'ACA, mais ne chantent que le premier couplet.

Aujourd'hui encore (2010) les ateliers de l'école des Beaux-Arts transférés à l'école d'architecture Paris Val-de-Seine chantent avec entrain le fameux « Pompier ».

Paroles

Trois photos du cortège des étudiants à la Mi-Carême 1894 à Paris.
Début du programme de la soirée de la Mi-Carême 1894 des étudiants parisiens. L'audition du Pompier en fait partie[7].
Refrain

Un casque est une coiffure
Qui sied à leur figure
Un casque de pompier
Ça fait presque guerrier
Ça leur donne des airs d'vainqueurs
Qui siéent pas mal à leur valeur
Sous ce casque brillant
Ils ont l'air épatant vraiment
Zim la boum la boum la la lère
Zim la boum la boum tra la la
Zim la boum la boum la la lère
Zim la boum la boum tra la la
La la la la la la


- 1 -

On dit quelquefois au village
Qu'un casque ça sert à rien du tout
Rien du tout,
Ça sert à donner du courage
À ceux qui n'en ont pas du tout,
Pas du tout,
De loin ça prend des airs fantasques
Et chacun dit en les voyant,
En les voyant,
Ah ç'qu'ils sont beaux avec leurs casques
Ça leur donne des p'tits airs épatants
Tant, tant, tant, tant.


- 2 -

On nous raconte dans l'histoire
Que les Romains et les Gaulois,
Les Gaulois,
Ces fils chéris de la victoire
Portaient des casques autrefois,
Autrefois,
Le casque est donc un héritage
De tous ces guerriers valeureux,
Oui valeureux,
Et si nous l'avons en partage
C'est que nous sommes des pompiers comme eux
Ah, ah, ah, ah.

- 3 -

Le jour zoù ç'qu'il y a la fête
Il endosse ses plus beaux habits,
Beaux habits,
Il met son casque sur la tête
Pour aller flâner dans l'pays,
Dans l'pays,
Puis à l'ombre de sa visière
Lorsqu'il rencontre un jeun'tendron,
Jeun'tendron,
Il lance une œillade incendiaire
Le pompier est tellement polisson,
Son, son, son, son.


- 4 -

On sait que chacun sur la terre
A son faible ou sa passion,
Sa passion,
Le pompier n'est qu'un militaire
Et fier de sa position,
Position,
S'il porte un casque sur la nuque
C'est pas pour faire des embarras,
Embarras,
C'est pour garantir sa perruque
Quand bien même il n'en aurait pas,
Ah, ah, ah, ah.


- 5 -

On dit qu'à la provinciale
Les vieux reviennent volontiers,
Volontiers,
Ils retrouvent à la générale
Toute l'ardeur de leurs cadets,
Leurs cadets,
Laissant au vestiaire leurs casques
Qui par moments seraient gênants,
Raient gênants,
De l'École ils refont les frasques
Car enfin ce n'est qu'une fois l'an,
Ah, ah, ah, ah.

Une version assez différente nomme la chanson Les Pompiers et indique pour auteur du 5e couplet P.Jaubert

L'édition faite en juin 1926 par Jean-Paul Alaux indique que l'air du Pompier fut harmonisé par Mademoiselle Jeanne Leleu, Prix de Rome, à la Villa Médicis.

Notes

  1. Rédigé et illustré par Basile Pachkoff ancien élève de l'École des Beaux-Arts. Ce tract a été notamment diffusé et affiché dans les ateliers de l'école d'architecture Paris-La Seine, rue Jacques Callot.
  2. Concernant Le Pompier, le texte se poursuit ainsi à la page suivante :
    Costumés par Stelmans, coiffés par Bérard de casques vertigineux, nos braves pompiers seront certainement – comme ils en ont l'habitude – les favoris de l'acclamation populaire. Ils avanceront gravement, en rangs profonds et serrés, avec la pompe inséparable d'un corps de pompiers.
  3. À cette époque, il y avait à l'École des Beaux-Arts selon son règlement:

    Art. 56. (extrait) — Il y a chaque année :
    1° Un concours d'ornement et d'ajustement, donnant lieu aux prix Rougevin ci-dessous mentionnés.
    Ce concours se fait en loge et dure sept jours.

    Art.87. — Le prix d'ornement et d'ajustement, institué par Auguste Rougevin, architecte, en mémoire de son fils feu Auguste Rougevin, élève de l'École des Beaux-Arts, consiste en deux sommes, l'une de 600 francs, l'autre de 400 francs, qui sont attribuées aux élèves classés les deux premiers dans le concours d'ornement et d'ajustement mentionné à l'article 56, sous la réserve que chacun de ces prix ne peut être obtenu qu'une fois.
    Source : Alexis Lemaistre, « L'École des Beaux-Arts dessinée et racontée », Firmin-Didot éditeur, Paris 1889, pages 371 et 392.
  4. Durant très longtemps et à cette époque, les maquettes, projets d'architectes, étaient transportées sur une charrette à bras. Ce qui a laissé dans l'argot des élèves architectes et architectes l'expression « j'ai charrette ». C'est-à-dire je suis débordé de travail en ce moment.
  5. Lors de la réalisation des chars sur les quais de Seine, avant de les amener au départ dans la Cour d'Honneur de l'École des Beaux-Arts, les constructeurs de chars avaient l'habitude de jeter en l'air de gigantesques pétards faits avec des tubes en carton remplis de poudre noire qui explosaient avec un grand bruit. Un des constructeurs, qui avait fait la guerre en Algérie et en était rentré traumatisé, réalisa un pétard en utilisant un tube métallique de chantier et fut mortellement blessé par un éclat de celui-ci.
  6. Le Radical, , p. 2, 2e colonne.
  7. L'Intransigeant, 2 mars 1894, p. 3, 2e colonne. Voir l'article de L'Intransigeant reproduit en entier sur la base Commons.
  8. Voir la couverture du recueil.

Sources

  • Historique de l'air du Pompier de Jean-Paul Alaux, texte de reproduit en 1987 dans le livret des 60 ans de la Grande Masse des Beaux-Arts.
  • Dossiers Actualités Carnaval de la Bibliothèque historique de la ville de Paris.
  • Microfilms de quotidiens parisiens de à la bibliothèque du Centre Pompidou.
  • Tract réalisé par Basile Pachkoff, diffusé au Quartier Latin en 1997 et 1998 avec le texte, la musique et l'historique du Pompier.
  • L'Adjudant Didier Rolland, dans la revue des sapeurs-pompiers de Paris Allo 18 publiée par l'ADOSSPP a consacré un article illustré à cette chanson (numéro 557 paru en ).

Articles connexes

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